Libye, un pays hors d’Etat

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Le Premier ministre Faïez el-Serraj et le maréchal Khalifa Haftar, qui contrôle l’est du pays, devaient se rencontrer au Caire pour négocier, mais l’entrevue n’a pas eu lieu. Six ans après la chute de Kadhafi, le pays est toujours en proie à la guerre civile.

Les fanions ont déjà été accrochés au-dessus des rues. Pour la sixième fois, la Libye va célébrer vendredi l’anniversaire de la révolution dite «du 17 Février», qui a abouti à la mort du dictateur Muammar al-Kadhafi et à l’effondrement de son régime, «la Jamahiriya». Pourtant, le cœur n’y est pas vraiment. Les Libyens, dans leur immense majorité, ne regrettent ni le tyran ni son régime répressif. Mais leur «printemps» a aujourd’hui un goût amer. Le pays est divisé en territoires rivaux, trois gouvernements concurrents se disputent le pouvoir, l’économie est en ruine et plusieurs organisations jihadistes se sont implantées, profitant de l’absence d’autorité centrale.

L’accord de Skhirat de décembre 2015, qui devait mettre fin à la guerre civile entre l’Est et l’Ouest, n’a pas permis de dénouer la crise politique qui paralyse le pays : à Tripoli, capitale morcelée tenue par les milices, le président du Conseil présidentiel, Faïez el-Serraj, à la tête du gouvernement d’union nationale soutenu par l’ONU et la communauté internationale, est contesté par l’ex-Premier ministre du «gouvernement de salut national», Khalifa al-Ghwell.

Dans l’est du pays, le blocage est encore plus marqué : la Chambre des représentants, ou «Parlement de Tobrouk», refuse toujours de reconnaître l’autorité de Serraj. Elle s’est alliée avec le maréchal dissident Khalifa Haftar, qui tente depuis deux ans d’écraser les islamistes de Cyrénaïque.

Frontière

Le pays est, de fait, coupé en deux. Cette fracture n’est pas née en 2011 ; l’historien romain Salluste (86- 34 av. J.-C.) la fait même remonter à l’Antiquité : «Dans le temps que les Carthaginois donnaient la loi à presque toute l’Afrique, les Cyrénéens n’étaient guère moins riches et moins puissants. Entre les deux Etats était une plaine sablonneuse, tout unie, sans fleuve ni montagne qui marquât leurs limites. De là une guerre longue et sanglante entre les deux peuples, qui, de part et d’autre, eurent des légions ainsi que des flottes détruites et dispersées, et virent leurs forces sensiblement diminuées.»

Entre la ville punique de Carthage et la cité grecque de Cyrène, «également épuisées», la frontière fut finalement tracée d’un commun accord, selon un principe simple : «A un jour déterminé des envoyés partiraient de chaque ville, et le lieu où ils se rencontreraient deviendrait la limite des deux territoires. Deux frères nommés Philènes, que choisit Carthage, firent la route avec une grande célérité ; les Cyrénéens arrivèrent plus tard. Fut-ce par leur faute ou par quelque accident ? C’est ce que je ne saurais dire ; car, dans ces déserts, les voyageurs peuvent se voir arrêtés par les ouragans aussi bien qu’en pleine mer ; et, lorsqu’en ces lieux tout unis, dépourvus de végétation, un vent impétueux vient à souffler, les tourbillons de sable qu’il soulève remplissent la bouche et les yeux, et empêchent de voir et de continuer son chemin.»

L’autel des frères Philènes, qui fut élevé à leur gloire, n’a jamais été retrouvé. Mais les historiens contemporains le situent quelque part près de l’actuel terminal pétrolier de Ras Lanouf… soit exactement à l’endroit où se font face, aujourd’hui, les troupes du maréchal Haftar, maître de la Cyrénaïque, et les brigades de Misrata, force militaire la plus puissante de l’ouest du pays. C’est également à la frontière entre ces deux Libye qu’est situé Syrte, ex-fief de Kadhafi d’où a été chassé l’Etat islamique en décembre après huit mois d’une guerre ayant fait plus de 700 morts et 3 000 blessés parmi les assaillants. Aujourd’hui, environ 300 à 400 jihadistes de l’EI seraient encore présents dans la zone, selon les autorités militaires de Misrata.

Humiliation

Ce mardi, Haftar et Serraj étaient tous les deux en visite au Caire. Ils ne se sont pas parlés depuis plus d’un an. Le maréchal septuagénaire, soutenu par l’Egypte, les Emirats arabes unis et la Russie, a réussi à se rendre incontournable. Sa victoire prochaine à Benghazi contre les brigades révolutionnaires alliées aux islamistes, au prix d’une destruction partielle de la ville, lui a apporté une réelle popularité auprès de la population de l’Est, assoiffée de stabilité.

Serraj, bien que porté par l’ONU, l’Europe et les Etats-Unis, abordait sa visite égyptienne en position de faiblesse: après un an à la tête du Conseil présidentiel, il n’a ni réussi à réconcilier le pays ni à améliorer le quotidien des Libyens, ni même à rétablir la sécurité à Tripoli. La séquence du Caire a tourné à l’humiliation. Haftar aurait refusé de le rencontrer en face-à-face, selon les médias libyens. Les négociations se sont déroulées de manière indirectes, via un médiateur égyptien.

L’ONU a par ailleurs annoncé la semaine dernière qu’elle allait désigner un nouvel envoyé spécial en Libye. L’Allemand Martin Kobler devait être remplacé par l’ancien Premier ministre palestinien Salam Fayyad, mais l’administration Trump a, de manière inattendue, choisi de bloquer cette nomination. Sa représentante aux Nations unies, Nikki Haley, a déploré le fait que «depuis trop longtemps, l’ONU avait injustement penché en faveur de l’Autorité palestinienne au détriment de nos alliés en Israël». La crise libyenne, bien que n’ayant aucun lien avec le conflit israélo-palestinien, bute donc sur un nouvel obstacle, diplomatique cette fois. Six ans après le déclenchement la révolution et l’intervention militaire de l’Otan réclamée par Nicolas Sarkozy et David Cameron, la paix n’a jamais semblé aussi lointaine.

Célian Macé

Source Libération 15/02/2017

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique  MediterranéeLybie, Baptême du feu pour le gouvernement d’union à Tripoli, rubrique Politique, Politique Internationale, Nous payons les inconséquences de la politique française au Moyen-Orient rubrique Rencontre Kepel : « La politique française arabe est difficile à décrypter,

 

Académie française. Discours de réception d’Andreï Makine

Discours de réception de M. Andreï Makine

Dans son discours de réception à l’Académie Française Andreï Makine revient avec l’exigence littéraire qui convient sur les ombres de l’histoire. Il ouvre une vision sur les inquiétudes du temps présent avec peu de douceur pour nos gouvernants irresponsables.

Le 15 décembre 2016

Andreï Makine

M. Andreï Makine, ayant été élu à l’Académie française à la place laissée vacante par la mort de Mme Assia Djebar, y est venu prendre séance le jeudi 15 décembre 2016, et a prononcé le discours suivant :

Mesdames et Messieurs de l’Académie,

Il y a trois cents ans, oui, trois siècles à quelques mois près, au printemps de 1717, un autre Russe se rendit à l’Académie, une institution encore toute jeune, quatre-vingts ans à peine, et qui siégeait, à l’époque, au Louvre. La visite de ce voyageur russe, bien que parfaitement improvisée, était infiniment plus éclatante que mon humble présence parmi vous. Il s’agissait de Pierre le Grand ! Le tsar rencontra les membres de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, s’attarda – le temps de deux longues séances – à l’Académie royale des sciences, observa plusieurs nouveautés techniques et réussit même à aider les géographes français à corriger les cartes de la Russie. Il alla aussi à l’Académie française et là il ne trouva présents que deux académiciens. Non que les membres de votre illustre Compagnie fussent particulièrement dissipés mais le tsar, nous l’avons vu, improvisait ses visites sans s’enquérir des règlements ni de l’heure des séances. Néanmoins, les deux académiciens eurent l’élégance d’initier Pierre aux secrets de leurs multiples activités. L’un d’eux cita, bien à propos, Cicéron, son dialogue De finibus bonorum et malorum. Les langues anciennes n’étaient pas encore considérées en France comme un archaïsme élitiste et la citation latine sur les fins des biens et des maux, traduite en russe par un interprète, enchanta le tsar : « Un jour, Brutus, où j’avais écouté Antiochus comme j’en avais l’habitude avec Marcus Pison dans le gymnase dit de Ptolémée […], nous décidâmes de nous promener l’après-midi à l’Académie, surtout parce que l’endroit est alors déserté par la foule. Est-ce la nature, dit Pison, ou une sorte d’illusion, […] mais quand nous voyons des lieux où nous savons […] que demeurèrent des hommes glorieux, nous sommes plus émus qu’en entendant le récit de leurs actions ou en lisant leurs ouvrages… »

 L’enthousiasme de Pierre le Grand fut si ardent que, visitant la Sorbonne, il s’inclina devant la statue de Richelieu, l’embrassa et prononça ces paroles mémorables que certains esprits sceptiques prétendent apocryphes : « Grand homme, je te donnerais la moitié de mon empire pour apprendre de toi à gouverner l’autre. »

Le tsar embrassa aussi le petit Louis XV, âgé de sept ans. Le géant russe tomba amoureux de l’enfant-roi, sans doute percevant en ce garçonnet un contraste douloureux avec son propre fils, Alekseï, indigne des espoirs paternels. Mais peut-être fut-il touché, comme nous le sommes tous, quand nous entendons un tout jeune enfant parler librement une langue, pour nous étrangère, et dont nous commençons à aimer les vocables. Oui, cette langue française qui allait devenir, bientôt, pour les Russes, la seconde langue nationale.

