Arabesques est un festival soutenu par le Conseil Général de l’Hérault, ouvert sur la Méditerranée, la diversité culturelle et la découverte des arts arabes. Chaque année la manifestation ouvre au Domaine d’O à Montpellier, la saison estivale du vaste espace dédié à la culture. Expositions, manifestations, débats, concerts, pièces de théâtre nourrissent ce rendez-vous autour d’une thématique. Pour sa huitième édition, le festival rend selon la volonté de son président Habid Dechraoui, un hommage aux Chibanis.
Histoire et mémoire
En Algérien, le terme signifie ancien, de manière étendue. Il fait référence à la population de travailleurs immigrés issus de l’Afrique du Nord. La présence des Chibanis en France métropolitaine est liée à la colonisation, et aux efforts de guerre des troupes musulmanes qui jouèrent un rôle décisif dans l’armée française en Afrique du Nord et dans la libération de la France. Cette présence atteint une importance inégalée avec l’immigration économique durant les trente glorieuses où les migrations de main d’oeuvre se transforment en implantation définitive. C’est dire si cet hommage qui éclaire les douloureux efforts consentis dans la solitude, tombe bien pour relire une période opportunément ignorée de notre histoire. A l’heure où la crise qui traverse le pays engendre un retour inquiétant de l’ignorance et de l’intolérance, revenir sur le parcours des Chibanis offre des clés de compréhension bien utiles.
Une démarche pédagogique
L’association Uni’Sons, qui porte le festival, rallie depuis ses premiers pas le jeune public à son travail. Des interventions artistiques sont conduites en partenariat avec les deux collèges du quartier de La Paillade. «Nous travaillons sur l’ouverture culturelle et sur l’identité en étroite collaboration avec les équipes pédagogiques», explique Abdou Bayou, le CPE du collège des Escholiers de la Mosson. Cette année une classe de 3e a travaillé sur l’histoire de l’immigration avec le concours des profs d’histoire, de français et d’espagnol. Après s’être documentés aux archives départementales en élargissant la recherche à d’autre pays comme l’Espagne, les élèves se sont rendus à plusieurs reprises dans les foyers Adoma de la ville pour échanger avec les Chibanis. «Beaucoup d’élèves qui habitent le quartier ignoraient l’existence de ces foyers. Concernant, les témoignages, nous avions convenu avec la directrice de laisser la porte ouverte. Certains sont restés un quart d’heure, d’autres du début à la fin de la rencontre. La traduction a favorisé l’échange. L’une des personnes à qui l’on demandait pourquoi elle peinait à user du français a eu cette réponse : Mon patron m’a toujours demandé de travailler, jamais de parler…»
Vertus de l’échange
Les élèves se sont passionnés pour ce travail d’enquête réalisé en dehors des heures de cours. « Cela les a amenés à s’interroger sur eux-même, et sur les autres, analyse Abdou Bayou, les ados se fabriquent des schémas de référence et oublient qu’ils en existent d’autres. Cette expérience les amène à comprendre que l’on doit cohabiter pour vivre ensemble. Je pense que c’était aussi positif pour les Chibanis qui n’avaient jamais eu l’occasion de transmettre, c’est valorisant d’être écoutés. Certains ont livré un regard critique sur le système, mais aucun n’a dit du mal de la France.»
Suite à ces rencontres les élèves ont écrit des récits de vie qui ont servi de matière à l’intervention artistique du metteur en scène Ali Merghache. «A partir des textes, nous avons travaillé sur le jeu d’acteur et construit une mise en scène». Celle-ci se compose de trois parties : le rapport à la guerre, quand les Chibanis portaient l’uniforme français, la vie quotidienne en France dans un foyer, et ce qui est resté là-bas, leur pays, leur femmes… « C’est un projet très intéressant qui est loin d’être anodin. D’un côté comme de l’autre, il y a une forte intensité. Pour beaucoup d’élève c’est un moyen d’interroger leurs racines. Les anciens qui ont vécu des vies très dures paraissent moins révoltés que nous. Ils étaient très touchés que l’on vienne à leur rencontre.»
