Comment la France participe à la guerre contre le Yémen

Chars Leclerc français vendus aux Émirats arabes unis et utilisés dans l’offensive terrestre au Yémen. leclerc.fr

Chars Leclerc français vendus aux Émirats arabes unis et utilisés dans l’offensive terrestre au Yémen.
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Troisième plus gros vendeur d’armement au monde, la France est l’un des fournisseurs privilégiés de l’Arabie saoudite et de ses alliés. Selon des informations inédites de l’Observatoire des armements livrées à Orient XXI, le gouvernement français serait passé par un contrat destiné au Liban pour préparer la guerre au Yémen et accélérer ses livraisons d’armes au plus fort du conflit.

 Depuis plus de deux ans, une guerre menée par les plus riches pays du Proche-Orient — voire du monde — contre le plus pauvre se poursuit, dans une large indifférence politique et médiatique. Le 26 mars 2015, l’Arabie saoudite suivie de dix pays lance une opération militaire aérienne au Yémen contre les houthistes. Les partisans d’Abdel Malek Al-Houthi avaient poussé à la démission le président de la transition Abd Rabbo Mansour Hadi en s’alliant avec leur ancien opposant, Ali Abdallah Saleh. Au début de l’offensive, les houthistes occupent militairement la capitale Sanaa et la principale ville du sud, Aden. Sollicités par Hadi, les Saoudiens et leurs soutiens prétendent vouloir le rétablir et contrer l’influence iranienne. Le Conseil de sécurité de l’ONUdonne son aval et la France, le Royaume-Uni et les États-Unis fournissent les armements1.

Les États-Unis et le Royaume-Uni sont régulièrement accusés de complicité de crimes de guerre en raison de leurs livraisons d’armes à l’Arabie saoudite, à la tête de cette coalition arabe regroupant dix armées. Mais la France échappe aux condamnations, bien qu’ayant une longue tradition de partenariat avec le royaume saoudien et plusieurs de ses alliés. À partir de la fin des années 2000, Paris veut se tourner davantage vers les pays du Golfe pour booster ses exportations d’armement. Les autorités ouvrent une base militaire à Abou Dhabi où se déroulent des démonstrations de matériel, et vont jusqu’à compromettre l’indépendance politique du pays pour vendre des armements. En 2016, environ 50 % des prises de commande enregistrées par la France concernaient les pays du Proche-Orient2. La monarchie saoudienne est son premier client : elle lui a acheté près de 9 milliards d’armes entre 2010 et 2016, ce qui représente environ 15 à 20 % des exportations d’armes françaises chaque année. Cet armement s’adapte facilement aux conditions du Yémen : il a été construit en fonction des besoins des pays du Proche-Orient, qui regroupe à la fois clients riches et pays en guerre ou en instabilité chronique. D’après des informations inédites de l’Observatoire des armements, la France et l’Arabie saoudite auraient détourné un contrat destiné au Liban pour préparer la guerre au Yémen.

UN MARCHÉ JUTEUX

Les bombardements de la coalition — dont des « bavures » qui s’apparentent à des crimes de guerre sur lesquels l’Arabie saoudite a réussi à empêcher l’ONU d’enquêter jusqu’à présent — auraient tué 10 000 civils d’après les données relayées depuis janvier 2017, le bilan exact est en fait inconnu. L’ONU et plusieurs ONG parlent d’épidémie de famine, de choléra, et de milliers de blessés et déplacés. Une « catastrophe entièrement causée par l’homme », rappelle le dernier rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU. À cela s’ajoutent la destruction partielle de la vieille ville de Sanaa, patrimoine mondial de l’humanité, et l’expansion d’Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA) : « AQPA est plus puissant que jamais. Alors que l’organisation de l’État islamique (OEI) fait les gros titres […], Al-Qaida est le modèle de réussite ». Il a notamment « su exploiter une économie de guerre florissante », écrit April Longley Alley. L’Arabie saoudite a inondé le Yémen de fusils d’assaut Steyr AUG ; une partie d’entre eux a atterri entre les mains d’AQPA, dont se réclamait un des tueurs de Charlie Hebdo,ce qui pose la question du détournement des armes par des groupes terroristes.

Le Traité sur le commerce des armes (TCA) ratifié par la France le 2 avril 2014 interdit pourtant les exportations d’armes pouvant servir à des violations du droit international humanitaire. Or, non seulement la France n’a pas stoppé ses ventes d’armes aux belligérants en mars 2015 mais elle les a accentuées : Rafale au Qatar et à l’Égypte, porte-hélicoptères Mistral et frégate Fremm à l’Égypte, blindés légers Renault Sherpa light et hélicoptères Caracal à Koweït. Créancière de certains de ces pays, l’Arabie saoudite a la capacité de les entraîner dans une guerre, et l’armement vendu à ses alliés peut lui être prêté ou servir ses objectifs militaires.