Non, ce n’est pas cette passion linguistique qui traça l’itinéraire du tsar. Son programme, si je puis dire, était bien plus pratique : la manufacture des Gobelins qui allait inspirer la fabrication des tissus en Russie, la Manufacture royale des glaces qui, malgré l’opposition de l’Église orthodoxe, allait faire briller mille miroirs de Saint-Pétersbourg à Moscou et, enfin, Versailles et le défi que le tsar allait lancer en faisant bâtir son Versailles à lui, son Peterhof et ses fabuleuses fontaines…

Cependant, la discussion avec les deux académiciens ne fut pas vaine. Pour la première fois de sa vie, Pierre découvrait un pays qui avait dédié à sa langue une savante Académie, appelée à défendre l’idiome national. Dès le retour du tsar à Saint-Pétersbourg, l’idée de l’Académie russe prend forme et se réalise peu de temps après sa mort.

Mes paroles s’éloignent, pourrait-on penser, du but de ce discours qui doit rendre hommage à cet écrivain remarquable que reste pour nous Assia Djebar. En effet, quel lien pourrait unir le souverain d’une lointaine Moscovie, une romancière algérienne et votre serviteur que vous avez jugé digne de siéger à vos côtés ? Ce lien est pourtant manifeste car il exprime la raison d’être même de l’Académie : assurer à la langue et à la culture françaises le rayonnement le plus large possible et offrir à cette tâche le concours des intelligences œuvrant dans les domaines les plus variés.

Assia Djebar avait, en ce sens, un immense avantage sur un Russe, qu’il fût un monarque ou un jeune citoyen de l’Union soviétique. Elle n’avait pas eu à subir le refus de Louis XIV qui, en 1698, pour ne pas froisser son allié, le sultan de la Sublime Porte, évita de recevoir le tsar. Ce refus, nous confie Saint-Simon, « mortifia » le jeune monarque russe. Aucun Rideau de fer n’empêcha la brillante élève algérienne de traverser la Méditerranée, de venir étudier à Paris, au lycée Fénelon d’abord et, ensuite, à l’École normale supérieure. Aucune pression idéologique ne commanda, en France, les choix qu’elle devait faire pour persévérer dans ses études. Aucune censure ne lui opposa un quelconque index librorum prohibitorum. Et même quand la grande Histoire – la guerre d’Algérie – fit entendre son tragique fracas, Assia Djebar parvint à résister à la cruauté des événements avec toute la vigueur de son intelligence. Romancière à l’imaginaire fécond, cinéaste subtile, professeur reconnu sur les deux rives de l’Atlantique – la carrière de la future académicienne est une illustration vivante de ce que la sacro-sainte école de la République avait de plus généreux.

Un destin aussi exemplaire fait presque figure de conte de fées ou, plutôt d’une apothéose où le général de Gaulle apparaît, un jour, en deus ex machina, pour aider l’universitaire et la militante pro-F.L.N. Assia Djebar à réintégrer ses fonctions.

Cette vie, d’une richesse rare, est trop bien connue pour qu’on soit obligé de rappeler, en détail, ses étapes. Maintes thèses universitaires abordent l’œuvre d’Assia Djebar. Ses étudiants, en Algérie, en France, aux États-Unis, perpétuent sa mémoire. Des prix littéraires, très nombreux, ont consacré ses textes – depuis Les Enfants du Nouveau Monde jusqu’à La Femme sans sépulture – traduits en plusieurs langues.

Et pourtant, dans cette vie et cette œuvre subsiste une zone mystérieuse qui exerce un attrait puissant sur les étrangers francophones. Cette langue française, apprise, maniée avec une adresse indéniable, étudiée dans ses moindres finesses stylistiques, cette langue donc, que représente-t-elle pour ceux qui ne l’ont pas entendue dans leur berceau ? Une appropriation conquérante ? Une vertigineuse ouverture intellectuelle ? Un formidable outil d’écriture ? Ou bien, au contraire, une durable malédiction qui relègue notre langue d’origine au rang d’un patois familial, d’un sabir enfantin, d’une langue fantôme qui ne pourra plus que végéter au milieu des vestiges de nos jeunes années ? Apprendre cette langue étrangère, se fondre en elle, se donner à elle dans une fusion quasi amoureuse, concevoir grâce à elle des œuvres qui prétendent ne pas lui être infidèles et même, suprême audace, pouvoir l’enrichir, oui, ce choix d’une nouvelle identité linguistique serait-il une bénédiction, une nouvelle naissance ou bien un arrachement à la terre des ancêtres, la trahison de nos origines, la fuite d’un fils prodigue ?

Cette formulation qui peut vous paraître trop radicale reflète à peine la radicalité avec laquelle la question est soulevée dans les livres d’Assia Djebar. « Le français m’est une langue marâtre », disait-elle dans son roman L’Amour, la fantasia. Une langue marâtre ! Donc nous avions raison : adopter une langue étrangère, la pratiquer en écriture peut être vécu comme une rupture de pacte, la perte d’une mère, oui, la disparition de cette « langue mère idéalisée » dont parle la romancière.

« Sous le poids des tabous que je porte en moi comme héritage, disait-elle, je me retrouve désertée des chants de l’amour arabe. Est-ce d’avoir été expulsée de ce discours amoureux qui me fait trouver aride le français que j’emploie ? »

Le français, une langue marâtre, incapable d’exprimer la beauté des chants de l’amour arabe, une langue aride… Et, en même temps, une langue qui peut servir d’armure à la jeune Algérienne et qui libère son corps : « Mon corps s’est trouvé en mouvement dès la pratique de l’écriture étrangère. » Une langue d’émancipation donc, un parler libérateur ? Certes, mais le sentiment de privation, de déchéance même n’est jamais loin :

« Le poète arabe, nous expliquait Assia Djebar, décrit le corps de son aimée ; le raffiné andalou multiplie traités et manuels pour détailler tant et tant de postures érotiques ; le mystique musulman […] s’engorge d’épithètes somptueuses pour exprimer sa faim de Dieu et son attente de l’au-delà… La luxuriance de cette langue me paraît un foisonnement presque suspect… Richesse perdue au bord d’une récente déliquescence ! »

Tel est le dilemme qui se dresse devant la romancière algérienne comme devant tant d’autres écrivains francophones appartenant aux anciennes colonies françaises : une langue maternelle idéalisée, parée de tous les atours de finesse et de magnificence et la langue étrangère, le français, dont l’utilité d’armure intellectuelle et la force émancipatrice ne pourront jamais remplacer le paradis perdu où résonnaient les mélodies du verbe ancestral. Serait-ce un enfermement insoluble ?

La Grande Catherine de Russie sembla avoir bien tranché ce nœud gordien. « Voltaire m’a mise au monde », disait-elle, et cette affirmation ne concernait pas l’usage du français qu’elle pratiquait couramment grâce à mademoiselle Cardel et que toute l’Europe éclairée parlait à l’époque. Non, il s’agissait avant tout de l’ouverture au monde intellectuel de la France, à ses joutes philosophiques, à la diversité et à la richesse de ses belles-lettres. Le cas de la grande tsarine apparaît encore plus complexe que la situation d’une jeune Algérienne qui se culpabilisait de son geste de transfuge linguistique. Car Catherine, de langue maternelle allemande, et parfaitement francophone, a toujours été animée d’un désir impérieux de russité. Elle voulait comprendre le peuple de l’immense empire qu’elle eut à diriger toute jeune. Le russe, indispensable outil de gouvernance, est devenu pour Catherine une langue d’intimité, de communion avec l’insondable âme russe, avec la musique de ses paysages, de ses saisons, de ses légendes. Nature passionnée, Catherine se mit à étudier le russe en linguiste amateur, démontrant la témérité de son sens de l’étymologie. « Le Périgord, disait-elle, mais c’est un nom purement russe ! “ Peré ” signifie au-delà. Et “ gory ” – montagnes. Le Périgord c’est un pays au-delà des montagnes, donc ce sont les Russes qui avaient découvert cette région ! » Son entourage à la cour de Saint-Pétersbourg avait le tact de ne pas démentir ces fulgurances lexicologiques, préférant rire sous cape en disant que l’Impératrice réussissait à commettre, en russe, quatre fautes d’orthographe dans un mot de trois lettres. Et c’était, hélas, vrai !

Jusqu’à sa mort, Catherine garderait un accent. Allemand ? Français ? Allez savoir. Et ses fautes d’orthographe seraient corrigées par le seul homme qui aimait véritablement cette femme, le jeune prince Alexandre Lanskoï.

