Congrès PS : ce texte que les ministres auraient dû mieux lire avant de signer

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Le Joker Macron qui n’a pas sa carte au PS…
DÉCRYPTAGE

Tous les socialistes du gouvernement ont apposé leur nom sur la motion Cambadélis. A lire le détail, ils se sont engagés à beaucoup d’ici la fin du quinquennat…

C’est le titre du dernier paragraphe : «Les orientations de notre congrès devront avoir prise sur le cours du quinquennat.» On le trouve à la fin de la «motion A», ce texte d’orientation porté par le Premier secrétaire sortant du PS, Jean-Christophe Cambadélis, pour le 77e congrès du PS à Poitiers et… signé par tous les ministres socialistes du gouvernement. Le premier d’entre-eux compris. Et à quoi se sont-ils engagés en le signant ? Si personne ne trouvera à redire aux chapitres «écosocialisme», «égalité réelle», «accès à la culture» ou encore «santé partout et pour tous», d’autres points sont en contradiction avec les prises de positions récentes de certains ministres. De quoi rappeler, dans les deux ans à venir, aux locataires de Bercy et de la rue de Grenelle (voire de la Commission européenne puisque Pierre Moscovici a aussi signé) ce que les parlementaires PS seront censés porter. Car, sur ce point, le texte est clair : «Les parlementaires devront en faire une référence pour guider leur action. De même, les grands textes de loi devront donner systématiquement lieu à un débat avec vote en conseil national». Morceaux choisis.

Sur le pacte de responsabilité

Si cette motion garantit le cadre du pacte de responsabilité, elle émet un bémol. «Les engagements ne semblent pas, à ce stade et par toutes les branches professionnelles, respectés», est-il écrit. Conséquence: «Si cette situation est confirmée par l’évaluation nationale, nous estimons que les 15 milliards du pacte qui restent à utiliser devraient dorénavant l’être plus directement pour favoriser l’emploi, l’investissement privé productif et les investissements publics.» Suffisant pour réallouer les sommes destinées à baisser les «charges» des entreprises ? A voir… Et si un premier passage demandant des «contreparties» a été supprimé, les ministres de Bercy s’engagent ainsi à «mieux cibler les dispositifs d’intervention pour les entreprises qui en ont un réel besoin – et d’abord les PME et ETI industrielles, ainsi que les secteurs exposés à la concurrence internationale – et sur les leviers réellement utiles à la compétitivité comme la recherche, l’innovation, la formation.»

Sur la fiscalité

«Plus que jamais, la grande réforme fiscale que nous avons voulue doit être menée à bien.» Au temps de Jérôme Cahuzac, on nous avait pourtant expliqué que cette réforme fiscale était «faite». Pas totalement apparemment… Le texte ressuscite donc l’engagement de campagne du candidat Hollande. Et il ne reste plus que le budget 2016 (discuté au Parlement à l’automne 2015) pour le tenir : «Pour les ménages, nous souhaitons que le chantier de l’impôt citoyen soit engagé dès le projet de budget pour 2016 par un prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu et une réduction de la CSG sur les premières tranches de revenus, est-il écrit. Lisible pour le contribuable, cette première étape permettra de poser le socle du rapprochement entre l’impôt sur le revenu et la CSG.» On attend donc Christian Eckert et Michel Sapin – tous deux signataires – lorsqu’ils présenteront le prochain projet de loi de finances.

Sur le contrat de travail

Passons au ministre du Travail, François Rebsamen. En signant ce texte, finie l’idée du contrat unique ou de tout autre nouveau contrat : «Les règles qui le régissent, qu’il soit à durée déterminée ou indéterminée, doivent permettre une sécurité pour les salariés et combattre la précarité qui les frappe, est-il rappelé. Ainsi une réforme telle que le contrat unique ou l’extension des contrats de chantiers à d’autres secteurs que le bâtiment, et a fortiori à l’ensemble des secteurs, est pour nous exclue.» Ça ne peut pas être plus clair.

