Montpellier Danse Robyn Orlin . Requiem pour une Afrique renaissante

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Fascinantes mutation du jeune performer d’Albert Ibokwe Khoza qui voyage à travers le temps et l’histoire . dr

La rencontre inévitable entre le performer Albert Ibokwe Khoza et la chorégraphe sud africaine Robyn Orlin nous transporte dans la radicalité de l’histoire avec la création : « And so you see… Our honourable blue sky and ever enduring sun… Can only be consumed slice by slice... sous titré  Requiem à l’humanité ».

Un titre qui parle de consommation, d’honorable ciel bleu et de soleil permanent pourrait répondre aux critères attendus du tourisme de masse. Mais ce n’est pas tout à fait de cela dont il est question dans la dernière création de Robyn Orlin, à moins d’étendre le mode de vie consumérique occidental à une forme de tourisme déimpliquée des affaires du monde. La dernière création de Robyn Orlin présentée au Festival Montpellier Danse utilise la forme du requiem. Musicale, avec l’aimable participation de Mozart mais aussi dans différentes formes de rites religieux et profanes. La chorégraphe née en 1955 à Johannesburg vit aujourd’hui à Berlin. En Afrique du Sud, on l’a surnommée “l’irritation permanente”. Ce qui correspond bien à son indomptable faculté de dénonciation qui bouscule non sans humour le spectateur dans ses confortables certitudes.

 

Approche subversive

Robyn Orlin est une habituée de Montpellier Danse. Elle figure parmi les grandes personnalités dont chaque escale à Montpellier s’inscrit dans l’historique du Festival. En 2007 On doit manger nos sucettes avec leur emballage mettait le doigts sur la pandémie du sida qui concernait 12% de la population sud africaine. Avec sa pièce In a world full of butterflies, it takes balls to be a caterpillar… some thoughts on falling… présentée il y a deux ans, elle s’attaquait à l’image récurrente et symbolique des corps tombant des tours jumelles du World Trade Center, en s’attardant sur l’exploration de  la chute.

Conçu avec le fascinant danseur performer Albert Silindokuhle Ibokwe Khoza, And so you see… Our honourable blues sky and eevr enduring sun... Can only be consumed slice by slice, est un solo qui révèle et transcende, la réalité complexe et contemporaine de l’Afrique du Sud, à l’instar des effets profonds et désastreux de l’exploitation du continent africain,  devenu continent des miracles négatifs. Robyn Orlin nous amuse avec ses clins d’oeil politiques aux anciennes et nouvelles puissances coloniales.

On entre dans la pièce par le corps d’Albert Ibokwe Khoza, à travers une scène mortuaire très plastique au mode d’exécution qui oscille entre les pratique ancestrales de l’Egypte antique et la mise en scène d’un sérial killer psychotique. Cette dualité entre la tradition qui resurgit en force et la perdition à laquelle se confronte le désir et l’espoir de la jeunesse africaine tient lieu de fil rouge, avec l’omniprésence du corps.

Un corps vécu et filmé se confrontant aux sept péchés capitaux sans échapper à la violence des représentations que la chorégraphe traite dans un subtil jeu de miroir. Prenons garde, celui que l’on regarde comme un sauvage et un demeuré peut le devenir…  Mais il peut aussi montrer avec une grande sensibilité son appartenance à l’humanité. Entre la vie et la mort, il y a ce passage  où le corps se libère, jouit, souffre, s’exprime, se prête à la cérémonie ponctuée par l’intonation chantée par le célébrant et un beau sens de la théâtralité.

La richesse du langage de Robyn Orlin trouve avec son danseur un potentiel d’expressions artistiques inespéré pour le grand plaisir des spectateurs qui sont du voyage.

. JMDH

Ce soir à 20h hTh Grammont

Source : La Marseillaise 02/07/2016

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Le Festival de Thau solidaire et engagé

Angelique Ionatos Abbaye de Valmagne le 24 juillet  2016.  Photo dr

Angelique Ionatos Abbaye de Valmagne le 24 juillet 2016. Photo dr

La  26e édition du Festival de Thau qui mixe cultures musicales de la planète et conscience écologique affirme sa singularité  du 18 au 24 juillet.

