Les indépendantistes catalans restent, un défi majeur pour Rajoy

Le président destitué de Catalogne Carles Puigdemont réagit à la victoire électorale des indépendantistes depuis Bruxelles, le 21 décembre 2017 AFP - Aris Oikonomou

En égalant quasiment leur dernier score aux élections régionales, les indépendantistes catalans posent un défi majeur à l’unité de l’Espagne et au gouvernement de Mariano Rajoy qui tablait sur ce scrutin pour les affaiblir.

Les Catalans, qui ont battu avec près de 82% de votants le record historique de participation dans la région, ont accordé jeudi 47,6% des voix aux indépendantistes et près de 52% des suffrages aux partis défendant l’unité de l’Espagne.

La loi électorale catalane prévoit un système de pondération des voix qui avantage les provinces rurales, où les indépendantistes sont très implantés, d’ou leur victoire en sièges au parlement régional.

Les trois partis indépendantistes obtiennent 70 élus sur 135, deux de moins qu’en 2015, semblant avoir atteint un plafond. Ils pourront donc gouverner s’ils arrivent à former une coalition.

Au sein des sécessionnistes, les Catalans ont placé en tête, avec 34 sièges, la liste « Ensemble pour la Catalogne » de l’adversaire numéro un de Rajoy: Carles Puigdemont, président du gouvernement destitué par Madrid après la déclaration d’indépendance du 27 octobre et exilé en Belgique.

Après le référendum d’autodétermination interdit du 1er octobre, émaillé de violences policières, puis la proclamation de cette « république catalane » restée sans effets, la région avait été mise sous tutelle et le parlement dissous en vue de nouvelle élections.

« L’Etat espagnol a été vaincu. Rajoy et ses alliés ont perdu! », a clamé depuis Bruxelles M. Puigdemont.

– Président exilé, vice-président en prison –

Mais, si les indépendantistes arrivent à s’entendre pour gouverner, quels seront les membres du cabinet régional ?

M. Puigdemont est inculpé pour « rébellion » et « sédition » et s’il rentre en Espagne, il sera arrêté.

Le chef du deuxième parti indépendantiste, Oriol Junqueras, son vice-président, lui aussi poursuivi, et déjà en prison.

M. Puigdemont avait déclaré le 12 décembre qu’il reviendrait en Espagne s’il pouvait être investi président. Rien ne s’oppose en principe à ce qu’un dirigeant politique poursuivi soit investi, puisqu’il n’est pas condamné. Mais encore faut-il qu’il reste libre.

Et dans son entourage, on laissait entendre, avant le scrutin, qu’il faudrait « qu’on lui permette de rentrer », autrement dit qu’il n’y ait pas d’arrestation à la clef. Il « pourra alors commencer une négociation ».

Vendredi matin, M. Puigdemont devrait en dire plus lors d’une conférence de presse prévue vers 10H30 (09H30 GMT) à Bruxelles.

M. Rajoy, silencieux jeudi soir, pourrait s’exprimer dans l’après-midi après une réunion avec son Parti populaire, laminé en Catalogne où il est passé de 11 à 3 sièges.

Juste après l’annonce des résultats, un électeur indépendantiste de gauche évoquait « une sensation étrange »: « Nous gagnons en députés mais pas en nombre de voix », disait Fran Robles, médecin de 26 ans. « Donc chaque camp pourra se proclamer vainqueur. Cela reflète bien la réalité, qui est que la Catalogne est politiquement divisée et que la seule façon de trancher la question est de la poser clairement dans un référendum ».

« Avec ce résultat, le message à l’Espagne est: asseyez-vous pour parler », assurait un sympathisant indépendantiste à Barcelone, Francesc Portella, 50 ans, professionnel du marketing.

Il va bien falloir qu’à Madrid « ils cèdent sur des choses qui leurs déplaisent. S’asseoir et dialoguer », a dit aussi à l’AFP le sociologue Narciso Michavila, dirigeant d’un institut de sondages à Madrid.

Mais les Catalans partisans de l’Espagne, aussi, veulent être pris en compte.

Poussés à s’impliquer face au risque réel de rupture unilatérale, ils avaient finalement manifesté en masse depuis octobre, inondant aussi les rues de leurs drapeaux rouge-jaune-rouge.

Un parti libéral et anti-indépendantiste a obtenu le plus grand nombre de sièges au parlement, Ciudadanos, avec 37 élus.

« Les partis nationalistes ne pourront plus jamais parler au nom de toute la Catalogne, car la Catalogne c’est nous tous », a martelé sa dirigeante catalane, Inès Arrimadas.

Selon Narciso Michavila, la réalité économique s’imposera aussi aux indépendantistes, qui devront mettre de l’eau dans leur vin pour stopper la dégringolade du tourisme et des investissements depuis début octobre.

L’élite catalane – dont certains membres sont proches du parti conservateur PDeCat de M. Puigdemont – « sait qu’elle doit récupérer le tourisme et l’économie », dit-il.

