Il est à toi
ce passeport
pour tous les peuples, avec un drapeau arc-en-ciel,
et pour emblème une oie migratrice qui tourne autour du globe,
en toutes les langues que tu veux,
officielles ou pas,
en bleu océan,
rouge sang séché,
ou noir charbon prêt à brûler,
à toi de choisir,
emporte-le où tu veux,
la voie est libre et grande ouverte,
la porte sortie de ses gonds,
tu peux entrer et sortir sans crainte,
personne ne t’arrête,
il n’y a pas d’attente…
Antoine Cassar est un poète de langue maltaise et parfois multilingue. Son long poème Merhba, a poem of hospitality a reçu le prix United Planet en 2009. Il est l’auteur de Muzajk (2008), Passeport (2009, Bejn / Between (2011) et Mappa tal-Mediterran (2013). Activiste pour les droits des migrants et la liberté universelle de circulation, il a fondé et coédite depuis 2013 la revue artistique multilingue Le monde n’est pas rond, en collaboration avec Personne n’est illégal.
On trouve ce beau petit livre objet aux éditions montpelliéraines Faï fioc fondées par le comédien Jean-Marc Bourg, aux prix de 5 euros. Les recettes de la vente du Passeport sont versées à des associations locales qui offrent assistance juridique et linguistique aux réfugiés et aux demandeurs d’asile.
Le texte renforce le contrôle politique sur l’institution judiciaire. L’opposition crie au coup d’Etat.
Le Sénat du Parlement polonais, dominé par les conservateurs, a approuvé dans la nuit de vendredi 21 à samedi 22 juillet une réforme controversée de la Cour suprême, en dépit des mises en garde de l’Union européenne (UE), des appels de Washington et d’importantes manifestations.
Le texte, adopté mercredi par la chambre basse, a été soutenu par 55 sénateurs, contre 23 voix d’opposition. Deux sénateurs se sont abstenus.
Tout au long des débats qui ont duré quinze heures, des milliers de manifestants ont protesté dans toute la Pologne contre cette loi qui renforce le contrôle politique sur la Cour suprême. Après le vote, les manifestants rassemblés devant le Parlement, ont scandé « Honte ! », « Traîtres ! », « Démocratie ! ».
Pour entrer en vigueur, le texte doit être promulgué par le président Andrzej Duda, lui-même issu du parti conservateur Droit et justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski au pouvoir. Le chef d’Etat dispose de vingt et un jours pour signer le texte, y mettre son veto ou, en cas de doute, le soumettre au tribunal constitutionnel.
« Coup d’Etat », d’après l’opposition
L’opposition, des organisations de magistrats, le médiateur public et les manifestants ont appelé le président Duda à user de son veto à propos de cette réforme, ainsi qu’à deux autres réformes adoptées récemment qui, selon eux, accroissent le contrôle du pouvoir exécutif sur le système judiciaire.
L’opposition dénonce un « coup d’Etat », alors que le PiS présente les réformes comme indispensables pour rationaliser le système judiciaire et combattre la corruption. Il considère la résistance à ces initiatives comme la défense des privilèges et de l’impunité d’une « caste » des juges.
Mercredi, la Commission européenne avait sommé Varsovie de « mettre en suspens » ses réformes, agitant la menace de possibles sanctions comme la suspension des droits de vote de la Pologne au sein de l’UE.
Séparation des pouvoirs
Tout en soulignant que la Pologne est « un proche allié » de Washington, le département d’Etat américain a déclaré que les Etats-Unis étaient « préoccupés » par une législation « qui semble limiter le pouvoir judiciaire et potentiellement affaiblir l’Etat de droit en Pologne ».
« Nous exhortons toutes les parties à assurer qu’aucune réforme judiciaire ne viole la Constitution polonaise ou les obligations juridiques internationales et respecte les principes de l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs », selon un communiqué.
De son côté, le premier ministre hongrois Viktor Orban a, au contraire, promis de défendre la Pologne contre ce qu’il estime être une « inquisition » de Bruxelles. « Dans l’intérêt de l’Europe et dans l’esprit de l’ancienne amitié hongro-polonaise, la campagne d’inquisition contre la Pologne ne peut jamais mener au succès », a lancé le leader populiste, lors d’une visite en Roumanie.
« La Hongrie utilisera tous les moyens légaux possibles au sein de l’Union européenne afin de montrer la solidarité avec les Polonais », a-t-il insisté.
