La révolte aux sources du mento des Jolly Boys

JollyBoys

2009 marque le retour du groupe revigoré avec un son révolutionnaire. Photo dr

Festival. Fiest’A Sète c’est aussi une dizaine de concerts gratuits qui valent le
déplacement dans les communes du bassin de Thau et à Sète.

Avant l’ouverture du Théâtre de la mer le 2 août prochain Fiest’A Sète, répand le meilleur des musiques du monde avec une dizaine de concerts gratuits autour du bassin de Thau en partenariat avec les municipalités qui sont parties prenantes de cette ouverture culturelle. Cela a commencé samedi dernier, à Balaruc-les-Bains qui a basculé dans la culture celtique le temps d’un concert des Ballyshannons, une formation franco-Irlandaise qui revisite le répertoire Irish folk avant de rejoindre le climat saharien avec la malienne Mamani Keita.

Le brassage culturel s’est poursuivi le lendemain à Marseillan, avec l’improbable filiation Belge et brésilienne du groupe Anavantou qui associe un quatuor wallon à un ensemble de percussions du Nordeste brésilien (Membrana). Une rencontre étonnante qui démontre que l’on peut partager le goût de la fête à des latitudes différentes.

Concert historique The Jolly boys à Marseillan

Ce même soir, le port de Marseillan a vécu sans conteste un moment historique avec le concert exceptionnel de The Jolly Boys. Un groupe jamaïquain légendaire qui a vu le jour en 1945. Il y a près de soixante ans que les compères présents à Marseillan distillent les ingrédients du Mento. Ancêtre du Ska, du rocksteady et du reggae, le Mento était la musique que l’on dansait dans les boîtes jamaïquaines.

Apparue à la fin du XIXe, elle était jouée dans les campagnes avec des instruments acoustiques faits maison et des paroles familières souvent à double sens qui abordaient les questions sociales. Originaires de Port Antonio sur la côte Nord de la Jamaïque, The Jolly Boys, sont considérés comme les maîtres du Mento. Musique traditionnelle transmise durant plusieurs décennies aux touristes de passage qui l’ont souvent confondu avec le Calypso antillais.

A la fin des années 80, le groupe mené par Errol Flynn, est redécouvert par les amateurs de musique roots, ce qui lui permet de partir en tournée à l’étranger. Plus récemment Jon Baker, ex leader d’Island Records et fondateur de Gee Street Records leur a fait reprendre le chemin des studios pour un retour aux sources. Il a alors la louable idée de capter dans la musique des Jolly Boys, les traces de révolte ayant inspiré des groupes punk comme The Clash, The Stranglers ou les Stooges.

C’est dire si ces vieux briscards jamaïquains que l’on a pu voir sur le port sous un jour bien tranquille sont plus subversifs qu’il ne le laissent paraître. A l’image de la reprise qu’ils ont faite d’Iggy Pop, ce sont des passagers qui se promènent à travers  la ville le soir pour y voir la face déchirée de ce qui s’y passe. Et nous, on se réjouit d’avoir pu voir ces monstres.

JMDH

Dream Machine
Les Escales musicales
Convaincus que la fête populaire, telle qu’elle se vit dans nos villes et villages languedociens, est parfaitement compatible avec la plus grande exigence musicale, le festival le démontre chaque année. Pour faire rêver sans galvauder la marchandise il faut savoir aller aux racines. Une spécialité du festival Fiest’A Sète ! Depuis le 26 juillet, des artistes venus de tous les horizons convergent vers Sète et le pourtour du bassin de Thau pour jouer avec le public la carte de la découverte, de la diversité et de la fête populaire (et gratuite !). Poussan, Marseillan et Balaruc-les-Bains ont vibré ou vibreront sur des sonorités créoles, brésiliennes, africaines, celtiques !

Poussan Jeudi 31 juillet Debademba

Debademba-3Le Mali et le Burkina Faso réunis au sein du groupe Debademba. Ce soir avec le groupe Zoréol.  Cette formation issue de la diaspora africaine de Paris redonne à la ville lumière ses lettres de noblesse de « capitale de la sono mondiale », joyeux chaudron où se mêlent les saveurs musicales les plus épicées de l’Afrique de l’Ouest. Mbalax et afrobeat sauce mandingue pour fiesta explosive ! Ancienne cave coopérative de Poussan à 20h30.