Sur le «repos dominical»

Ce dossier concerne Rebsamen mais aussi le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron. Lequel, certes, n’a pas sa carte au PS… Sa loi sur la «croissance et l’activité» doit revenir à l’Assemblée avant l’été ? Le texte – qui engage donc les députés – est limpide : «Nous sommes opposés à une nouvelle extension du travail du dimanche.». Exit en principe les 12 dimanches travaillés présents dans la loi ? En tout cas, cette motion reprend les arguments défendus par les opposants à cette extension, Martine Aubry en tête : «C’est d’abord un choix de société. La consommation ne peut être l’alpha et l’oméga de nos vies. Le dimanche doit d’abord être un moment du vivre ensemble. C’est une question de protection des salariés les plus fragiles pour lesquels la liberté de choix n’existe pas réellement, de protection des petits commerces qui restent souvent les dernières activités présentes dans les quartiers en difficulté et dans les zones rurales désertifiées.» A suivre dans l’hémicycle…

Sur la «réorientation» européenne

Enfin, pas sûr que cette motion soit allée jusqu’à Bruxelles… Car ce texte engage aussi le commissaire européen, Pierre Moscovici, chargé des Affaires économiques, monétaires et de la fiscalité… donc de faire respecter la réduction des déficits. Or, cette motion demande à ce que «les disciplines budgétaires» soient «assouplies» et qu’«une part des investissements d’avenir [soient] exclus du calcul des déficits». L’Union bancaire doit être parachevée, «notamment par la garantie européenne des dépôts des épargnants», demandent aussi ces socialistes. Quant au plan Juncker, Moscovici trouve donc aussi qu’il est sous-doté et souhaite que «sa capacité de prêt [soit] portée à 200 milliards d’investissements par an (contre 100 actuellement prévus)». Le texte plaide enfin aussi «pour une initiative forte en Europe en vue d’une directive ambitieuse de séparation des activités des banques d’investissement et des banques de dépôt». Ce que Moscovici, lorsqu’il était à Bercy, a enterré.

Lilian ALEMAGNA

Source Libération :14/04/2015

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Politique, Politique économique, rubrique UE,

Syriza « La volonté d’un nouvel équilibre politique »

Photo Rédouane Anfoussi

Anastassia politi. Elle est membre fondatrice de Syriza Paris, le parti grec arrivé au pouvoir le 25 janvier dernier. Petit tour d’horizon des questions qui se posent pour faire entendre la voix du peuple.

Anastassia Politi est une artiste grecque qui mène sa carrière de comédienne et metteur en scène à Paris. Elle est membre fondatrice de Syriza Paris. Invitée jeudi au cinéma Diagonal par le collectif montpelliérain de solidarité avec le peuple Grec*, elle apporte un éclairage sur la position politique du parti Syriza et l’espoir qu’il suscite pour tous les peuples d’Europe, deux mois après son arrivée au pouvoir en Grèce.

Quelle analyse portez-vous sur les conditions de votre arrivée au pouvoir le 25 janvier dernier ?

L’accession de Syriza au pouvoir est le fruit d’un long processus historique. Notre parti trouve ses origines dans une large coalition de partis de gauche et d’extrême gauche. Le ciment de cette alliance remonte au forum social de Gènes en 2001. Syriza est un parti qui revendique une position marxiste-léniniste adaptée au XXIe siècle. Il faut comprendre que la gauche grecque et notamment les communistes, se sont illustrés héroïquement à travers leurs faits d’armes et leurs convictions tenaces durant le XXe siècle. Cette gauche jouit toujours aujourd’hui d’une vraie reconnaissance dans la population.