Source AFP 21 /12/2017

Voir aussi : Actualité Internationale Rubrique UE, EspagneLe président catalan a cinq jours pour clarifier sa positionLa Catalogne ensanglantéeUn régionalisme si européen, rubrique Politique,

Autriche l’extrême droite se banalise en UE

Au premier rang et de gauche à droite,  le ministre de l’Intérieur, Herbert Kickl, la ministre de la famille, Juliane Bogner-Strauß,  la ministre des Affaires étrangères, Karin Kneissl,  le vice-chancelier Christian Strache,  le chancelier Sebastian Kurz, la ministre de l’environnement,  Elisabeth Koestinger, le ministre de la culture, Gernot Bluemel, la ministre des Sciences Margarete Schramboeck et le ministre des Transports, de l’Innovation, de la Technologie et de la recherche, Norbert Hofer. Au second rang, de gauche à droite ?: le secrétaire d’Etat aux Finances, Hubert Fuchs, le ministre de l’Education, Heinz Fassmann, la ministre de la Santé, des Affaires sociales et du Travail,  Beate Hartinger,  la ministre des Finances,  Hartwig Loeger, le ministre de la Défense,  Mario Kunasek, le ministre de la Justice, Josef Moser et la secrétaire d’état, Karoline Edtstadler lors de la cérémonie d’inauguration du nouveau gouvernement à Vienne, le 18 décembre 2017. / Hans Punz/AFP

Au premier rang et de gauche à droite, le ministre de l’Intérieur, Herbert Kickl, la ministre de la famille, Juliane Bogner-Strauß, la ministre des Affaires étrangères, Karin Kneissl, le vice-chancelier Christian Strache, le chancelier Sebastian Kurz, la ministre de l’environnement, Elisabeth Koestinger, le ministre de la culture, Gernot Bluemel, la ministre des Sciences Margarete Schramboeck et le ministre des Transports, de l’Innovation, de la Technologie et de la recherche, Norbert Hofer. Au second rang, de gauche à droite ?: le secrétaire d’Etat aux Finances, Hubert Fuchs, le ministre de l’Education, Heinz Fassmann, la ministre de la Santé, des Affaires sociales et du Travail, Beate Hartinger, la ministre des Finances, Hartwig Loeger, le ministre de la Défense, Mario Kunasek, le ministre de la Justice, Josef Moser et la secrétaire d’état, Karoline Edtstadler lors de la cérémonie d’inauguration du nouveau gouvernement à Vienne, le 18 décembre 2017. / Hans Punz/AFP

Heinz-Christian Strache

Vice-chancelier
Ministre de la fonction publique et des sports

? À 48 ans, ce prothésiste dentaire de formation au physique de gendre idéal est à l’aise aussi bien dans les boîtes de nuit et sur les réseaux sociaux que dans les arcanes partisans.

? Amateur d’échecs, « remarquable communiquant, il se distingue par son sens de la formule et par son talent d’appareil, estime Patrick Moreau, spécialiste de l’extrême droite au CNRS à Strasbourg. Il a progressivement adapté son discours au jeu démocratique, en choisissant des termes plus neutres et acceptables ». Nonobstant ses douteuses affinités néonazies de jeunesse, il est devenu peu à peu « fréquentable » grâce à ses habiles précautions langagières.

? Policé à l’extérieur, il demeure radical à l’intérieur. Partisan d’une ligne très dure sur l’immigration, il estime que « l’islam n’a pas sa place en Autriche ».

Karin Kneissl

Ministre des affaires étrangères

? Cette universitaire polyglotte de 52 ans, diplômée de l’université américaine de Georgetown et de l’École nationale d’administration (ENA), est une experte reconnue du Moyen-Orient.

? Proche du FPÖ, bien que n’étant pas formellement membre du parti, elle a fréquemment vilipendé dans la presse autrichienne l’islam politique et les choix migratoires d’Angela Merkel.

? Il est à prévoir qu’elle entrera en conflit avec la Commission européenne – sans pour autant remettre en cause la place de l’Autriche dans l’UE – pour obtenir des gains politiques.

Herbert Kickl

Ministre de l’intérieur

? Considéré comme une éminence grise, ce stratège de l’ombre a conçu les campagnes électorales et théorisé le recentrage de l’image du FPÖ, afin de l’amener au pouvoir.

? Issu d’un milieu modeste, « doté d’un sens politique extrêmement développé, idéologue très radical, il est en quelque sorte le cerveau de Strache, son cardinal Mazarin », confie Patrick Moreau.

Mario Kunasek

Ministre de la défense

? Jeune dirigeant régional du parti, Mario Kunasek, 41 ans, représente l’un des nouveaux visages promus au gouvernement.

Cet ancien officier de carrière a été l’un des analystes de la politique militaire de l’Autriche – pays à tradition de neutralité.

? Au sein d’un gouvernement partiellement pro-russe, il sera notamment en charge du dossier de l’acquisition d’équipements communs et ne devrait pas, a priori, bloquer des quatre fers la dynamique de Défense européenne.