Zoréol à Fiest’A Sète.
300x300Ce soir à 20h30 concerts gratuits avec le quintet célèbre de la créolité (Réunion) le groupe Zoreol. Contraction de « zoreil » et « créole », Zoreol est l’ambassadeur du maloya et du séga réunionnais dans le sud de la France où il s’est enrichi de nouvelles influences. Ainsi naissent les métissages, et le leur n’a qu’un but : vous faire danser. Une dimension festive et de chaleureux moments de  partage garantis. Rendez-vous est donné Chemin de la cave coopérative, devant l’ancienne cave coopérative, 34560 Poussan. Le concert est programmé en partenariat avec le Comité des Fêtes le Carré d’As et la Mairie de Poussan. Concerts gratuits

Vendredi 1 août Sète plage la Ola
DJ RKK / Maga BO

F1000004Le rendez-vous annuel on ze beach de Fiest’A Sète : ça se passe à la Ola, avec DJ RKK, résident (annuel) d’un jour, platineur de tous les grooves et artificier des tempos chauds, avec un set EleKtropiK épicé. Un mot pour résumer ses activités : conneXionneur. On le connaît animateur radio, sur Radio Nova depuis 1988. Mais dès 1973, il a participé à la création du journal Libération et a été un des journalistes pionniers de la rubrique « Musique » de 75 à 86. Il a conçu divers projets unissant la France et le Brésil, programmé de grands festivals (dont Nice Jazz Festival 1994/96) et a été durant 7 ans le créateur et MC des mardis salsa de La Coupole. Il est l’auteur de nombreuses compilations Brésil et Latines.

91+maga+Oriana+ElicabeEn guest, Maga Bo, DJ globe-trotter originaire de Seattle, il a quitté son pays en 1999 pour parcourir la planète avec son studio d’enregistrement. Réalisé depuis sa base sud-américaine, son dernier album opère une collision entre le patrimoine afro-brésilien et la culture des soundsystems. Dernier album : Elektropik – RKK (Naive, 2010) Quilombo Do Futuro -Maga Bo (Mis, 2014). http://www.rkkcom.com/ http://www.magabo.com/. Vendredi 1 août plage de la Ola à Sète dès 19h. Entrée libre

Du boulot des pêcheurs de perles

Coup d’oeil. Fiest’A Sète Part One : concerts suivis par un José Bel heureux.

image_unes« On est hyper content de la première semaine à Sète et dans le bassin de Thau, confie le directeur du festival José Bel, mercredi, on a eu un concert mémorable des Jolly Boys à Marseillan qui a rivalisé en terme de fréquentation avec l’incontournable fête de l’huître locale. Jeudi encore les Réunionnais de Zoréol ont emporté le public avec leur interprétation très musique actuelle qui mêle maloya et jazz fusion. A leur suite, Debademba a mis le feu, tout le monde dansait ». Près de 12 000 personnes se sont retrouvées à dans la cave coopérative de Gigean malgré l’incendie (le vrai) qui a perturbé la circulation pour rejoindre le village héraultais.

Un plébiscite pour la programmation du festival qui fait dans le sur mesure. « Debademba, on les connaissait mais on a signé après les avoir vus au Womex 2013 à Cardiff, explique José Bel, Ce grand rendez-vous des musiques du monde qui tourne dans différentes villes d’Europe nous permet de découvrir de nouveaux talents comme de suivre l’évolution des esthétiques.» Les musiques du monde se fondent progressivement dans le grand mixer de la sono mondiale. « De plus en plus d’artistes font des rencontres, et l’offre se multiplie. Internet favorise évidemment ce mouvement, constate le fondateur du festival. Ce grand brassage aboutit à d’innombrables queues de poisson mais dans le lot on découvre immanquablement des pépites. »

C’est depuis longtemps le parti pris de Fiest’A Sète, de favoriser des rencontres et parfois de les provoquer. Celle de Bassekou Kouayate et Taj Mahal programmée lors de la dernière édition a été reprise cette année par plusieurs grands festivals en Europe. « Cette année on aura par exemple la rencontre de l’electro des ex Gotan Project avec l’expression tango – rock de Catherine Ringer ou encore celle de Nino Josele et Aziz Sahmaoui, ex membre de l’Orchestre National de Barbès avec le célèbre gitan Juan Carmona qui a joué avec Al di Meola ». Ca va chauffer, parole d’un grand homme de l’alchimie !