L’origine de cette soif démocratique populaire tiendrait aux braises du XXe siècle…

Oui, après le désastre de la Seconde guerre mondiale le combat révolutionnaire s’est poursuivi, contre le nouveau pouvoir grec soutenu par les puissances anglo-saxonnes. Les résistants de gauche furent écartés une première fois. Durant les trois ans de guerre civile, la chasse aux sorcières a fonctionné à plein régime. Il suffisait d’avoir un membre de sa famille communiste pour perdre ses droits élémentaires de citoyen, comme celui d’étudier ou de travailler. Puis ce fut la dictature des Colonels extrêmement répressive qui s’inspirait ouvertement de l’idéologie fasciste avec le soutien de la CIA. Après la guerre civile et la dictature, ce qui s’est passé en janvier dernier est la troisième possibilité d’accéder à une démocratie populaire. Elle s’est imposée par la voie des urnes, ce qui confirme que la résistance est implantée dans le coeur du peuple grec.

Le peuple grec se mobilise aussi face au désastre humanitaire lié au programme de sauvetage de la troïka…

En effet le mémorandum conditionnait le plan d’aide financière à des économies et réformes qui se sont révélées catastrophiques et inhumaines. En cinq ans, les classes moyenne et ouvrière se sont appauvries de 337%. Le taux de chômage dépasse les 30%. Il est de 60% chez les moins de 26 ans. On a assisté à une vague d’émigration sans précédent des jeunes diplômés. Les services publics ont été abandonnés. Vingt-cinq hôpitaux ont fermé et beaucoup de nos médecins sont partis trouver du travail en Allemagne. La crise a aussi touché le secteur privé avec la liquidation de 65 000 entreprises.

Le président de la Commission J-C. Juncker oppose très frontalement les traités
de l’UE à votre volonté de démocratiser la vie politique…

On peut dire que monsieur Juncker a enfin révélé la vraie nature de la dictature libérale qui tient lieu de démocratie dans l’union européenne. Ce que les peuples français, irlandais, et néeerlandais ont déjà pu expérimenter en voyant leur voix rejetées après avoir été consultés sur les traités. Le volet démocratique du programme de Syriza repose notamment sur des mesures pour combattre la corruption et l’évasion fiscale. Il passe par un soutien à la croissance économique, la création de 300 000 emplois notamment pour les jeunes. Il comporte enfin un important volet social pour fournir de l’électricité et nourrir 300 000 personnes en situation d’extrême précarité.

 

Alexis Tsipras engage un bras de fer pour renégocier la dette estimée à 320 Mds d’euros. Ne sera-t-il pas contraint à faire des compromissions ?

La BCE devait verser 7,2Mds d’euros à la fin 2014 mais elle met le peuple grec au supplice de la goutte. La croissance de la dette depuis la crise de 2008 est le produit de l’effet combiné des cures d’austérité, qui ont plongé le pays dans la dépression, et de la spéculation financière qui fait exploser les taux d’intérêts. Les banques ont utilisé une partie de l’argent public injecté afin de les sauver de la faillite pour spéculer sur la dette grecque. Nous avons commandé un audit conduit par 15 experts indépendants pour se pencher sur la nature de la dette grecque et en estimer la part légitime et illégitime.

Si le gouvernement ne trouve pas d’issue sur cette question envisage-t-il de renoncer à la monnaie unique ?

Jusqu’ici le gouvernement se prononce pour poursuivre les négociations mais au sein du parti le débat est ouvert sur cette question. L’UE joue la carte de l’asphyxie économique. Vous savez on a déjà vécu la guerre civile et on ne souhaite pas la revivre. Cela veut dire que nous voulons avoir la paix.

Après la rencontre avec Merkel, Alexis Tsipras sera reçu par Poutine début avril. Envisagez-vous l’alternative russe comme une porte de sortie ?