La loi sur la Cour suprême arrive juste après deux autres textes votés le 12 juillet. Le premier porte sur le Conseil national de la magistrature et mentionne que ses membres seront désormais choisis par le Parlement. Le deuxième modifie le régime des tribunaux de droit commun, dont les présidents seront nommés par le ministre de la justice.
Arrivés au pouvoir en octobre 2015, les conservateurs ont entrepris plusieurs réformes radicales. Certaines – telles celles du Tribunal constitutionnel et des médias publics – avaient déjà suscité des critiques de la Commission européenne.
Source ; Le Monde.fr avec AFP 22/07/2017
REvue de presse
La révolution culturelle de Kaczynski
Le Monde tente d’expliquer les motivations profondes du PiS :
«Sous la houlette du président du parti, le très secret Jaroslaw Kaczynski, le PiS s’est donné une mission : sortir la Pologne de l’occidentalisme décadent que lui imposerait l’UE, ramener le pays à son identité catholique la plus fondamentale. M. Kaczynski ne cache pas qu’il mène une bataille culturelle et idéologique. … Au service de sa révolution, cet homme veut un Etat fort, délesté de la machinerie des contre-pouvoirs qui caractérisent les démocraties ‘occidentales’. Il se dirait volontiers inspiré par Dieu. La question est de savoir si un tel Etat a sa place dans une Europe qui puise, elle, son inspiration chez Montesquieu.»
Fini les jours heureux en Pologne
Pour Gazeta Wyborcza, l’action du Parlement signe la mort de l’Etat de droit :
«Mercredi, les députés du parti PiS ont mis un terme à l’indépendance de la justice et confié les tribunaux au [ministre de la justice] Zbigniew Ziobro, qui dispose d’un pouvoir illimité et souhaite en découdre avec les juges. C’est la fin de l’Etat de droit. … A partir d’aujourd’hui, toute personne nommée un matin par Jaroslaw Kaczynski peut se faire lyncher le soir à la télévision [publique] nationale, mais également être mise sur écoute, traînée devant la justice, arrêtée, condamnée et déclarée coupable par toutes les instances. … Nous sommes au mois de juillet, tout le monde est à la plage, à boire de la bière en mangeant des saucisses. Malheureusement, le soleil ne sera que de courte durée. Les 27 plus belles années de l’ère démocratique polonaise s’achèvent, pour laisser place à un régime autoritaire.»
Retour de Sonya Yoncheva et du chef Domingo Hindoyan. Photo Marc Ginot
Montpellier Opéra Le Festival de Radio France Occitanie met ce soir à l’affiche Sibéria l’opéra de Giordano. Créé le 19 décembre 1903 à la Scalla d’après le roman de Tolstoi avec Sonya Yoncheva dans le rôle titre de Stephana sous la direction musicale à Domingo Hindoyan.
De la douzaine d’opéras achevés par Umberto Giordano qui naquit à Foggia en 1867 avant de devenir un milanais d’adoption, seuls trois connurent un succès populaire durable : Andrea Chénier (1896) pour sa qualité musicale charmeuse, Fedora (1898) considéré comme le premier opéra roman policier car l’intrigue et la nature des personnages, ne sont révélées qu’au dernier acte et Siberia (1903). Mais le dernier d’entre eux ne s’est pas maintenu au répertoire, bien qu’il ait été le préféré du compositeur et peut-être son œuvre la plus ambitieuse. C’est le librettistes Luigi Illica qui suggéra à Giordano de mettre en musique La Donna, l’amante, l’eroina, comme s’intitulais alors Sibéria.
Le motif de ce désintérêt pour le dernier volet de la trilogie de Giordano pourrait être dû à une double raison liée à l’esthétique musicale et au sujet même de l’opéra. Dans cette oeuvre, Umberto Giordano fait évoluer son style qui flatte moins l’oreille de l’auditeur.
« On trouve dans Sibéria les premières dissonances à l’orchestre, utilisées pour exprimer une dégradation de l’atmosphère, un paroxysme négatif comme celui de l’excès de désespoir » , souligne le critique Yonel Buldrini. En redéfinissant les pratiques esthétiques Giordano relève avec Sibéria le défi du modernisme en s’éloignant par endroits des mélodies chaleureuses. On lui doit notamment un nouveau système de notation musicale pour clarinettes, cors anglais et trompettes.
Le sujet sombre trouvant son dénouement dans un bagne au fin fond de la Sibérie fait part de la souffrance constante des condamnée de l’époque, a pu réduire l’intérêt du public habitué à une expression lyrique fluide, sans sauts violents dans la traduction des passions. Giordano use de thème puissamment évocateurs pour décrire la rudesse de l’environnement, à nous faire frissonner.
