La commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, s’est lancée dans un combat difficile contre la fraude fiscale des multinationales. Google, Amazone, Facebook… jouent avec de complexes montages financiers et bénéficient de la complicité active de plusieurs Etats européens. L’Irlande est devenue ainsi le porte-avions des firmes américaines. Une concurrence fiscale qui mine l’Europe.
La surprenante commissaire danoise Margrethe Vestager à précisé les avantages fiscaux indus, assimilables selon elle à des aides d’Etat, accordées par l’Irlande à Apple. Le géant informatique américain avait fait appel en août 2016 de la décision de Bruxelles lui imposant de rembourser 13 milliards d’euros d’avantages fiscaux pour la période 2003-2014. «De la foutaise politique», avait réagi le patron d’Apple Tim Cook.
L’Irlande : paradis fiscal
De son coté, l’Irlande ne fait rien pour récupérer ces milliards d’euros, malgré une décennie d’austérité budgétaire. Dublin a même fait appel de la décision de Bruxelles, prouvant ainsi qu’elle est un paradis fiscal, niché au cœur de l’Union européenne.
Les services de Magrethe Vestater soupçonnent la firme américaine d’enregistrer en Irlande des bénéfices réalisés en Europe, Afrique, Inde et Moyen-Orient. La firme s’arrange ensuite avec Dublin pour ne soumettre à l’impôt qu’une infime partie de ce montant via un accord fiscal (Rescrit).
Apple a commencé à transférer en Irlande le produit des droits tirés des brevets développés en Californie. Ensuite, grâce à des traités signés entre l’Irlande et certains pays européens, une partie des bénéfices d’Apple peuvent transiter sans impôt par les Pays bas.
Optimisation fiscale ?
Grâce à ce montage, le taux réel d’imposition d’Apple est tombé à 0,06% de 2009 à 2001 et même à 0,005% en 2014, «ce qui signifie moins de 50 euros d’impôts pour chaque million de bénéfices», souligne la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager.
La firme de Cupertino est à l’origine de cette technique qui consiste à réduire l’impôt en acheminant les bénéfices vers un paradis fiscal, par l’intermédiaire de filiales irlandaises et hollandaises.
On comprend qu’un millier d’entreprises étrangères ont choisi de s’installer dans la verte Irlande, devenue le porte-avions américain en Europe: Google, Twitter, Facebook, Dell, Intel.
Pour Dublin, l’enjeu est aussi de préserver son régime fiscal attractif. Les multinationales emploient aujourd’hui 10% de la population active irlandaise.
En outre, le système de téléchargement d’Apple est basé au Luxembourg. Dès qu’une transaction monétaire est effectuée pour télécharger un film, de la musique ou une application via ce système, la vente est enregistrée au Luxembourg où la fiscalité est très avantageuse.
L’Europe contre l’Europe
La Commission européenne mène également des investigations sur le statut très favorable accordé à McDonald et à Amazon au Luxembourg ou encore à Starbucks aux Pays-Bas.
Une directive européenne anti-évasion fiscale doit en principe être traduite dans les législations nationales avant la fin de 2018. Un pas important, mais les paradis fiscaux existent également aux portes de l’Union europenne. il suffit d’une simple boîte aux lettres dans le minuscule canton de Zoug, près de Zurich, pour diminuer très sensiblement ses impôts. La Suisse a ainsi attiré 24.000 sociétés internationales. Un combat de longue haleine en perspective.
Christine Lagarde reste directrice du FMI elle ne déposera pas de recours…
Déclarée coupable mais dispensée de peine par la Cour de justice de la République la juridiction d’exception, conçue pour épargner aux politiques les foudres de la justice ordinaire.
Le conseil d’administration du FMI, qui représente ses 189 Etats membres, n’a pas tardé à honorer ce bel exemple.
Il a fait savoir hier dans un communiqué qu’il « réaffirme sa pleine confiance dans la capacité de la directrice générale de continuer d’assumer ses fonctions efficacement . »
En partant, Manuel Valls a laissé un dossier brûlant à Bernard Cazeneuve et Jean-Jacques Urvoas. Photo Jacky Naegelen / Reuters
Un décret signé par l’ex-premier ministre la veille de son départ provoque la colère de la Cour de cassation qui craint pour son indépendance.
POLITIQUE – Il ne devait pas s’attendre à un tel dossier. En arrivant à Matignon, Bernard Cazeneuve va devoir assumer le dernier décret signé par son prédécesseur Manuel Valls. Il concerne l’autorité judiciaire et inquiète passablement la Cour de cassation. La plus haute juridiction du pays s’est émue de ce texte au point d’interpeller directement le nouveau premier ministre par une lettre relayée sur les réseaux sociaux.
Le premier président et le procureur général près la Cour de cassation demandent à être reçus en urgence par Bernard Cazeneuve pour obtenir des informations que le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas ne leur a pas donné après la publication du décret en date du 5 décembre.
De quoi s’agit-il? La Cour de cassation redoute une nouvelle brèche dans l’indépendance de la justice. Depuis 1958, un décret établit une inspection générale des services judiciaires qui contrôle les tribunaux et cours d’appel et a une fonction d’audit sur les tribunaux, cours d’appel et sur la Cour de cassation. Or, le nouveau décret signé par Manuel Valls et Jean-Jacques Urvoas ne fait plus de distinction entre les juridictions et fait entrer la Cour de cassation dans ce champ de compétence.
Une cassure depuis le début de l’état d’urgence
Les magistrats ne redoutent pas une emprise du pouvoir exécutif sur les décisions de justice mais ils pointent le souci symbolique causé par le décret. Jusqu’à présent, le contrôle de la Cour de Cassation est assuré par elle-même puisqu’elle fait une fois par an un rapport sur son fonctionnement à l’occasion de sa rentrée solennelle. La Cour des comptes peut aussi scruter l’organisation et le fonctionnement de l’institution judiciaire; mais il s’agit d’une instance indépendante pas d’un organe sous le contrôle direct du ministère de la Justice, donc du pouvoir exécutif.