Avec la Chancelière allemande le risque est grand pour que la négociation n’aboutisse pas à un compromis. Le problème n’est pas purement financier il est idéologique. Admettre que la politique d’austérité ne fonctionne pas concerne la plupart des pays de l’Union. Ce qu’exprime Syriza c’est avant tout la volonté d’un nouvel équilibre politique. C’est une partie d’échec. Il existe une commission bi ministériel entre la Grèce et la Russie. L’embargo économique de l’UE contre la Russie a pénalisé l’économie grecque. L’idée c’est que nous sommes un pays souverain et que nous avons en tant que tel la possibilité de parler à qui bon nous semble.

Les difficultés auxquelles vous vous trouvez confrontés n’entament-elles pas la mobilisation populaire sur laquelle vous vous appuyez ?

Nous avons été élus sur un programme. Il est hors de question de l’abandonner. Je ne sais pas si nous allons trouver l’argent pour le mettre en oeuvre. L’UE nous dit que notre initiative est unilatérale. C’est absurde. Nous sommes face à une crise civilisationnelle profonde et nous essayons de trouver des solutions politiques. Notre force provient d’un sentiment de dignité retrouvée même si on est encore dans la misère. Ce n’est pas le parti qui mène le peuple. Syriza est issu des mouvements sociaux et souhaite que les mouvements sociaux donnent l’orientation.

RecueiIli par Jean-Marie DINH

Source : La Marseillaise 30/03/2015

Voir aussi : Actualité Internationale Rubrique UE, Grèce, rubrique Russie, rubrique Politique, Politique internationale, rubrique Société, Mouvements sociaux, Citoyenneté, rubrique Rencontre,

Et l’intégrisme économique, on le combat ?

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Selon le dictionnaire Larousse, l’intégrisme est « une attitude et une disposition d’esprit de certains croyants qui, au nom du respect intransigeant de la tradition, se refusent à toute évolution ».

Si une bataille s’engage contre l’intégrisme religieux et ses idées rétrogrades, un autre intégrisme sévit, plus sournoisement, avec l’appui des principaux responsables politiques et des milieux d’affaires. Cet intégrisme, économique celui-là, n’a pas eu besoin de recourir à des moyens barbares pour s’imposer.

Mais, comme l’intégrisme religieux, il défend une tradition, en l’occurrence l’économie néo-libérale, les dogmes sur lesquels elle repose et refuse toute évolution. Les dix commandements de la bible économique néo-libérale sont d’ailleurs bien connus :

  • (1) l’austérité budgétaire tu prôneras ;
  • (2) la dépense publique tu diminueras ;
  • (3) plutôt que les plus riches, les pauvres tu taxeras ;
  • (4) la libéralisation financière tu assureras ;
  • (5) une banque centrale indépendante tu chériras ;
  • (6) le marché tu vénéreras ;
  • (7) la compétitivité tu promouvras ;
  • (8) la privatisation de l’économie tu organiseras ;
  • (9) la déréglementation tu favoriseras ;
  • (10) la propriété privée tu défendras.

L’intégrisme économique a un dieu qu’il vénère : le marché ; et de nombreux prédicateurs médiatiques qui ont pour mission de convaincre les foules de la bonté de ce dieu et, pour les récalcitrants, de nier toute alternative et de promettre l’enfer, sur terre cette fois-ci, à ceux qui douteraient de la véracité des tables de la loi économique.

Il a aussi ses théologiens dont l’un des principaux est Milton Friedman. Bernard Maris rappelait d’ailleurs que « dans un article qui a fait un tabac dans la profession, [Friedman] a avancé la thèse qu’une théorie ne devait pas être testée par le réalisme de ses hypothèses, mais par celui de ses conséquences. Autrement dit, peu importe de faire l’hypothèse que la Terre est plate, tant que ça vous permet d’aller où vous voulez à vélo… Vous pouvez même supposer que la Terre est creuse comme un bol, si vous sentez que votre vélo descend »…

Vive la concurrence… mais pas celle des idées

La « pseudo »-science économique, qui manipule les hypothèses à sa guise et s’arrange avec la réalité si cela lui permet d’asseoir son pouvoir, relève donc plus du domaine de la foi que de la science. Elle est servie idéologiquement par une corporation qui cherche à éradiquer les économistes « hérétiques », que l’on qualifie d’hétérodoxes. Ces gardiens du temple, qui prônent à longueur de temps les vertus de la concurrence, refusent pourtant celle qui devrait s’exercer sur le marché des idées.