Jean-Marie Dinh
Dans l’inconfort des habitudes
Arabesques. Nasser Djemaï porte sur les planches l’histoire de l’immigration à travers la figure des chibanis. Rencontre…
Martin, la trentaine, hérite d’un petit coffret avec un nom et une adresse qui vont être le point de départ d’une quête identitaire le conduisant à la rencontre des Chibanis. Invisible mis en scène par Nasser Djemaï a dépassé le cap des cent représentations. La pièce est programmée aujourd’hui et demain au festival Arabesques.
Comment vous êtes-vous lancé dans cette aventure ?
Cette histoire est un peu celle de mon père arrivé en France en 1968. J’étais donc sensibilisé à ce sujet, jamais traité au théâtre. C’est un sujet casse-gueule, le danger aurait été de vouloir tout raconter. J’ai tenté d’ouvrir une petite lucarne pour mettre en lumière la vie de ses hommes qui sont arrivés pour travailler en se coupant de tout. Certains ont vécu la guerre contre leur propre pays. Leur désir de réussite s’est étiolé avec le temps. Ils se sont usés pour finir pauvres et oubliés. Il y a une dimension proche des Danaïdes dans cette histoire digne des tragédies grecques.
Avez-vous approché la réalité vécue sur le terrain ?
Oui, comme l’indique le titre, c’est une génération invisible. J’ai effectué un travail d’immersion à Grenoble, où j’ai passé un bout de temps dans les cafés sociaux. Au foyer Adoma j’ai pu approfondir en rencontrant des personnes qui connaissent bien le vécu de ses hommes toujours très discrets.
Quelle place réservez-vous aux femmes ?
Les femmes sont traitées de manière virtuelle. Elles hantent l’espace comme des fantômes. Elles apparaissent immenses, projetées en fond de scène sur quatre mètres de haut. Leur absence nourrit les fantasmes…
Comment peut-on s’expliquer le fait que ces hommes soient restés seuls après la loi sur le regroupement familial ?
Cela est lié à plusieurs facteurs. Il y a d’abord l’illusion du provisoire. Les Chibanis ont toujours nourri l’espoir d’un retour au pays. Ils ne comptaient pas s’installer en France. Les années passant, ils ont compris que leurs salaires ne leur permettraient pas de revenir chez eux. Ils ne vivaient pas de grand chose, mais avec l’argent qu’ils envoyaient à leur famille il fallait toujours travailler plus. Les années défilent et les enfants grandissent sans vous. On finit par s’habituer à votre absence. Et puis il y a le mythe du tonton d’Amérique que l’on entretient lorsqu’on se rend au pays les bras chargés de cadeaux pour tous. Au final le décalage s’enracine et vous renoncez à accueillir vos proches pour les faire vivre dans des conditions qu’ils n’imaginent même pas.
Quelle a été la nature de votre travail avec les comédiens ?
Il y a six comédiens. Pour Martin, je voulais un jeune homme naïf avec une maîtrise de la langue française pour favoriser l’identification des spectateurs. Pour les Chibanis cela a été plus difficile de trouver des comédiens d’origine arabe de plus de soixante ans. Leur savoir faire s’est perdu parce que le théâtre ne leur donne pas de travail. Ils sont employés à la télé ou au cinéma. Il a fallu se remettre sur les rails, remuscler par la pratique. C’est un peu comme un piano que l’on accorde. Aujourd’hui ils usent de toutes leurs cordes pour passer de l’histoire intime à l’histoire universelle des hommes. Ce sont des personnages totem.
Recueilli par JMDH
Repères historiques
Les manoeuvres de la république
Durant les trente glorieuses, pour sa reconstruction puis sa croissance économique, la France a d’importants besoins de main-d’oeuvre. Elle fait appel à de jeunes hommes pauvres et isolés venus d’Afrique et du bassin méditerranéen. Peu formés, peu exigeants, et peu payés, ils sont souvent employés avec des contrats de travail à durée limitée comme manoeuvre dans les travaux publics et les entreprises du bâtiment mais aussi comme ouvriers spécialisés (OS) du travail à la chaîne, en particulier dans l’industrie automobile.
La différence de niveau de vie, de développement économique et de potentiel démographique entre le Nord et le Sud, entre la métropole et ses colonies, puis avec les pays du champ de coopération nourrit ce mouvement de population.
Les travailleurs vendent leur force de travail, dépensent le moins possible sur place, afin d’envoyer à leur famille la plus grande partie de ce qu’ils peuvent économiser et songent surtout à rentrer au pays dans l’espoir d’y mener fortune faite, ou au moins épargne cumulée, une vie plus heureuse et plus aisée sur le plan matériel. Leur conditions de vie sont souvent précaires.