Norbert Hofer

Ministre fédéral des transports, de l’innovation, de la technologie et de la recherche

? Après avoir été vice-président du Parlement et candidat à l’élection présidentielle, il est à 46 ans un fin politicien et l’un des hommes forts de ce gouvernement.

? Ce technicien aéronautique de formation aurait apparemment choisi lui-même son ministère, déclinant les Affaires étrangères et l’Intérieur « pour ne pas attirer à lui les dossiers épineux et ménager son avenir politique », précise Patrick Moreau.

? D’apparence lisse et mesuré, citant volontiers Margaret Tatcher et Charles de Gaulle, cet homme se présente comme un défenseur inflexible des valeurs traditionalistes du FPÖ.

? Très hostile à l’immigration, il considère que l’Autriche appartient à la « communauté culturelle allemande ».

Beate Hartinger-Klein

Ministre fédéral de la santé, des affaires sociales et du travail

? Cette femme politique de 58 ans, dont la carrière professionnelle a gravité autour du périmètre de son actuel ministère (santé, sécurité sociale, éducation), n’est certes pas la personnalité la plus forte du gouvernement (elle aurait été choisie par défaut parmi la base restreinte de « ministrables » du FPÖ)?;

? Elle devra toutefois incarner l’offre sociale du parti et prendre en charge des réformes importantes, notamment dans le domaine de la santé, réformes qui s’annoncent conflictuelles.

Benjamin Boutin
Source La Croix 18/12/2017

 

Editorial du « Monde ».

En Autriche, l’extrême droite banalisée

La nomination comme vice-chancelier de Heinz-Christian Strache, proche des néonazis dans sa jeunesse, et de deux ministres d’extrême droite aux postes régaliens n’a pas suscité l’indignation.

Où est passée Elfriede Jelinek ? Le silence de la Prix Nobel de littérature autrichienne symbolise, à lui seul, les changements majeurs survenus en Europe en moins de deux décennies. En 2000, le pacte inédit dans l’Union européenne entre les conservateurs autrichiens et l’extrême droite avait suscité une vague d’indignation dont elle est restée l’égérie. L’Europe avait voté des sanctions. L’Autriche avait été boycottée. On parlait de cordon sanitaire. Et pourtant, le sulfureux Jörg Haider avait renoncé à un strapontin et le président conservateur Thomas Klestil avait barré la route à deux personnalités ouvertement xénophobes.

Dix-sept ans plus tard, quel spectacle stupéfiant que de voir, samedi 16 décembre, le président autrichien, l’écologiste Alexander Van der Bellen, entériner la nomination comme vice-chancelier de Heinz-Christian Strache, proche des néonazis dans sa jeunesse. Tout aussi sidérante, l’annonce de la nomination de deux ministres d’extrême droite aux postes régaliens de l’intérieur et de la défense, alors que les conservateurs, arrivés largement en tête lors des élections législatives du 15 octobre, ne paraissaient pas contraints à de telles concessions.

Pourtant, le chef de l’Etat autrichien fut le premier à redonner un peu d’espoir aux opposants à tous les extrémismes en l’emportant avec panache face au FPÖ, l’année dernière, en dépit du Brexit et de l’élection de Donald Trump à la Maison blanche survenus dans les mois précédents. Il a été très actif en coulisse pour imposer des garde-fous permettant à l’Autriche de s’affirmer encore comme étant « pro-européenne ». Mais il lui faudra faire avec cette réalité bien triste : les premières réactions à l’annonce du retour des héritiers de M. Haider sous les dorures de la Hofburg, à Vienne, auront été celles des organisations juives : le Congrès juif mondial s’est dit « bouleversé ».

Ankara se permet de faire la leçon aux Européens

Rapidement, il a été rejoint par l’Italie, indignée qu’on veuille offrir des passeports à ses citoyens du Tyrol du Sud sans la consulter et qui a dénoncé un « nationalisme ethnique ». Puis par la Turquie, outrée de voir le nouveau pacte gouvernemental autrichien souhaiter l’arrêt formel des négociations de son adhésion à l’Union européenne. En pleine dérive autoritaire, Ankara se permet même de faire la leçon aux Européens : le ministre des affaires européennes turc a ainsi affirmé « qu’ignorer les approches racistes du programme du gouvernement autrichien (…) c’est faire montre de faiblesse ».

Il est pour le moins regrettable que la Commission européenne, comme Paris et Berlin, laissent le champ libre au régime turc pour exprimer des inquiétudes tout à fait légitimes sur l’avenir des musulmans vivant en Autriche. Pour l’instant, aucune réaction n’est venue de ceux qui défendent la démocratie, que ce soit du côté d’Emmanuel Macron ou d’Angela Merkel.

Quant à Elfriede Jelinek, on ne peut la blâmer de se taire. A 71 ans, elle s’est retirée de la vie publique, et plus personne ne menace, comme elle l’avait fait, de déserter le pays. En fait, cela fait bien longtemps que l’imprécatrice aux phrases acérées a délaissé le champ de bataille. Elle a pu expérimenter le sentiment d’impuissance si cuisant des artistes en Autriche. Les manifestations prévues lundi 18 décembre seront le baromètre de la banalisation de l’extrême droite. Pour rappel, 250 000 personnes défilaient, il y a dix-sept ans, dans les rues de Vienne contre le FPÖ.