Outre qu’il est toujours attractif avec une affiche très alléchante, la certification à la norme Iso 20121,  rend cette année le Festival de Thau officiellement responsable. De quoi glaner quelques précisions auprès de sa fondatrice Monique Tessier sur ce qui se cache derrière ce sigle qui en dépit des apparences n’a rien de barbare.

« Cela fait 10 ans que nous avons positionné le festival sur l’axe du développement durable. Notre association (Jazzamèze) a été certifiée en juillet 2015 nous avions candidaté parce que ce label correspond à notre démarche initiale. Pour l’heure, très peu de structures organisatrices de festivals bénéficient en France, de cette certification. C’est le cas des TransMusicales de Rennes par exemple.»

On  constatera une nouvelle fois avec l’édition 2016, que le Festival de Thau, moment phare d’un travail de développement d’activités artistiques à l’année, ne se contente pas d’une simple programmation musicale, mais s’efforce de trouver en permanence des prolongements à un moment festif qui favorise l’échange toujours en lien avec son territoire.

Cette année les Eco-Dialogues concoctés par Thierry Salomon, tourneront autour du film «Demain» de Cyril Dion et Mélanie Laurent. L’action avec le Silo, centre de création coopératif dédié aux musiques du monde et traditionnelles porté par Le Festival Détours du Monde et le Festival de Thau se consolide. Il donnera lieu à trois créations. Le 18 juillet à Bouzigues on pourra découvrir Raizes. Une rencontre musicale entre le Brésil et la Syrie sur le thème de la migration. Avec la création Béatik, le 20 juillet à Montbazin, Stéphane et Beata (France/Slovaquie) emprunteront à des chants traditionnels pour donner vie à une musique audacieuse reliant l’Est et l’Ouest de l’Europe. Le 22 juillet à Mèze la création Uèi fera pont entre la France et l’Occitanie, Marseille et Montpellier  autour de chants polyphoniques teintés d’électro.

Elargir le réseau

Pour le festival, l’obtention du label Iso 20121 vient couronner  un long travail de construction et le pousse à prolonger son travail dans des domaines comme l’économie durable, la réduction de l’empreinte environnementale, l’accessibilité des publics ou la promotion du respect de l’environnement.

« C’est un peu fou de l’obtenir pour une petite structure comme la nôtre. Cela nous pousse à aller plus loin, confirme Monique Tessier, à réfléchir à la gouvernance, à travailler de manière transversale, à mettre tous les salariés au même niveau d’information. Pour ne pas rester isolés, nous nous ouvrons à différentes collaborations au Vigan, à Bédarieux ou encore à Sète avec le festival Images Singulières

Côté concerts, la 26e édition demeure éclectique avec une forte présence africaine doublée d’une  thématique sur les femmes engagées à l’image des Amazones d’Afrique, premier groupe malien exclusivement féminin. A noter aussi la présence de l’ambassadrice Rokia Traoré, le retour de la reine du Calypso qui a fait succomber Manu Chao, Calypso Rose, ou encore la sublime chanteuse grecque Angélique Ionatos accompagnée par Katerina Fotinaki  qui apporteront une réponse poétique à la situation de leur pays.

Le festival de Thau est une perle dont la brillance comporte  plusieurs facettes. « C’est encore assez peu compris », indique Monique Tessier, On a du mal a appréhender un festival de musique plus largement ouvert sur la vie sociale, la lutte contre les discriminations, pourtant cette notion, on aimerait la porter au même niveau que les concerts…

JMDH

Source : La Marseillaise 08/06/2016

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Etats-unis : Hillary Clinton et Donald Trump face au casse-tête du Proche-orient

Hillary-Clinton-candidate-d-mocrate-pr-sidentielle-am-ricaineLa fusillade meurtrière d’Orlando aux États-Unis a atteint de plein fouet la campagne des deux candidats à la présidence qui doivent s’affronter dans les urnes le 8 novembre 2016. Elle ne sera pas sans conséquences sur leur attitude face à des dossiers aussi brûlants que l’islam et le Moyen-Orient, en proie à des bouleversements politiques, communautaires et militaires exceptionnels. Outre le front ukrainien et la tension en mer de Chine, les crises syrienne et irakienne et leur corollaire Daech, les suites de l’accord sur le nucléaire iranien et le conflit israélo-palestinien sont les dossiers de politique étrangère les plus brûlants que Barack Obama s’apprête à léguer à son successeur.