En effet, une bataille s’est engagée en France entre les économistes « orthodoxes », défenseurs de la doxa néo-libérale, et les « hétérodoxes » qui militent pour que d’autres approches économiques puissent être développées, discutées et enseignées.

Ces derniers sont actuellement en voie de disparition comme le rappelle l’Association française d’économie politique (Afep) : « Les statistiques montrent que, sur la période 2005-2011, sur 120 recrutements de professeurs, on ne compte que 6 économistes appartenant à des courants minoritaires ».

Etouffer la contestation de l’intérieur

La section 5 du conseil national des universités (CNU), qui conditionne l’entrée et les promotions dans la carrière universitaire en économie, fait preuve d’une grande ouverture d’esprit… C’est pourquoi l’Afep mène la bataille de la défense du pluralisme. Puisque le débat d’idées n’est pas possible au sein de la section actuelle, les intégristes rejetant toute évolution, il a été demandé au ministère de tutelle de créer une autre section au sein de laquelle l’économie pourrait dialoguer sereinement avec les autres sciences sociales, ouvrant ainsi un nouvel espace intellectuel qui ne supprimerait aucun de ceux qui existent.

Après avoir acté cette création en décembre 2014, le ministère est revenu sur sa décision début janvier 2015. Dans l’intervalle, les représentants de l’ordre établi sont montés au créneau afin de tuer dans l’œuf toute remise en question du dogme. Jean Tirole, fort de ses nouveaux galons de « prix Nobel d’économie », a pris la plume afin de dire à la ministre tout le mal qu’il pensait de ce désir de pluralisme. Pour lui, la volonté de s’émanciper de l’orthodoxie « promeut le relativisme des connaissances, antichambre de l’obscurantisme ». Rien que ça…

On reconnaîtra ici aisément l’artifice consistant à accuser son adversaire de ses propres turpitudes. Le président de la section 5 du CNU, Alain Ayong Le Kama, n’est pas en reste. Pour lui, la revendication des hétérodoxes est « très idéologique ». La quasi-totalité des 20 doyens de facultés d’économie s’opposent aussi à ce projet, affirmant que « cette nouvelle section “ fourre-tout ” va essentiellement servir à caser les “ ratés ” ou “ frustrés ” du système universitaire ».

L’intégrisme n’a jamais brillé par sa tolérance. Mais pourquoi les orthodoxes veulent-ils conserver avec eux cette bande d’économistes ratés ? La raison est simple : il faut contrôler toute contestation et il est plus facile de l’étouffer de l’intérieur.

Grèce : étouffer toute stratégie autre en Europe

Le pouvoir d’envoûtement de l’intégrisme économique est puissant puisque la très grande majorité de la classe politique européenne est sous sa coupe comme nous le montre aujourd’hui le traitement de la « question » grecque. Que demande aujourd’hui la Grèce d’Alexis Tsipras ? Que l’on desserre l’étreinte qui étrangle sa population depuis plus de cinq ans et mène à la catastrophe. En effet, le PIB de la Grèce a baissé de 25% depuis 2008 tandis que les salaires et les pensions ont diminué de 40%, tout comme les dépenses de santé et d’éducation. Le taux de chômage dépasse les 25%. La dette, que les politiques imposées par la Troïka (Commission européenne, BCE et FMI) étaient supposées réduire, est passée de 110% du PIB en 2008 à… 175% aujourd’hui.