Voir aussi : Actualité internationale, Rubrique UE, Autriche, rubrique Pays-BasComment expliquer la réussite de Wilders aux Pays-Bas ?L’Allemagne Face à la montée de l’extrême droite, Danemark L’extrême-droite remporte l’élection au DanemarkL’Europe, bras ballants devant la transgression de ses valeursGrèceLa logique des créanciers, jusqu’au bout de l’absurde,  2015 le révélateur grecLe fascisme ne vient jamais seul. L’exemple GrecDu traité constitutionnel à Syriza : l’Europe contre les peuples, rubrique Politique,  Macron, le spasme du système,   De l’Etat de droit à l’Etat de sécurité,  , rubrique SociétéMouvements sociauxCitoyenneté, rubrique RencontreCamille Tolédo « Faire face à l’angle mort de l’histoire » , rubrique Etats-Unis, Des connivences entre Trump et l’extrême droite ? On Line. Sebastian Kurz, le Macron de droite autrichien,

Comment la France participe à la guerre contre le Yémen

Chars Leclerc français vendus aux Émirats arabes unis et utilisés dans l’offensive terrestre au Yémen. leclerc.fr

Chars Leclerc français vendus aux Émirats arabes unis et utilisés dans l’offensive terrestre au Yémen.
leclerc.fr

Troisième plus gros vendeur d’armement au monde, la France est l’un des fournisseurs privilégiés de l’Arabie saoudite et de ses alliés. Selon des informations inédites de l’Observatoire des armements livrées à Orient XXI, le gouvernement français serait passé par un contrat destiné au Liban pour préparer la guerre au Yémen et accélérer ses livraisons d’armes au plus fort du conflit.

 Depuis plus de deux ans, une guerre menée par les plus riches pays du Proche-Orient — voire du monde — contre le plus pauvre se poursuit, dans une large indifférence politique et médiatique. Le 26 mars 2015, l’Arabie saoudite suivie de dix pays lance une opération militaire aérienne au Yémen contre les houthistes. Les partisans d’Abdel Malek Al-Houthi avaient poussé à la démission le président de la transition Abd Rabbo Mansour Hadi en s’alliant avec leur ancien opposant, Ali Abdallah Saleh. Au début de l’offensive, les houthistes occupent militairement la capitale Sanaa et la principale ville du sud, Aden. Sollicités par Hadi, les Saoudiens et leurs soutiens prétendent vouloir le rétablir et contrer l’influence iranienne. Le Conseil de sécurité de l’ONUdonne son aval et la France, le Royaume-Uni et les États-Unis fournissent les armements1.

Les États-Unis et le Royaume-Uni sont régulièrement accusés de complicité de crimes de guerre en raison de leurs livraisons d’armes à l’Arabie saoudite, à la tête de cette coalition arabe regroupant dix armées. Mais la France échappe aux condamnations, bien qu’ayant une longue tradition de partenariat avec le royaume saoudien et plusieurs de ses alliés. À partir de la fin des années 2000, Paris veut se tourner davantage vers les pays du Golfe pour booster ses exportations d’armement. Les autorités ouvrent une base militaire à Abou Dhabi où se déroulent des démonstrations de matériel, et vont jusqu’à compromettre l’indépendance politique du pays pour vendre des armements. En 2016, environ 50 % des prises de commande enregistrées par la France concernaient les pays du Proche-Orient2. La monarchie saoudienne est son premier client : elle lui a acheté près de 9 milliards d’armes entre 2010 et 2016, ce qui représente environ 15 à 20 % des exportations d’armes françaises chaque année. Cet armement s’adapte facilement aux conditions du Yémen : il a été construit en fonction des besoins des pays du Proche-Orient, qui regroupe à la fois clients riches et pays en guerre ou en instabilité chronique. D’après des informations inédites de l’Observatoire des armements, la France et l’Arabie saoudite auraient détourné un contrat destiné au Liban pour préparer la guerre au Yémen.

UN MARCHÉ JUTEUX

Les bombardements de la coalition — dont des « bavures » qui s’apparentent à des crimes de guerre sur lesquels l’Arabie saoudite a réussi à empêcher l’ONU d’enquêter jusqu’à présent — auraient tué 10 000 civils d’après les données relayées depuis janvier 2017, le bilan exact est en fait inconnu. L’ONU et plusieurs ONG parlent d’épidémie de famine, de choléra, et de milliers de blessés et déplacés. Une « catastrophe entièrement causée par l’homme », rappelle le dernier rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU. À cela s’ajoutent la destruction partielle de la vieille ville de Sanaa, patrimoine mondial de l’humanité, et l’expansion d’Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA) : « AQPA est plus puissant que jamais. Alors que l’organisation de l’État islamique (OEI) fait les gros titres […], Al-Qaida est le modèle de réussite ». Il a notamment « su exploiter une économie de guerre florissante », écrit April Longley Alley. L’Arabie saoudite a inondé le Yémen de fusils d’assaut Steyr AUG ; une partie d’entre eux a atterri entre les mains d’AQPA, dont se réclamait un des tueurs de Charlie Hebdo,ce qui pose la question du détournement des armes par des groupes terroristes.