 Malgré toutes ses lacunes idiomatiques, la tsarine a laissé aux Russes un trésor inestimable : le privilège de parler français sans se sentir traître à la Patrie et la possibilité de communiquer en russe sans passer pour un patoisant borné, un inculte, un plouc. Bien sûr le dilemme que nous avons vu surgir si puissamment dans l’œuvre d’Assia Djebar – une langue d’origine, perdue, une langue étrangère, conquise – tourmentait aussi ces francophones russes qui, victimes d’une mauvaise conscience linguistique, se mettaient parfois à dénoncer les méfaits de la gallomanie et l’emprise du cogito français sur l’intellection russe. Le dramaturge Fonvizine consacra une comédie à cette influence française corruptrice des âmes candides. Son héros, un peu simplet, clame sans cesse : « Mon corps est né en Russie mais mon âme appartient à Paris ! » Fonvizine compléta cette satire en écrivant ses fameuses Lettres de France où, au lieu de moquer les Russes, lui qui a rencontré Voltaire trois fois, il s’en prend à certaines incohérences de la pensée française : « Que de fois, écrit-il, discutant avec des gens tout à fait remarquables, par exemple, de la liberté, je disais qu’à mon avis, ce droit fondamental de l’homme était en France un droit sacré. Ils me répondaient avec enthousiasme que “le Français est né libre”, que le respect de ce droit fait tout leur bonheur, qu’ils mourraient plutôt que d’en supporter la moindre atteinte. Je les écoutais, puis orientais la discussion sur toutes les entorses que j’avais constatées dans ce domaine et, peu à peu, je leur découvrais le fond de ma pensée – à savoir qu’il serait souhaitable que cette liberté ne fût pas chez eux un vain mot. Croyez-le ou non, mais les mêmes personnes qui s’étaient flattées d’être libres me répondaient aussitôt : “Oh, Monsieur, mais vous avez raison, le Français est écrasé, le Français est esclave !” Ils s’étouffaient d’indignation, et pour peu que l’on ne se tût pas, ils auraient continué des jours entiers à vitupérer le pouvoir et à dire pis que pendre de leur état. » Involontairement, peut-être, Fonvizine nous laisse deviner que tout en critiquant les cercles éclairés de Paris, il est devenu lui-même très français dans sa manière de mener subtilement une controverse intellectuelle.

Et c’est dans cet apprentissage de la francité que nous découvrons le secret de la solidité des liens entre nos deux civilisations. Non, les Russes n’ont jamais été aveugles : Fonvizine, Pouchkine, Tolstoï, Dostoïevski, Tchekhov ont tous exprimé, à un moment de leur vie, le rejet de ce qui pouvait se faire en France ou de ce qui pouvait s’écrire en France. Mais jamais ces grands écrivains n’ont eu l’idée de chercher la cause de ces fâcheuses réalités dans la francité même – et la faiblesse des ouvrages publiés à Paris, dans je ne sais quelle tare congénitale de la langue française. Fonvizine le formulait sur le ton d’un amant trahi : « Il faut rendre justice à ce pays : il est passé maître dans l’art du beau discours. Ici, on réfléchit peu, d’ailleurs on n’en a pas le temps, parce qu’on parle beaucoup et trop vite. Et comme ouvrir la bouche sans rien dire serait ridicule, les Français disent machinalement des mots, se souciant peu de savoir s’ils veulent dire quelque chose. De plus, chacun tient en réserve toute une série de phrases apprises par cœur – à vrai dire très générales et très creuses – et qui lui permettent de faire bonne figure en toute circonstance. » Reconnaissons-le, ce jugement reste actuel si l’on pense au langage politique et médiatique d’aujourd’hui.

Et pourtant le dramaturge russe ne parle que de la manière – abusive, redondante, hypocrite – d’user d’une langue, mais il n’attribue nullement ces défauts-là à la langue française même. Et Dostoïevski, ce grand pourfendeur de l’esprit bourgeois dans la France contemporaine, il salue le génie de Balzac, son art de peindre ces mêmes bourgeois dans La Comédie humaine. « Bonheur, extase ! J’ai traduit Eugénie Grandet ! » : on oublie souvent que la carrière du jeune romancier russe a débuté par ce cri de joie. Et Tolstoï qui n’hésitait pas à éreinter la production romanesque française, lui, il donnait au jeune Gorki ce conseil de vieux sage : « Lisez les Français ! »

Ces écrivains russes n’avaient jamais étudié Ferdinand de Saussure ni, encore moins, Roman Jakobson. Mais ils devinaient, d’instinct, ce distinguo linguistique désormais trivial : la langue et la parole, le dictionnaire et notre façon d’en faire notre usage personnel dans l’infini de ses possibilités. Oui, un dictionnaire, des règles, un corpus fermé, codifié, normatif et la fantaisie de chacun de nous, simples locuteurs ou bien écrivains.

 Alors, y aurait-il un sens à blâmer une langue étrangère dans laquelle on écrit, à mettre en doute sa richesse, sa grammaire, à se plaindre de son aridité, lui reprochant de ne pas répondre à toutes les circonvolutions de notre imaginaire d’origine ? Non, bien sûr que non. La langue parfaite n’existe pas. Seule la parole du poète atteint parfois les sommets de la compréhension visionnaire où les mots mêmes paraissent de trop. La parole du poète, dans toutes les langues, à toutes les époques. Mais très, très, très rarement.

Notre jeune romancière algérienne était-elle consciente de cette fondamentale neutralité des langues ? Sans aucun doute. Sinon, Assia Djebar n’aurait jamais évoqué, à propos du français, cette part d’ombre que l’histoire des hommes dépose au milieu des mots d’un dictionnaire : « Chaque langue, je le sais, entasse dans le noir ses cimetières, ses poubelles, ses caniveaux ; or devant celle de l’ancien conquérant, me voici à éclairer ses chrysanthèmes ! »

Encore une définition lourde à porter : « la langue de l’ancien conquérant ». 1830, la conquête de l’Algérie et la langue française qui serait donc à jamais associée à la violence, la domination, la colonisation.

Comme le ciel de l’entente franco-russe semblerait léger à côté de ces lourds nuages ! Serait-ce la raison pour laquelle le français, en Russie, n’a jamais été entaché par le sang de l’histoire ? Pourtant, le sang, hélas, a coulé entre nos deux pays et bien plus abondamment que dans les sables et les montagnes de l’Algérie. Soixante-quinze mille morts en une seule journée dans la bataille de la Moskova, en 1812, un carnage pas si éloigné, dans le temps, de la conquête algérienne. Oui, quarante-cinq mille morts russes, trente mille morts du côté français. Mais aussi la guerre de Crimée, dévastatrice et promotrice de nouvelles armes, et jadis comme naguère, l’Europe prête à s’allier avec un sultan ou – c’est un secret de Polichinelle – à armer un khalifat, au lieu de s’entendre avec la Russie. Et le débarquement d’un corps expéditionnaire français en 1918 au pire moment du désastre révolutionnaire russe. Et la Guerre froide où nos arsenaux nucléaires respectifs visaient Paris et Moscou. Et l’horrible tragédie ukrainienne aujourd’hui. Combien de cimetières, pour reprendre l’expression d’Assia Djebar, les Russes auraient pu associer à la langue française ! Or, il n’en est rien ! En parlant cette langue nous pensons à l’amitié de Flaubert et de Tourgueniev et non pas à Malakoff et Alma, à la visite de Balzac à Kiev et non pas à la guerre fratricide orchestrée, dans cette ville, par les stratèges criminels de l’OTAN et leurs inconscients supplétifs européens. Les quelques rares Russes présents à la réception de Marc Lambron lui ont été infiniment reconnaissants d’avoir évoqué un fait d’armes de plus ou plus ignoré dans cette nouvelle Europe amnésique. Marc Lambron a parlé de l’escadrille Normandie-Niémen, de ses magnifiques héros français tombés sous le ciel russe en se battant contre les nazis. Oui, ce sont ces cimetières-là, cette terre où dorment les pilotes légendaires, oui, cette mémoire-là que les Russes préfèrent associer à la francité.

Comme tous les livres engagés, les romans d’Assia Djebar éveillent une large gamme d’échos dans notre époque. Ces livres parlent des massacres des années cinquante et soixante, mais le lecteur ne peut s’empêcher de penser au drame qui s’est joué en Algérie, tout au long des années quatre-vingt-dix. Nous partageons la peine des Algériens d’il y a soixante ans mais notre mémoire refuse d’ignorer le destin cruel des harkis et le bannissement des pieds-noirs. Et même les mots les plus courants de la langue arabe, les mots innocents (le dictionnaire n’est jamais coupable, seul l’usage peut le devenir), oui, l’exclamation qu’on entend dans la bouche des personnages romanesques d’Assia Djebar, ce presque machinal Allahou akbar, prononcé par les fidèles avec espoir et ferveur, se trouve détourné, à présent, par une minorité agressive – j’insiste, une minorité ! – et sonne à nos oreilles avec un retentissement désormais profondément douloureux, évoquant des villes frappées par la terreur qui n’a épargné ni les petits écoliers toulousains ni le vieux prêtre de Saint-Étienne-du-Rouvray.

Il serait injuste de priver du droit de réponse celle qui ne peut plus nous rejoindre et nous parler. À la longue liste des villes et des victimes, la romancière algérienne aurait sans doute eu le courage d’opposer sa liste à elle en évoquant le demi-million d’enfants irakiens massacrés, la monstrueuse destruction de la Libye, la catastrophe syrienne, le pilonnage barbare du Yémen. Qui aurait, aujourd’hui, l’impudence de contester le martyre de tant de peuples, musulmans ou non, sacrifiés sur l’autel du nouvel ordre mondial globalitaire ?

Assia Djebar ne pouvait ne pas noter cette résonance soudaine que suscitaient ses œuvres. Ainsi, dans son discours de réception à l’Académie, se référait-elle à… Tertullien qui, d’après elle, n’avait rien à envier, en matière de misogynie, aux fanatiques d’aujourd’hui. Que peut-on répondre à cet argument ? Juste rappeler peut-être que nous vivons au vingt et unième siècle, dans un pays laïc, et que presque deux millénaires nous séparent de Tertullien et de sa bigote misogynie. Est-ce suffisant pour que certains pays réexaminent la place de la femme dans la cité et dans nos cités ? Et que les grandes puissances cessent de jouer avec le feu, en livrant des armes aux intégristes, en les poussant dans la stratégie du chaos, au Moyen-Orient ?