Quelle sera l’attitude d’Hillary Clinton et Donald Trump face à ces casse-têtes?  Seule l’évolution de ces foyers de tension le dira, même s’il existe un début de réponse pour chacun.

Hillary Cliton affiche une tendance interventioniste
Forte de son expérience d’ex-première dame des Etats-Unis et d’ex-secrétaire d’Etat sous la présidence Obama, Hillary Clinton est solidement rodée à ces terrains friables.

La candidate démocrate à la Maison Blanche a clairement affiché dans sa campagne une tendance interventionniste dans les zones de crises, par opposition au président sortant qui lui apporte désormais son soutien.

Dans le conflit qui oppose Israéliens et Palestiniens depuis plus de soixante-dix ans, l’épouse de Bill Clinton, l’homme qui a accueilli la première poignée de mains entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, donne la priorité à la sécurité de l’Etat hébreu tout en restant partisane d’une solution à deux Etats.

Lors de l’incontournable passage devant l’American Israel Public Affaires Committe (AIPAC), le principal lobby américain pro-israélien, elle a ironisé sur son rival républicain. «Oui, nous avons besoin de constance, a-t-elle assuré, pas d’un président qui dit qu’il est neutre le lundi, pro-Israël le mardi et on ne sait quoi d’autre le mercredi, parce que tout est négociable. La sécurité d’Israël n’est pas négociable».

Donald Trump veut «redonner à l’Amérique sa grandeur» 
De son côté, le candidat républicain Donald Trump a construit sa campagne sur le mot d’ordre «redonner à l’Amérique sa grandeur», tout en laissant croire qu’il se désintéressait des questions internationales ou encore qu’il prônait un isolationnisme pour mettre le pays à l’abri des tumultes du monde.

Donald-Trump-candidat-r-publicain-pr-sidentielle-am-ricaineMais, «quand je serai président, a-t-il déclaré à son tour devant l’AIPAC, il en sera fini des jours où l’on traitait Israël comme un citoyen de seconde zone». Il s’est même engagé «à reconnaître Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreu et à transférer l’ambassade américaine de la Tel Aviv à la Ville sainte», tout en se disant, lui aussi, favorable à la solution des deux Etats.

Et comme il ne tergiverse pas non plus sur la sécurité d’Israël, il a juré de «démanteler l’accord catastrophique signé entre les grandes puissances et l’Iran sur son programme nucléaire», ajoutant : «Obama est peut-être la pire chose qui soit jamais arrivée à Israël».

Sur ce dossier, Hillary Clinton a soutenu l’accord avec l’Iran, en dépit de son amitié avec le Premier ministre israélien. Elle se dit toutefois prête à rétablir les sanctions unilatérales contre Téhéran en cas de non respect des engagements, voire à engager des actions militaires si besoin.

Des positions fluctuantes sur la Syrie, l’Irak et Daech
Concernant les crises syrienne et irakienne et l’apparition du phénomène Daech, les deux candidats ont des positions qui fluctuent au rythme des événements.

Dans un email daté de décembre 2012 et révélé par Wikileaks en mai 2016, celle qui n’était encore que secrétaire d’Etat avait écrit : «la meilleure manière d’aider Israël à gérer la capacité nucléaire grandissante de l’Iran est d’aider à renverser le régime de Bachar al-Assad».

On ne s’étonnera donc pas qu’elle soit favorable à une intervention en Syrie, comme elle l’avait été pour la Libye. Ralliée bon gré mal gré à la politique résolument pacifiste de Barack Obama, elle pourrait renouer avec son choix premier pour redonner aux Etats-Unis son rang de «gendarme du monde» comme elle le souhaite.

Quant à Daech, elle estime que «la création de l’Etat islamique est principalement et avant tout le résultat d’une situation désastreuse en Syrie causée par Bachar al-Assad qui est appuyé par l’Iran et la Russie».