Et quand on demande aux magistrats, s’ils soupçonnent une erreur administrative ou une volonté politique de reprendre la main, ils sont explicites. A la Cour de cassation, on note que depuis le début de l’état d’urgence en novembre 2015, le pouvoir exécutif n’a eu de cesse de grignoter ce fondement de l’état de droit qu’est l’indépendance de la justice. La décision de confier le contrôle de l’état d’urgence au Conseil d’Etat et non à la Cour de cassation a déjà créé beaucoup de remous.
Sans compter les déclarations de François Hollande dans son livre Un président ne devrait pas dire ça qui avait conduit le président de la République à recevoir les plus hauts magistrats du pays. Se sentant humiliés, les magistrats de la Cour de cassation avaient conduit le chef de l’Etat à adresser une lettre d’excuses à tous les juges.
Des Algériens ont été utilisés comme cobayes pendant l’essai nucléaire français en Algérie.
René Vautier est mort le 4 janvier 2015. ?Résistant à 15 ans, il fut, avec pour seule arme sa caméra, engagé sa vie durant contre le colonialisme et les injustices ; emprisonné dès son premier film à 21 ans ; censuré comme nul autre réalisateur français ne le fut. Lui qui avait des liens si forts avec l’Algérie s’était fait l’écho d’un témoignage terrible. Il était surtout intervenu auprès d’amis algériens
Cela se passe au Centre saharien d’expérimentation militaire situé à Reggane, à 700 km au sud de Colomb Bechar. Les tirs sont effectués à Hamoudia, à une cinquantaine de km au sud-ouest de Reggane. Le 1er avril 1960 a lieu le second essai nucléaire français, sous le nom de code “Gerboise blanche”. La bombe dégagea environ 4 kilotonnes.
Le tir a été l’occasion d’étudier la résistance des matériels militaires (avions, véhicules, parties de navires…) à une explosion nucléaire. L’armée française a mené des essais sur des rats, des lapins et des chèvres. Des exercices militaires en ambiance «post-explosion» ont été réalisés. Ils commencèrent vingt minutes après les tirs. Mais, environ 150 hommes vivants furent aussi exposés aux effets de la bombe, ligotés à des poteaux, à environ 1 km de l’épicentre.
Nous sommes en pleine guerre d’Algérie, cette guerre qui a fait plusieurs centaines de milliers de victimes algériennes, militaires et surtout civiles. Beaucoup de victimes meurent torturées. Pour le colonialisme français et son armée, la vie des algériens ne vaut pas cher à l’époque…
René Vautier, avait monté son film “Algérie en flammes”, tourné aux côtés des combattants algériens dans les studios de la DEFA (Deutsche Film-Aktiengesellschaft) en RDA. ?C’est là qu’il a appris que Karl Gass, réalisateur documentariste à la D.E.FA. avait recueilli le témoignage d’un légionnaire français d’origine allemande affecté à la base de Reggane. Le témoin affirmait avoir reçu, juste avant l’explosion, l’ordre de récupérer dans des prisons et des camps de concentration, 150 Algériens qui devaient être utilisés comme cobayes à proximité du point zéro . Il déclarait les avoir fait venir, les avoir remis à ses supérieurs hiérarchiques et ne les avoir jamais revus. Ce légionnaire a été affecté ailleurs en 1961.
M. Mostefa Khiati, médecin à l’hôpital d’El Harrach et M. Chennafi, enlevé avec cinq de ses amis de Staouéli (ouest d’Alger) à Reggane où ils devaient travailler, confirment ce témoignage (voir encadré “Ce que disent les Algériens”). En Algérie, la presse et les médias algériens, la Ligue Algérienne des Droits de l’Homme, des juristes, des médecins évoquent ces questions.
Le 14 février 2007, le quotidien Le Figaro cite une réponse à l’interpellation des Algériens. Elle est faite par le responsable de la communication du ministère de la Défense, Jean-François Bureau : « Il n’y a jamais eu d’exposition délibérée des populations locales ». Il s’agit, selon lui, d’une légende entretenue par la photo d’une dépouille irradiée exposée dans un musée d’Alger. « Seuls des cadavres ont été utilisés pour évaluer les effets de la bombe », ajoute-t-il.
Mais alors, quels sont ces cadavres ? D’où venaient-ils ? Quelles étaient les causes des décès ? Où sont les documents tirant les enseignements de leur exposition à la bombe ? Et surtout, peut-on sérieusement croire qu’en pleine guerre d’Algérie, l’armée française pouvait transporter des cadavres sur des centaines de km pour des essais “éthiques” alors qu’elle torturait et tuait quotidiennement civils et combattants algériens ? Qui peut croire aussi, qu’un pouvoir qui se dote à grands frais d’une arme nouvelle, qui fera l’essentiel de ses forces, va s’abstenir d’en faire l’essai jusqu’au bout ? La logique “technique” à défaut d’être humaine, c’est de la tester “en vraie grandeur” c’est à dire sur des êtres humains vivants … Tous l’ont fait : lisez, pays par pays, l’ encadré à ce sujet.
Pourtant, il n’y a pas eu de scandale d’Etat à la hauteur de ce fait qui relève du crime contre l’humanité. Le fait que le FLN avait accepté, dans le cadre d’ »annexes secrètes », que la France puisse utiliser des sites sahariens pour des essais nucléaires, chimiques et balistiques pendant quatre années supplémentaires a sans doute créé des conditions propices à ce silence officiel… En effet, ces essais se sont poursuivis dans les conditions de mise en danger des populations locales et des travailleurs algériens sur les sites contaminés, le pouvoir algérien ne souhaitait sans doute pas voir ce dossier sensible resurgir.
Derrière elle, l’armée française a laissé des poubelles nucléaires à peine ensablées, des populations victimes de multiples cancers, des nappes phréatiques radioactives. Mais elle laisse aussi le souvenir, mieux caché pour l’instant, d’une épouvantable expérimentation effectuée sur des êtres humains vivants. Merci à René Vautier pour avoir tenté, durant des années, de lever la chape de plomb sur ce crime. A présent les bouches et les archives doivent s’ouvrir.