L’hostilité affichée par les « partenaires » européens à l’égard des propositions du gouvernement grec qui n’ont, de l’aveu de beaucoup, rien de révolutionnaire, est symptomatique de cet intégrisme économique qui cherche à étouffer l’ébauche de toute autre stratégie au sein de l’Union européenne.

La Commission européenne a cherché par exemple à stopper le projet de loi sur « l’urgence humanitaire » promis par Syriza. Tandis que près d’un quart de la population grecque vit sous le seuil de pauvreté, le but était « d’apporter une assistance d’urgence à ceux qui en avaient le plus besoin. (…) Le projet de loi prévoyait d’accorder une allocation logement de 70 à 220 euros à 30.000 personnes (…). Il envisageait une aide alimentaire pour 300 000 personnes et le rétablissement, jusqu’à la fin de l’année, de l’électricité pour les ménages qui se l’étaient vu couper faute de moyen pour payer les factures. Rien de plus. Le coût de cette action était estimé à 200 millions d’euros. Autrement dit, une somme négligeable sur le plan budgétaire. »

Terrorisme intellectuel

Cette stratégie vise à démolir le nouvel exécutif grec ou à le faire rentrer dans le rang afin qu’aucun autre pays en difficulté n’ait à l’avenir l’idée de remettre en question le dogme néo-libéral. Elle est servie par un discours bien rôdé faisant de l’égoïsme et de l’enrichissement personnel les valeurs cardinales de nos sociétés dites modernes tandis que la lutte de chacun contre tous est supposée conduire au bonheur généralisé. Ainsi, ce terrorisme intellectuel a gangréné nos esprits et nous conduit aujourd’hui à accepter l’idée que le pauvre, le chômeur ou l’exclu sont les uniques responsables de leur sort, justifiant ainsi de les laisser se débrouiller aux marges de la société.

Comme l’intégrisme religieux, l’intégrisme économique promeut des valeurs rétrogrades et nous invite à souffrir aujourd’hui afin d’atteindre un bonheur illusoire sans cesse différé. Le combattre est un devoir.

Par Eric Berr (Economiste atterré)

Source Rue 89 23/03/2015

UE. Rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes

Marc. Tarabella: "l'égalité des genres est une égalité de droits et d'accessibilité"

Marc. Tarabella: « l’égalité des genres est une égalité de droits et d’accessibilité »

Chaque année au Parlement européen, la commission sur les droits des femmes prépare un rapport pour évaluer les progrès faits pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Les députés discuteront en session plénière le 9 mars et voteront le lendemain sur les progrès réalisés en 2013. Marc Tarabella, député démocrate-socialiste belge et rapporteur sur la question, nous a parlé des réalisations mais aussi de ce qu’il reste à faire.

Après les débats au sein de l’hémicycle du Parlement européen lundi le 9 mars au soir, le rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes en 2013 a été adopté le mardi 10 mars à midi.

Un nombre équivalent de députés du PPE ont voté pour et contre. Parmi les eurodéputés français, tous ceux de l’UMP au PPE à l’exception de Phillipe Juvin qui s’est abstenu ont voté en faveur de ce rapport comme Michelle Alliot Marie, Nadine Morano ou Constance le Grip. Brice Hortefeux qui avait voté contre a finalement changé son vote : « Erreur de manipulation, plaide l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy. Mon assistante a corrigé l’erreur dès que possible. Ça arrive de temps en temps ». Du côtés des non-inscrits du FN, tous ont votés contre comme Marine Le Pen, Aymeric Chauprade ou Mireille d’Ornano.