Le Traité sur le commerce des armes (TCA) ratifié par la France le 2 avril 2014 interdit pourtant les exportations d’armes pouvant servir à des violations du droit international humanitaire. Or, non seulement la France n’a pas stoppé ses ventes d’armes aux belligérants en mars 2015 mais elle les a accentuées : Rafale au Qatar et à l’Égypte, porte-hélicoptères Mistral et frégate Fremm à l’Égypte, blindés légers Renault Sherpa light et hélicoptères Caracal à Koweït. Créancière de certains de ces pays, l’Arabie saoudite a la capacité de les entraîner dans une guerre, et l’armement vendu à ses alliés peut lui être prêté ou servir ses objectifs militaires.

« La France a octroyé pour un peu plus de 16 milliards d’euros de licences pour la seule Arabie saoudite en 2015 et livré à ce pays pour 900 millions d’euros d’équipements militaires la même année […]. À aucun moment, le gouvernement n’a indiqué ces deux dernières années qu’il avait refusé, révoqué ou suspendu des autorisations d’exportation », commente Amnesty International.

principaux_clients_france_2006-2015-488a7-resp560

L’ARABIE SAOUDITE, UN CLIENT CHOYÉ

La facilité avec laquelle les sociétés d’armement françaises s’adaptent aux demandes saoudiennes est le reflet des liens étroits et anciens entre les deux pays. S’il est extrêmement difficile d’avoir des informations précises sur ce sujet très opaque, des sources indiquent que :

- dès le déclenchement de la guerre au Yémen, l’armée française « a effectué des vols de reconnaissance au-dessus des positions houthies pour le compte du client saoudien et continue à former ses pilotes de chasse », selon MS&T Magazine ;

- la France a également transféré des nacelles Thalès Damocles XF de désignation de cible et de guidage de bombes, que les forces saoudiennes placent sous leurs avions de chasse – ce qui n’empêche pas les « bavures » ;

- trois mois après le début du conflit, un avion ravitailleur Airbus 330-200 MRTT a été livré à l’Arabie saoudite. C’est le dernier d’une flotte de six ; en avril 2017, deux de ces avions étaient déployés au Yémen. Indispensables à la guerre en cours, ils ravitaillent en vol les F-15 saoudiens en carburant ;

- des canons Caesar 155 mm de l’entreprise française Nexter, des hélicoptères de transport Cougar du groupe européen EADS et des drones de renseignement militaire SDTI de l’entreprise française Sagem ont été transférés durant le conflit ;

- en 2016, la France a livré 276 blindés légers indique son propre rapport rendu en juillet 2017 au secrétariat du TCA. Ce lot serait composé en grande partie de blindés légers Renault Sherpa light et Vab Mark 3 du groupe Renault Trucks Defense originellement destinés au Liban. Dès février 2016, face à l’échec des campagnes de bombardements, la coalition s’appuie sur des milices locales équipées de véhicules légers émiratis Nimr pour tenter de déloger les forces houthies3. L’arrivée des blindés légers français, qui se faufilent sans difficulté dans les rues étroites des villes arabes, s’inscrit pleinement dans cette stratégie de contre-insurrection déployée au sol. Et les Sherpa light sont équipés de capteurs de dernière génération offrant une protection contre les engins explosifs improvisés posés par les forces houthies ;

- de plus, la coalition fait également usage de petits patrouilleurs, en soutien aux navires de guerre, pour assurer le blocus du pays. Si l’entreprise française Couach bloque à quai deux patrouilleurs rapides à destination du Yémen en raison de l’embargo, elle débute ses livraisons d’intercepteurs rapides à l’Arabie saoudite dès août 2016, publie Mer et Marine. Selon Ouest-France,39 nouveaux exemplaires de ce type de bateaux sont destinés à Riyad. En décembre 2016, le contrat était en cours de finalisation ;

- pour assurer le blocus qui affame la population, la coalition utilise des Corvettes Baynunah livrées aux Émirats arabes unis, notent Nadav Pollak et Michael Knights dans « Gulf Coalition Operations in Yemen (Part 3) : Maritime and Aerial Blockade »4. Quand la flotte du royaume est entrée en maintenance en mars 2016, la marine française l’a remplacée pour assurer la continuité du blocus, expliquait alors La Lettre de l’Océan indien. L’artillerie et la marine des forces de la coalition sont par ailleurs munies de systèmes électroniques de navigation vendus par Safran, autre groupe d’armement français. Des instruments notamment essentiels à la logistique des tirs ;

- enfin, 745 fusils de précision ont été livrés à Riyad en 2015 et 500 en 2016 selon les rapports au Parlement sur les exportations d’armes de 2016 et 2017.