« Je ne crois pas exagérer en disant que le deuxième acte de Sibéria prendra certainement place parmi les pages les plus singulières et les plus captivantes que la musique dramatique moderne puisse offrir», écrit Gabriel Fauré.
De quoi réveiller notre curiosité pour cet oeuvre oubliée
De quelle manière se bat-on pour avancer dans un monde anormal ?
Chronique Une ville à l’heure du choix. Un million de visiteurs sont attendus au Festival d’Avignon qui propose plus de 1500 spectacles.
Il y a foule à Avignon où l’on attend un million de visiteurs, touristes culturels, parisiens (environ 25% du public), professionnels et amateurs éclairés… jusqu’au 26 juillet. Ce qui vous laisse moins d’une chance sur dix de parler à un avignonnais lorsque vous cherchez votre chemin. C’est bien-sûr le Off qui saute aux yeux, pavé de 1 480 spectacles proposés en trois semaines, contre une quarantaine pour le In – dont 29 coproductions – qui revendique 110 000 places payantes. Autrement dit, il est indispensable et pourtant impossible de se forger un avis sur une édition du festival d’Avignon. On fait des choix heureux ou malheureux…
Dans cette ville théâtre, un des élément frappant est la dimension du temps. Le temps que votre café refroidisse entre le moment où vous l’avez commandé et où il arrive, le temps de transport et de parking. Le temps passé dans les queues, où il faut bien dire, n’en déplaise à Olivier Py, les parisiens ont acquis dans ce domaine une civilité disciplinaire qui dépasse de beaucoup le degré moyen de patience d’un méditerranéen.
A la différence du Off où le business horaire tourne à plein, les programmateurs du In laissent se déployer la durée nécessaire à l’expression théâtrale. C’est la tradition, et le public joue le jeu en restant concentré sur des spectacles dont la majorité dépassent trois heures. C’est rassurant, mais cela surprend quand même, dans le monde numérique du spot publicitaire intrusif et du rasage gratis qui forge désormais notre quotidien.
Comme l’étau se resserre et qu’il faut bien faire son métier : Parlons des spectacles. Ceux qu’on a vu dont on se serait passé, comme Memories of Sarajevo de Julie Bertin et Jade Herbulot. Les deux metteuses en scène et leurs acteurs, nous plongent dans la guerre en ex-Yougoslavie.
Livré comme élément d’une fresque historique qui ambitionne d’embrasser l’Europe, le sujet est bien creusé mais ce Sarajevo peu crédible, voire brouillon dans l’identification des appartenances fait naître une pièce bien plus pédagogique que théâtrale. Besogneux dans la restitution des faits et des gesticulations politiques, le spectacle plombé par vision chargée de pathos, ne décolle pas.
Le temps trop long, laisse place à un temps juste, proche de celui de Bergman, pour l’australien Simon Stone et son Ibsen Huis. La scénographie inventive, parfaitement appropriée, nous permet de suivre à travers les générations les mensonges qui vont miner la famille Kerkman. Leur maison de vacances est en verre. Elle tourne sur elle même et dans le temps. Chaque chapitre de la généalogie est une pièce.
Simon Stone puise dans la mythologie d’Ibsen, Solness le constructeur, Une maison de poupée, le Canard sauvage, Petit Eyolf, pour travailler ses personnages et recomposer une famille du XXIe siècle qui résonne à nos consciences. Une autopsie glaçante, économe et précise sur les ravages des non-dit pour tenter d’y voir clair.
L’UE peut-elle stopper la réforme de la justice polonaise ?
La Commission européenne veut sévir contre la réforme de la justice polonaise, que le Parlement du pays a fait avancer jeudi par l’adoption d’une nouvelle loi. Une nouvelle action devrait ainsi s’ajouter aux 122 autres procédures en cours pour violation des traités européens. Le vice-président de la Commission, Frans Timmermans, a par ailleurs menacé d’activer l’article 7 du traité de Lisbonne, susceptible de priver la Pologne de son droit de vote dans l’UE. La presse européenne s’interroge sur les effets potentiels de cette mesure.
Viser les points sensibles
Pour Newsweek Polska, la suspension du droit de vote ne fait pas peur aux politiques polonais, bien au contraire :
«Si Bruxelles considère les sanctions politiques comme une ‘option nucléaire’, elles n’impressionnent guère le gouvernement. [Le leader du PiS Jaroslaw] Kaczynski, [le ministre des Affaires étrangères Witold] Waszczykowski, [et le ministre de la Défense Antoni] Macierewicz ont un autre seuil de tolérance de la douleur que les politiques d’Europe de l’Ouest. La propagande du parti pourrait même exploiter les sanctions pour leur campagne de paranoïa anti-européenne, par laquelle ils essaient depuis plus d’un an de convaincre les Polonais que la Commission attaque la Pologne. Seule la combinaison des deux types de sanctions [financières et politiques] serait efficace.»