Comme la Ligue Algérienne des Droits de l’Homme, exigeons l’ouverture compète des archives militaires sur les essais nucléaires dans le sud du Sahara (algérien) dans les années 1960 à 1966. Demandons aux nombreux militaires et civils français et algériens qui ont servi sur la base de Reggane et ont pu être témoins direct ou recueillir des témoignages de dire ce qu’ils savent. Que la France officielle reconnaisse aujourd’hui le crime. A défaut de pouvoir le réparer, qu’elle prenne ses responsabilités pour atténuer les conséquences de ses essais nucléaires sur les population algériennes :
La réhabilitation des sites d’essais nucléaires, conformément à la législation internationale.
La création d’une structure de santé spécialisée dans le traitement des maladies cancéreuses causées par la radioactivité. La mise en place d’un registre du cancer dans les régions d’Adrar, Tamanrasset et Béchar. La prise en charge totale des malades.
La création d’un pôle d’observation des différents sites ayant servi aux essais nucléaires comme ce fut le cas pour l’Angleterre et ses sites en Australie.Et enfin, que la mise au jour de ce crime soit une occasion de plus d’exiger de supprimer PARTOUT ces armes, qui avant même leur emploi dans un conflit, ont de pareilles conséquences.
Ce que disent les Algériens
Du côté algérien, des recherches ont été faites dans les années 2000 et résumées ainsi par l’avocate Me Fatima Ben Braham : «L’étude iconographique, de certaines de ces photos, nous a permis de constater que la position des soi-disant mannequins ressemblait étrangement à des corps humains enveloppés de vêtements. A côté de cela, nombre d’Algériens détenus dans l’ouest du pays et condamnés à mort par les tribunaux spéciaux des forces armées [français] nous ont apporté des témoignages édifiants. Certains condamnés à mort n’ont pas été exécutés dans les prisons, mais ils avaient été transférés pour ne plus réapparaître. Ils avaient, selon eux, été livrés à l’armée. Après consultation des registres des exécutions judiciaires, il n’apparaît aucune trace de leur exécution et encore moins de leur libération. Le même sort a été réservé à d’autres personnes ayant été internées dans des camps de concentration.»
Après des recherches, l’avocate a retrouvé une séquence des informations télévisées montrant un combattant mort sur une civière entièrement brûlé, ainsi commentée : «Et voilà le résultat de la bombe atomique sur un rebelle.» ?De plus, une étude minutieuse des photos de mannequins, et particulièrement une, où plusieurs corps (5 environ) étaient exposés, indique que les mannequins auraient une forte ressemblance à des corps humains.
Elle a alors réuni un groupe de médecins et de médecins légistes à l’effet de faire le rapprochement des corps exposés avec de véritables corps humains dans la même position (tête, bras, jambes, bassin, buste, etc.)?Les résultats ont été concluants : il s’agit bien de corps humains (même le poids a été déterminé) et leur mort était certaine.?En 2005, la question a été posée aux autorités françaises qui ont d’abord répondu qu’il s’agissait uniquement de mannequins et de rien d’autre, pour tester les habillements face aux essais.
Après insistance des Algériens, les autorités françaises ont rétorqué que «s’il y avait des corps à la place des mannequins, il faut se rassurer que les corps étaient sans vie».
Lors d’un documentaire, réalisé par Saïd Eulmi et diffusé à l’ouverture du colloque, il a été rapporté que des prisonniers de guerre avaient été utilisés comme cobayes lors des essais. Des images de corps humains calcinés accrochés à des poteaux ont été montrées. « Les corps de ces martyrs (…) ont été retrouvés durcis comme du plastique», a souligné Mostefa Khiati, médecin à l’hôpital d’El Harrach. «Les conventions de Genève ont été violées. Il s’agit de crimes de guerre », a estimé Abdelmadjid Chikhi, directeur des archives nationales
Source : Metaoui Fayçal, El Watan
Le témoignage de M. Chennafi, « un sexagénaire, enlevé avec cinq de ses amis de Staouéli (ouest d’Alger) à Reggane où ils devaient travailler jour et nuit et préparer l’installation de la bombe nucléaire : « Après l’explosion de cette bombe, les victimes étaient parties en fumée. Même les ossements ont disparu». Plusieurs militaires et médecins Français ont confirmé l’utilisation par l’armée française d’habitants de la région ou de Ghardaia afin de « tester l’effet des radiations » sur eux. Ces derniers ont été placés dans les lieux servant de théâtre des opérations sans protection aucune. Les survivants n’ont bénéficié d’aucun traitement contre les radiations nucléaires par la suite.
Source : Planète non violence (webzine)
La LADDH pense que l’exposition directe, par la France de prisonniers dans l’expérience nucléaires constitue “une flagrante violation de la convention de Genève relative aux prisonniers de guerre et à leur traitement.
Le FLN a accepté, dans le cadre d’ »annexes secrètes », que la France puisse utiliser des sites sahariens pour des essais nucléaires, chimiques et balistiques pendant cinq années supplémentaires. Onze essais se sont ainsi déroulés après l’Indépendance du 5 Juillet 1962 et ce, jusqu’en février 1966.
La LADDH est porteuse d’exigences vis à vis de la France (voir article principal).? Source : Les essais nuclaires français
Radiations imposées : même les militaires n’étaient pas protégés
Si l’on compare avec ce qui a été fait en Polynésie pour la protection des populations – des blockhaus pour Tureia qui se trouve à 110 km de Mururoa et des «abris de prévoyance» sommaires pour les Gambier, Reao et Pukarua, dans le Sahara algérien, les précautions prises pour la protection des personnels militaires et des habitants des palmeraies voisines ont été très sommaires, voire inexistantes. ?Quelques documents estampillés «secret» permettent d’avoir une idée du mépris des autorités militaires à l’égard de leurs hommes. on peut constater que pour les populations sahariennes de Reggane (environ 40 km d’Hammoudia) et quelques palmeraies encore plus proches des points zéro, la protection était nulle. Aucun abri ou autre bâtiment n’a été construit pour ces populations, tout aussi bien que pour les personnels militaires de la base de Reggane Plateau ou les quelques dizaines de militaires et civils qui restaient sur la base d’Hammoudia pendant les tirs.