Des perceptions opposées de Vladimir Poutine
Une manière de souligner la relation exécrable qu’elle entretient avec Vladimir Poutine. En mars 2014, elle avait dit à son propos : «si vous avez l’impression d’avoir déjà vu ce qui se passe en Ukraine, c’est parce que c’est ce qu’a fait Hitler dans les années 30».

Donald Trump, qui respecte Vladimir Poutine parce qu’il est «un homme respecté», préconise de laisser au Président russe et à son protégé Bachar al-Assad le soin de régler leur compte aux combattants de l’organisation de l’Etat islamique.

Plus globalement, le candidat à la coiffure coiffure excentrique regrette le temps de Moammar Kadhafi et de Saddam Hussein. «Le monde était meilleur avec eux» dit-il, parce qu’ils ne laissaient pas le choix aux terroristes, «ils les tuaient immédiatement».

Des rapports orageux avec les pétromonarchies du Golfe
Enfin, en ce qui concerne les relations avec les pétromonarchies du Golfe, les deux candidats entretiennent les mêmes rapports orageux avec des pays pourtant alliés.

«Il est plus que temps que les Saoudiens, les Qataris, les Koweitiens et d’autres empêchent leurs ressortissants  de financer des organisations extrémistes», a déclaré Hillary Clinton après le massacre homophobe d’Orlando.

Quant à Donald Trump, qui veut purement et simplement interdire l’entrée des musulmans sur le territoire américain, il estime que les Etats-Unis «protègent les Saoudiens en échange de presque rien. Et sans notre protection, ajoute-t-il, ils ne survivraient pas plus d’une semaine».

Alain Chémali

Source : Geopolis15/06/2016

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Arabesques « Le combat est culturel. Nous devons être au front »

Arabesques : pour se construire il faut savoir d’où l’on vient

Nesma  dépeint l’itinéraire de la poésie  arabo-andalouse.  Photo dr

Nesma dépeint l’itinéraire de la poésie arabo-andalouse. Photo dr

Le festival Arabesques qui met en lumière la richesse des cultures arabes est aussi un vecteur d’intégration.

A travers cette 11e édition, le festival Arabesques poursuit l’exploration des multiples richesses de la culture du Monde Arabe. Un voyage qui nous conduit à travers l’histoire sur des terres d’échanges et de tolérance en se gardant bien de la tentation exotique ou folklorique au sens touristique du terme. Il s’attache aux racines comme à la réalité multiculturelle, y compris dans l’hexagone. L’action menée auprès des scolaires durant toute l’année par l’association Uni’Son, mis à l’honneur au début du festival, est une pierre angulaire d’une manifestation dont la programmation reste avant tout festive.

Hier au cinéma Diagonal, la projection du documentaire de Wahid Chaïb et Laurent Benitah s’inscrit pleinement dans cet esprit. Le film Chaâba du bled au bidonville évoque le Chaâba, lieu d’habitation surnommé par ses habitants qui signifie « trou», « patelin lointain » en arabe dialectal. Il propose un coup de projecteur sur un lieu de vie de 1949 à 1967 d’une trentaine de familles algériennes venues en France au sortir de la seconde guerre avec l’espoir d’améliorer le quotidien de leurs familles restée en Algérie.

Ce témoignage soulève la difficulté d’une génération de migrants et de leurs descendants à évoquer le passé. Il participe pleinement à la démarche positive d’Arabesques quant aux origines déjà évoquées lors des éditions précédentes avec le témoignage des Chibanis.

Le passage de repères identitaires bouleversés  à celui de cultures partagées suppose un travail de (re) connaissance auquel s’emploie le festival à travers de multiples propositions.
A l’heure de la montée de l’influence salafiste auprès d’une partie de la jeunesse, les déclarations du chef du gouvernement actant que le courant fondamentaliste « était en train de gagner la bataille idéologique et culturelle » ne peuvent que renforcer l’échec de l’intégration. Parce qu’elles tendent à désigner l’islam en général comme une menace dirigée contre la France.

La partie de la compréhension et de l’humanisme défendue par Arabesques qui concerne la grande majorité des musulmans français sans se limiter à une communauté religieuse ou une carte d’identité, porte en revanche ses fruits. On le voit dans la diversité du public.