On bâtit à la hâte des foyers de travailleurs immigrés sur fonds publics, comme ceux de la Sonacotra (société nationale de construction pour travailleurs immigrés) devenus les foyers Adona. Mais beaucoup sont exploités par les marchands de sommeil dans des conditions d’insalubrité et d’insécurité extrême. Cette réalité s’inscrit toujours aujourd’hui dans le paysage de Montpellier.
Voir : Histoire de l’Islam et des Musulman en France. Editions Albin Michel
Depuis le 1er janvier, la FAO – organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture – a un nouveau directeur général : José Graziano da Silva. L’ex sous-directeur de cette même structure par ailleurs monsieur « faim zéro » – programme mené au Brésil pour le président Lula – a d’emblée affirmé que « l’élimination totale de la faim et de la sous-alimentation dans le monde » était sa priorité. Un objectif louable et finalement normal pour cette organisation intergouvernementale créée en 1945 dont le mandat est précisément de « veiller à ce que les êtres humains aient un accès régulier à une nourriture de bonne qualité qui leur permette de mener une vie saine et active. «
Pourtant, on ne peut qu’avoir une sensation de déjà entendu. Au sein de cette FAO ou à l’occasion des journées mondiales contre la faim du 16 octobre. Mais pas seulement. En 2000, les 193 Etats qui s’engagent sur les objectifs du millénaire pour le développement actent au premier chapitre, la réduction de moitié de la population souffrant de la faim en 2015.
Et pourtant. En 2007/2008 l’explosion des prix des produits alimentaires provoque une crise énorme : 40 millions de personnes supplémentaires souffrent désormais de la faim. Ce qui porte le total à 963 millions. L’été dernier, c’est la Corne de l’Afrique qui est menacée de famine. 12 millions de personnes sont en danger. Les pays riches réagissent, multiplient les conférences de donateurs… pour mieux peiner à obtenir 50% de promesses de dons sur le milliard et demi de dollars estimé comme nécessaire par l’ONU. L’actualité propose de nouvelles déclinaisons de cette faim dans le monde : une étude montre que 42% des enfants de moins de 5 ans en Inde sont sous-alimentés. Et ce, malgré la croissance impressionnante du PIB. Au Congo, le chiffre est de 26% : plus d’un quart des enfants de moins de 5 ans touchés par la malnutrition dénonce l’Unicef . Reste encore le Tchad à qui l’ONU vient d’allouer 6 millions de dollars d’aide d’urgence le 11 janvier dernier pour faire face à une crise alimentaire.
Cacao contre sorgho
Misère, guerre et sécheresse font, évidemment, parties des explications à cette faim dans le monde. Mais pas seulement. Il ne faut en effet surtout pas oublier que dans les quarante dernières années, le FMI et la Banque Mondiale ont fait en sorte que les gouvernements des pays du Sud détruisent les silos à grains qui alimentaient les marchés intérieurs en cas de crise ; qu’ils les ont poussé à supprimer les agences publiques de crédit aux agriculteurs ; qu’ils les ont convaincu de troquer les productions de blé, de riz, de maïs ou de sorgho pour des cultures de cacao, café ou thés qui s’exportent si bien ; qu’ils les ont enfin contraints à ouvrir leurs frontières aux exportations de pays occidentaux subventionnées massivement. Tout cela pour leur permettre d’obtenir les précieux dollars nécessaires au remboursement de la dette. Ces dernières années, la mode des biocarburants aidés par les pays du Nord ont eu raison de nouveaux hectares de cultures vivrières.
Il ne faut pas oublier non plus que la crise alimentaire de 2007/2008 résulte du boursicotage de quelques spéculateurs quittant la bulle immobilière qui venait d’exploser aux Etats-Unis. Il ne faut pas oublier enfin que depuis la crise financière, le G 20 tente de remettre le FMI en selle avec, cette fois, l’Europe pour terrain de jeu.
Dernier élément a aussi prendre en compte : les réformes agraires jamais menées dans certains pays d’Amérique du Sud, d’Afrique ou d’Asie qui interdisent à des milliards de paysans d’avoir un accès direct à la terre et en font les première victime de la faim dans le monde.