A Reggane au Sahara, à moins de 5 km de l’explosion, on donnait des lunettes noires aux soldats pour se protéger les yeux. Mais ils étaient en short et chemisette. Des retombées à plus 3 000 km, des conséquences sanitaires terribles.?Outre dans tout le Sahara algérien, les retombées radioactives ont été enregistrées jusqu’à plus de 3000 km du site (Ouagadougou, Bamako, Abidjan, Dakar, Khartoum, etc.). 24 000 civils et militaires ont été utilisés dans ces explosions, sans compter l’exposition aux radiations de toute la population de la région.
Le film « Vent de sable » de Larbi Benchiha montre clairement que si des dosimètres ont été remis à la population , puis des examens effectués pour mesurer les expositions aux radiations, c’était à des fins d’études et non pas de soins.
A Reggane où les essais ont été atmosphériques et ont couvert une vaste zone non protégée, selon les médecins l’exposition aux radiations ionisantes provoque plus 20 types de cancer (cancers du sein, de la tyroïde, du poumon, du foie, du côlon, des os, etc.). ?Les leucémies dépassent de manière sensible la moyenne dans la région. Des malformations touchent aussi bien les adultes que les enfants, les nouveaux nés et les les fœtus. On constate également une baisse de fertilité des adultes. Des cas de cécité sont dus à l’observation des explosions. A Reggane le nombre de malades mentaux est très important. Des familles entières sont affectées, sans parler des lésions de la peau, des stigmates physiques et des paralysies partielles, ainsi que d’autres phénomènes sur lesquels les médecins n’arrivent pas à mettre de mots.
Le bilan des décès causés par les maladies radio-induites ne cesse de s’alourdir à Tamanrasset. Au total 20 cancéreux, entre femmes, hommes et enfants, sont morts en juillet dernier, s’alarme Ibba Boubakeur en 201447, secrétaire général de l’Association des victimes des essais nucléaires à In Eker (Aven), Taourirt. « Nous avons assisté à l’enterrement d’enfants amputés de leurs membres inférieurs et de femmes à la fleur de l’âge. Le pire, c’est qu’aucune de ces victimes ne possède un dossier médical, hormis les quelques certificats délivrés par les médecins exerçant dans la région », se plaint-il. 52 ans après cette tragédie que la France ne veut toujours pas réparer.
« On ne peut pas avoir le nombre exact de victimes. En 2010, un recensement partiel faisant état d’un peu plus de 500 victimes a été réalisé dans les localités relevant uniquement de la commune de Tamanrasset, à savoir Inzaouen, Ifak, Toufdet, Tahifet, Indalak, Izarnen, Outoul et Tit. Nous y avons constaté beaucoup de maladies, des avortements, des malformations et toutes les formes de cancer ».
Selon une étude réalisée par des experts, 21,28% des femmes de cette région sont atteintes de cancer du sein et 10,13% du cancer de la thyroïde
La France n’est pas la seule à utiliser des humains comme cobayes
USA?Le secrétaire d’Etat à l’Energie américain, Hazel O’Leary, a révélé que son pays a mené des expériences sur quelque 700 « cobayes humains ». C’était dans les années quarante, on administra à plus de 700 femmes enceintes, venues dans un service de soins gratuits de l’université Vanderbilt (Tennessee), des pilules radioactives exposant les foetus à des radiations trente fois supérieures à la normale. On leur faisait croire qu’il s’agissait d’un cocktail de vitamines. ..?En 1963 (là, on était pourtant édifié sur les effets de la radioactivité !), 131 détenus de prisons d’Etat de l’Oregon et de Washington se portèrent « volontaires », en échange d’un dédommagement de 200 dollars chacun, pour recevoir de fortes doses de rayons X (jusqu’à 600 röntgens) aux testicules.?Mais l’expérimentation humaine principale avait été menée lors des bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945 et après eux.?le Japon avait de toute façon déjà perdu la guerre et s’apprêtait à négocier, avant les bombardements nucléaires.?Les USA choisissent Hiroshima et Nagasaki pour leurs configurations différentes et y expérimentent deux bombes de types différents : plutonium pour Nagasaki ; uranium 235 pour Hiroshima . Plus de 2 00 000 victimes immédiates, sans compter celles des décennies suivantes.?Les archives américaines ont révélé que quatre des plus grandes villes japonaises avaient été retenues comme cibles potentielles et interdites de tout bombardement, afin de pouvoir attribuer à la seule bombe atomique les dégâts observables. Par ordre de « préférence», il s’agissait de Hiroshima, Niigata, Kokura et Nagasaki.?Après les bombardements les USA construisent tout un hôpital, implantent un camp de scientifiques pour examiner les survivants et mener des expériences sur eux, quelques semaines seulement après le bombardement. Mais ne soigneront personne.