DES ARMES POUR LE LIBAN QUI FILENT AU YÉMEN

Certains de ces armements étaient initialement destinés à l’armée libanaise. Conclu fin 2014 entre Paris et Riyad pour un montant de trois milliards d’euros, l’accord Donas (Don Arabie saoudite) prévoyait en effet la livraison aux Forces armées libanaises (FAL) d’équipements militaires français achetés par l’Arabie saoudite, la facture de 2,2 milliards d’euros était à la charge du royaume. Motif avancé pour ce transfert : la lutte contre l’organisation de l’État islamique (OEI) et la guerre en Syrie. La facture de 2,2 milliards d’euros était à la charge de l’Arabie saoudite. Ce contrat sur lequel travaillaient les industriels depuis 2011 a donné lieu à une première livraison en avril 2015 mais a été remis en cause peu après, sur fond de conflit avec l’entreprise française intermédiaire ODAS. Six mois après l’officialisation du contrat, l’Arabie saoudite déclenche l’offensive contre le Yémen. Des industriels de l’armement contactés par l’Observatoire des armements s’interrogent : le contrat Donas a-t-il été ficelé en prévision de cette guerre ? Pour que leur matériel s’adapte aux conditions définies par les pays destinataires, les sociétés d’armement doivent respecter les accords de l’OTAN. « Dès 2015, nous avons engagé les tests de matériel prévus pour Donas. Or à notre surprise, il fallait adapter le matériel aux conditions5 qui ne correspondent pas à celles du Liban. Dès lors, nous avons compris. Nous travaillions sur du matériel ayant vocation à servir au Yémen », confie un industriel sous couvert d’anonymat. D’après ce dernier, en avril 2017, « 80 % du parc destiné à Beyrouth aurait fait l’objet d’une commande ferme de l’Arabie saoudite à destination de ses propres forces et 95 % était déjà déployé sur le terrain, en test ou définitivement ». Selon la presse généraliste française, le contrat aurait été renommé Saudi-French Military Contract (SFMC) en 2015 et destiné à la seule Arabie saoudite, en revanche, selon la presse de renseignement, il existerait toujours. En semant le trouble sur le contrat Donas, la livraison ou non d’armements et leur utilisateur final, la France dilue ses responsabilités et détourne l’attention des problématiques liées à l’utilisation de ces armes.

La France a également équipé les autres belligérants, l’Égypte, le Qatar, les Émirats arabes unis et le Koweït. Parmi le matériel utilisé au Yémen, des chars Leclerc émiratis – des hauts gradés français se sont vantés sur LCI de la performance inédite du matériel français dans ce conflit — et des Mirage 2000 émiratis et qataris6, dont la France continue d’assurer la maintenance, la mise à niveau et l’approvisionnement en obus7. Ces avions de chasse sont destinés aux bombardements, les forces émiraties se déclarant insatisfaites de leurs capacités d’emport en munitions, note Air & Cosmos.

Par ailleurs, en vendant des armements tels que les Mirage, chars Leclerc ou Rafale, la France s’engage à assurer une maintenance qui peut durer de quinze à vingt-cinq ans. Elle est donc liée pendant cette période à la politique de l’Etat-client.

PENDANT LA GUERRE LES AFFAIRES CONTINUENT

Un an après le début de ce conflit voulu par le jeune prince de 31 ans Mohammed Ben Salman (fils du roi Salman) en quête de légitimité après avoir été nommé ministre de la défense, son échec était déjà visible. La ligne de front n’a guère évolué, des poches de résistance se sont créées, la coalition y répond par une stratégie de contre-insurrection en s’appuyant sur des milices locales équipées de véhicules émiratis Nimr, alors que l’économie et les citoyens saoudiens pâtissent eux aussi de cette guerre.

Au même moment, les rapports d’Amnesty International, et de Human Rights Watch dénoncent « les crimes de guerre » de la coalition. En février 2016, suite aux pressions du réseau européen contre le commerce des armes (Enaat) dont l’Observatoire des armements est membre et de l’ONG britannique Saferworld, le Parlement européen vote une résolution demandant un embargo de l’Union européenne sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite. Malgré des pressions du gouvernement de Manuel Valls, les députés socialistes se rallient au texte. Mais la France ne revoit pas sa politique et le 4 mars 2016, François Hollande décore même secrètement de la Légion d’honneur le prince héritier Mohammed Ben Nayef.

Le soutien militaire de la France aux opérations saoudiennes est donc militaire, logistique et politique, ce qui explique le silence de sa diplomatie. Sa responsabilité dans la complicité des crimes commis au Yémen n’est toujours pas posée. Les parlementaires français restent impassibles. Aucune commission d’enquête parlementaire n’est en place alors qu’ONG et associations appellent l’État français à stopper immédiatement toute transaction avec les belligérants du conflit et à effectuer un contrôle parlementaire des ventes d’armes.