Je ne crois pas que la romancière algérienne ait pu être heureuse de cet imprévisible revif d’intérêt pour des polémiques que, bien sincèrement, elle devait croire dépassées. On la sentait habitée par un désir d’apaisement, de retour vers cette langue rêvée, une langue poétique, dont elle a toujours recherché la musicalité. Et c’est par antiphrase que l’un de ses derniers livres l’exprimait dans son titre : La Disparition de la langue française. Une langue apprise, passionnément explorée, comparée jalousement au palimpseste de sa langue maternelle, une langue que, dans une introspection très lyrique, elle essaye de définir : « Ma langue d’écriture s’ouvre au différent, s’allège des interdits paroxystiques, s’étire pour ne paraître qu’une simple natte au-dehors, parfilée de silence et de plénitude. » Ou encore : « Mon français, doublé par le velours, mais aussi les épines des langues autrefois occultées, cicatrisera peut-être mes blessures mémorielles. » « Mon écriture en français est ensemencée par les sons et les rythmes de l’origine. » « Mon Français devient l’énergie qui me reste pour boire l’espace bleu-gris, tout le ciel. »

Une telle auto-analyse, une longue mélopée mystique dont la compréhension finit par nous échapper comme dans un poème qui viserait un hermétisme mallarméen, cette métalangue pour définir sa propre langue d’écriture, a ses limites, Assia Djebar en était certainement consciente. Elle qui a bien lu Saussure, Jakobson, Barthes et Chomsky, elle savait que dans le travail d’un écrivain toutes ces belles et rotondes épithètes, toutes ces arabesques métaphoriques comptent peu. Et que se demander indéfiniment comment s’entrelacent les prétendus métissages linguistiques, velours, épines et autres nattes parfilées, est un exercice distrayant sans plus. Et que la vocation d’un artiste, quels que soient sa langue ou son mode d’expression, sera toujours cette tâche humble et surhumaine si bien définie par les scholastiques : « Adequatio mentis et rei ». Oui, par l’effort de tout son être, faire coïncider sa pensée avec les choses de ce monde. Dans le but prométhéen de dépasser ce monde visible, rempli de haine, de mensonges, de stupides polémiques, de risibles rivalités, de finitudes qui nous rendent petits, agressifs et peureux.  

Si l’on me demandait maintenant de définir la vision que les Russes ont de la francité et de la langue française, je ne pourrais que répéter cela : dans la littérature de ce pays, ils ont toujours admiré la fidélité des meilleurs écrivains français à ce but prométhéen. Ils vénéraient ces écrivains et ces penseurs qui, pour défendre leur vérité, affrontaient l’exil, le tribunal, l’ostracisme exercé par les bien-pensants, la censure officielle ou celle, plus sournoise, qui ne dit pas son nom et qui étouffe votre voix en silence.

Cette haute conception de la parole littéraire est toujours vivante sur la terre de France. Malgré l’abrutissement programmé des populations, malgré la pléthore des divertissements virtuels, malgré l’arrivée des gouvernants qui revendiquent, avec une arrogance éhontée, leur inculture. « Je ne lis pas de romans », se félicitait l’un d’eux, en oubliant que le bibliothécaire de Napoléon déposait chaque jour sur le bureau de l’Empereur une demi-douzaine de nouveautés littéraires que celui-ci trouvait le loisir de parcourir. Entre Trafalgar et Austerlitz, pour ainsi dire. Ces arrogants incultes oublient la force de la plume du général de Gaulle, son art qui aurait mérité un Nobel de littérature à la suite de Winston Churchill. Ils oublient, ces ignorants au pouvoir, qu’autrefois les présidents français non seulement lisaient les romans mais savaient en écrire. Ils oublient que l’un de ces présidents fut l’auteur d’une excellente Anthologie de la poésie française. Ils ne savent pas, car Edmonde Charles-Roux n’a pas eu l’occasion de leur raconter l’épisode, qu’en novembre 1995 le président François Mitterrand appelait la présidente du jury Goncourt et d’une voix affaiblie par la maladie lui confiait : « Edmonde, cette année, vous avez fait un très bon choix… » Par le pur hasard de publication, cette année-là le Goncourt couronnait un écrivain d’origine russe, mais ça aurait pu être un autre jeune romancier que le Président aurait lu et commenté en parlant avec son amie et la grande femme de lettres qu’était Edmonde Charles-Roux. Ceux qui aujourd’hui, au sommet, exaltent le dédain envers la littérature ne mesurent pas le courage qu’il faut avoir pour lancer un auteur inconnu, le défendre et ne pas même pouvoir vivre la joie de la victoire remportée – tel était le merveilleux dévouement de Simone Gallimard qui, quelques semaines avant sa disparition, avait publié Le Testament français au Mercure de France. Ces non-lecteurs ne comprendront jamais ce que cela signifie, pour un éditeur, de monter à bord d’une maison d’édition dans la tempête, de ressaisir la barre, de consolider la voilure, de galvaniser l’équipage et de sauver ce bon vieux navire comme l’a fait, du haut de sa passerelle, le capitaine du Seuil. Non, ceux qui ne lisent pas ne pourront jamais deviner à quoi s’expose, financièrement et médiatiquement, un éditeur en publiant un livre consacré à un soldat oublié, à un obscur lieutenant Schreiber, des souvenirs qu’il faudra imposer au milieu du déferlement des best-sellers anglo-saxons et de l’autofiction névrotique parisienne. L’homme qui a eu le panache d’accepter ce risque, chez Grasset, a balayé mes doutes avec le brio d’un Cyrano de Bergerac : « Avec ce texte, Monsieur, je ne suis pas dans la logique comptable ! » Oui, du pur Cyrano. Quelle folie mais quel geste ! Et quel dommage que les usages du discours académique m’interdisent, paraît-il, de divulguer le nom de ces deux hommes, de ces deux grands hommes !

La nouvelle caste d’ignorants ne pourra jamais concevoir ce qu’un livre français, oui, un petit livre de poche tout fatigué, pouvait représenter pour les Russes francophones qui vivaient derrière le Rideau de fer. Je me souviens qu’un jour à Moscou, dans les années soixante-dix, j’ai été intrigué par le roman d’un jeune écrivain français, par l’originalité de son titre : Les Enfants de Gogol. Les catalogues de la Bibliothèque des langues étrangères reléguaient cet auteur dans ce qu’on appelait le fonds spécial. Il fallait obtenir une autorisation assortie de trois tampons et consulter ce livre sous l’œil vigilant de la préposée. Les Enfants de Gogol, écrit par Dominique Fernandez. Un auteur donc à la réputation suffisamment sulfureuse pour effaroucher les pudibonds idéologues du régime.

On pouvait aussi tenter sa chance sur le marché noir et acquérir ce livre-là ou un autre au prix moyen de cinq à dix roubles, deux journées de travail pour un Russe ordinaire, l’équivalent d’une centaine d’euros. Mais voyez-vous, Mesdames et Messieurs, personne à cette époque ne parlait du prix excessif des livres. Un Moscovite aurait gagné la réputation du dernier des goujats s’il s’était plaint d’avoir trop dépensé pour un livre de poche français qui avait bravé le Rideau de fer.

On me fera observer que cette haute exigence littéraire n’est plus tenable dans notre bas monde contemporain où tout a un prix mais rien n’a plus de valeur. Parler de la mission prométhéenne de l’écrivain, de l’idéal du verbe poétique, des ultimes combats pour l’esprit sur un donjon assiégé par l’inculture, les diktats idéologiques, les médiocrités divertissantes, n’est-ce pas un acte devenu suicidaire ?

Eh bien, quittons cet Olympe de poètes et descendons sur terre, retrouvons-nous dans cette France d’antan, qui n’avait rien d’idyllique, en 1940, par exemple. Au milieu des combats, des blessés, des morts, dans le feu d’une atroce défaite, aux côtés des soldats qui se battent pour l’honneur de leur vieille patrie. Ce ne sont pas des intellectuels ni des poètes, et pourtant l’un d’eux, un presque anonyme lieutenant Ville décide de tracer quelques strophes sur la page de garde dans le Journal des marches du 4e régiment de cuirassiers. Il le fait pour son tout jeune frère d’armes, l’aspirant Schreiber, sachant que la mort peut les séparer d’une minute à l’autre. Un bref poème sans prétention, à la versification impromptue, le seul poème sans doute que le lieutenant ait rédigé durant sa vie :

Écrire une pensée à ce gosse-là, quoi dire ?

Sinon qu’un soir, il arrivait au cantonnement

En rigolant comme un enfant !

Un matin de printemps, il pleut du fer mais

Il rigole bien comme un gamin !

Un jour, la frontière de France s’allume,

Il faut être partout où ça brûle et cogner, cogner,

En hurlant aux vieux guerriers : « Souriez, souriez ! »

Un crépuscule sombre et rouge. Derrière nous, la mer,

Sur nos têtes, devant nous, l’enfer.

Lui s’en amuse, sort des plaisanteries, comme un titi !

Revenus sur la belle terre de France, hélas, tout est perdu.

On baroude encore pour l’honneur.

Le gosse est toujours là, souriant et sans peur…

Non, le lieutenant Ville n’avait pas l’intention de rivaliser avec Victor Hugo. Ces strophes notées entre deux bombardements témoignaient d’une époque où les enfants apprenaient encore par cœur Corneille et Racine, Musset et Rostand. Cette musique intérieure créait dans leur âme ce qu’on pourrait appeler une « sensibilité littéraire », oui, la compréhension que, même dans les heures où l’homme est réduit à la simple chair à canons, la vie pouvait être rythmée autrement que par la haine sauvage et la peur bestiale des mortels.