A l’heure où les bidonvilles ressurgissent dans les grandes villes françaises, poussés par les inégalités croissantes, et l’arrivée de nouvelles populations migrantes il parait urgent de s’intéresser, aux origines des problèmes posés, à la richesse des identités culturelles concernées pour ne pas reproduire un schéma discriminant voué à l’échec.

JMDH

Source : La Marseillaise 19/05/2016

Du bonheur en perspective

Orchestre arabo-andalou de Fès

Orchestre arabo-andalou de Fès

Le début de semaine fut illuminé par la présence exceptionnelle et  hypnotisante de l’Orchestre arabo-andalou de Fès à l’Opéra Comédie.  Sous le serein patronage de Mohamed Briouel qui se produit aussi en compagnie d’artistes de traditions juives, les huit musiciens chanteurs de l’orchestre national ont interprété un répertoire traditionnel du XV² siècle. La restitution de la musique ancienne andalouse marocaine dans la pure tradition, porte en elle une dimension populaire attisée par la présence des artistes qui a conquis le public Montpelliérain.

La fin de semaine s’annonce également riche en propositions.

Hindi Zahra

Hindi Zahra

Vendredi  à 19h30 au Théâtre Jean-Claude Carrière, un concert de  Bab Assalan quartet issue d’une rencontre entre le luthiste syrien Khaled et son frère percussionniste, Mohanad  Aljaramani et le clarinettiste français  Raphaël Vuillard. A 21h30 suivra dans l’Amphi D’O un double plateau plein d’énergie. Karimouche la chanteuse danseuse rappeuse et comédienne  débarque sur scène avec son style et son franc-parler pour embarquer le public dans un show musical où se côtoient ragga, reggae électro et pop music. Dans un style tout autre, plus dépouillé, la chanteuse d’origine berbère Hindi Zahra pose le charme de sa voix sur des mélodies jazz, soul et folk.

Waed Bouhassoun

Waed Bouhassoun

Samedi, le rêve commence à 15h avec la conteuse Halima Hamdane (pour enfant). A 16h le journaliste Rabah Mezouane fait le point sur la musique du Maghreb dans le paysage français. A 18h, il ne faut pas manquer le récital de la syrienne Waed Bouhassoun, une outiste talentueuse qui chante des poèmes d’Adonis, Mansur al-Hajjal, d’al -?Mulawwah, ou d’Ibn Arabi sur ses propres compositions.

Voir programme jusqu’à dimanche Festival Arabesques 2016.

 

 

 

« Faire émerger l’idée d’une communauté au sein de laquelle ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise. »

Habib Dechraoui

Habib Dechraoui

Entretien avec Habib Dechraoui, le directeur du festival Arabesques qui a débuté par deux journées dédiées au public scolaire.

Fort de son expérience, le festival Arabesques se positionne aujourd’hui comme un carrefour permettant le croisement des richesses artistiques du monde arabe et comme un merveilleux outil de coopération avec les villes et acteurs culturels des pays de l’autre rive de la Méditerranée. L’édition 2016 qui se tient à Montpellier jusqu’au 22 mai rend compte de ce mouvement, de ces croisements, de ces apports culturels.

Après la dixième édition célébrée l’année dernière, quel type de motivation vous guide dans le contexte difficile que traversent les pays arabes ?


L’édition 2015, a été très appréciée pour sa qualité artistique et très suivie avec près de 200 000 personnes concernées par le festival et tout le travail réalisé en amont par l’association Uni’Sons qui oeuvre notamment auprès des scolaires. Avec Jeunesse en Arabesques, nos activités de sensibilisation artistique qui contribuent au rapprochement entre les peuples, connaissent une demande exponentielle. Pour une autre partie du public,  l’opéra du Caire perpétuant le répertoire Oum Kalsoum à l’opéra Comédie reste un souvenir inoubliable.