Ceci posé, la FAO peut donc ambitionner d’éradiquer la faim dans le monde. De jolies phrases qui rendent plus supportable l’idée que, chaque année, de 3 à 5 millions d’enfants meurent à cause de la malnutrition dans le monde. Mais comment prendre au sérieux une lutte contre la faim qui fait l’impasse sur les causes de cette faim ?
Angélique Schaller (La Marseillaise)
Jean Ziegler : « L’ordre cannibale du monde peut être détruit »
Somalie
Les experts le savent bien, l’agriculture d’aujourd’hui serait en mesure de nourrir normalement 12 milliards d’êtres humains, soit près du double de la population mondiale.
Le 17 janvier dernier sur le campus de la Gaillarde, Montpellier SupAgro a accueilli un des plus éminents défenseurs du droit à l’alimentation Jean Ziegler pour une conférence-débat animée par Damien Conaré, secrétaire général de la Chaire UNESCO Alimentations du monde, partenaire de cette rencontre exceptionnelle, co-organisée avec la librairie Sauramps.
jean ziegler
Rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation de 2000 à 2008, Jean Ziegler est aujourd’hui vice-président du comité consultatif du conseil des droits de l’homme de l’ONU. Il a consacré l’essentiel de son oeuvre à dénoncer les mécanismes d’assujettissement des peuples du monde. Professeur émérite de sociologie à l’Université de Genève, il a publié L’Empire de la honte (2005) et La Haine de l’Occident (2008). Dans son nouvel essai intitulé Destruction massive : géopolitique de la faim (Seuil, octobre 2011) le sociologue a dressé un état des lieux de la faim dans le monde et analysé les raisons de l’échec des moyens mis en œuvre depuis la deuxième guerre mondiale pour l’éradiquer. Il critique les ennemis du droit à l’alimentation aujourd’hui, à savoir la production d’hydro-carburants et la spéculation sur les biens agricoles.
Version intégrale d’un entretien avec Jean Ziegler publié dans La Marseillaise
Globalement, l’état des lieux que vous dressez de la situation fait pâlir. Quels sont les nouveaux paramètres de la sous-alimentation qui frappe notre planète au XXIe ?
Le massacre annuel de dizaines de millions d’être humains par la faim est le scandale de notre siècle. Toutes les cinq secondes, un enfant âgé de moins de dix ans meurt de faim, 37 000 personnes meurent de faim tous les jours et un milliard – sur les 7 milliards que nous sommes – sont mutilés par la sous-alimentation permanente… Et cela sur une planète qui déborde de richesses !
Le même rapport sur l’insécurité alimentaire dans le monde de la FAO qui donne les chiffres des victimes dit que l’agriculture mondiale dans l’étape actuelle de ses forces de production pourrait nourrir normalement (2 200 calories/ individu adulte par jour) 12 milliards d’êtres humains, donc presque le double de l’humanité actuelle.
Au seuil de ce nouveau millénaire, il n’existe donc aucune fatalité, aucun manque objectif. Un enfant qui meurt de faim est assassiné.
Pendant huit ans, j’ai été rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation. Ce livre est le récit de mes combats, de mes échecs, des mes occasionnelles fragiles victoires, de mes trahisons aussi.
Les populations les plus exposées sont les pauvres des communautés rurales des pays du Sud où se cumulent aux conditions environnementales une violence physique et économique ?
Un fléau particulier qui frappe les paysans depuis peu est l’accaparement des terres arables dans les pays du Sud – surtout en Afrique – par les sociétés transcontinentales privées.
Selon la Banque mondiale, l’année dernière, 41 millions d’hectares de terres arables ont été accaparés par des fonds d’investissements et des multinationales uniquement en Afrique. Avec pour résultat, l’expulsion des petits paysans. Ce qu’il faut dénoncer, c’est le rôle de la Banque mondiale, mais aussi celui de la Banque africaine de développement, qui financent ces vols de terre. Pour se justifier, elles ont une théorie pernicieuse qui est de dire que la productivité agricole est très basse en Afrique. Ce qui est vrai. Mais ce n’est pas parce que les paysans africains sont moins compétents ou moins travailleurs que les paysans français. C’est parce que ces pays sont étranglés par leur dette extérieure. Ils n’ont donc pas d’argent pour constituer des réserves en cas de catastrophes ni pour investir dans l’agriculture de subsistance. Il est faux de dire que la solution viendra de la cession des terres aux multinationales.