Une sensibilité littéraire. Serait-elle la véritable clef qui permet de deviner le secret de la francité ?

J’ai cherché à l’exprimer en parlant, dans un livre, du lieutenant Schreiber et de ses frères d’armes. Ce jeune lieutenant français, âgé de quatre-vingt-dix-huit ans, est aujourd’hui parmi nous. Tout au long de nos conversations, son seul désir était de rendre un peu plus pérenne la mémoire de ses camarades morts pour la France. Surtout le souvenir de Francis Gilot, un jeune tankiste de dix-huit ans – dix-huit ans ! – tué en août 44, dans la bataille de Toulon.

Le général de Gaulle en parlant de ces combattants oubliés disait avec tout son talent d’écrivain, avec toute sa sensibilité littéraire : « Maintenant que la bassesse déferle, ces soldats regardent la terre sans rougir et le ciel sans blêmir ! »

Merci.

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Dans l’engrenage de la terreur. Cinq conflits entremêlés

Par Pierre Conésa*

L’engouement quasi unanime des responsables politiques pour la « guerre » traduit une grave méconnaissance de la réalité du terrain. Décidé durant l’été 2014, l’engagement militaire occidental ajoute une cinquième strate à une superposition de conflits qui embrasent l’aire arabo-islamique.

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En 1979, la révolution iranienne mettait en place le premier régime politique officiellement « islamique », mais en réalité exclusivement chiite. Elle revivifiait ainsi le conflit ancestral entre sunnites et chiites, qui représente la première strate d’une lente sédimentation. Quand, après sa prise du pouvoir à Téhéran, l’ayatollah Rouhollah Khomeiny demande une gestion collective des lieux saints de l’islam, le défi apparaît insupportable pour l’Arabie saoudite. Un an avant de trouver la mort près de Lyon à la suite des attentats de 1995 en France, le jeune djihadiste Khaled Kelkal déclarait au sociologue allemand qui l’interrogeait : « Le chiisme a été inventé par les juifs pour diviser l’islam » (1). Les wahhabites saoudiens ont la vieille habitude de massacrer des chiites, comme en témoignait dès 1802 la prise de Kerbala (aujourd’hui en Irak), qui se traduisit par la destruction de sanctuaires et de tombeaux, dont celui de l’imam Hussein, et le meurtre de nombreux habitants.

Cette « guerre de religion » déchire aujourd’hui sept pays de la région : Afghanistan, Irak, Syrie, Pakistan, Liban, Yémen et Bahreïn. Elle surgit sporadiquement au Koweït et en Arabie saoudite. En Malaisie, le chiisme est officiellement banni. A l’échelle de la planète, les attentats les plus aveugles, comme ceux commis durant des pèlerinages, tuent dix fois plus de musulmans que de non-musulmans, les trois pays les plus frappés étant l’Afghanistan, l’Irak et le Pakistan. L’oumma, la communauté des croyants, que les salafistes djihadistes prétendent défendre, recouvre aujourd’hui un gigantesque espace d’affrontements religieux. Dans ce contexte, on comprend pourquoi Riyad mobilise beaucoup plus facilement ses avions et ses troupes contre les houthistes du Yémen, assimilés aux chiites, que pour porter secours au régime prochiite de Bagdad. On voit mal pourquoi les Occidentaux devraient prendre position dans cette guerre, et avec quelle légitimité.

La deuxième guerre est celle que mènent les Kurdes pour se rendre maîtres de leur destin, en particulier contre l’Etat turc. Elle est née en 1923, dans les décombres de l’Empire ottoman, avec le traité de Lausanne, qui divisait le Kurdistan entre les quatre pays de la région : Turquie, Syrie, Irak et Iran. Les nombreuses révoltes qui ont secoué le Kurdistan turc entre 1925 et 1939 ont toutes été écrasées par Mustafa Kemal Atatürk. Depuis les années 1960, tous les soulèvements, en Turquie, en Irak ou en Iran, ont été noyés dans le sang, dans l’indifférence de la communauté internationale. Depuis 1984, cette guerre a causé plus de 40 000 morts en Turquie, où 3 000 villages kurdes ont été détruits, pour un coût estimé à quelque 84 milliards de dollars (2).

Nul ne devrait être surpris qu’Ankara ait laissé affluer les candidats djihadistes vers les deux principales forces dans lesquelles ils se reconnaissent, le Front Al-Nosra et l’Organisation de l’Etat islamique (OEI), puisqu’elles combattent les Kurdes d’Irak et surtout de Syrie, très proches de ceux de Turquie. Principale menace pour Ankara, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) reste classé comme groupe terroriste par l’Union européenne et les Etats-Unis, et ne peut recevoir d’aide militaire occidentale. Seul pays de la région à appartenir à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) et à avoir la capacité de modifier la situation militaire sur le terrain, la Turquie a fini par rejoindre la coalition. Mais elle concentre ses moyens sur la reprise des affrontements avec le PKK et voit d’un mauvais œil les Kurdes d’Irak et de Syrie gagner une indépendance de fait.

Troisième guerre en cours : celle qui déchire les islamistes entre eux depuis la guerre du Golfe (1990-1991) et plus encore depuis les révoltes arabes. La rivalité la mieux connue oppose les Frères musulmans, soutenus par le Qatar, et les salafistes, soutenus par l’Arabie saoudite, en Egypte, en Libye ou en Tunisie. Plus nouvelle est la concurrence entre, d’une part, Al-Qaida et ses franchisés et, d’autre part, les affidés de M. Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef de l’OEI. Au cours des premiers mois de 2014, ces derniers ont pris le pas sur le Front Al-Nosra, filiale locale d’Al-Qaida en Syrie, au prix de plus de 6 000 morts (3). La proclamation du « califat » a suscité de nombreux ralliements. Les combattants étrangers de l’OEI proviennent d’une centaine de pays. En désignant M. Al-Baghdadi comme leur ennemi principal, les pays occidentaux orientent de façon décisive la mobilisation des djihadistes à ses côtés.

Enfin, l’une des guerres les plus meurtrières, qui a fait près de 250 000 morts et des millions de réfugiés, est celle que mène le président syrien Bachar Al-Assad contre tous ses opposants.

Riyad envoie une quinzaine d’avions de combat en Irak, contre une centaine au Yémen

 

La bataille que livrent les Occidentaux apparaît, elle, comme un nouvel épisode d’une guerre beaucoup plus ancienne, avec une autojustification historique insupportable pour les populations de la région. Faut-il remonter aux accords Sykes-Picot, ce partage colonial de la région entre la France et le Royaume-Uni sur les ruines de l’Empire ottoman ? Faut-il remonter à Winston Churchill, alors secrétaire à la guerre du Royaume-Uni, faisant raser des villes et des villages kurdes — bombardés au gaz chimique ypérite — et tuer les deux tiers de la population de la ville kurde de Souleimaniyé, ou réprimant violemment les chiites irakiens entre 1921 et 1925 ? Comment oublier la guerre Iran-Irak (1980-1988), dans laquelle Occidentaux et Soviétiques soutinrent l’agresseur (Bagdad) et mirent sous embargo l’agressé (Téhéran) ? M. Barack Obama est le quatrième président américain à envoyer des bombardiers en Irak, pays déjà meurtri par vingt-trois ans de frappes militaires occidentales. Après l’invasion américaine, entre 2003 et 2011, près de 120 000 civils ont été tués (4). En 2006, la revue médicale The Lancet estimait le nombre de décès imputables à cette guerre à 655 000, cette catastrophe démographique s’ajoutant aux 500 000 morts causés par l’embargo international entre 1991 et 2002. Aux dires de l’ancienne secrétaire d’Etat Madeleine Albright, le 12 mai 1996 sur CBS, cela en « valait la peine ».

Aujourd’hui, pourquoi les Occidentaux interviennent-ils contre l’OEI ? Pour défendre des principes humanistes ? Il est permis d’en douter lorsqu’on constate que trois pays de l’alliance continuent à pratiquer la décapitation, la lapidation et à couper les mains des voleurs : le Qatar, les Emirats arabes unis et — très loin devant les deux premiers — l’Arabie saoudite. La liberté religieuse ? Personne n’ose l’exiger de Riyad, où une cour d’appel vient de condamner à mort un poète palestinien pour apostasie (5). S’agit-il alors d’empêcher les massacres ? L’opinion arabe a du mal à le croire quand, deux mois après les 1 900 morts des bombardements israéliens sur Gaza, qui avaient laissé les capitales occidentales étrangement amorphes, la décapitation de trois Occidentaux a suffi pour les décider à bombarder le nord de l’Irak. « Mille morts à Gaza, on ne fait rien ; trois Occidentaux égorgés, on envoie l’armée ! », dénonçait un site salafiste francophone.

Pour le pétrole, alors ? L’essentiel des hydrocarbures de la région s’en va vers les pays d’Asie, totalement absents de la coalition. Pour tarir le flot des réfugiés ? Mais, dans ce cas, comment accepter que les richissimes Etats du Golfe n’en accueillent aucun ? Pour protéger les « droits de l’homme » en défendant l’Arabie saoudite ? Riyad vient d’en démontrer sa conception novatrice en condamnant M. Ali Al-Nimr, un jeune manifestant chiite, à être décapité puis crucifié avant que son corps soit exposé publiquement jusqu’au pourrissement (6).