Le 16 décembre 2015, soit neuf mois après le début de l’offensive, des industriels de l’armement y prenant part se félicitaient des ventes record lors d’un colloque à la Sorbonne sur « les industries de défense face aux enjeux internationaux ». Pascale Sourisse, directrice générale en charge du développement international du Groupe Thalès, dont le premier client était le ministère de la défense français, se réjouissait de la vigueur d’un marché « pas du tout en train de rétrécir » et d’« une année exceptionnelle ». Même satisfaction pendant le salon international de la défense et de la sécurité Eurosatory de 2016 organisé à Paris, durant lequel Emmanuel Macron a d’ailleurs visité le stand Thalès. Étienne de Durand, délégué pour la politique et la prospective de défense à la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère de la défense a commenté ironiquement à la Sorbonne : « Vendre des armes, ce n’est pas comme vendre des chaussures ». Surtout quand on sait qu’à l’occasion d’une rencontre avec une dizaine de journalistes français à l’ambassade de l’Arabie saoudite le 22 mars dernier à laquelle Orient XXI était convié, des généraux et représentants du royaume ont laissé entendre qu’ils n’avaient pas la moindre idée de l’issue de cette guerre ni de la stratégie à suivre pour sortir de cet enlisement. Contacté par Orient XXI, le ministère des affaires étrangères français n’a pas répondu aux questions.

Source Orient XXI 12/09/2017

Voir Aussi : Actualité Internationale, Rubrique Politique, rubrique Affaire, Paris, Le Caire, ventes d’armes et droits de l’homme, rubrique Politique InternationaleLa France valide la dictature égyptienne, rubrique Moyen-OrientEgypteAmnesty International dénonce des disparitions forcées sans précédentUn coup porté à la liberté d’expressionToute L’Egypte appartient aux militaires,

Jérusalem. Mot d’ordre commun contre la provocation

L’erreur de Trump a produit un mouvement de solidarité. Photo JMDI

La déclaration du président des Etats-Unis sur Jérusalem a soulevé une vague d’indignation à travers le monde. Mobilisé dimanche sur la Place de La Comédie à Montpellier, le Collectif 34 Palestine s’est joint au concert d’indignation.

« ?L’absence de rationalité que l’on prête au président américain n’empêche pas que sa démarche s’inscrive dans une certaine logique? », faisait valoir hier à Montpellier un ancien militant de la cause palestinienne ayant répondu à l’appel du Collectif 34 Palestine. Un propos qu’il est aisé de constater dans les faits. En trois semaines, le gouvernement des Etats-Unis a attaqué le peuple palestinien sur trois fronts. Le 18 novembre, l’administration du président des Etats-Unis a annoncé sa décision de fermer le bureau diplomatique de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington. Le 5 décembre, le Congrès des Etats-Unis a voté à l’unanimité l’adoption de la loi Taylor Force, qui vise à bloquer, de 2018 à 2024, l’aide apportée à l’Autorité palestinienne, à moins que cette dernière ne cesse de verser des prestations aux familles de militants palestiniens morts au combat ou inculpés. Mais c’est le troisième affront, le 6 décembre, qui risque de s’avérer le plus dévastateur pour les initiatives de paix. Donald Trump a annoncé que les Etats-Unis reconnaissaient officiellement Jérusalem comme capitale d’Israël en provoquant une onde de choc dont la structure ondulatoire devient très apériodique.

«?Jérusalem est et restera éternellement la capitale de l’Etat de Palestine?», a affirmé le président palestinien Mahmoud Abbas suivi par les leaders musulmans qui appellent, le président Turc Erdogan en tête, le monde à reconnaître Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine. Pour les 350 millions d’Arabes et les 1,5 milliard de musulmans dans le monde, la ville sainte constitue une question primordiale.

Trump avec les purs et durs

Même si elle n’a pas déclenché la spirale de violence redoutée, les violences suscitées par la décision américaine, ont causé la mort de huit palestiniens depuis le 6 décembre. Dont quatre décès et des centaines de blessés ce vendredi dans la bande de Gaza où l’armée israélienne a tiré à balles réelles sur les manifestants. Pour l’ancien militant montpelliérain qui précise que son accent américain n’a aucune importance?: «?Trump a pactisé avec les tenants du sionisme pur et dur, ceux qui iront jusqu’au bout...?» Une version corroborée par le New York Times qui avance que le président américain aurait décidé de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël après un dîner à la Maison-Blanche avec le milliardaire Sheldon Adelson, magnat des casinos de Las Vegas et principal financier du Parti républicain.

Solution attendue de l’extérieur

«?Après l’annonce du 6 décembre, le message est clair, explique le militant montpelliérain, on impose aux palestiniens la version israélienne de Netanyahou et de ses alliés d’extrême droite.?» Pour ce militant avisé du conflit israélo-palestinien la mobilisation significative du peuple israélien qui a réuni des centaines de milliers de manifestants à Tel Aviv pour demander la démission du chef de gouvernement n’est pas en mesure de faire basculer la balance. «?A travers le monde, tous les observateurs s’accordent à reconnaître que la solution viendra de l’extérieur.?»