« La France a octroyé pour un peu plus de 16 milliards d’euros de licences pour la seule Arabie saoudite en 2015 et livré à ce pays pour 900 millions d’euros d’équipements militaires la même année […]. À aucun moment, le gouvernement n’a indiqué ces deux dernières années qu’il avait refusé, révoqué ou suspendu des autorisations d’exportation », commente Amnesty International.

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L’ARABIE SAOUDITE, UN CLIENT CHOYÉ

La facilité avec laquelle les sociétés d’armement françaises s’adaptent aux demandes saoudiennes est le reflet des liens étroits et anciens entre les deux pays. S’il est extrêmement difficile d’avoir des informations précises sur ce sujet très opaque, des sources indiquent que :

- dès le déclenchement de la guerre au Yémen, l’armée française « a effectué des vols de reconnaissance au-dessus des positions houthies pour le compte du client saoudien et continue à former ses pilotes de chasse », selon MS&T Magazine ;

- la France a également transféré des nacelles Thalès Damocles XF de désignation de cible et de guidage de bombes, que les forces saoudiennes placent sous leurs avions de chasse – ce qui n’empêche pas les « bavures » ;

- trois mois après le début du conflit, un avion ravitailleur Airbus 330-200 MRTT a été livré à l’Arabie saoudite. C’est le dernier d’une flotte de six ; en avril 2017, deux de ces avions étaient déployés au Yémen. Indispensables à la guerre en cours, ils ravitaillent en vol les F-15 saoudiens en carburant ;

- des canons Caesar 155 mm de l’entreprise française Nexter, des hélicoptères de transport Cougar du groupe européen EADS et des drones de renseignement militaire SDTI de l’entreprise française Sagem ont été transférés durant le conflit ;

- en 2016, la France a livré 276 blindés légers indique son propre rapport rendu en juillet 2017 au secrétariat du TCA. Ce lot serait composé en grande partie de blindés légers Renault Sherpa light et Vab Mark 3 du groupe Renault Trucks Defense originellement destinés au Liban. Dès février 2016, face à l’échec des campagnes de bombardements, la coalition s’appuie sur des milices locales équipées de véhicules légers émiratis Nimr pour tenter de déloger les forces houthies3. L’arrivée des blindés légers français, qui se faufilent sans difficulté dans les rues étroites des villes arabes, s’inscrit pleinement dans cette stratégie de contre-insurrection déployée au sol. Et les Sherpa light sont équipés de capteurs de dernière génération offrant une protection contre les engins explosifs improvisés posés par les forces houthies ;

- de plus, la coalition fait également usage de petits patrouilleurs, en soutien aux navires de guerre, pour assurer le blocus du pays. Si l’entreprise française Couach bloque à quai deux patrouilleurs rapides à destination du Yémen en raison de l’embargo, elle débute ses livraisons d’intercepteurs rapides à l’Arabie saoudite dès août 2016, publie Mer et Marine. Selon Ouest-France,39 nouveaux exemplaires de ce type de bateaux sont destinés à Riyad. En décembre 2016, le contrat était en cours de finalisation ;

- pour assurer le blocus qui affame la population, la coalition utilise des Corvettes Baynunah livrées aux Émirats arabes unis, notent Nadav Pollak et Michael Knights dans « Gulf Coalition Operations in Yemen (Part 3) : Maritime and Aerial Blockade »4. Quand la flotte du royaume est entrée en maintenance en mars 2016, la marine française l’a remplacée pour assurer la continuité du blocus, expliquait alors La Lettre de l’Océan indien. L’artillerie et la marine des forces de la coalition sont par ailleurs munies de systèmes électroniques de navigation vendus par Safran, autre groupe d’armement français. Des instruments notamment essentiels à la logistique des tirs ;

- enfin, 745 fusils de précision ont été livrés à Riyad en 2015 et 500 en 2016 selon les rapports au Parlement sur les exportations d’armes de 2016 et 2017.