Sur le plan militaire, les contradictions sont plus évidentes encore. Aujourd’hui, seuls les avions occidentaux bombardent réellement l’OEI. Les Etats-Unis en déploient près de 400, et la France une quarantaine, dans le cadre de l’opération « Chammal », avec l’arrivée du porte-avions Charles- de-Gaulle (7). L’Arabie saoudite dispose d’environ 400 avions de combat, mais elle n’en engage qu’une quinzaine en Irak, soit autant que les Pays-Bas et le Danemark réunis. En revanche, au Yémen, près d’une centaine d’avions saoudiens participent aux bombardements de la coalition des dix pays arabes sunnites contre les houthistes (chiites), menée par Riyad. Dix pays arabes contre les chiites du Yémen, cinq contre l’OEI : étrange déséquilibre ! C’est bien contre les houthistes que Riyad mobilise toutes ses forces, et non contre Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA), dont se revendiquait Chérif Kouachi, auteur des attentats contre Charlie Hebdo à Paris. Cette organisation que l’ancien directeur de la Central Intelligence Agency (CIA) David Petraeus qualifiait de « branche la plus dangereuse » de la nébuleuse Al-Qaida a pris le contrôle d’Aden, la deuxième ville du Yémen.

Désormais, l’OEI a atteint trois objectifs stratégiques. Tout d’abord, elle apparaît comme le défenseur des sunnites opprimés en Syrie et en Irak. Ses victimes sont à 90 % des musulmans. En Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Pakistan, les victimes des attentats sont d’abord des chiites, ensuite de « mauvais musulmans » — en particulier des soufis —, puis des représentants des régimes arabes et, en dernier lieu seulement, des membres de minorités religieuses ou des Occidentaux.

Par ailleurs, l’OEI est parvenue à délégitimer Al-Qaida et sa branche locale en Syrie, le Front Al-Nosra. Les appels du successeur d’Oussama Ben Laden, M. Ayman Al-Zawahiri, mettant en demeure M. Al-Baghdadi de se placer sous son autorité, traduisent une impuissance pathétique. La somme des défections au sein des groupes djihadistes montre la dynamique nouvelle créée par l’OEI.

A terme, le « calife » Al-Baghdadi devra défier l’Arabie saoudite

 

Enfin, l’OEI est devenue l’ennemi numéro un de l’Occident. Celui-ci a déclenché contre elle une « croisade » qui ne dit pas son nom, mais qui peut facilement être présentée comme telle par les propagandistes du djihad. L’opération américaine « Inherent Resolve » (« Détermination absolue ») regroupe principalement douze pays de l’OTAN (plus l’Australie), et l’alliance retrouvée avec la Russie renforcera encore plus le caractère de « front chrétien » que la propagande sur Internet sait si bien utiliser. Selon une pétition en ligne signée par 53 membres du clergé saoudien, les frappes aériennes russes ont visé des « combattants de la guerre sainte en Syrie » qui « défendent la nation musulmane dans son ensemble ». Et, si ces combattants sont vaincus, « les pays de l’islam sunnite tomberont tous, les uns après les autres » (8).

La contre-stratégie militaire des Saoud ne laisse planer aucune ambiguïté : elle est essentiellement axée sur la lutte contre les chiites. Riyad, comme les autres capitales du Conseil de coopération du Golfe, ne peut considérer l’OEI comme la principale menace, sous peine de se trouver contesté par sa propre société. L’intervention militaire saoudienne à Bahreïn en 2012 était destinée à briser le mouvement de contestation républicain, principalement chiite, qui menaçait la monarchie sunnite des Al-Khalifa. Au Yémen, l’opération « Tempête décisive » lancée en mars 2015 vise à rétablir le président Mansour Hadi, renversé par la révolte houthiste. Il n’est évidemment pas question pour Riyad d’envoyer ses fantassins contre l’OEI alors que 150 000 hommes sont déployés sur la frontière yéménite. Pourtant, le prochain objectif de l’OEI devrait être d’asseoir la légitimité religieuse de son « calife », qui s’est nommé lui-même Ibrahim (Abraham) Al-Muminim (« commandeur des croyants », titre de l’époque abbasside) Abou Bakr (nom du premier calife) Al-Baghdadi Al-Husseini Al-Qurashi (nom de la tribu du Prophète). Une véritable compétition est engagée avec l’autre puissance qui prétend prendre la tête de l’oumma et représenter l’islam : l’Arabie saoudite est dorénavant contestée sur le terrain. Pour l’emporter, M. Al-Baghdadi doit défier le « défenseur des lieux saints ». On peut donc penser qu’à terme, une fois réduites les zones chiites, le « calife » visera l’Arabie saoudite.

Quelles conséquences probables pour l’Europe ? Après les réfugiés afghans, irakiens et syriens, elle devrait rapidement voir arriver les réfugiés yéménites. Pays plus peuplé que la Syrie, le Yémen ne peut évacuer ses ressortissants vers les pays frontaliers, tous membres de la coalition qui le bombarde. Depuis 2004, la guerre a fait plus de 340 000 déplacés, dont 15 % vivaient dans des camps, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies. En outre, le Yémen accueillait 246 000 réfugiés, somaliens à 95 %. Les pays du Conseil de coopération du Golfe montreront le même égoïsme que lors de l’exode syrien, c’est-à-dire : aucune place offerte aux réfugiés. Reste donc l’Europe.

On comprend mieux pourquoi l’alliance mène une guerre pour laquelle elle ne peut fixer un objectif stratégique clair : chacun de ses alliés est en conflit avec un autre. Les interventions en Irak, en Syrie, au Mali ou en Afghanistan s’apparentent au traitement de métastases ; le cancer salafiste a son foyer dans les pays du Golfe, protégés par les forces occidentales. Peut-on détruire l’OEI sans renforcer d’autres mouvements djihadistes, le régime de M. Al-Assad ou Téhéran ? La guerre sera longue et impossible à gagner, car aucun des alliés régionaux n’enverra de troupes au sol, ce qui risquerait de menacer ses propres intérêts.

La stratégie occidentale fondée sur les bombardements et la formation de combattants locaux a échoué en Syrie et en Irak comme en Afghanistan. Européens et Américains poursuivent des objectifs qui ignorent les mécanismes des crises internes au monde arabo-musulman. Plus l’engagement militaire s’accentuera, plus le risque terroriste augmentera, avant l’affrontement prévisible et ravageur qui devrait finir par opposer l’OEI à l’Arabie saoudite. Est-ce « notre » guerre ?

Pierre Conesa

* Maître de conférences à Sciences Po Paris, ancien haut fonctionnaire au ministère de la défense. Auteur du rapport « Quelle politique de contre-radicalisation en France ? », décembre 2014, et du Guide du petit djihadiste, à paraître en janvier 2016 aux éditions Fayard.

(1) Lire Akram Belkaïd, « Une obsession dans le monde arabe », dossier « Vous avez dit “complot” ? », Le Monde diplomatique, juin 2015.

(2) Lire Allan Kaval, « Les Kurdes, combien de divisions ? », Le Monde diplomatique, novembre 2014.

(3) Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, cité par Le Monde, 25 juin 2014.

(4) Décompte établi par le site Iraq Body Count

(5) Selon l’organisation Human Rights Watch, citée par Reuters, 20 novembre 2015.

(6) « Arabie saoudite : un jeune de 21 ans risque la décapitation », Amnesty International France, 24 septembre 2015.

(7) Selon le ministère de la défense, l’opération mobilise 3 500 hommes, 38 avions de combat et divers moyens de logistique et de protection. « “Chammal” : point de situation au 19 novembre », Ministère de la défense.

(8) « Des religieux saoudiens appellent au jihad contre Assad et ses alliés », L’Orient Le Jour, Beyrouth, 6 octobre 2015.

Source : Le Monde Diplomatique Decembre 2015
Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Moyen-Orient, rubrique  UE, Turquie, rubrique Politique  Politique de l’immigration, rubrique Méditerrranée,

Paix et sécurité : à Dakar, Idriss Déby Itno se lâche sur la crise libyenne

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Le président tchadien Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis près de 25 ans.

Les chefs d’État du Sénégal, du Mali, du Tchad, de la Mauritanie et le ministre français de la Défense ont clôturé mardi le Forum international sur la paix et la sécurité de Dakar par un panel au cours duquel Idriss Déby Itno a abordé longuement et très librement la crise libyenne.

On connaissait la vision d’Idriss Déby Itno sur les causes de la crise libyenne, mais on l’avait rarement entendu l’exposer ainsi en public. Lors du panel de clôture du Forum international sur la paix et la sécurité en Afrique, mardi 16 décembre, auquel participaient également les chefs d’État Macky Sall (Sénégal), Ibrahim Boubacar Keïta(Mali), Mohamed Ould Abdelaziz Mauritanie), ainsi que l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo et le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, le président tchadien s’est épanché pendant plus 20 minutes avec une liberté de ton plus qu’étonnante, notamment vis-à-vis des partenaires occidentaux de l’Afrique.

« Les Occidentaux nous ont-ils consulté lorsqu’ils ont attaqué la Libye, ou qu’ils ont divisé le Soudan », a-t-il déclaré avant de se lancer dans une longue tirade. « La solution en Libye n’est pas entre nos mains. Elle est entre celles de l’Otan qui a créé ce désordre », a-t-il poursuivi. Il fallait accompagner la Libye après la chute de Mouammar Kadhafi. La situation actuelle en est la conséquence. Tout comme Boko Haram, l’avancée des jihadistes au Mali et la libre circulation des armes dans tout le Sahel. La Libye était du temps de Kadhafi le pays le plus armé d’Afrique. Ces armes sont aujourd’hui disséminées partout. »

« Feuille de route »

Après avoir dressé le diagnostic, Idriss déby précise les moyens qui, selon lui, sont de nature à remédier au mal. « Aucune armée africaine ne peut attaquer la Libye. L’Otan en a les moyens. Elle doit y aller, c’est sa responsabilité. C’est à nos amis occidentaux de trouver une solution pour la Libye et le peuple libyen. Nous pourrons ensuite les accompagner. »

Et de conclure, sous un tonnerre d’applaudissement: « L’Afrique n’est toujours pas capable de faire fonctionner sa propre organisation (l’Union africaine). Est-ce un problème d’argent ? Les richesses manquent-elles chez nous ? Non. Les dirigeants africains doivent rendre des comptes à leur société civile ».