Loin de servir les intérêts de son pays, la conversion du président américain à la vision israélienne exclut les Etats-Unis de l’histoire du Moyen-Orient et ouvre le champ à l’UE. «?L’erreur de Trump produit un grand mouvement de solidarité à travers le monde, souligne Isabelle Boissora la présidente du Collectif 34 Palestine, La France a manifestement une carte à jouer. Face à Netanyahou, Mr Macron et ses formules diplomatiques est apparu un peu tiède?».

JMDH

Source La Marseillaise 18/12/2017

Voir aussi : Actualité Locale, Actualité Internationales, Rubrique , GéopolitiqueLa dangereuse alliance entre les Etats-Unis, Israël et l’Arabie saoudite,  rubrique Moyen-Orient, Palestine, Israël,  rubrique Politique, Politique internationale, rubrique Débat, rubrique Montpellier

L’aventure ouvrière et sociale de Vio.Me

Les ouvriers devenus leur propre patron

Les ouvriers devenus leur propre patron

Cinéma
Le documentaire « Soyons tout ! de Apostolos Karakasis retrace le combat des employés de l’usine Vio.Me à Thessalonique en Grèce qui ont refusé la fatalité en créant une coopérative.

Pour Vio.Me (Soyons Tout ! pour le titre français) Apostolos Karakasis n’a pas planté son décors dans les merveilleux sites antiques qui foisonnent sur les couvertures en papier glacés des produits touristiques. On est à Thessalonique grande ville du Nord au passé cosmopolite ayant pâti de nombreux conflits liés à sa situation géopolitique, la caméra circule dans la zone industrielle, grise et déserte avec ses constructions en ciment mal lissées et ses tôles ondulées. Mais aussi ses hommes, ouvriers usés et désespérés à l’idée que le travail s’arrête. Ce qui signifie bien des conséquences pour leur famille. Cette histoire est devenue un symbole comme ce fut le cas, avec le combat des ouvriers de Lip où plus proche de nous celle des salariés de l’usine Fralib de Gémenos, une zone franche à l’est de Marseille.

Lors de la fermeture de l’usine grecque de matériaux de construction, Vio.Me, à Thessalonique, 70 employés courent le risque de ne plus jamais trouver de travail. Ils décident alors d’occuper l’usine et de la faire fonctionner eux­-mêmes. Sur les ruines de l’économie la plus ravagée d’Europe, une utopie égalitaire est en train de naître. Mais un an après l’occupation, des conflits internes surgissent. La coopérative des travailleurs de Vio.Me décide d’orienter la production en fabriquant des savons, des détergents naturels, respectueux de l’environnement pour porter le message « d’un mode de vie radicalement différent. » La chaîne de solidarité s’étend à toute l’Europe où les produits Vio.Me sont diffusés par des collectifs, des syndicats, des coopératives … Depuis 6 ans, l’aventure continue !

L’émancipation en lumière
Signe des temps, certains salariés ne se résignent pas à la disparition de leur activité et souhaitent créer une société coopérative, un engagement impliquant de relever de multiples défis. Avec son documentaire Soyons tout ! le réalisateur grec Apostolos Karakasis traque la force intérieure qui donnent à ces hommes le courage d’agir.  Les coups de mou et de remise en question, le soutien à l’intérieur des foyers, la tension, le  doute, les conflits internes, mais aussi les batailles gagnées, la solidarité des usagers, la médiatisation, le renfort des personnalités publiques. S’il égratigne les politiques et les patrons, ce n’est pas la lutte sociale que le réalisateur met au centre de son film. C’est d’abord le parcours humain et la lumière intérieure des hommes qu’a choisit d’éclairer Apostolos Karakasis. Toute la beauté du film apparaît dans la perception de ces travailleurs qui se déploient dans un univers autre, en s’émancipant du triste rapport de production auquel se résumait leur vie.

Les films des deux rives
Le film est distribué par la société montpelliéraine Les films des deux rives qui fête ses dix années d’existence. La vocation première de cette entreprise était de faire exister les films de réalisateurs algériens en France. On trouve dans son catalogue des films comme Normal de Merzac Allouache, La place de Dahmane Ouzid, ou L’insoumis de Lyazid Khodja et Rachid Benallal. Les  Films des deux rives est  également orienté dans la distribution de films à caractère social. Dans ce registre on peut citer On revient de loin, et Opération Correa de Pierre Carles, ou encore Howard Zinn, une histoire populaire américaine  réalisé par Olivier Azam et Daniel Mermet. Le second volet de ce passionnant regard sur l’histoire américaine sortira en 2018. On attend aussi  en février Vivir y otras ficciones du réalisateur espagnol Jo Sol, lauréat de l’Antigone d’or du Cinemed en 2016.

JMDH

Source La Marseillaise 14/12/2017

Voir aussi : Rubrique Cinéma, rubrique Société, Mouvements sociaux, rubrique UE, Grèce, Pratique égalitaire de la distribution du pouvoir,