La révolte aux sources du mento des Jolly Boys

JollyBoys

2009 marque le retour du groupe revigoré avec un son révolutionnaire. Photo dr

Festival. Fiest’A Sète c’est aussi une dizaine de concerts gratuits qui valent le
déplacement dans les communes du bassin de Thau et à Sète.

Avant l’ouverture du Théâtre de la mer le 2 août prochain Fiest’A Sète, répand le meilleur des musiques du monde avec une dizaine de concerts gratuits autour du bassin de Thau en partenariat avec les municipalités qui sont parties prenantes de cette ouverture culturelle. Cela a commencé samedi dernier, à Balaruc-les-Bains qui a basculé dans la culture celtique le temps d’un concert des Ballyshannons, une formation franco-Irlandaise qui revisite le répertoire Irish folk avant de rejoindre le climat saharien avec la malienne Mamani Keita.

Le brassage culturel s’est poursuivi le lendemain à Marseillan, avec l’improbable filiation Belge et brésilienne du groupe Anavantou qui associe un quatuor wallon à un ensemble de percussions du Nordeste brésilien (Membrana). Une rencontre étonnante qui démontre que l’on peut partager le goût de la fête à des latitudes différentes.

Concert historique The Jolly boys à Marseillan

Ce même soir, le port de Marseillan a vécu sans conteste un moment historique avec le concert exceptionnel de The Jolly Boys. Un groupe jamaïquain légendaire qui a vu le jour en 1945. Il y a près de soixante ans que les compères présents à Marseillan distillent les ingrédients du Mento. Ancêtre du Ska, du rocksteady et du reggae, le Mento était la musique que l’on dansait dans les boîtes jamaïquaines.

Apparue à la fin du XIXe, elle était jouée dans les campagnes avec des instruments acoustiques faits maison et des paroles familières souvent à double sens qui abordaient les questions sociales. Originaires de Port Antonio sur la côte Nord de la Jamaïque, The Jolly Boys, sont considérés comme les maîtres du Mento. Musique traditionnelle transmise durant plusieurs décennies aux touristes de passage qui l’ont souvent confondu avec le Calypso antillais.

A la fin des années 80, le groupe mené par Errol Flynn, est redécouvert par les amateurs de musique roots, ce qui lui permet de partir en tournée à l’étranger. Plus récemment Jon Baker, ex leader d’Island Records et fondateur de Gee Street Records leur a fait reprendre le chemin des studios pour un retour aux sources. Il a alors la louable idée de capter dans la musique des Jolly Boys, les traces de révolte ayant inspiré des groupes punk comme The Clash, The Stranglers ou les Stooges.

C’est dire si ces vieux briscards jamaïquains que l’on a pu voir sur le port sous un jour bien tranquille sont plus subversifs qu’il ne le laissent paraître. A l’image de la reprise qu’ils ont faite d’Iggy Pop, ce sont des passagers qui se promènent à travers  la ville le soir pour y voir la face déchirée de ce qui s’y passe. Et nous, on se réjouit d’avoir pu voir ces monstres.

JMDH

Dream Machine
Les Escales musicales
Convaincus que la fête populaire, telle qu’elle se vit dans nos villes et villages languedociens, est parfaitement compatible avec la plus grande exigence musicale, le festival le démontre chaque année. Pour faire rêver sans galvauder la marchandise il faut savoir aller aux racines. Une spécialité du festival Fiest’A Sète ! Depuis le 26 juillet, des artistes venus de tous les horizons convergent vers Sète et le pourtour du bassin de Thau pour jouer avec le public la carte de la découverte, de la diversité et de la fête populaire (et gratuite !). Poussan, Marseillan et Balaruc-les-Bains ont vibré ou vibreront sur des sonorités créoles, brésiliennes, africaines, celtiques !

Poussan Jeudi 31 juillet Debademba

Debademba-3Le Mali et le Burkina Faso réunis au sein du groupe Debademba. Ce soir avec le groupe Zoréol.  Cette formation issue de la diaspora africaine de Paris redonne à la ville lumière ses lettres de noblesse de « capitale de la sono mondiale », joyeux chaudron où se mêlent les saveurs musicales les plus épicées de l’Afrique de l’Ouest. Mbalax et afrobeat sauce mandingue pour fiesta explosive ! Ancienne cave coopérative de Poussan à 20h30.