Les sanctions sont peut-être une erreur
Des sanctions pourraient impacter d’autres personnes que les fautifs, prévient Novi list :
«Il avait déjà été envisagé d’activer contre la Pologne, dès fin 2015, ‘l’option nucléaire’ de l’article 7, telle qu’on la surnomme de manière informelle. … L’action du gouvernement suscite fort heureusement la fronde des Polonais, qui s’organisent à nouveau et se rassemblent en comités de défense de la démocratie, formant le plus grand mouvement
de protestation depuis Solidarno ? dans les années 1980. C’est la raison pour laquelle l’UE ferait bien, en prenant des sanctions, de ne pas décourager ceux en Pologne qui manifestent quotidiennement pour défendre l’Etat de droit et la démocratie.»
L’Union n’est pas un libre-service
Politiken appelle l’Union à se montrer ferme :
«Il en va de l’âme de l’UE, du crédit que l’on accorde aux valeurs communes. C’est pourquoi la réaction doit être à la hauteur de l’outrage. La Commission européenne menace d’ouvrir la procédure prévue à l’article 7, qui requiert toutefois l’unanimité. Et la Pologne peut compter sur le soutien de la Hongrie. L’UE doit pourtant agir. Le Danemark et les autres pays de l’UE devraient se pencher sur l’idée évoquée par la Belgique, à savoir restreindre l’accès de la Pologne aux fonds européens, afin de montrer que l’UE n’est pas un libre-service. Les derniers jours ont montré que le temps presse.»
Bruxelles doit actionner tous les leviers
Si le site de la radio Deutschlandfunk approuve que l’on hausse le ton envers la Pologne, elle n’en voit pas moins la Commission en proie à un dilemme :
«Quand on montre les dents, il faut avoir les moyens de mordre, en dernier recours. Or en l’occurrence, Bruxelles pourrait rapidement s’avérer être un tigre de papier. Les procédures d’infraction sont relativement faciles à mettre en œuvre. Pour priver un Etat de son droit de vote en vertu de l’article 7, le soutien unanime des 27 Etats membres est indispensable. La Hongrie a déjà pris position, faisant savoir qu’elle ne souscrirait pas à ce genre de mesure. Peut-être n’est-elle pas le seul pays dans ce cas. … Mais en fin de compte, c’est le message politique qui importe. La Commission doit se servir de la boîte à outil dont elle dispose, même si les outils ne suffisent peut-être pas à arrêter le PiS. … L’heure est à exercer le plus de pression politique possible, car l’UE ne peut tolérer qu’un Etat membre commette une pareille infraction.»
Sans respect des valeurs, pas d’argent
L’UE est la seule à pouvoir faire pression sur Varsovie, juge The Irish Times :
«Deux puissances disposent des meilleurs moyens de pression face à la Pologne : les Etats-Unis et l’UE. Trump, qui a tenu au début du mois à Varsovie un discours en phase avec les tendances nationalistes de ses hôtes, n’est visiblement pas à la hauteur de la tâche. Mais Bruxelles peut et doit agir. Elle devrait d’abord user de son pouvoir et ouvrir une procédure d’infraction contre le pays en raison de ses atteintes à la séparation des pouvoirs. Dès que les discussions portant sur la réduction des fonds européens après le Brexit et leur future répartition auront débuté, il faudra établir clairement que le respect des valeurs fondamentales n’est pas une question négociable si l’on veut toucher des fonds européens.»
Un nouveau fossé Est/Ouest
De Volkskrant redoute une rupture Est/Ouest :
«Le rideau de fer n’est plus, mais il a été remplacé par une barrière mentale. A Budapest et Varsovie, les gouvernements sont ultraconservateurs et ultranationalistes. … Bruxelles, à leurs yeux, est ‘la nouvelle Moscou’, une menace pour leur souveraineté nationale à peine retrouvée. … Les deux pays ne veulent pas accueillir de migrants musulmans, affirmant que ceux-ci menacent le caractère homogène et chrétien de leurs sociétés. Cette perception est assez éloignée de celle qui prédomine en Europe occidentale. … On peut craindre une escalade. ‘Faire entendre raison à ceux qui n’écoutent pas’ : tel est l’appel déjà lancé, en effet, par l’Italie et d’autres Etats membres.»