Réponse un poil ironique du ministre français de la Défense au président tchadien, au pouvoir depuis près de 25 ans : « Je suis heureux de constater qu’une feuille de route pour les dix prochaines années a été tracée. Je ne peux que la partager. Je suis d’autant plus satisfait que, le Tchad assurant la présidence tournante du conseil de sécurité de l’ONU, nous sommes certains qu’elle sera mise en œuvre. »

Vincent Duhem

Source : Jeune Afrique 17/12/2014

Du séisme américain au printemps arabe

Deux mille douze ans avant et après

Une rétro géopolitique de Robert Bibeau publiée par le Centre de recherche sur la Mondialisation

 

LE SÉISME AMÉRICAIN

Requiem pour les États-Unis d’Amérique tels que vous les avez connus depuis la guerre. Après moins de soixante-dix ans de règne sans partage – si ce n’est quelques velléités du social impérialisme soviétique (1955-1989) – l’empereur d’Occident poursuivra sa descente aux enfers encore cette année.

L’agonie de l’empire amorcée en 2008 – crise des subprimes – prolongée en 2011 – crise de la dette souveraine – se poursuivra en 2012 et s’étiolera sur quelques années. Au cours de cette période les États-Unis seront simultanément insolvables et ingouvernables, transformant en «bateau-ivre» ce qui fut le «navire-amiral» de la flotte impérialiste occidentale (1).

Le dollar devrait perdre plus du quart de sa valeur par rapport à l’Euro – la future devise de réserve dirigée par la baguette d’Angela qui n’entend pas à rire pour ces choses là –.  Cette dévaluation du dollar signifie que le peuple américain perdra plus du quart de son pouvoir d’achat déjà mal en point étant donné que ce pays importe la plus grande partie des produits qu’il consomme (inflation galopante, dévaluation du dollar, faillites bancaires, 20 % de chômage, un américain sur six reçoit des bons alimentaires, un enfant sur cinq connaît des épisodes de vie sans abri, le taux de mortinatalité est au niveau des pays sous-développés, les municipalités abolissent les services, les États font défaut de paiement, etc.) – feu la superpuissance américaine. Un économiste de renom n’avait-il pas distribué les rôles entre les puissances économiques mondiales – la Chine était l’atelier de fabrication et les États-Unis le marché de consommation, comme si dans votre logement votre voisin de palier était celui qui travaille plus pour gagner plus comme le proposait Sarkozy (interdit de rigoler) et vous, celui qui dépense sans compter sans jamais rien gagner, croyez-vous que votre copropriété pourrait prospérer ? Dans l’histoire, l’empire espagnol puis l’empire britannique ont déjà tenu ce rôle de pôle de consommation et l’on sait ce qu’il advint de ces empires moribonds !

Le déclin de l’empire américain est bien certain. Les émissions de dollars (Quantitative Easing) de 2009 et 2010 n’auront servi qu’à plomber le navire à la dérive.  Les agences de notation anglo-saxonnes et les banquiers de Wall Street le savent pertinemment, en 2012 ne soyez pas étonné d’apprendre qu’ils convertissent une partie de leurs avoirs – dollars – en euros, en yuan, en franc suisse, en or…Les rats ont commencé l’an dernier à abandonner le navire-ivre. Le nationalisme de pacotille est réservé aux soldats qui meurs dans les champs de mines anti-personnelles d’Afghanistan et aux bozos paniqués des résidences pour retraités (2).

 

L’EMPIRE CHINOIS

En 2012, l’approfondissement de la dépression et l’effondrement du marché américain dévoré par l’inflation et la dépréciation du dollar – premier client de l’empire industriel chinois – entraineront ralentissement économique et fermetures d’usines en Chine (3).

La reconversion industrielle et commerciale de la Chine en direction de son marché domestique en expansion et en direction de l’Euroland, de l’Asie et de l’Afrique (investissement de 1 000 milliards de yuans d’ici dix ans nous dit-on) n’étant pas complétés, la défaillance du client américain ne pourra être amortie. L’espoir de Pékin était vraiment que l’effondrement américain tarderait de deux ans au moins et le «Céleste empire» a tout fait pour retarder l’échéance fatale en achetant en pure perte les obligations américaines au rendement décevant (4).

Il est trop tôt pour que la reconversion chinoise soit complétée. Aussi cette année les secousses sismiques économiques de l’Amérique ébranleront l’empire du milieu – industriel.

Dans le monde occidental, l’impérialisme états-unien aux abois – l’ennemi irréductible de l’impérialisme chinois – essaiera de soulever une vague de protectionnisme et de nationalisme fanatique et les États-Unis tenteront d’impulser une désastreuse « Guerre Froide » contre la Chine. Au cours de 2011 Obama a fourni le cadre et la justification d’une confrontation à grande échelle et de longue durée avec la Chine. Ce sera un effort désespéré pour maintenir l’influence étatsunienne et conserver ses positions stratégiques en Asie et partout dans le monde.  « Le « quadrilatère de pouvoir » de l’armée étasunienne — les États-Unis, le Japon, l’Australie et la Corée — avec le soutien des satellites philippins, essaieront de détruire les liens commerciaux de la Chine au moyen de la puissance militaire de Washington.» (5). Nous doutons cependant que le Pentagone y parvienne. Il n’est pas certain que ce que Petras appelle les satellites militaires états-unien se laissent entraîner dans la déroute en compagnie du canard boiteux américain.

 

EUROLAND

Suite à la session de briefing et de réorientation stratégique de décembre dernier à Bruxelles où le couple Merkozy a tenu tête aux hydres anglo-saxons de la City –  les pays de l’Euroland sont en ordre de marche sous le joug du major d’homme Merkel – le seul homme politique bourgeois d’envergure en Europe – . La ‘Diva’ de l’économie européenne bat la marche – fait rentrer les récalcitrants dans le rang – fixe la cadence de la reconversion des finances européennes en prévision du séisme états-unien qui tel un deus ex machina constata en décembre dernier le peu d’influence que les USA ont conservé chez son allié outre Atlantique (6).

L’Euroland a changé de direction à Bruxelles l’an dernier et 2012 devrait confirmer la reprise en main par les nouveaux maîtres de la BCE (Banque centrale européenne) avant l’émission des Eurobonds,  fin 2012. « Quand on est l’Euroland et qu’on est le premier bloc commercial mondial, le détenteur de la plus grosse épargne mondiale on se moque des agences de notation. On les ignore ou on leur casse les reins, deux choses qui seront au programme de 2012» (7).

Révoltes populaires et grèves ouvrières devraient marquer l’année européenne, mais faute d’une direction révolutionnaire influente et unifiée, tous ces sacrifices seront gaspillés.

 

L’AFRIQUE MONÉTAIRE

Quelques mots sur un morceau d’Afrique à propos des quatorze pays soumis au diktat néo-colonialiste français via l’entente d’adhésion au Franc CFA. Un protocole d’union monétaire qui cède à la France le contrôle du développement financier de ces quatorze pays dominés, néo-colonisés. Comment imaginer qu’en 2012 des pays où les présidents et chefs d’État d’opérettes s’entretuent à chaque élection bidon frauduleuse pour s’emparer d’un pouvoir qu’il ne contrôleront jamais de toute façon puisqu’un levier essentiel – le pouvoir financier – est accaparé quelque part à Paris aux bureaux du Trésor public français ou chacun des pays soumis doit déposer en garantie une partie de ses avoirs (ce qui en soit n’est pas une mauvaise pratique financière – ce qui est mauvais c’est que le dépôt et la gestion se fasse au Trésor de France et que cette devise soit totalement dépendante et à parité avec l’Euro)… Hallucinant n’est-ce pas ?

J’ai le sentiment qu’à la faveur de la dépression monétaire mondiale, 2012 sera une année de grande friction autour de la question de créer une monnaie africaine commune à partir d’un regroupement de quelques états courageux – projets que caressait à la fois Kadhafi et Laurent Gbagbo… allez comprendre après cela pourquoi ils ont été détrônés, puis déporté ou  assassiné (8)?

 

LA DIPLOMATIE DE LA CANONNIÈRE

Il est étrange que très peu d’observateurs de la scène internationale aient remarqué un changement important survenu sur le théâtre militaire mondial depuis 2010 environ. Jusque-là, toute agression militaire impérialiste occidentale était initiée puis dirigée par le chef de meute américain avec ou sans la complicité de l’OTAN – Bush le cowboy texan étant l’archétype de ces capots Yankee –. Or, en 2010-2011 trois des principales interventions de la «diplomatie de la canonnière» ont été initiés par la France sarkosiste avec le soutien de Londres, de Berlin et d’autres capitales de l’Euroland et parfois l’intervention tardive de Washington (Côte d’Ivoire, Libye, Syrie). Il en sera de même en 2012.

 

L’AGRESSION CONTRE LA SYRIE

Dites-moi ce que Sarkozy cherche en Syrie ? Ce pays n’a pas de pétrole, peu de minerais, son marché est exsangue, sa population est pauvre. La Syrie est encombrée de réfugiés palestiniens, irakiens, kurdes, son peuple est irascible, nationaliste et il s’empressera de chasser tout envahisseur étranger. De plus, on retrouve à sa frontière Nord la Turquie amère et rancunière (d’avoir été refusée dans l’UE) ; à sa frontière Sud la Jordanie insipide; à l’Ouest le Liban intrépide et le Hezbollah invincible ; aux limites Est on retrouve l’Irak – deuxième réserve  pétrolière du monde – Voilà la réponse que nous cherchions.