Source L’Hérault du Jour : 02/08/14

Voir aussi : Rubrique Actualité Locale, Rubrique Musique, rubrique Festival, 2014 : les notes métisses débarquent en forceDes esthétiques et des déferlantes qui embarquent le publicFiest’A Sète archives, On Line Site Officiel.

Fiest’A Sète : les notes métisses débarquent en force

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Le Festival des musiques du monde débute avec une semaine de concerts gratuits dans les communes du bassin de Thau. Il se poursuivra au théâtre de la mer du 2 au 8 août..

Dix-huit ans, voilà le festival devenu majeur. Dix-huit années qu’il propage à Sète et alentours, le meilleur des musiques du monde. Il n’est plus le seul à œuvrer dans ce secteur, ni le seul festival de la cité. Un collier de sept perles festivalières scintille autour du cou de l’île singulière. Localement, la multiplication de l’offre culturelle est une chance qui profite à tous mais complique parfois la vie des directeurs artistiques.

Pour avoir traversé modes et mandatures en tenant bien la barre, José Bel le fondateur passionné de Fiest’A Sète en sait quelque chose. Dans le monde de la navigation, on dit que les meilleures voiles du monde ne feront jamais gagner une régate à une vielle coque de noix. On peut dire que l’embarcation Fiest’A Sète est une coque pleine de trésors qui tient l’allure débridée sans prendre systématiquement le vent porteur du moment. Et le fidèle public du festival sur lequel repose la pérennité de cette ouverture au monde, fait la distinction.

Parmi les éléments identitaires du festival on retrouve : l’exigence d’une programmation de haut niveau, la chaleur de l’accueil artistique, la curiosité, le goût du risque et des rencontres alliés à un indéfectible amour de la musique. « Musique qui éclaire, rassemble, au-delà des frontières et des croyances » souligne José Bel. Les membres de l’association Métisète gardent à l’esprit l’idée que les musiques du monde sont avant tout des musiques vivantes, qui parlent au présent de notre monde d’aujourd’hui. Il suffit de se rendre à Fiest’A sète pour le mesurer ou le vivre.

Grands horizons

Cette nouvelle édition s’ouvre avec trois séances de cinéma et une semaine de concerts gratuits. Dès ce soir en prélude à la Noche Flamenca (le 6 août au Théâtre de la Mer) on pourra voir ou revoir le film de Carlos Saura Flamenco, flamenco au Cinéma Le Comoedia, à Sète. Comme chaque année le festival débute avec une série de concerts gratuits dans les communes qui bordent l’étang de Thau. Dans l’esprit de Fiest’A Sète, la gratuité s’allie à la qualité à partager avec le plus grand nombre. Pas moins de dix concerts seront donnés dans ce cadre à commencer par ce week-end où Balaruc-les bains accueille samedi le groupe franco-irlandais Les Ballyshannons qui revisite le répertoire traditionnel irish folk et Le Malien Mamani Keita. Dimanche les Jamaîquains de The Jolly Boys chaufferont la scène de Marseillan aux rythmes traditionnels entêtants du ska et du rocksteady. Ils seront suivis de Anavantou une formation formée de musiciens belges et brésiliens.

Au Théâtre de la mer

Le Théâtre de La Mer ouvrira ses portes le 2 août pour une série de rencontres exceptionnelles. A commencer par la soirée Soul & Funk Session du samedi avec Ester Rada une diva de la soul issue de la communauté juive éthiopienne et Bootsy Collins génie excentrique du funk dont les collaboration avec James Brown, Fred Wesley, ou Macéo Parker donnent une petite idée de la pointure.

Dimanche le festival se déplacera sur la diagonale afro-cubaine avec le duo renversant Fatoumata Diawara/Roberto Fonseca, suivi de l’orchestre légendaire la « Aragon » qui célèbre cette année son 75 e anniversaire.

Goran Bregovic, Juan Carmona, Keziah Jones, Trilok Gurtu, Susheela Raman… comptent parmi la longue liste des invités attendus et que nous retrouverons dans nos pages qui suivent cette année encore l’événement de près.