URSS?En septembre 1954, l’armée soviétique exposa sciemment des civils et des militaires aux retombées d’une bombe atomique de 20 kilotonnes, explosée à 350 m au-dessus de la ville de Totskoye, dans l’Oural. outre les 45 000 soldats qui furent exposés – quand les généraux décidèrent de leur imposer des exercices militaires sur les terrains encore brûlants de radioactivité -, il y avait aussi des civils : un million de personnes environ, réparties dans un rayon de 160 km autour du site de l’expérience. En effet, Kouibichtchev (aujourd’hui Samara), alors peuplée de 800 000 habitants, se trouve à 130 km à l’ouest du site et Orenbourg, 265 000 habitants, à 160 km à l’est.?Au Kazakhstan un quart du territoire kazakh est occupé par les terrains d’essais et des usines militaires. On y a fait exploser 466 bombes atomiques : 26 au sol, 90 en altitude et 350 sous terre. Lors de l’essai, en 1953, de la première bombe à hydrogène 14 000 personnes furent exposées aux retombées. Une vaste région de ce pays est contaminée. Elle a subi une irradiation d’un niveau comparable à celui de Tchernobyl pendant quarante ans.?Source : Le scandale des cobayes humains
Chine?. Le site d’essais nucléaires chinois de Lob Nor, dans le Xinjiang, est le plus vaste du monde : 100 000 km2, dans le désert du Turkestan oriental, dont environ un cinquième a été irradié. ?Les populations locales se sont plaintes à de nombreuses reprises de maladies inhabituelles : cancers de la thyroïde ou malformations à la naissance. Les estimations du nombre de victimes vont de « quelques décès » selon les autorités, à 200 000 selon les sympathisants de la cause ouïghoure (ethnie majoritaire au Xinjiang). Des tests indépendants, conduits dans quelques villages, ont montré des taux de radioactivité très supérieurs à la limite d’alerte, et 85 000 personnes au moins vivent encore à proximité immédiate des anciennes zones d’essais. Au début des tests, ces riverains n’étaient même pas déplacés. Dans les années 70, on les faisait évacuer quelques jours avant de les faire revenir.?Source : Denis Delbecq et Abel Segretin.
Royaume Uni :?le gouvernement britannique a eu recours à des soldats australiens, anglais et néo zélandais pour les utiliser comme cobayes lors d’essais nucléaires.?Des centaines d’aborigènes ont probablement été contaminés à proximité du site d’essais de Maralinga.
Commencée il y a dix-huit mois, l’élection présidentielle s’est conclue après les dizaines de scrutins des primaires, deux conventions à grand spectacle dans des États industriellement sinistrés, des dizaines de milliers de spots de publicité politique et plusieurs milliards de dollars, par un match entre deux Américains richissimes, l’un et l’autre résidents de New York et détestés par la majorité de la population. C’est finalement le candidat républicain honni par les médias, les élites de Washington et même les caciques de « son » propre parti, qui l’a emporté. Celui qui a le moins dépensé et que tout le monde donnait perdant.
Durant cette interminable campagne, l’attention des commentateurs s’est souvent portée sur les provocations racistes et sexistes du futur président des États-Unis, ses scandales, ses excès, Mme Hillary Clinton étant présentée par contraste comme la candidate formée depuis toujours pour hériter de la Maison Blanche en même temps qu’elle briserait, raisonnablement, le « plafond de verre ». Mais rassurer l’establishment et séduire les électeurs ne sont pas des exercices toujours compatibles…
D’aucuns analysent déjà les résultats d’hier comme une preuve de la régression de l’Amérique dans le nationalisme, le « populisme », le racisme, le machisme : le vote républicain serait principalement déterminé par un rejet de l’immigration, un désir de repli, une volonté de revenir sur les conquêtes progressistes des cinquante dernières années. Or si M. Trump l’a emporté, en réalisant apparemment de meilleurs scores chez les Noirs et les Latinos que son prédécesseur Willard Mitt Romney, c’est avant tout parce que les démocrates se sont révélés incapables de conserver en 2016 l’appui des électeurs que M. Barack Obama avait su convaincre en 2008 et en 2012, en Floride ou dans les États de la « Rust Belt ».
La victoire de M. Trump, c’est donc avant tout la défaite du néolibéralisme « de gauche » incarné par Mme Clinton : son culte des diplômes et des experts, sa passion pour l’innovation et les milliardaires de la Silicon Valley, sa morgue sociale et intellectuelle. L’instrument du châtiment est redoutable. Mais la leçon sera-t-elle retenue ailleurs ?
Source Le Monde Diplomatique 09/11/2016
Les électeurs blancs et riches ont donné la victoire à Donald Trump
Le résultat des élections américaines est loin d’être une simple révolte des Blancs les plus pauvres laissés pour compte par la mondialisation. Les sondages de sortie des urnes laissent apparaître que la victoire de Trump s’appuie aussi pour bonne part sur la classe moyenne blanche instruite et la classe aisée.
Le New York Times le reconnaît ce matin : ses équipes n’ont pas pris la mesure de ce qui se passai
« Les journalistes n’ont pas remis en question les chiffres des sondages quand ceux-ci confirmaient ce que leur disait leur instinct : que Trump n’arriverait jamais, jamais, à la Maison Blanche, et de loin. Ils ont décrits les partisans de Trump qui croyaient à la victoire comme totalement déconnectés de la réalité. Mais c’étaient eux qui avaient tort. »
Source New York Times 10/11/2016
La démocratie après les faits (divers)
Depuis le Brexit et la campagne Trump, la presse anglo-saxonne s’interroge profondément sur le statut des faits dans les démocraties contemporaines.
La campagne pro-Brexit a été menée avec des arguments factuellement faux, aussi faux qu’environ 70 % des arguments de Trump selon les fact-checkers.
De plus en plus d’analystes avancent que nous sommes entrés, en grande partie avec les réseaux sociaux, dans une ère « post-faits », où les faits ne comptent pas, la vérité est une donnée annexe, et seuls pèsent dans la balance le spectacle et l’émotion.
Cela s’explique par, entre autres,
la montée de populismes centrés sur des individus charismatiques jouant sur l’émotion,
le rôle des réseaux sociaux et des « chambres d’écho » ce phénomène qui fait que les filtres algorithmiques ont tendance à montrer des contenus homogènes à ceux des utilisateurs. Plusieurs voix dénoncent depuis longtemps ce filtrage algorithmique qui éclate le public en « bulles », et selon certains, menace la sphère publique démocratique telle qu’on la connaît,
la crise du secteur des médias, qui privilégient les titres sensationnels assurés de faire cliquer, et les contenus viraux.
C’est, selon de nombreux analystes, une des clés du succès de Trump. Il a été le spécialiste des contenus qui polarisent et qu’on adore ou qu’on déteste. Dans les deux cas, ils sont partagés sur les réseaux sociaux, par ses partisans et ses adversaires, puis repris à la télé. Tout ce cycle de viralité produit énormément d’argent, et de publicité pour Trump, qui a déboursé pour sa campagne bien moins qu’un Jeb Bush, par exemple.