DES ARMES POUR LE LIBAN QUI FILENT AU YÉMEN

Certains de ces armements étaient initialement destinés à l’armée libanaise. Conclu fin 2014 entre Paris et Riyad pour un montant de trois milliards d’euros, l’accord Donas (Don Arabie saoudite) prévoyait en effet la livraison aux Forces armées libanaises (FAL) d’équipements militaires français achetés par l’Arabie saoudite, la facture de 2,2 milliards d’euros était à la charge du royaume. Motif avancé pour ce transfert : la lutte contre l’organisation de l’État islamique (OEI) et la guerre en Syrie. La facture de 2,2 milliards d’euros était à la charge de l’Arabie saoudite. Ce contrat sur lequel travaillaient les industriels depuis 2011 a donné lieu à une première livraison en avril 2015 mais a été remis en cause peu après, sur fond de conflit avec l’entreprise française intermédiaire ODAS. Six mois après l’officialisation du contrat, l’Arabie saoudite déclenche l’offensive contre le Yémen. Des industriels de l’armement contactés par l’Observatoire des armements s’interrogent : le contrat Donas a-t-il été ficelé en prévision de cette guerre ? Pour que leur matériel s’adapte aux conditions définies par les pays destinataires, les sociétés d’armement doivent respecter les accords de l’OTAN. « Dès 2015, nous avons engagé les tests de matériel prévus pour Donas. Or à notre surprise, il fallait adapter le matériel aux conditions5 qui ne correspondent pas à celles du Liban. Dès lors, nous avons compris. Nous travaillions sur du matériel ayant vocation à servir au Yémen », confie un industriel sous couvert d’anonymat. D’après ce dernier, en avril 2017, « 80 % du parc destiné à Beyrouth aurait fait l’objet d’une commande ferme de l’Arabie saoudite à destination de ses propres forces et 95 % était déjà déployé sur le terrain, en test ou définitivement ». Selon la presse généraliste française, le contrat aurait été renommé Saudi-French Military Contract (SFMC) en 2015 et destiné à la seule Arabie saoudite, en revanche, selon la presse de renseignement, il existerait toujours. En semant le trouble sur le contrat Donas, la livraison ou non d’armements et leur utilisateur final, la France dilue ses responsabilités et détourne l’attention des problématiques liées à l’utilisation de ces armes.

La France a également équipé les autres belligérants, l’Égypte, le Qatar, les Émirats arabes unis et le Koweït. Parmi le matériel utilisé au Yémen, des chars Leclerc émiratis – des hauts gradés français se sont vantés sur LCI de la performance inédite du matériel français dans ce conflit — et des Mirage 2000 émiratis et qataris6, dont la France continue d’assurer la maintenance, la mise à niveau et l’approvisionnement en obus7. Ces avions de chasse sont destinés aux bombardements, les forces émiraties se déclarant insatisfaites de leurs capacités d’emport en munitions, note Air & Cosmos.

Par ailleurs, en vendant des armements tels que les Mirage, chars Leclerc ou Rafale, la France s’engage à assurer une maintenance qui peut durer de quinze à vingt-cinq ans. Elle est donc liée pendant cette période à la politique de l’Etat-client.

PENDANT LA GUERRE LES AFFAIRES CONTINUENT

Un an après le début de ce conflit voulu par le jeune prince de 31 ans Mohammed Ben Salman (fils du roi Salman) en quête de légitimité après avoir été nommé ministre de la défense, son échec était déjà visible. La ligne de front n’a guère évolué, des poches de résistance se sont créées, la coalition y répond par une stratégie de contre-insurrection en s’appuyant sur des milices locales équipées de véhicules émiratis Nimr, alors que l’économie et les citoyens saoudiens pâtissent eux aussi de cette guerre.

Au même moment, les rapports d’Amnesty International, et de Human Rights Watch dénoncent « les crimes de guerre » de la coalition. En février 2016, suite aux pressions du réseau européen contre le commerce des armes (Enaat) dont l’Observatoire des armements est membre et de l’ONG britannique Saferworld, le Parlement européen vote une résolution demandant un embargo de l’Union européenne sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite. Malgré des pressions du gouvernement de Manuel Valls, les députés socialistes se rallient au texte. Mais la France ne revoit pas sa politique et le 4 mars 2016, François Hollande décore même secrètement de la Légion d’honneur le prince héritier Mohammed Ben Nayef.

Le soutien militaire de la France aux opérations saoudiennes est donc militaire, logistique et politique, ce qui explique le silence de sa diplomatie. Sa responsabilité dans la complicité des crimes commis au Yémen n’est toujours pas posée. Les parlementaires français restent impassibles. Aucune commission d’enquête parlementaire n’est en place alors qu’ONG et associations appellent l’État français à stopper immédiatement toute transaction avec les belligérants du conflit et à effectuer un contrôle parlementaire des ventes d’armes.