Jean-Marie Dinh

Source : La Marseillaise jeudi 24 juillet 2014

Voir aussi : Rubrique Actualité Locale, Rubrique Musique, rubrique Festival, Ouverture, Le Mento historique des Jolly boys, Des esthétiques et des déferlantes qui embarquent le public, Fiest’A Sète archives, On Line Site Officiel.

Monde. Liste des organisations/alliances régionales

Monde Géopolitique

Liste des organisations/alliances régionales

Afrique

  • Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)
  • Union africaine (anciennement OUA)
  • Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC)
  • Union économique et monétaire ouest-africaine
  • La Communauté des États Sahélo-Sahariens (CEN-SAD)
  • Commission économique pour l’Afrique (CEA)

Amériques

  • Association des États de la Caraïbe (AEC)
  • Accord de libre-échange nord-américain (ALENA)
  • CARICOM
  • Communauté sud-américaine de nations
  • MERCOSUR
  • Organisation des États Américains
  • Organisation du traité de coopération amazonienne
  • Pacte andin

Asie

  • Association des nations du Sud-Est asiatique (ASEAN)

Europe

  • Agence spatiale européenne (ESA)
  • Office européen des brevets (OEB)
  • Association européenne de libre-échange (AELE)
  • Banque européenne d’investissement (BEI)
  • Conseil de l’Europe
  • Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)
  • Union européenne (UE)

Moyen-Orient et Afrique du Nord

  • Ligue arabe

Organisations à vocation militaire

  • Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN)

 

L’Etat du monde 2014

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Le roman de l’actualité mondiale


Alors qu’il est quotidiennement question des pays dits «émergents», cette édition 2014, se concentre sur la notion de puissance. Contrairement à bien des prévisions, la victoire de l’occident dans la guerre froide n’a pas débouché sur une longue période de domination américaine. Si les États-Unis restent à bien des égards le pivot des équilibres géopolitiques mondiaux, la puissance américaine est confrontée à des concurrences nouvelles. Un constat qui s’applique également aux autres puissances occidentales, en particulier européennes, profondément secouées par la crise économique. Alors que la mondialisation, les mutations économiques et les révolutions numériques transforment notre quotidien, ne faut-il pas sortir des cadres anciens pour penser la puissance ?

Cette évolution structurelle s’accompagne de la montée en puissance de nouveaux mouvements sociaux qui bouleversent directement ou indirectement les fondements de l’ordre international hérité de l’après-guerre froide.


La Chine, l’Inde, le Brésil et, dans une moindre mesure, l’Afrique du Sud et la Russie, se dotent à leur tour des atouts politiques, économiques mais aussi culturels et technologiques de la puissance. Quant aux mouvements révolutionnaires ou contestataires qui se multiplient à travers le monde, ils ont déjà des conséquences sur le modelage en cours de la nouvelle architecture mondiale.


L’état du monde 2014 évalue et questionne cette remise en cause de l’hégémonie occidentale par des puissances émergentes et par les « sociétés civiles » dans les deux premières parties. La troisième partie est composée d’articles «régionaux» qui mettent en lumière les tensions stratégiques et diplomatiques majeures, illustrant l’évolution des conflits en Asie, en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique latine.

Véritable «roman de l’actualité mondiale», L’état du monde révèle, au-delà de l’immédiateté de l’événement, la tonalité des changements à l’oeuvre sur la planète.

 L’Etat du monde 2014 sous la dir de Bertrand Badie et Dominique Vidal édition La découverte 18 euros.

Source : La Marseillaise 26/12/13

 

 

François Gèze, patron désormais retraité des éditions de La Découverte, dresse le bilan pour les 30 ans de la maison

imagesLe trentième anniversaire des éditions de La Découverte est marqué par le départ à la retraite de son président, François Gèze. En effet, cette figure emblématique de l’édition en sciences humaines a annoncé le 12 décembre dernier, sa décision de laisser la main à Hugues Jallon, ancien directeur éditorial de la maison, et directeur éditorial des sciences humaines et des documents pour le Seuil depuis 2011. C’est « par souci d’assurer dans les années qui viennent la pérennité de la maison, de son catalogue et des services qu’elle entend apporter à ses auteurs », que ce changement de direction prendra acte en février prochain. François Gèze gardera toutefois le rôle de directeur de collection, ainsi que certaines responsabilités interprofessionnelles.