Face à cela, le fact-checking est de moins en moins efficace.
Dans ce monde, les sentiments comptent plus que les faits et les chiffres valent comme indicateurs de ces sentiments (que ressentent les électeurs ?) non comme marqueurs de la vérité, « L’époque de la politique post-faits ».
Dans ce contexte, comment encore s’accorder sur des faits partagés, sur l’existence de vérités communes, sociales, économiques, environnementales ?
C’est ce que se demandait cet été la rédactrice en chef du Guardian cet été dans un long article désabusé. « Le statut de la vérité chute », écrivait-elle.
La logique des réseaux sociaux a avalé tout le reste, dit-elle, et imposé une culture de la viralité et de l’équivalence, où tout contenu s’équivaut comme potentiellement doté d’une mesure de vérité, variable selon ses opinions.
Et le secteur qui était chargé d’informer le public est moribond :
« Nous sommes en train de vivre un bouleversement fondamental dans les values du journalisme : une transition vers le consumérisme. Au lieu de renforcer les liens sociaux, ou de créer un public informé, l’idée que l’information est un bien public et une nécessité en démocratie, il suscite des gangs, qui répandent des rumeurs qui les confortent comme des traînées de poudre,renforcent les opinions prééxistantes et s’auto-entraînent dans un univers d’opinions partagées plutôt que de faits établis. »
Source Le Guardian12/07/2016
DANS LE MONDE
L’élection de Donald Trump va être un séisme pour le monde
Le candidat républicain a fondé sa campagne sur la promesse de « rendre sa grandeur à l’Amérique ». Quelles conséquences pour le reste du monde
Si le vote pour le Brexit, le 23 juin, a été un séisme pour l’Union européenne, l’élection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, première puissance militaire, est un séisme pour le monde.
Le candidat républicain a fondé sa campagne sur la promesse de « rendre sa grandeur à l’Amérique ». Cette grandeur, cependant, ne s’entend pas par la projection de la puissance américaine à l’extérieur, mais plutôt sur une priorité donnée au retour du bien-être et de la prospérité des Américains chez eux. Le pays « est en ruines », dit M. Trump, il faut commencer par le reconstruire. Pour le reste du monde, cela donne un signal de repli et d’isolationnisme.
On sait, en réalité, assez peu de chose sur le programme concret de Donald Trump en politique étrangère car ses conseillers dans ce domaine sont peu connus ; l’establishment washingtonien et le petit monde des think tanks spécialisés dans les relations internationales, qui conseillent habituellement les candidats en politique étrangère, se sont tenus à distance de lui et de ses vues peu orthodoxes. Mais M. Trump a régulièrement émis quelques idées maîtresses qui donnent un canevas de ce que pourrait être sa diplomatie.
Vis-à-vis de l’Europe, Donald Trump, qui a soutenu le vote en faveur du Brexit en critiquant l’Union européenne, considère qu’il appartient aux Européens de se prendre en charge et surtout de financer leur défense, plutôt que de s’abriter sous le parapluie américain. Ainsi l’OTAN ne peut fonctionner, et les Etats-Unis venir au secours d’un allié dans l’éventualité d’une attaque, que si les Etats européens augmentent leurs budgets de défense.
Placer « les intérêts américains en premier »
Donald Trump est critique de l’interventionnisme américain à l’étranger et du cycle d’opérations militaires lancé par l’administration George W. Bush. Il est, dans ce sens, anti-néo-conservateur. Le président Obama lui-même avait promis de « ramener les troupes à la maison », mais la réalité du Moyen-Orient l’a contraint à maintenir ou à lancer un certain nombre d’opérations. M. Trump se veut plus radical, tout en souhaitant augmenter la taille de l’armée américaine : pour la coalition internationale (dont la France) actuellement engagée aux côtés des États-Unis, en particulier sur le théâtre irakien et syrien, c’est une nouvelle donne. Violemment hostile aux « djihadistes », qu’il accuse Hillary Clinton d’avoir engendrés, il a promis de les « mettre KO » – mais n’a pas précisé comment.
« Nous nous entendrons avec tous les pays qui veulent s’entendre avec nous » : dans son discours de victoire, mercredi matin, le président-élu Trump a voulu se montrer conciliant, tout en précisant qu’il placerait « les intérêts américains en premier ». Un grand point d’interrogation concerne les relations avec la Russie, qui se sont gravement détériorées depuis un an. Donald Trump a, à plusieurs reprises, chanté les louanges de Vladimir Poutine, qu’il considère comme « un meilleur leader que Barack Obama », et les services de renseignement américains ont accusé la Russie d’être derrière le piratage des comptes e-mail qui ont embarrassé le camp de Hillary Clinton pendant la campagne. Mais les deux hommes ne se connaissent pas personnellement, et le président russe s’est abstenu de souhaiter publiquement la victoire du candidat républicain. Comme Vladimir Poutine, Donald Trump est sensible aux rapports de force. Sa fascination pour l’homme à poigne de Moscou ira-t-elle jusqu’à accepter certaines de ses visées sur le voisinage de la Russie (Ukraine, Géorgie) et le Moyen-Orient, voire l’idée d’un deuxième Yalta auquel aspirerait M. Poutine ? Le candidat républicain est resté très évasif sur ces questions. Mais on peut parier qu’il s’entourera de vieux routiers de la guerre froide, qui vont retrouver quelques éléments familiers dans le paysage actuel et ne seront pas disposés à brader les intérêts américains en Europe.
Donald Trump veut dénoncer l’accord de Paris sur le réchauffement climatique : le fera-t-il ? Un autre axe de sa campagne a porté sur le rejet de la mondialisation et des accords de commerce international, accusés d’avoir détruit l’emploi aux États-Unis. L’une des grandes bénéficiaires de cette mondialisation, la Chine, est donc dans son viseur. Il veut instaurer des barrières tarifaires sur les produits chinois, il rejette l’accord de libre-échange avec l’Asie TPP (Partenariat Transpacifique) et a proposé de renégocier l’accord de libre-échange avec le Canada et le Mexique conclu par Bill Clinton. Il ne s’est pas prononcé sur les tensions en mer de Chine méridionale. Sur ces très gros dossiers, cruciaux pour les Etats-Unis, il va avoir affaire à un autre homme fort, le président Xi Jinping.