Zoréol à Fiest’A Sète.
300x300Ce soir à 20h30 concerts gratuits avec le quintet célèbre de la créolité (Réunion) le groupe Zoreol. Contraction de « zoreil » et « créole », Zoreol est l’ambassadeur du maloya et du séga réunionnais dans le sud de la France où il s’est enrichi de nouvelles influences. Ainsi naissent les métissages, et le leur n’a qu’un but : vous faire danser. Une dimension festive et de chaleureux moments de  partage garantis. Rendez-vous est donné Chemin de la cave coopérative, devant l’ancienne cave coopérative, 34560 Poussan. Le concert est programmé en partenariat avec le Comité des Fêtes le Carré d’As et la Mairie de Poussan. Concerts gratuits

Vendredi 1 août Sète plage la Ola
DJ RKK / Maga BO

F1000004Le rendez-vous annuel on ze beach de Fiest’A Sète : ça se passe à la Ola, avec DJ RKK, résident (annuel) d’un jour, platineur de tous les grooves et artificier des tempos chauds, avec un set EleKtropiK épicé. Un mot pour résumer ses activités : conneXionneur. On le connaît animateur radio, sur Radio Nova depuis 1988. Mais dès 1973, il a participé à la création du journal Libération et a été un des journalistes pionniers de la rubrique « Musique » de 75 à 86. Il a conçu divers projets unissant la France et le Brésil, programmé de grands festivals (dont Nice Jazz Festival 1994/96) et a été durant 7 ans le créateur et MC des mardis salsa de La Coupole. Il est l’auteur de nombreuses compilations Brésil et Latines.

91+maga+Oriana+ElicabeEn guest, Maga Bo, DJ globe-trotter originaire de Seattle, il a quitté son pays en 1999 pour parcourir la planète avec son studio d’enregistrement. Réalisé depuis sa base sud-américaine, son dernier album opère une collision entre le patrimoine afro-brésilien et la culture des soundsystems. Dernier album : Elektropik – RKK (Naive, 2010) Quilombo Do Futuro -Maga Bo (Mis, 2014). http://www.rkkcom.com/ http://www.magabo.com/. Vendredi 1 août plage de la Ola à Sète dès 19h. Entrée libre

Du boulot des pêcheurs de perles

Coup d’oeil. Fiest’A Sète Part One : concerts suivis par un José Bel heureux.

image_unes« On est hyper content de la première semaine à Sète et dans le bassin de Thau, confie le directeur du festival José Bel, mercredi, on a eu un concert mémorable des Jolly Boys à Marseillan qui a rivalisé en terme de fréquentation avec l’incontournable fête de l’huître locale. Jeudi encore les Réunionnais de Zoréol ont emporté le public avec leur interprétation très musique actuelle qui mêle maloya et jazz fusion. A leur suite, Debademba a mis le feu, tout le monde dansait ». Près de 12 000 personnes se sont retrouvées à dans la cave coopérative de Gigean malgré l’incendie (le vrai) qui a perturbé la circulation pour rejoindre le village héraultais.

Un plébiscite pour la programmation du festival qui fait dans le sur mesure. « Debademba, on les connaissait mais on a signé après les avoir vus au Womex 2013 à Cardiff, explique José Bel, Ce grand rendez-vous des musiques du monde qui tourne dans différentes villes d’Europe nous permet de découvrir de nouveaux talents comme de suivre l’évolution des esthétiques.» Les musiques du monde se fondent progressivement dans le grand mixer de la sono mondiale. « De plus en plus d’artistes font des rencontres, et l’offre se multiplie. Internet favorise évidemment ce mouvement, constate le fondateur du festival. Ce grand brassage aboutit à d’innombrables queues de poisson mais dans le lot on découvre immanquablement des pépites. »

C’est depuis longtemps le parti pris de Fiest’A Sète, de favoriser des rencontres et parfois de les provoquer. Celle de Bassekou Kouayate et Taj Mahal programmée lors de la dernière édition a été reprise cette année par plusieurs grands festivals en Europe. « Cette année on aura par exemple la rencontre de l’electro des ex Gotan Project avec l’expression tango – rock de Catherine Ringer ou encore celle de Nino Josele et Aziz Sahmaoui, ex membre de l’Orchestre National de Barbès avec le célèbre gitan Juan Carmona qui a joué avec Al di Meola ». Ca va chauffer, parole d’un grand homme de l’alchimie !