Ce départ est l’occasion, pour Nonfiction, d’interroger celui qui a marqué, pendant trente ans, le paysage intellectuel et éditorial français.

Nonfiction – Quels auteurs vous ont le plus marqué durant votre carrière à La Découverte ?

F. G – Difficile de répondre à une telle question quand on a croisé le chemin de centaines d’auteurs… Mais je dirais que c’est certainement l’historien Pierre Vidal-Naquet qui m’a le plus marqué : j’ai beaucoup appris auprès de lui, à travers ses livres comme à travers ses engagements. Jusqu’à sa disparition en 2006, son soutien à la maison a été constant et décisif. Bien d’autres m’ont également beaucoup apporté, comme Yves Lacoste, le fondateur de la revue de géographie et de géopolitique Hérodote ; les philosophes Bruno Latour et Isabelle Stengers ; Pierre Lévy et Philippe Breton, pionniers pour la compréhension des nouvelles technologies de communication ; Armand Mattelart, précieux historien et analyste des médias ; Yves Benot, Benjamin Stora et Pascal Blanchard, défricheurs de notre histoire coloniale ; les psychanalystes Gérard Mendel et Miguel Benasayag ; Georges Corm, remarquable spécialiste du Proche-Orient et économiste ; l’historien des idées François Dosse ; les économistes Robert Boyer, Pierre Salama, Alain Lipietz et Immanuel Wallerstein ; les journalistes Jean Guisnel, Marie-Monique Robin et Jean-Baptiste Rivoire, etc.

Conseillerez-vous La Découverte sur les choix de modèle économique à adopter face au changement qu’opère le numérique dans le monde de l’édition ?

Si Hugues Jallon le juge utile, pourquoi pas ? Je continuerai en tout cas à m’intéresser à ces questions, puisque je conserve la présidence de la société Cairn.info, portail de revues et d’ouvrages de sciences humaines et sociales, que nous avons créé en 2005 avec d’autres éditeurs.

Quelles qualités d’Hugues Jallon vous ont amené à le conseiller à Editis pour vous succéder à La Découverte ?

D’abord, son talent d’éditeur, découvreur de nouveaux auteurs et toujours curieux de découvrir de nouveaux réseaux intellectuels et politiques, comme il l’a prouvé quand il était éditeur à La Découverte – dont il connaît de ce fait parfaitement le catalogue et les orientations, ce qui est évidemment un atout décisif. Mais aussi ses compétences gestionnaires, dont il a toujours eu le souci et qui sont évidemment indispensables pour diriger une entreprise. Et je ne doute pas que son expérience au Seuil lui sera également très utile.

Adrien Pollin et Valentin Schmite

Source Nonfiction.fr 26/12/13

Voir aussi : Rubrique Editions, rubrique Livre, rubrique International, Géopolitique,

Syrie : parions sur la voie du compromis, par Edgar Morin

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Décider c’est parier. Décider l’intervention en Syrie, plus de deux ans après le début d’une protestation pacifique dont la répression a provoqué une horrible guerre civile, est un pari risqué. Une telle intervention dès le début pour soutenir des résistants en majorité démocrates aurait été risquée, mais elle aurait couru des risques moindres qu’aujourd’hui.

L’utilisation du gaz sarin sur une population civile est avérée. Reste à prouver que ces gaz ont été employés par l’armée régulière, et non par un éventuel groupe rebelle « al-qaïdiste » ou autre. Haute probabilité ne signifie pas certitude. Le mensonge américain sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein crée un doute qui pèse sur les esprits.

Même s’il était enfin prouvé que M. Al-Assad a employé ce gaz contre son propre peuple, même si le gaz est une arme prohibée depuis la première guerre mondiale et n’a pas été utilisé même au cours de la seconde, cette arme immonde ne massacre pas plus les civils que les bombardements massifs à gros calibres et bien entendu la plus petite bombe atomique. Toutefois, c’est un pas de plus dans l’horreur d’une guerre. Que cette tuerie déclenche une réaction morale tardive qui se traduit en intervention militaire, cela se comprend. Mais nous sommes devant une contradiction énorme : intervenir, c’est parier dangereusement, mais ne pas intervenir c’est parier non moins dangereusement, et nous payons déjà les conséquences de ce pari passif, comme l’a été le pari passif de la non-intervention pendant la guerre d’Espagne en 1937. Les ennemis de l’intervention ont montré ses dangers. Les ennemis de la non-intervention ont montré ses dangers. Ajoutons que dans l’un et l’autre cas, il est impossible de prédire la chaîne des interactions et rétroactions qui vont suivre.