Autre conséquence d’une victoire Trump : elle confortera les mouvements et leaders populistes du monde entier, de l’Europe à l’Asie. Cela aura forcément un impact sur les relations internationales.
Enfin, les institutions américaines accordent plus de latitude au président en politique étrangère qu’en politique intérieure, où les « checks and balances » servent de garde-fous. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour le reste du monde. Mais on peut aussi imaginer que la réalité et le pragmatisme amèneront le président Trump à tempérer certaines de ses vues, comme cela a été le cas pour Ronald Reagan, et que les élites républicaines de politique étrangère, après leurs réticences initiales, le rejoindront une fois au pouvoir. La période de transition, au cours de laquelle il va former sa future équipe d’ici au 20 janvier, va fournir à cet égard des indications anxieusement attendues dans le monde entier.
Au Proche-Orient, Donald Trump attendu sur le dossier syrien
Le républicain semble être plutôt favorable au régime de Bachar Al-Assad, tout en rejetant l’accord nucléaire iranien.
Le Proche-Orient s’est réveillé mercredi 9 novembre sous le choc de la victoire de Donald Trump. Alors qu’Hillary Clinton, forte de ses quatre années à la tête du département d’Etat, garantissait une forme de continuité diplomatique, l’inexpérience en politique étrangère du nouveau président et son penchant pour l’autoritarisme sont lourds d’incertitudes pour la région. « Les Etats-Unis ne peuvent plus se poser en champion de la morale », a tranché sur Facebook Sultan Sooud Al-Qassemi, un célèbre commentateur des Emirats arabes unis.
C’est sur le dossier syrien que le nouveau président est évidemment le plus attendu. Durant la campagne, le candidat républicain s’était signalé par des positions plutôt favorables au régime Assad, ou du moins à son allié russe, au point de contredire publiquement son colistier, Mike Pence, qui avait appelé à « l’usage de la force militaire » contre les autorités syriennes.
« Je n’aime pas Assad. Mais Assad fait la guerre à l’Etat islamique. La Russie fait la guerre à l’Etat islamique. Et l’Iran fait la guerre à l’Etat islamique », avait déclaré M. Trump, lors du second débat télévisé avec Hillary Clinton, avant de moquer l’intention de son adversaire, en cas de victoire, d’accroître le soutien de Washington à l’opposition syrienne : « Elle veut se battre pour les rebelles. Il y a seulement un problème. On ne sait même pas qui sont les rebelles. »
Mercredi matin, avant le bouclage de cette édition, Damas n’avait pas réagi au triomphe de M. Trump. Nul doute cependant que la chute d’Hillary Clinton ravit le président syrien, Bachar Al-Assad, qui voit ainsi disparaître l’une de ses bêtes noires.
Crainte et attentisme dans le Golfe
Dans le Golfe, une forme d’attentisme mêlée de crainte prévaut. Une vidéo du vainqueur déclarant que les Etats du Golfe ne seraient rien sans le soutien des Etats-Unis et qu’il entend les faire payer pour reconstruire la Syrie a été retweeté des milliers de fois en l’espace d’une heure.
L’inquiétude suscitée dans les palais de la péninsule par ce genre de déclarations, la rhétorique antimusulmans et l’isolationnisme revendiqué du nouveau président est cependant tempérée par un intérêt non dissimulé pour son opposition marquée à l’accord sur le nucléaire iranien conclu par Barack Obama, « l’accord le plus stupide de l’histoire », selon M. Trump.
Première réaction prudente en Iran
« Prévoir ce que sera sa politique étrangère au Moyen-Orient est la chose la plus difficile qui soit, affirme le journaliste saoudien Jamal Kashoggi. Il est contre l’Iran, mais il soutient Poutine en Syrie, ce qui le range du côté de l’Iran. »
La première réaction de Téhéran est prudente. « L’Iran est prêt pour tout changement », a déclaré le porte-parole de l’Organisation de l’énergie atomique, Behrouz Kamalvandi, à l’agence semi-officielle Tasnim.
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Sentiments mêlés en Israël
Israël, de son côté, accueille la victoire de Donald Trump avec des sentiments mêlés. Son entourage est connu pour être très pro-israélien, mais le candidat a charrié dans son sillage des forces suprémacistes et antisémites. Il s’est constamment opposé à l’accord sur le nucléaire iranien, mais sans expliquer ce qu’il en ferait, une fois élu. En outre, va-t-il marquer une rupture explosive en déménageant l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem ? Il en a fait la promesse, à plusieurs reprises.
Mais auparavant, Donald Trump avait envoyé des signaux incohérents. En février, par exemple, il avait expliqué qu’il voulait être « une sorte de gars neutre » dans la recherche d’une solution au conflit israélo-palestinien. Une expression qui avait inquiété les officiels israéliens.
En mars, il avait dit qu’Israël, comme d’autres pays, « payera » pour l’aide militaire américaine, alors qu’un nouvel accord sur dix ans, d’un montant de 38 milliards de dollars, vient d’être conclu entre les deux partenaires. Depuis, il a multiplié les signaux amicaux à l’égard d’Israël. En mai, Sheldon Adelson, magnat des casinos aux Etats-Unis et soutien indéfectible de Benyamin Nétanyahou, s’était décidé à appuyer sa candidature.
Par Ghazal Golshiri (Téhéran, correspondance), Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant) et Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant)
Le phénomène Trump s’explique aussi par l’histoire du parti républicain, indique un article du Times Literary Supplement. Il est l’aboutissement d’un long conflit entre deux tendances, qui remontent à sa formation :
d’un côté les « Yankees », anciens aristocrates et barons industriels militants de l’abolition de l’esclavage et plutôt internationalistes,
et de l’autre « les cowboys », les nouveaux riches ayant fait fortune dans l’industrie du pétrole, l’aérospatiale et la défense, et le commerce, largement plus conservateurs.