Le 16 décembre 2015, soit neuf mois après le début de l’offensive, des industriels de l’armement y prenant part se félicitaient des ventes record lors d’un colloque à la Sorbonne sur « les industries de défense face aux enjeux internationaux ». Pascale Sourisse, directrice générale en charge du développement international du Groupe Thalès, dont le premier client était le ministère de la défense français, se réjouissait de la vigueur d’un marché « pas du tout en train de rétrécir » et d’« une année exceptionnelle ». Même satisfaction pendant le salon international de la défense et de la sécurité Eurosatory de 2016 organisé à Paris, durant lequel Emmanuel Macron a d’ailleurs visité le stand Thalès. Étienne de Durand, délégué pour la politique et la prospective de défense à la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère de la défense a commenté ironiquement à la Sorbonne : « Vendre des armes, ce n’est pas comme vendre des chaussures ». Surtout quand on sait qu’à l’occasion d’une rencontre avec une dizaine de journalistes français à l’ambassade de l’Arabie saoudite le 22 mars dernier à laquelle Orient XXI était convié, des généraux et représentants du royaume ont laissé entendre qu’ils n’avaient pas la moindre idée de l’issue de cette guerre ni de la stratégie à suivre pour sortir de cet enlisement. Contacté par Orient XXI, le ministère des affaires étrangères français n’a pas répondu aux questions.

Source Orient XXI 12/09/2017

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Le Parlement débattra mardi de l’intervention française en Libye

Le Parlement doit se prononcer mardi sur la poursuite de la participation française à l’opération militaire de l’Otan en Libye, dont l’issue reste très incertaine quatre mois après le début des frappes aériennes.

Cette consultation est rendue obligatoire par la réforme institutionnelle de 2008, qui stipule que toute opération militaire engagée par l’exécutif doit faire l’objet d’un débat assorti d’un vote si elle n’est pas terminée au bout de quatre mois.

Peu de surprises en vue, puisque UMP et PS considèrent l’opération contre les forces du colonel Mouammar Kadhafi légitime dans le cadre de la résolution 1973 de l’ONU et devraient voter sa prolongation.

L’opération a débuté le 19 mars à l’initiative de Paris et Londres. Mais quatre mois plus tard, la coalition multinationale passée sous commandement de l’Otan peine à trouver une issue, notamment à se débarrasser de Kadhafi, qui continue de narguer la communauté internationale et bloque toute solution politique. «La question n’est pas de savoir s’il doit quitter le pouvoir, mais comment et quand», martèle le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé.

Si quatre mois de frappes aériennes ont considérablement réduit le potentiel militaire libyen et permis aux insurgés de ne pas être balayés, l’absence de troupes de la coalition au sol prolonge la durée des opérations. «Les forces du colonel Kadhafi sont affaiblies. L’attrition (leur épuisement) est lente, trop lente sans doute, mais elle est régulière. Les gains du Conseil national de transition (CNT) sont réels (…) C’est pour cette raison que la coalition doit poursuivre son effort», a fait valoir le chef d’état-major des armées, l’amiral Edouard Guillaud, le 29 juin devant les députés.

Le coût en débat

L’avancée actuelle des rebelles sur Tripoli à partir des montagnes du sud montre un régime de plus en plus acculé autour de la capitale libyenne. «On voit bien que le régime de Kadhafi est à bout de souffle. Il continue à tenir grâce à quelques fidèles et à ses mercenaires, mais l’issue fait peu de doute. La situation idéale, c’est que cette affaire se termine pendant l’été», estime Axel Poniatowski (Val-d’Oise), le président UMP de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.

Le coût de l’opération et les conditions de l’engagement français, avec la décision d’envoyer des hélicoptères de combat et le largage en juin d’armes aux rebelles libyens, devraient être au coeur du débat à l’Assemblée puis au Sénat.

Pour le budget de l’Etat, le surcoût, selon l’amiral Guillaud, «peut être décomposé en deux parties : la première représente 100 millions d’euros et la deuxième, qui correspond au maintien en condition opérationnelle (MCO) de nos matériels, ne peut être chiffrée qu’a posteriori. On peut néanmoins l’estimer à 60 millions d’euros». Ce chiffre de 160 milliards d’euros est confirmé dans le JDD par la ministre du Budget, Valérie Pécresse. Elle estime qu’au regard du «budget de la Défense, qui est de 40 milliards d’euros» le pays «peut l’absorber».

A gauche, les députés PS soutiennent la poursuite des opérations. «Aujourd’hui», y renoncer, «serait permettre à Kadhafi de regagner le terrain perdu», estime Bernard Cazeneuve (PS) de la Commission de la Défense. Il n’entend pas moins être «très critique sur certains aspects», comme la coordination au sein de l’Otan.