CrbDbO2XYAANmviMême si la compétence des États membres en matière de droits génésiques et sexuelles et sa primauté sur l’UE sont rappelés, le rapport (commence à la page 236) insiste sur « l’accès aisé à la contraception et à l’avortement » :

45. indique que plusieurs études démontrent que les taux d’avortement dans les pays où l’avortement est autorisé et dans ceux où il est interdit sont similaires, voire plus élevés dans ces derniers (Organisation mondiale de la santé, 2014) ;

46. note que l’élaboration et la mise en oeuvre des politiques en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs, et d’éducation sexuelle, relèvent de la compétence des États membres ; souligne néanmoins que l’Union européenne peut contribuer à la promotion des meilleures pratiques au sein des États membres ;

47. insiste sur le fait que les femmes doivent avoir le contrôle de leur santé et de leurs droits sexuels et reproductifs, notamment grâce à un accès aisé à la contraception et à l’avortement ; soutient par conséquent les mesures et actions visant à améliorer l’accès des femmes aux services de santé sexuelle et reproductive et à mieux les informer de leurs droits et des services disponibles ; invite les États membres et la Commission à mettre en oeuvre des mesures et des actions pour sensibiliser les hommes quant à leurs responsabilités sur les questions sexuelles et reproductives.

M. Tarabella: « l’égalité des genres est une égalité de droits et d’accessibilité »

Quelle est la situation actuelle en termes d’égalité dans l’Union européenne ? Vous étiez le rapporteur pour l’égalité entre les hommes et les femmes en 2009. Qu’est-ce qui a changé depuis ?
Il y a du changement, mais c’est trop lent. Si nous continuons à ce rythme, la différence de rémunération entre les hommes et les femmes ne disparaîtra qu’en 2084. Depuis mon dernier rapport il y a cinq ans, l’emploi des femmes a augmenté de 60 à 63%, ce qui n’est pas suffisant. Nous devons faire attention à la qualité des emplois – de plus en plus de femmes ont des emplois à temps partiel, des contrats temporaires ou travaillent dans des conditions précaires.
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Quelles sont les thèmes principaux qui doivent être considérés comme des priorités ?
L’élimination de la violence contre les femmes doit être une priorité. Nous devrions avoir une année dédiée à la lutte contre la violence. Ce serait une mesure symbolique, mais il est important d’en parler car c’est encore un tabou dans certains pays.
Le plafond de verre est encore une réalité, surtout dès que l’on parle de quotas de femmes dans les entreprises cotées en bourse. On peut en parler pendant 30 ans, mais pour permettre une réelle évolution, il faut des mesures coercitives. Nous devons également lutter contre les stéréotypes dès le plus jeune âge et ratifier la convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
En ce qui concerne les droits sexuels et génésiques, ce rapport n’est pas pour ou contre l’avortement. Il concerne l’égalité et le droit de choisir, qui sont des droits fondamentaux.

 

Vous êtes un des seuls hommes qui travaillent à la commission sur les droits des femmes. Quel rôle jouent les hommes dans l’amélioration de l’égalité des sexes ? Sont-ils prêts à accepter le changement ?

 

Il n’y a pas assez d’hommes qui sont prêts à s’attaquer à ce problème. Il y a beaucoup de stéréotypes contre les hommes qui luttent pour l’égalité des sexes. Il faut changer les mentalités. Je pense que l’égalité des genres est une égalité de droit et d’accessibilité. Les femmes et les hommes ne sont pas et ne seront jamais identiques, mais ils doivent avoir les mêmes droits.
Source Parlement européen actualité  ;  20/03/ 2015

Voir aussi : Rubrique UE, rubrique Politique, rubrique Société , Droits des femmes,

 

Terrorisme: l’UE confirme son refus d’un Patriot Act…

Photo Reuter.

Photo Reuter.