La radicalité de Trump s’explique aussi par le changement de composition du parti démocrate. Celui-ci s’est opéré dans les années 1960. Auparavant, une partie des Démocrates du Sud ne votaient ainsi parce que c’était un Républicain, Abraham Lincoln, qui avait aboli l’esclavage. Cet électorat a basculé lorsque les Démocrates ont signé le Civil Rights Act, qui mettait fin à la ségrégation de fait dans les Etats du Sud.
« Quand la droite et la gauche étaient présents dans les deux partis, l’art du compromis était l’essence même de la politique. »
Mais une fois que tous les tenants d’une droite dure (radicaux, religieux et très largement Blancs) se sont retrouvés dans le même parti, « le fait de coopérer avec les Démocrates est devenu impensable ».
C’est cette histoire là qui a rendu possible l’émergence, puis la victoire, d’un candidat comme Trump
Source : Times Literary Supplement
Guerres culturelles et alt-right
Outre le rejet des élites (telle la ploutocratie incarnée par Clinton, comme l’écrit Slate) et de la mondialisation financière, comme l’explique La Tribune, le candidat Trump répondait aussi à de puissantes tendances culturelles chez tout une partie du peuple américain.
Sur la Vie des Idées, un autre article décrit les partisans évangélistes de Trump d’une petite ville du Midwest, Pleasant Fields. Là, le secteur industriel ne s’est pas effondré, au contraire et des emplois ont récemment été créé.
« De nombreux évangélistes soutenant Trump parmi ceux que j’ai interviewés font partie de classes sociales plutôt aisées », écrit l’auteur.
Persuadés que s’est engagée une guerre pour la sauvegarde de la civilisation chrétienne, ils votent Trump contre l’Islam et les LGBT. Pour eux, rapporte l’auteur, les musulmans sont des gens d’une autre civilisation, qui maltraitent leurs femmes et veulent partout faire régner la charia. Quant aux LGBT, ils incarnent un relativisme moral qui est la fin de l’Amérique.
« Tandis que la proportion de chrétiens évangéliques blancs dans la population américaine décroît, leur sentiment d’appartenance et leur attachement à la nation demeurent très fort.
Ils continueront ainsi de se battre pour leurs croyances et leurs valeurs en dépit du résultat de l’élection. »
Voici une enquête (en version abonnés) sur « l’alt-right », l’extrême-droite extrêmement active sur le Net (où, comme le rappelle le Monde, les partisans de Trump ont été particulièrement actifs) qui soutient Trump.
Ceux-ci partagent un rejet de ce qu’ils appellent
« le mensonge égalitaire, aussi bien comme fait que comme valeur, un goût pour l’ordre hiérarchique, ainsi qu’une grille de lecture raciale de la société. »
Dans cette mouvance, certains sont des « néoréactionnaires », libertariens purs et durs échappés de la Silicon Valley, autoritaristes convaincus que les libertés du peuple doivent être encadrés. D’autres – la plupart – sont des nationalistes blancs, qui « rêvent tous de restaurer la grandeur de la civilisation occidentale, aujourd’hui engluée dans la médiocrité égalitariste, consumériste et multiculturelle ». Ils sont obsédés par la question de l’identité blanche et militent pour limiter l’immigration et expulser tous les étrangers en situation illégale. Deux points qui figurent dans le programme de campagne de Trum
Ce court article de la revue Books rappelle quelques-unes des raisons historiques et culturelles pour lesquelles l’anti-intellectualisme, sur lequel a tant surfé Donald Trump, est si fort aux Etats-Unis.
Crise des médias et le monde « post-faits »
Au lendemain d’une victoire que la plupart des grands médias et des instituts de sondage avaient déclarée impossible, les grands médias ont commencé à faire leur examen de conscience.
Source Books
Le président Trump pourra s’appuyer sur une majorité républicaine au Congrès
Les républicains conservent le pouvoir à la chambre des représentants du Congrès américain (« House of representatives« , ndlr), selon les projections électorale d’Associated Press.
Les républicains ont également remporté le Sénat et continueront ainsi de contrôler l’ensemble du Congrès des États-Unis, fournissant une majorité parlementaire sur laquelle le président élu Donald Trump pourra s’appuyer, selon plusieurs médias.
En contrôlant la Maison Blanche et le pouvoir législatif, les républicains auront la capacité de défaire les réformes du président Barack Obama et notamment sa controversée réforme de l’assurance-maladie baptisée « Obamacare« .
Majorité plus courte à la House of representatives
Bien que les républicains perdent un peu de poids, ils ont remporté suffisamment de sièges pour prolonger les six années consécutives dans la majorité de la chambre des représentants.
Le Grand Old Party a recueilli au moins 222 sièges, soit plus que le seuil de 218 requis pour contrôler la chambre basse, selon le New York Times. Les démocrates en comptabilisaient au moins 158 lors des dépouillements toujours en cours peu après minuit aux USA.
Les républicains disposaient de 247 sièges durant le mandat qui se termine. Ils devraient donc bénéficier d’une plus courte majorité. L’homme fort des républicains restera Paul Ryan qui a également été reconduit.
Le Sénat aux mains des républicains
La mainmise sur le Sénat, qui vient s’ajouter à celle de la Chambre des représentants, leur permettra par ailleurs d’avoir la haute main sur le processus de nomination des plus hauts responsables gouvernementaux et des juges de la Cour suprême.
La chambre haute du Congrès, qui était renouvelée mardi à un tiers (34 membres), avait basculé dans le camp républicain en 2014, restreignant considérablement la marge de manœuvre du président Obama.
Récemment, les sénateurs républicains ont ainsi bloqué le processus de confirmation d’un juge de la Cour suprême nommé par Barack Obama après le décès d’un de ses neuf membres.
Le nouveau rapport de forces au Sénat n’était pas encore connu dans l’immédiat. Jusqu’à présent, les républicains détenaient 54 sièges et les démocrates 46.