C’est aussi un vecteur qui fait sens  car il s’agit  de musique classique. Un double rapprochement s’est opéré du public habituel de l’opéra vers un répertoire différent et d’un public qui apprécie ce répertoire mais n’avait jamais franchi les portes de l’opéra. Avec la directrice de l’opéra, Valérie Chevalier, très enthousiasmée par cette expérience, nous poursuivons notre collaboration. Cette année nous recevons l’orchestre arabo-andalou de Fès, le groupe le plus important  du genre andalou marocain. Ils seront à Montpellier lundi 16 mai pour une date unique en France. Et d’autres projets sont en cours.

Sous quelles étoiles s’inscrit le thème de l’Orient merveilleux ?


Sous le ciel  aux mille et une étoiles de l’héritage arabo-andalou. Nous avions choisi la thématique avant les attentats de novembre dernier. Ces sinistres événements nous renforcent dans notre conviction que la culture est le vecteur essentiel du savoir vivre ensemble. Il s’agit de souligner et de faire émerger l’idée d’une communauté au sein de laquelle  ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise. Cet héritage commun n’appartient pas à une religion ou une autre.

Vous employez  le terme communauté, comment faut-il l’entendre ?


Lorsque je parle d’Arabesques, je fais tout pour ne pas évoquer la religion qui relève du domaine privé. La communauté à laquelle je fais référence se compose d’une pluralité d’identités à la fois sociales, géographiques, ethniques, populaire, rurales et urbaines… La communauté est la somme de ces identités qui composent le public d’Arabesques.

Auquel s’ajoute les artistes qui viennent d’autres rives de la Méditerranée. J’admire par exemple le courage de la société civile tunisienne qui est très active. J’ai envie d’y contribuer à un petit niveau en faisant venir des artistes. La scène émergente du monde arabe est pleine de vivacité à l’instar du  festival musical de Beyrouth Beirut & Beyond dont la dernière édition à pour la première fois été annulée en raison des troubles que connaît la capitale libanaise. Tous ces artistes composent une partie de notre communauté. Il nous font du bien. C’est une des raisons d’être du festival Arabesques de donner à comprendre,  de préserver l’art traditionnel arabe et de rendre visibles les créateurs émergents. Pour des raisons budgétaires, j’ai malheureusement dû annuler deux projets auxquels je tenais beaucoup : une création audiovisuelle égyptienne, et un groupe palestinien.

Le festival ne se réduit pas  à établir une programmation, où en êtes-vous dans la mise en perspective ?

Nous avons passé le cap des dix ans l’an dernier. Après chaque édition l’équipe du festival se retrouve dans les Cévennes pour faire le bilan. Je sais généralement où je veux aller mais il est important pour moi de rester à l’écoute des acteurs qui m’accompagnent depuis le début. Si la musique reste  au centre de notre programmation parce qu’elle est populaire et fédératrice le festival a la volonté d’amener le public ailleurs . Aussi bien vers des  formes classiques que vers la découverte de groupes rock et électro qui font une percée significative dans les pays arabes. Nous avons aussi la volonté d’ouvrir le festival à d’autres formes d’expressions artistiques comme les arts plastiques,  le théâtre, le cirque… pour suivre le mouvement de la nouvelle scène arabe qui diversifie ses moyens d’expression.

La délocalisation du festival pourrait-elle être en jeu dans les années à venir ?

Depuis trois ans les sollicitations se succèdent à l’échelle européenne et au-delà. Mais je suis attaché à mon territoire d’action qui est un des plus sinistrés. Notre QG se situe toujours dans le quartier haut de La Paillade. Je pense que le combat doit se mener au front. C’est important de ne pas déserter parce que le monde à horreur du vide.

Aujourd’hui dans les quartiers, on voit les acteurs économiques, sociaux et culturels agoniser. Une fois qu’ils ne seront plus là, ce sera la fin. Après les attentats de Bruxelles, le  Bourgmestre à fait un constat très lucide en affirmant que le combat contre le terrorisme et le repli identitaire passaient d’abord par la culture et l’éducation.
Pour moi le succès  du festival n’est pas une surprise. Il est lié au soutien du Conseil départemental, mais je connaissais dès le début le potentiel de ce projet. Après 10 ans nous devons projeter de nouveaux axes de développement. Je persiste à penser que nous devons lancer des passerelles à partir d’ici, des racines. Mes parents sont arrivés là dans les années 50. Tout cela je le valorise aujourd’hui et cela me donne de la force. On ne devrait pas accorder tant d’attention aux gens qui présentent leur projet avant de leur demander leur bilan. Ce qu’il ont fait concrètement.