Par Jean Quatremer correspondant de Libération

L’Ukraine et la Grèce ont quelque peu éclipsé, lors du Sommet européen de jeudi, à Bruxelles, la lutte contre le terrorisme. Néanmoins, un mois tout juste après les attentats de Paris, les 28 chefs d’État et de gouvernement ont affiché leur détermination à « combattre » les « ennemis de nos valeurs » en adoptant un plan d’action qui se concentre surtout sur l’aspect préventif (identification et contrôle des suspects, lutte contre la propagande extrémiste sur le net et la radicalisation dans les prisons, contre-propagande, échanges systématiques d’informations entre les services via Europol et Eurojust, lutte contre le trafic d’armes et le financement du terrorisme, etc.), l’aspect répressif ayant déjà été largement traité au lendemain du 11 septembre 2001 (mandat d’arrêt européen, harmonisation de la répression du terrorisme, lutte contre le blanchiment d’argent, etc.). Pour l’Union, il s’agit d’éviter de porter atteinte à ses libertés fondamentales en sombrant dans le tout répressif, ce qui serait tomber dans le piège des terroristes.

 En dépit de cette volonté affichée, il n’est pas du tout certain qu’elle y parvienne, comme le montre le projet de fichier « PNR » (passenger name record) destiné à centraliser les renseignements recueillis par les compagnies aériennes sur leurs passagers (nom, prénom, adresse, téléphone, courriel, moyen de paiement, bagages, programme de fidélité, etc.). Selon la Commission et les États membres, il est censé permettre l’identification de suspects jusqu’alors inconnus en fonction de leur profil voyageur, les fichiers européens existants (Système d’information Schengen, Système d’information sur les visas et Système d’entrée/sortie des non-ressortissants communautaires) ne concernant que des personnes identifiées. Créé aux Etats-Unis à la suite du 11 septembre, ce fichier n’a toujours pas vu le jour dans l’Union à cause de l’opposition d’une majorité du Parlement européen (gauche radicale, verts, socialistes et libéraux) qui s’inquiète des atteintes aux libertés individuelles.

De fait, il recensera tous les passagers, européens ou non, empruntant des vols nationaux, intra-européens et internationaux, alors que PNR américain ne s’intéresse qu’aux vols internationaux. Pour l’eurodéputée écologiste Éva Joly, ce fichier instituera « une surveillance généralisée qui ne préviendra pas les actes terroristes (mais) engendrera des démocraties fragiles qui pourraient être tentées par des dérives ». Surtout, les eurodéputés ne sont pas du tout convaincus de son utilité, les auteurs des attentats de Paris étant parfaitement connus des services français…

Au minimum, le Parlement exige de fortes garanties qui ne se trouvent pas dans le texte actuel déposé en 2011 : « pour être acceptable à nos yeux, la solution retenue doit (…) être conforme au droit et au principe de proportionnalité et prévoir des mesures vigoureuses pour la protection de nos droits fondamentaux », a rappelé, jeudi, devant les Vingt-huit, Martin Schulz, le président de l’europarlement. Les chefs d’État et de gouvernement se sont dits prêts à accepter des « garanties solides en matière de protection des données », ce qu’ils refusaient jusqu’à présent. Pour un diplomate français, il s’agira d’adapter le texte « à la marge », par exemple en précisant mieux qui aura accès aux données ou en prévoyant une formation de ceux qui y auront accès…

Un second dossier, tout aussi emblématique, est celui de l’espace de libre circulation Schengen, que certains voudraient remettre en cause. « Si on veut garder Schengen, il faut que la frontière extérieure soit un moyen de contrôler qui vient et qui part », a prévenu François Hollande, le chef de l’État français. De fait, actuellement, les contrôles des citoyens européens qui rentrent dans l’espace Schengen ne sont pas systématiquement contrôlés, ce que les États voudraient changer. Mais la Commission, soucieuse de ne pas remettre en cause les droits des citoyens européens, n’y est guère favorable.

N.B. 1 : J’ai été interviewé sur France Culture sur ce sujet. C’est ici.

N.B. 2 : Version longue de mon article paru dans Libération du 14 février.

Source : Blog Coulisses de Bruxelles 15 février 2015

Voir aussi : Rubrique UE, rubrique Politique, Politique internationale, Politique de l’immigration, Société civile, rubrique Société, Citoyenneté,