3,8 % des terres arables d’Afrique sont irriguées. Sur tout le continent, il n’existe que 250 000 animaux de trait et quelques milliers de tracteurs seulement. Les engrais minéraux, les semences sélectionnées sont largement absents.
Ce qu’il faut faire, c’est mettre ces pays en état d’investir dans l’agriculture et de donner à leurs paysans les instruments minimaux pour augmenter leur productivité : les outils, l’irrigation, les semences sélectionnées, les engrais…
Un autre scandale dont souffrent les populations rurales dans l’hémisphère sud est le dumping agricole pratiqué par les États industriels. L’année dernière, les pays industriels ont versé à leurs paysans 349 milliards de dollars à titre de subsides à la production et à l’exportation. Résultat : sur n’importe quel marché africain, on peut acheter des fruits, des poulets et des légumes français, grecs, portugais, allemands, etc. au tiers ou à la moitié du prix du produit africain équivalent. Face au dumping agricole, le paysan africain qui cultive son lopin de terre n’a pas la moindre chance de vendre ses fruits ou ses légumes à des prix compétitifs.
Or, de 54 pays africains 37 sont des pays presque purement agricoles.
L’hypocrisie des commissaires de Bruxelles est abyssale : d’une part, ils organisent la faim en Afrique et, d’autre part, ils rejettent à la mer, par des moyens militaires, des milliers de réfugiés de la faim qui, chaque semaine, tentent d’atteindre la frontière sud de la forteresse Europe.
Face à ce drame de chaque instant, vous évoquez la notion de faim structurelle et de faim conjoncturelle ainsi que les notions d’Histoire visible et invisible comme les effets de la malnutrition…
La faim structurelle est celle qui tue quotidiennement à cause des forces de production insuffisamment développées dans les campagnes de l’hémisphère sud. La faim conjoncturelle par contre frappe lorsqu’une économie s’effondre brusquement par suite d’une catastrophe climatique ou de la guerre.
Regardons ce qui se passe aujourd’hui dans la Corne de l’Afrique. Certains pays comme la Somalie, le nord du Kenya, Djibouti, l’Érythrée et l’Éthiopie se trouvent dans une situation de cauchemar. Ils doivent faire face à une faim à la fois conjoncturelle, liée à la sécheresse ou à la guerre, et structurelle en raison de l’explosion des prix mondiaux des denrées alimentaires. Impossible donc pour eux d’acquérir suffisamment de nourriture pour alimenter toutes leurs populations. Dans la Corne de l’Afrique, des dizaines de milliers de personnes sont mortes de faim ou de ses suites immédiates depuis avril 2011.
Cette conscience que vous faites émerger se heurte souvent à une opinion publique indifférente. Comment peut-on s’expliquer la disproportion insensée d’implications entre les 2 700 victimes du WTC et les centaines de millions de morts de la faim ?
Vous avez raison. L’opinion publique dans son immense majorité, en Europe, oppose son indifférence au meurtre collectif par la faim qui se déroule dans l’hémisphère sud.
Pourquoi ? A cause de la théorie néolibérale qui empoisonne l’opinion. Or, les ennemis du droit à l’alimentation sont la dizaine de sociétés transcontinentales privées qui dominent complètement le marché alimentaire. Elles fixent les prix, contrôlent les stocks et décident qui va vivre ou mourir puisque seul celui qui a de l’argent a accès à la nourriture. L’année dernière, par exemple, Cargill a contrôlé plus de 26 % de tout le blé commercialisé dans le monde. Ensuite, ces trusts disposent d’organisations mercenaires : l’Organisation mondiale du commerce, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Ce sont les trois cavaliers de l’Apocalypse. S’ils reconnaissent que la faim est terrible, ils estiment que toute intervention dans le marché est un péché. A leurs yeux, réclamer une réforme agraire, un salaire minimum ou le subventionnement des aliments de base, par exemple, pour sauver les vies des plus pauvres est une hérésie. Selon les grands trusts qui, ensemble, contrôlent près du 85 % du marché alimentaire, la faim ne sera vaincue qu’avec la libéralisation totale du marché et la privatisation de tous les secteurs publics.
