Anastassia politi. Elle est membre fondatrice de Syriza Paris, le parti grec arrivé au pouvoir le 25 janvier dernier. Petit tour d’horizon des questions qui se posent pour faire entendre la voix du peuple.
Anastassia Politi est une artiste grecque qui mène sa carrière de comédienne et metteur en scène à Paris. Elle est membre fondatrice de Syriza Paris. Invitée jeudi au cinéma Diagonal par le collectif montpelliérain de solidarité avec le peuple Grec*, elle apporte un éclairage sur la position politique du parti Syriza et l’espoir qu’il suscite pour tous les peuples d’Europe, deux mois après son arrivée au pouvoir en Grèce.
Quelle analyse portez-vous sur les conditions de votre arrivée au pouvoir le 25 janvier dernier ?
L’accession de Syriza au pouvoir est le fruit d’un long processus historique. Notre parti trouve ses origines dans une large coalition de partis de gauche et d’extrême gauche. Le ciment de cette alliance remonte au forum social de Gènes en 2001. Syriza est un parti qui revendique une position marxiste-léniniste adaptée au XXIe siècle. Il faut comprendre que la gauche grecque et notamment les communistes, se sont illustrés héroïquement à travers leurs faits d’armes et leurs convictions tenaces durant le XXe siècle. Cette gauche jouit toujours aujourd’hui d’une vraie reconnaissance dans la population.
L’origine de cette soif démocratique populaire tiendrait aux braises du XXe siècle…
Oui, après le désastre de la Seconde guerre mondiale le combat révolutionnaire s’est poursuivi, contre le nouveau pouvoir grec soutenu par les puissances anglo-saxonnes. Les résistants de gauche furent écartés une première fois. Durant les trois ans de guerre civile, la chasse aux sorcières a fonctionné à plein régime. Il suffisait d’avoir un membre de sa famille communiste pour perdre ses droits élémentaires de citoyen, comme celui d’étudier ou de travailler. Puis ce fut la dictature des Colonels extrêmement répressive qui s’inspirait ouvertement de l’idéologie fasciste avec le soutien de la CIA. Après la guerre civile et la dictature, ce qui s’est passé en janvier dernier est la troisième possibilité d’accéder à une démocratie populaire. Elle s’est imposée par la voie des urnes, ce qui confirme que la résistance est implantée dans le coeur du peuple grec.
Le peuple grec se mobilise aussi face au désastre humanitaire lié au programme de sauvetage de la troïka…
En effet le mémorandum conditionnait le plan d’aide financière à des économies et réformes qui se sont révélées catastrophiques et inhumaines. En cinq ans, les classes moyenne et ouvrière se sont appauvries de 337%. Le taux de chômage dépasse les 30%. Il est de 60% chez les moins de 26 ans. On a assisté à une vague d’émigration sans précédent des jeunes diplômés. Les services publics ont été abandonnés. Vingt-cinq hôpitaux ont fermé et beaucoup de nos médecins sont partis trouver du travail en Allemagne. La crise a aussi touché le secteur privé avec la liquidation de 65 000 entreprises.
Le président de la Commission J-C. Juncker oppose très frontalement les traités
de l’UE à votre volonté de démocratiser la vie politique…
On peut dire que monsieur Juncker a enfin révélé la vraie nature de la dictature libérale qui tient lieu de démocratie dans l’union européenne. Ce que les peuples français, irlandais, et néeerlandais ont déjà pu expérimenter en voyant leur voix rejetées après avoir été consultés sur les traités. Le volet démocratique du programme de Syriza repose notamment sur des mesures pour combattre la corruption et l’évasion fiscale. Il passe par un soutien à la croissance économique, la création de 300 000 emplois notamment pour les jeunes. Il comporte enfin un important volet social pour fournir de l’électricité et nourrir 300 000 personnes en situation d’extrême précarité.
Alexis Tsipras engage un bras de fer pour renégocier la dette estimée à 320 Mds d’euros. Ne sera-t-il pas contraint à faire des compromissions ?
La BCE devait verser 7,2Mds d’euros à la fin 2014 mais elle met le peuple grec au supplice de la goutte. La croissance de la dette depuis la crise de 2008 est le produit de l’effet combiné des cures d’austérité, qui ont plongé le pays dans la dépression, et de la spéculation financière qui fait exploser les taux d’intérêts. Les banques ont utilisé une partie de l’argent public injecté afin de les sauver de la faillite pour spéculer sur la dette grecque. Nous avons commandé un audit conduit par 15 experts indépendants pour se pencher sur la nature de la dette grecque et en estimer la part légitime et illégitime.
Si le gouvernement ne trouve pas d’issue sur cette question envisage-t-il de renoncer à la monnaie unique ?
Jusqu’ici le gouvernement se prononce pour poursuivre les négociations mais au sein du parti le débat est ouvert sur cette question. L’UE joue la carte de l’asphyxie économique. Vous savez on a déjà vécu la guerre civile et on ne souhaite pas la revivre. Cela veut dire que nous voulons avoir la paix.
Après la rencontre avec Merkel, Alexis Tsipras sera reçu par Poutine début avril. Envisagez-vous l’alternative russe comme une porte de sortie ?
Avec la Chancelière allemande le risque est grand pour que la négociation n’aboutisse pas à un compromis. Le problème n’est pas purement financier il est idéologique. Admettre que la politique d’austérité ne fonctionne pas concerne la plupart des pays de l’Union. Ce qu’exprime Syriza c’est avant tout la volonté d’un nouvel équilibre politique. C’est une partie d’échec. Il existe une commission bi ministériel entre la Grèce et la Russie. L’embargo économique de l’UE contre la Russie a pénalisé l’économie grecque. L’idée c’est que nous sommes un pays souverain et que nous avons en tant que tel la possibilité de parler à qui bon nous semble.
Les difficultés auxquelles vous vous trouvez confrontés n’entament-elles pas la mobilisation populaire sur laquelle vous vous appuyez ?
Nous avons été élus sur un programme. Il est hors de question de l’abandonner. Je ne sais pas si nous allons trouver l’argent pour le mettre en oeuvre. L’UE nous dit que notre initiative est unilatérale. C’est absurde. Nous sommes face à une crise civilisationnelle profonde et nous essayons de trouver des solutions politiques. Notre force provient d’un sentiment de dignité retrouvée même si on est encore dans la misère. Ce n’est pas le parti qui mène le peuple. Syriza est issu des mouvements sociaux et souhaite que les mouvements sociaux donnent l’orientation.
RecueiIli par Jean-Marie DINH
Source : La Marseillaise 30/03/2015
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