Source L’Hérault du Jour : 02/08/14

Voir aussi : Rubrique Actualité Locale, Rubrique Musique, rubrique Festival, 2014 : les notes métisses débarquent en forceDes esthétiques et des déferlantes qui embarquent le publicFiest’A Sète archives, On Line Site Officiel.

Musiques du monde : le plaisir caché de la diversité

José Bel le directeur artistique de Fiest’A Sète "j’ai pu mesurer l’emprise totale de la culture anglo-saxonne"

 

Cette semaine, le plateau de Fiest’A Sète n’a pas eu le temps de refroidir. Les pointures de la world music se sont succédé dans l’antre exceptionnelle du Théâtre de la mer. Ici, c’est pas la cantine. On ne sert jamais de plats réchauffés. Depuis quinze ans, le cuisinier en chef José Bel mitonne une programmation aux petits oignons. Il repère, innove, allie les ingrédients artistiques et culturels. Plutôt humble, l’ancien disquaire connaît son métier sur le bout des ongles. Rester ouvert, écouter, et puiser dans sa culture musicale la meilleure façon d’offrir du bonheur. Sa cuisine est réputée. Fiest’A Sète figure parmi les meilleurs festivals de World de l’hexagone. Il comporte aussi des épices qui éveillent le public à la situation internationale.

« Cela fait partie de notre vocation. Qu’est-ce qu’une programmation de musique du monde si ce n’est une ouverture à d’autres cultures ? En tant que disquaire, j’ai pu mesurer l’emprise totale de la culture anglo-saxonne. Pour la programmation, je pars toujours de la notion de plaisir et de découverte. Dans le prolongement, on élargit sa sensibilité et en prenant plaisir on entrevoit ce qu’il y a derrière la musique. »

L’autre face des festivités

La force des musiques du monde tient en partie à la perception que nous donnent les artistes de leurs contextes de vie. Pour une bonne part des invités, l’environnement est loin d’être apaisé comme le révèle le dernier rapport d’Amnesty International qui tient chaque année un stand dans le cadre du festival. « C’est notre base humaniste. On n’entre pas dans la marchandisation grandissante autour des festivals. En dehors des concerts, il y a aussi Les Tchatches musicales à la médiathèque qui donnent l’occasion d’aller plus loin. » Cette année, le spécialiste des musiques du monde Franck Tenaille y a tenu une passionnante conférence sur le thème « Racines et métissages, les musiques, miroir de la mondialisation ». Vendredi, à l’occasion de la venue du Réunionnais Danyel Waro, défenseur invétéré de la culture créole, le spécialiste des musiques africaines, Philippe Conrath a rappelé que jusqu’en 1981 l’administration française interdisait à la population de jouer du Maloya comme d’en fabriquer les instruments traditionnels.

C’est l’autre face de cette musique festive qui nous enchante qui fait aussi la vigueur de son énergie communicative. La liberté de l’échange culturel n’est toujours pas assurée. Comme en témoigne le problème de visa rencontré cette année par l’artiste congolais Zao. « L’ambassade de France lui donnait rendez-vous le 3 aôut pour un concert programmé le 2 août, explique le directeur José Bel. On a pu résoudre le problème in extremis avec le concours du Réseau zone franche*. » Si les heures de Fiest’A Sète sont belles, elles ne sont pas toujours de tout repos.

Jean-Marie Dinh

* Réseau  français consacré aux musiques du monde, Zone Franche est une organisation transversale qui rassemble toutes les catégories d’acteurs du secteur autour des valeurs relatives à la promotion des diversités culturelles.

Voir aussi : Rubrique Musique, Ethiopie Mahmoud Ahmed, Congo La secousse Belili, rubrique Festival, Fiest’A Sète, rubrique, Rencontre, Mory Kanté, Nigéria Seun Kuti,

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