La rencontre inévitable entre le performer Albert Ibokwe Khoza et la chorégraphe sud africaine Robyn Orlin nous transporte dans la radicalité de l’histoire avec la création : « And so you see… Our honourable blue sky and ever enduring sun… Can only be consumed slice by slice... sous titré Requiem à l’humanité ».
Un titre qui parle de consommation, d’honorable ciel bleu et de soleil permanent pourrait répondre aux critères attendus du tourisme de masse. Mais ce n’est pas tout à fait de cela dont il est question dans la dernière création de Robyn Orlin, à moins d’étendre le mode de vie consumérique occidental à une forme de tourisme déimpliquée des affaires du monde. La dernière création de Robyn Orlin présentée au Festival Montpellier Danse utilise la forme du requiem. Musicale, avec l’aimable participation de Mozart mais aussi dans différentes formes de rites religieux et profanes. La chorégraphe née en 1955 à Johannesburg vit aujourd’hui à Berlin. En Afrique du Sud, on l’a surnommée “l’irritation permanente”. Ce qui correspond bien à son indomptable faculté de dénonciation qui bouscule non sans humour le spectateur dans ses confortables certitudes.
Approche subversive
Robyn Orlin est une habituée de Montpellier Danse. Elle figure parmi les grandes personnalités dont chaque escale à Montpellier s’inscrit dans l’historique du Festival. En 2007 On doit manger nos sucettes avec leur emballage mettait le doigts sur la pandémie du sida qui concernait 12% de la population sud africaine. Avec sa pièce In a world full of butterflies, it takes balls to be a caterpillar… some thoughts on falling… présentée il y a deux ans, elle s’attaquait à l’image récurrente et symbolique des corps tombant des tours jumelles du World Trade Center, en s’attardant sur l’exploration de la chute.
Conçu avec le fascinant danseur performer Albert Silindokuhle Ibokwe Khoza, And so you see… Our honourable blues sky and eevr enduring sun... Can only be consumed slice by slice, est un solo qui révèle et transcende, la réalité complexe et contemporaine de l’Afrique du Sud, à l’instar des effets profonds et désastreux de l’exploitation du continent africain, devenu continent des miracles négatifs. Robyn Orlin nous amuse avec ses clins d’oeil politiques aux anciennes et nouvelles puissances coloniales.
On entre dans la pièce par le corps d’Albert Ibokwe Khoza, à travers une scène mortuaire très plastique au mode d’exécution qui oscille entre les pratique ancestrales de l’Egypte antique et la mise en scène d’un sérial killer psychotique. Cette dualité entre la tradition qui resurgit en force et la perdition à laquelle se confronte le désir et l’espoir de la jeunesse africaine tient lieu de fil rouge, avec l’omniprésence du corps.
Un corps vécu et filmé se confrontant aux sept péchés capitaux sans échapper à la violence des représentations que la chorégraphe traite dans un subtil jeu de miroir. Prenons garde, celui que l’on regarde comme un sauvage et un demeuré peut le devenir… Mais il peut aussi montrer avec une grande sensibilité son appartenance à l’humanité. Entre la vie et la mort, il y a ce passage où le corps se libère, jouit, souffre, s’exprime, se prête à la cérémonie ponctuée par l’intonation chantée par le célébrant et un beau sens de la théâtralité.
La richesse du langage de Robyn Orlin trouve avec son danseur un potentiel d’expressions artistiques inespéré pour le grand plaisir des spectateurs qui sont du voyage.
. JMDH
Ce soir à 20h hTh Grammont
Source : La Marseillaise 02/07/2016
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