Cette théorie néolibérale est meurtrière et obscurantiste. L’Union soviétique a implosé en 1991 (c’était une bonne chose). Jusque-là, un homme sur trois vivait sous un régime communiste et le mode de production capitaliste était limité régionalement. Mais en vingt ans, le capitalisme financier s’est répandu comme un feu de brousse à travers le monde. Il a engendré une instance unique de régulation : le marché mondial, la soi-disant main invisible. Les États ont perdu de leur souveraineté et la pyramide des martyrs a augmenté. Si les néolibéraux avaient raison, la libéralisation et la privatisation auraient dû résorber la faim. Or, c’est le contraire qui s’est produit. La pyramide des martyrs ne cesse de grandir. Le meurtre collectif par la faim devient chaque jour plus effrayant.
L’ONU devrait soumettre à un contrôle social étroit les pieuvres du commerce mondial agroalimentaire.
Le rapport FAO estime que l’agriculture mondiale pourrait nourrir 12 milliards de personnes. Évoque-t-il les modalités de mise en œuvre d’un plan réaliste pour faire face à ce fléau ?
Non. La FAO est exsangue. Elle se contente de la mise en œuvre de quelques programmes de coopération régionale. Elle n’a pas la force ni d’affronter les pieuvres du négoce alimentaire ni les spéculateurs boursiers.
Le développement des biocarburants qui s’impose comme « une arme miracle » ne répond pas aux défis environnementaux et accentue de manière catastrophique la famine dans le monde affirmez-vous ?
Vous avez raison de poser la question des agrocarburants, car il existe en cette matière une formidable confusion. La théorie généralement diffusée est la suivante : le climat se détériore et la principale raison en est l’utilisation de l’énergie fossile. Il faut donc diminuer sa consommation. Mais, je le dis avec force, les agrocarburants ne sont pas la solution. Pour réduire la consommation d’énergie fossile, il faut drastiquement économiser l’énergie, favoriser les transports publics, développer les énergies solaires, éoliennes, géothermiques. L’année dernière, les États-Unis ont brûlé 138 millions de tonnes de maïs et des centaines de millions de tonnes de blé, pour produire des agrocarburants. En Suède, près de la moitié des voitures roulent au bioéthanol. Le réservoir moyen d’une voiture est de 50 litres. Il faut brûler 352 kilos de maïs pour produire 50 litres de ce carburant. Or, ces 352 kilos de maïs permettraient à un enfant en Zambie ou au Mexique, où le maïs est la nourriture de base, de manger et de vivre pendant un an !
Brûler des plantes nourricières sur une terre où 35 millions de personnes meurent tous les ans de la faim ou de ses suites immédiates est inadmissible.
Vous mettez en lumière les incidences géopolitiques de la folie spéculatrice, en mettant en parallèle la flambée des cours du blé avec les révolutions du monde arabe qui est la première région importatrice de céréales du monde ou encore l’utilisation de la faim comme une arme politique de destruction en Afghanistan, en Somalie, à Gaza…
Les fonds spéculatifs (hedge funds) et les grandes banques ont migré après 2008, délaissant des marchés financiers pour s’orienter vers les marchés des matières premières, notamment celui des matières premières agricoles. Si l’on regarde les trois aliments de base (le maïs, le riz et le blé), qui couvrent 75 % de la consommation mondiale, leur prix ont explosé. En 18 mois, le prix du maïs a augmenté de 93 %, la tonne de riz est passée de 105 à 1 010 dollars et la tonne de blé meunier a doublé depuis septembre 2010, passant à 271 euros. Cette explosion des prix dégage des profits astronomiques pour les spéculateurs, mais tue dans les bidonvilles des centaines de milliers de gens. De plus, la spéculation provoque une autre catastrophe. En Afrique le Programme alimentaire mondial (PAM) ne peut plus acheter suffisamment de nourriture pour l’aide d’urgence en cas de famine : comme aujourd’hui dans la Corne de l’Afrique où les fonctionnaires de l’ONU refusent chaque jour l’entrée à des centaines de familles, réfugiées de la faim, devant les 17 camps d’accueil installés dans la région. Il faudrait transférer ces spéculateurs, dont les actions aboutissent au désastre actuel, devant un tribunal de Nuremberg et les juger pour crime contre l’humanité.