Vos coup de coeur à l’affiche de cette 11e édition…

Le cabaret Tam Tam qui nous fait replonger dans les nuits parisiennes festives de la diaspora orientale parisienne dans les années 40. Et le récital  de Waed Bouhassoun réfugiée syrienne qui interprète ses compositions au Luth sur des poèmes d’Adonis, Sorhawardi ou Ibn Arabi. Elle me touche beaucoup.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Source : La Marseillaise 14/05/2016

Voir aussi : Rubrique  Festival, Il était une fois les Chibanis, rubrique Méditerranée, rubrique Montpellier, rubrique Politique, Politique Immigration, Politique Culturelle, Politique de l’Education,

Les accords Sykes-Picot : cause des tensions au Proche-Orient ?

 

 Carte des accords Sykes-Picot (archives britanniques) © AFP


Carte des accords Sykes-Picot (archives britanniques) © AFP

16 mai 1916. En pleine bataille de Verdun, Anglais et Français pensent déjà à l’après-guerre. Deux hommes, deux diplomates, vont négocier et se partager une grande partie du monde arabe, alors sous contrôle de l’Empire ottoman, allié de l’Allemagne. Ce seront les accords Sykes-Picot, qui après guerre créeront les frontières du Proche-Orient. Frontières qui n’ont que peu bougé depuis.

D’un côté les armées s’affrontaient. En Europe occidentale, la bataille de Verdun battait son plein. A l’est de la Méditerranée, les Franco-Anglais se retiraient de la sanglante bataille des Dardanelles contre les Turcs alliés des Allemands. Plus au Sud, l’officier britannique T.E.Lawrence est envoyé en Arabie pour aider les nationalistes arabes, menés par le chérif de La Mecque, à lutter contre les Ottomans dont l’empire s’étend jusqu’au Sinaï.

De l’autre, les diplomates commençaient déjà leurs tractations. Angleterre et France avaient un œil sur le Proche-Orient en pensant à l’après guerre. Deux diplomates, bons connaisseur de la région, Mark Sykes et François Georges-Picot, vont travailler sur un partage de la région entre les deux grandes puissances. L’accord, signé le 16 mai 1916, est un des accords de partage des dépouilles de l’Empire ottoman.

L’accord en lui même ne définit pas les frontières futures de la région, mais les deux grandes zones d’influence entre la France et l’Angleterre. Les autres grandes puissances alliées sont informées de ce traité, qui sera communiqué aux autres pays par les Russes après la Révolution… dans le cadre de leur lutte contre la diplomatie secrète.

Carte du partage du Proche-Orient, version Sykes-Picot 1916 (Image tirée d'un article de Julie d’Andurain sur lesclesdumoyenorient.fr © lesclesdumoyenorient.fr

Carte du partage du Proche-Orient, version Sykes-Picot 1916 (Image tirée d’un article de Julie d’Andurain sur lesclesdumoyenorient.fr © lesclesdumoyenorient.fr

 

 

 

 

 

 

 

«Je veux aussi Jérusalem, a continué Lloyd George»

La France voulait conserver son influence sur la côte syrienne tandis que Londres entendait surtout préserver son contrôle sur le canal de Suez. Jérusalem aurait pu constituer le seul pôle de friction entre les deux puissances coloniales, mais un accord fut trouvé. «Les Français administreront directement une zone allant du littoral syrien jusqu’à l’Anatolie ; la Palestine sera internationalisée (condominium franco-britannique de fait) ; la province irakienne de Basra et une enclave palestinienne autour de Haïfa seront placées sous administration directe des Britanniques ; les Etats arabes indépendants confiés aux Hachémites seront partagés en deux zones d’influence et de tutelle, l’une au Nord confiée aux Français, l’autre au Sud aux Britanniques. La ligne dite Sykes-Picot, qui divise le Proche-Orient, doit aussi permettre la construction d’un chemin de fer britannique de Bagdad à Haïfa», détaille l’historien Henry Laurens.