Le pari d’intervention est un pari limité à des frappes de « punition ». Il n’est prévu aucune intervention au sol, et il semble difficile de penser que ces frappes puissent atteindre des objectifs capables de renverser la situation en Syrie. La guerre civile est déjà en fait une guerre internationale : l‘Iran, la Russie, le Hezbollah y participent du côté du régime ; des aides limitées parviennent aux rebelles de la part de pays arabes et occidentaux, des volontaires islamistes de multiples pays participent aux combats. Une intervention accroît les débordements du conflit hors Syrie, notamment au Liban, ce qui risque de transformer une guerre internationale limitée en un embrasement plus large : elle serait une aventure dont les effets sont inconnus.

EFFETS NÉGATIFS PROBABLES

Toute action en situation incertaine risque d’aller à l’encontre de l’intention qui l’a provoquée. C’est ce qui est arrivé au « printemps arabe » de Tunisie et d’Egypte. En Libye, la conséquence de l’élimination de Kadhafi a été le développement d’Al-Qaida au Sahel. On ne peut donc éliminer l’idée que l’intervention éventuelle ait des effets positifs très limités et des effets négatifs très grands. On ne peut éliminer qu’elle ajoute de l’huile sur un brasier et provoque son extension. On ne peut éliminer l’idée que la « punition » dégénère en punissant les punisseurs. Elle est de plus mal partie : pas de légitimité de l’ONU, pas de soutien affirmé des pays arabes, défection anglaise. Un vote négatif du Congrès américain conduirait à l’inaction, car la France ne saurait intervenir seule.

Mais l’inaction est elle-même un pari très dangereux, car la logique aboutit soit à une victoire implacable et épouvantable de M. Al-Assad, soit, en cas de défaite du président syrien, à une nouvelle guerre civile entre rebelles laïques et démocrates, sunnites, alaouites, kurdes, djihadistes, et à une décomposition de la Syrie en fragments ennemis, ce qui est le chemin que prend l’Irak, stimulé par les conflits interreligieux et interethniques de Syrie.

On ne peut donc échapper à la contradiction qu’en essayant la seule voie qui arrêterait la spirale des pires périls de l’intervention et de la non-intervention. C’est le compromis. Un tel compromis doit commencer par être un compromis entre les puissances. Un accord pourrait se faire sur le compromis entre la Russie, l’Iran, les nations arabes, les nations occidentales, peut-être sous l’égide de l’ONU, et proposé, voire imposé aux combattants. Il peut sembler inconcevable à beaucoup que Bachar Al-Assad ne soit pas éliminé. Mais la démocratie n’a été rétablie au Chili qu’avec un compromis qui a laissé le bourreau Pinochet deux ans à la tête de l’Etat et six ans à la tête de l’armée. L’irrésistible processus pacifique a abouti à la condamnation de Pinochet. Si une paix avait été conclue en Algérie en 1956 sur un compromis temporaire, la France n’aurait pas couru le risque d’une dictature militaire qu’a pu éviter le « coup de judo » de De Gaulle, l’Algérie n’aurait pas sombré dans la dictature du Front de libération nationale (FLN), on aurait évité tant de massacres ultimes provoqués par l’Organisation armée secrète (OAS) et le FLN.

Le compromis devrait se faire sous garantie internationale, voire avec la présence de forces de l’ONU. Il arrêterait les massacres et le processus de décomposition de la Syrie. Il arrêterait – avec la radicalisation actuelle – l’irrésistible progression d’Al-Qaida. Il inhiberait les puissances déchaînées de mort et de folie. Entre des impératifs éthico-politiques contradictoires, il constitue le plus prudent pour la Syrie, le Moyen-Orient, la planète. Ce n’est pas la solution, mais c’est le vrai moindre mal et c’est la possibilité d’une évolution pacifique. C’est donc le troisième pari qu’il faut tenter, incertain et risqué, mais moins que les deux autres, et, lui, humain et humanitaire pour un peuple martyr.

 Edgar Morin

Source : Le Monde 04/09/2013

Voir aussi : Rubrique Politique Internationale, rubrique Syrie,