Sarkozy, plus malin que certains ne le subodorent, pendant qu’Obama manigance de lui couper l’or noir par bateau (Détroit iranien d’Ormuz) tout en se retirant d’Irak – laissée à la garde des mollahs Chiites qui couperont le pétrole irakien à la première bombe jetée sur l’Iran – l’Europe tente donc de se rapprocher des puits irakiens afin de les envahir le moment venu et faire passer le précieux carburant par le pipeline syrien jusqu’à la Méditerranée.

Une question se pose cependant. Pourquoi ne pas avoir comploté avec Bachar al Assad pour accéder au pipeline syrien ? Parce que Bachar est l’allié de l’Iran et que l’attaque américano-israélienne contre l’Iran coupera les ponts de la collaboration avec la Syrie. L’Europe devrait alors se dissocier de son allié américain et de l’agression contre l’Iran – ça viendra – mais l’Euroland nouvelle – post états-unienne – n’en n’est pas encore là.

Dernier problème qui se posera en 2012 relativement à l’attaque contre la Syrie. Comment contourner la puissance Russe qui possède une base navale en Syrie (Tartous)? Qui plus est, la Russie ‘poutinienne’ fournit du gaz naturel de l’Europe (9). Attaquer la base militaire du Kremlin au Levant c’est se couper de l’approvisionnement en gaz russe. Sarkozy et Merkel y ont-ils pensés et quelle est l’alternative ?

Le soutien européen aux milliardaires voleurs d’élections de l’opposition russe contre les voleurs d’élections du parti Russie Unie n’ira pas très loin. La Russie n’est pas une «République de bananes» ni une «législature du café» et l’armée Rouge est bien en laisse sous la poigne de Vladimir… J’en conclue que l’Euroland devra réviser sa stratégie syro-iranienne en 2012.

Comme l’année en cours sera année d’élections présidentielles on ne verra pas les États-Unis s’engager dans cette guerre ouverte qu’elle prépare fébrilement contre l’Iran d’autant que la Syrie n’est pas encore tombée dans l’escarcelle européenne ni américaine et c’est bien là l’enjeu de cette guerre qui ne dit pas son nom. Dans cette affaire Sarkozy n’est pas le «Proxy» des États-Unis il mène la politique de l’impérialisme français et européen et pour cette raison il devrait sauvegarder son perchoir présidentiel en 2012.

Le conflit entre alliés de l’OTAN porte bien sur cette alternative, si la Syrie devient protectorat européen – le pétrole Irakien sera à portée de main – si la Syrie devient protectorat américain, l’Irak de al- Maliki gardera le verrou Ouest du dispositif d’étranglement pétrolier européen pendant que l’Iran à son corps défendant gardera le verrou Sud par le détroit d’Ormuz, le Pakistan et l’Afghanistan les verrous Nord et Est.

L’OTAN AU LEVANT

Cette année électorale américaine les États-Unis et leur organisation militaire assujettie – l’OTAN – poursuivront leur pression contre le Liban via leur satellite israélien, leur occupation passive de l’Afghanistan (préparant leur retrait pour 2014 quand toutes les manœuvres qu’ils anticipent contre l’approvisionnement en pétrole chinois auront été menées à bien). Par ses drones l’OTAN  poursuivra son harcèlement du Nord Pakistan de façon à contrer tout rapprochement du Pakistan avec les talibans afghans.

Retenez cependant qu’un fauve blessé comme le drapeau étoilé demeure un danger et l’État-major américain s’il ne lance pas immédiatement l’attaque contre l’Iran la préparera toute l’année en sous-main et la déclenchera probablement l’an prochain, après l’élection quel que soit le vainqueur de la course à la présidence. La déconfiture économique et sociale de l’Amérique commande cette action «audacieuse et périlleuse» pensent un certain nombre de stratèges du Pentagone et de Wall Street. La déstabilisation des approvisionnements en hydrocarbure de la Chine, du Japon et de l’Euroland permettra aux États-Unis (qui ne s’approvisionnent pas au Proche-Orient) de se refaire une autorité sur les marchés boursiers – folle équipée de financiers désespérés.

 

PRINTEMPS ARABE

En Égypte les ‘Facebookeurs’ des réseaux sociaux pseudos révolutionnaires sont retournés chez papa après la mise à la retraite de Moubarak enveloppé dans son parachute doré (10). En 2011 les vrais révoltés sont retournés sur le pavé et ils  sont tombés sous les balles d’aciers de l’armée dans la plus grande impunité et sous les hourras des médias étrangers – qui ont même suggérés qu’ils étaient des «contre-révolutionnaires»… d’une révolution avortée.

Ces véritables révolutionnaires méprisés par la bourgeoisie internationale n’ont pas voté – qu’ils en soient félicités – ils ont renvoyés leurs «leaders» patentés – des fils à papa ‘indignés’ – bon vent les Twitters formés aux «révolutions colorées», qui sait si 2012 ne verra pas les révoltes arabes devenirs de vraies révolutions populaires pour la conquête du pouvoir d’État !?

En Tunisie identique à l’Égypte avec cette différence que cette ancienne colonie française a héritée des habitudes de verbiage balaise et outrecuidant de l’ex-mère patrie. L’intelligentsia maghrébine aime à mimer les débats oiseux des cafés parisiens et les tiers partis égo-centripète sont pléthores sur la scène tunisienne où ils bouchent la vue des jeunes révoltés et ces groupuscules d’opérettes pourraient bien faire avorter la seconde édition de la vraie révolution. De toute façon l’élection bidon fut un échec et dans de nombreuses cités; les révoltés n’ont pas désarmé, en 2012 ils vont se radicaliser (11).

Pour la Libye cessez de pavoiser petits démagogues planqués à Paris ou à Londres. En 2012 BHL et ses petits amis pluriels pourraient déchanter – Kadhafi est mort mais pas l’esprit de révolte et d’indépendance des tribus de Tripolitaine, du Fezzan et de Cyrénaïque. Le CNT est hors-jeu et si la production pétrolière a repris; le peuple est contrit et réalise petit à petit qu’il a été dupé par de faux amis. Rien n’est écrit, rien n’est fini en Libye, ceux qui ne l’ont pas compris en seront bientôt conchies (12).

 

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(1)   Crise systémique globale – USA 2012/2016. GEAB no. 60. In l’Étoile du Nord vol. 9, no. 6 novembre-décembre 2011, pages 6-11.

(2)   La guerre des monnaies (Dollar contre Yuan). Robert Bibeau. 24.11.2011.
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/la-guerre-des-monnaies-dollar-104886

(3)   Vincent Gouysse. 2010-2011 : Le réveil du dragon s’accélère ! Septembre 2011.
http://www.communisme-bolchevisme.net/download/Le_reveil_du_dragon_s_accelere.pdf

(4)   La Chine impérialiste. Robert Bibeau. 29.06.2011. http://www.centpapiers.com/la-chine-imperialiste/74924

(5)   C’est le seul point sur lequel nous nous entendons avec Petras, le reste de son écrit présente une vision conspirationniste surfaite à notre avis. http://www.centpapiers.com/2012-une-vision-d%e2%80%99apocalypse/91055

(6)   La crise de l’Union Européenne : le Dollar contre l’Euro. Robert Bibeau. 15.12.2011.
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=28229

(7)   USA Crise systémique globale 2012/2016. GEAB no. 60. In l’Étoile du Nord vol. 9, no. 6 novembre-décembre 2011, pages 6-11.

(8)   La Libye sous les bombes ‘humanitaires’ de l’ONU. Robert Bibeau. 23.03.2011.
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=23889 et L’extradition illégale de Gbagbo de son pays natal ! Robert Bibeau. 7.12.2011. http://www.alterinfo.net/L-EXTRADITION-ILLEGALE-DE-GBAGBO-DE-SON-PAYS-NATAL-_a67600.html et http://fr.wikipedia.org/wiki/Franc_CFA

(9)   La Russie lâcherait-elle la Syrie ? Robert Bibeau. 29.12.2011.
http://www.legrandsoir.info/la-russie-lacherait-elle-la-syrie-comment-naviguer-entre-deux-mers.html

(10)  Révoltes arabes et répression néocoloniale. Robert Bibeau. 16.05.2011. http://www.oulala.net/Portail/spip.php?article5127

(11)  Il n’y a pas de projet de démembrement du monde arabe. Il n’y a que des projets à courte vues d’une puissance impérialiste puis d’une autre pour s’emparer d’un marché arabe ou d’un autre, des ressources arabes, pétrolières surtout et pour annihiler tout mouvement de révolte. De nombreux pays arabes agressés depuis nombre d’années n’ont pas été démembrés.   http://www.lnr-dz.com/index.php?page=details&id=8501

(12)  «la deuxième et la troisième puissance économique du monde la Chine et le Japon vont désormais utiliser la monnaie chinoise pour leurs échanges…»  Libye, Côte d’Ivoire, ouvriront la voie à un nouvel Ordre mondial Jean-Paul Pougala. 31.12.2011.
http://www.youtube.com/watch?v=owY2weXp7Dc&context=C351979eADOEgsToPDskI_AXylaGXOv0Y9DV96I9vL

 

Robert Bibeau est un collaborateur régulier de Mondialisation.ca.  Articles de Robert Bibeau publiés par Mondialisation.ca