Droite et gauche réclament par ailleurs une issue politique. «Nous demandons qu’on rende lisible très rapidement la suite de l’opération en créant les conditions d’une issue politique», souligne Cazeneuve. Axel Poniatowski juge, lui, «souhaitable que puisse être trouvée le plus rapidement possible une solution s’agissant de la famille Kadhafi».

AFP

Voir aussi : Rubrique Libye, rubrique Politique international

Stratégie en Afghanistan: un bel exemple de la pratique des petits soldats du journalisme

Tactiques de la cloche à fromage

A l’heure où la conférence de Londres accouche d’une souris et au moment où les français se prononcent majoritairement pour le retrait des soldats français d’Afghanistan, Hervé Asquin signe pour l’AFP ce jolie article sous le titre  Stratégie en Afghanistan: variations françaises sur un thème américain… Un bel exemple de la pratique des petits soldats du journalisme qui devrait ravir Claude Guéant.

BASE AVANCEE DE NIJRAB (Afghanistan, 24 jan 2010) Tactiques de la cloche à fromage, du mikado, du pare-feu ou du billard: les officiers français se succèdent dans l’est de l’Afghanistan où ils rivalisent d’ingéniosité pour accommoder à leur façon la stratégie américaine de contre-insurrection. Commandant en chef des forces américaines et de l’Otan en Afghanistan, le général Stanley McChrystal a pris un virage à 180 degrés au cours de l’été, constatant l’impuissance de la coalition à maîtriser l’insurrection après huit ans de guerre. Son nouveau mot d’ordre: privilégier la sécurisation des populations sur la traque des insurgés.

Depuis le 1er novembre, la plupart des 3.300 soldats français sont rassemblées dans la province de Kapisa et le district de Surobi, à une cinquantaine de kilomètres au nord-est et à l’est de Kaboul. A la tête de cette « Task Force La Fayette », le général Marcel Druart tente d’appliquer « l’esprit » sinon la lettre des nouvelles priorités de McChrystal, exercice grandement facilité par le goût du général américain pour la « pensée stratégique » française. McChrystal se revendique volontiers de Lyautey, le Maréchal de France qui prônait le respect des populations et de l’islam dans le Maroc du Protectorat, ou de David Galula, l’officier français passé par Harvard, auteur, dans les années 60, de « Contre-insurrection, théorie et pratique ».

Sur la ligne stratégique, il y a tout au plus l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre Français et Américains. McChrystal entend gagner la « confiance » des populations afghanes, « conquérir les coeurs et les esprits ». Patron du 2e régiment étranger d’infanterie, le colonel Benoît Durieux qui vient d’achever une mission de six mois à la tête des forces françaises en Surobi, parle plutôt de « libérer les coeurs et les esprits de l’obscurantisme des talibans ». Avant son retour en France, l’officier avait présenté sa stratégie du Mikado au ministre de la Défense Hervé Morin, venu partager le réveillon de la Saint-Sylvestre avec le contingent français. « Les membres de la société afghane sont liés par des liens familiaux, ethniques, tribaux, des souvenirs communs, des projets, des intérêts… », avait-il expliqué au ministre, et il s’agit « d’observer comment le jeu est tombé » pour retirer une baguette sans faire bouger les autres.

Cette stratégie a permis aux forces françaises de « remonter jusqu’au nord d’Uzbin », la vallée autrefois interdite où 10 soldats français étaient tombés sous le feu des talibans à l’été 2008, se félicite le général Druart, s’exprimant à Nijrab, son quartier général. En février 2009, le colonel Nicolas Le Nen expliquait à l’AFP comment il avait piégé les insurgés « comme des mouches sous une cloche à fromage » en déployant 150 hommes sur les crêtes. Son successeur à Nijrab, le colonel Francis Chanson, a élaboré la théorie du pare-feu, visant à contenir les foyers insurrectionnels les plus radicaux en gagnant les populations alentour à la cause de la coalition. Quant au général Druart, il propose une stratégie dite du billard, « un réseau de forces positives -autorités, policiers, militaires ou commerçants- pour faire pencher la population indécise en notre faveur ».

Si ces diverses stratégies semblent avoir porté leurs fruits en Surobi où la situation paraît apaisée, la partie est encore loin d’être gagnée en Kapisa, reconnaît cependant le général Druart. Les Français ont perdu trois des leurs en trois jours à la mi-janvier dans cette province, deux d’entre eux tombés sous le feu des insurgés, le troisième victime d’une mine artisanale.