Les suites de la guerre obligeront les deux puissances à affiner leurs décisions. C’est ainsi qu’après la fin de la guerre, raconte Henry Laurens citant un diplomate britannique, que les Anglais obtinrent Mossoul et Jérusalem à la suite d’une rencontre entre les leaders des deux pays: «Clemenceau dit : « Bien. De quoi devons-nous discuter? » « De la Mésopotamie et de la Palestine », répondit Lloyd George. « Dites-moi ce que vous voulez », demanda Clemenceau. « Je veux Mossoul », dit Lloyd George. « Vous l’aurez », a dit Clemenceau. « Rien d’autre? Si, je veux aussi Jérusalem », a continué Lloyd George. « Vous l’aurez », a dit Clemenceau.»

Les frontières seront fixées par les traités de Sèvres (août 1920) et le traité de Lausanne (1923), dans le cadre des mandats accordés aux deux grandes puissances par la Société des Nations pour gérer leur zone d’influence. C’est là que naissent une partie des frontières actuelles. Le Liban, Israël émergeront plus tard tandis que la Turquie récupèrera une partie de son territoire perdu dans la région d’Alexandrette.

Dans le découpage, le pétrole n’est pas oublié et les Français qui ont lâché Mossoul et ses promesses de pétrole récupèreront environ un quart des droits d’exploitation… Quant aux indépendantistes arabes, ils devront se contenter de quelques miettes alors qu’en Syrie les Français materont toute velléité d’indépendance, loin des engagements de Lawrence d’Arabie

Thomas Edward Lawrence (Lawrence d'Arabie) : autoportrait pour son livre autobiographique «Les Sept Piliers de la sagesse». © AFP/THE ART ARCHIVE

Thomas Edward Lawrence (Lawrence d’Arabie) : autoportrait pour son livre autobiographique «Les Sept Piliers de la sagesse». © AFP/THE ART ARCHIVE

Une contestation permanente

«La ligne de partage n’avait pas de rationalité autre qu’une idée simpliste : tout ça, c’est du sable, on trace un trait, on ne tient pas compte des territoires des tribus, des tracés de fleuves, des voies de communication, de la géographie. C’est une ligne purement géométrique. Tout a été fait avec désinvolture», affirme aujourd’hui l’historien James Barr à propos de ces accords. Pourtant, les frontières qui en sont issues tiendront, malgré des remises en cause périodiques. L’arrivée de Nasser au pouvoir et son combat pour le panarabisme avait pour idée de fédérer une nation arabe. «Le panarabisme prôné par Nasser s’opposait de facto aux frontières ayant découlé des accords Sykes-Picot mais également à celles promulguées par les puissances européennes», raconte le site Sowt al-ArabLa République arabe unie, proclamée en 1958, permit à la Syrie, à l’Egypte ainsi qu’au Yémen du Nord pendant une courte durée de s’unir sous la forme d’un Etat fédéral. Cette union ne fut qu’éphémère. Elle pris fin dès 1961. Les nationalismes et les intérêts locaux ont montré que les frontières avaient la vie dure.

La dernière contestation en date, religieuse celle-là, est venue de Daech qui a symboliquement abattu la frontière entre la Syrie et l’Irak, avec l’idée d’unifier un monde musulman en s’appuyant sur le mythe d’un califat.

«L’Etat islamique remet tout cela en cause aujourd’hui. Sa position consistant à dénoncer les accords Sykes-Picot comme un accord occidental et colonialiste est un peu facile. Cela participe d’une propagande anti-occidentale quelque peu ridicule et sans réel fondement. Mais ceux qui ne s’y trompent pas, ce sont les bien les héritiers de Fayçal et d’Ibn Séoud, qui sont encore aujourd’hui les alliés des Occidentaux. Ces deux grandes familles ont fini par accepter, et ce, depuis longtemps, les frontières du Moyen-Orient dressées par Mark Sykes et François Georges-Picot. Ils savent en effet très bien que la volonté de l’EI de renégocier ces accords est un prétexte pour se débarrasser d’eux»
Source Géopolis 17/05/2016
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