C’est vrai ce que vous dites : l’explosion des prix des aliments de base – surtout du blé – a joué un rôle crucial dans les révolutions notamment tunisienne et égyptienne. La faim comme arme de guerre : les Israéliens l’utilisent à Gaza, les Shebabs musulmans en Somalie.
Peut-on envisager un mouvement social international qui puisse faire reculer la Banque mondiale, l’OMC et le FMI que vous qualifiez de cavaliers de l’Apocalypse ? La lutte pour la vie ne se joue-t-elle pas au niveau des États sur le terrain de la politique intérieure ?
Malgré son titre – Destruction massive – mon livre est un livre d’espoir. La faim est faite de main d’homme. Elle peut être éliminée par les hommes. Il n’y a pas d’impuissance en démocratie. La France est une grande, vivante démocratie. II existe des mesures concrètes que nous, citoyens et citoyennes des États démocratiques d’Europe, pouvons imposer immédiatement ; interdire la spéculation boursière sur les produits alimentaires ; faire cesser le vol de terres arables par les sociétés multinationales; empêcher le dumping agricole ; obtenir l’annulation de la dette extérieure des pays les plus pauvres pour qu’ils puissent investir dans leur agriculture vivrière ; en finir avec les agrocarburants… Tout cela peut être obtenu si nos peuples se mobilisent. J’ai écrit Destruction massive, géopolitique de la faim pour fortifier la conscience des citoyens. Il n’y a pas d’impuissance en démocratie. Je le répète, pendant que nous discutons, toutes les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim. Les charniers sont là. Et les responsables sont identifiables.
De plus, de formidables insurrections paysannes – totalement ignorées par la grande presse en Occident – ont lieu actuellement dans nombre de pays du Sud : aux Philippines, en Indonésie, au Honduras, au nord du Brésil. Les paysans envahissent les terres volées par les sociétés multinationales, se battent, meurent souvent, mais sont aussi parfois victorieux.
Georges Bernanos a écrit: « Dieu n’a pas d’autres mains que les nôtres ». L’ordre cannibale du monde peut être détruit et le bonheur matériel assuré pour tous. Je suis confiant : en Europe l’insurrection des consciences est proche.
Recueilli par Jean-Marie Dinh
Jean Ziegler, auteur de Destruction massive, géopolitique de la faim, Éditions du Seuil ; et aussi : L’or du Maniema, roman, réédition dans la coll. Points, Seuil).
Alors que les bombes tombent toujours sur certains quartiers de Homs et que la répression devient de plus en plus violente face une opposition de plus en plus armée et déterminée, plus de soixante pays sont représentés à Tunis, vendredi 24 février, pour une réunion des « amis de la Syrie » qui souhaite définir un plan d’aide humanitaire international au peuple syrien et accentuer la pression sur Damas. La réunion va sans doute appeler le régime au pouvoir à Damas à mettre en œuvre un cessez-le-feu immédiat et permettre l’accès des agences humanitaires aux populations en détresse, notamment à Homs. Elle exhortera également l’opposition, fragmentée, à s’unir et à se rassembler.
La prochaine réponse de la communauté internationale sera sans doute la reconnaissance du Conseil national syrien (CNS) comme représentant légitime de la Syrie. Pourtant, le CNS ne représente qu’une partie de l’opposition, et aucun alaouite ou kurde n’y est représenté. Il n’est à l’heure actuelle aucunement en mesure de garantir la sécurité de ces minorités dans une Syrie post-Assad. Ce dernier est de plus encore soutenu par une partie de la majorité sunnite, notamment dans le milieu des affaires, qui bénéficient depuis 30 ans d’un environnement économique favorable.
Une telle réponse ne devrait donc se faire qu’après avoir eu l’assurance que le CNS représente une alternative crédible et que toute la diversité de la Syrie soit représentée en son sein. En d’autres termes, il est primordial de savoir si il capable d’assurer une transition démocratique qui garantissent tant l’exercice des libertés individuelles que la sécurité de chaque citoyen syrien. Pour l’instant la réponse à cette question semble négative.
Cette réunion des « Amis de la Syrie » est présentée par le régime de Bachar El Assad comme un complot americano-sioniste, le (CNS) pousse lui pour une intervention étrangère. Bien que cette solution semble à l’heure actuelle pour certains la « meilleure » pour sortir de la crise, les exemples Irakiens et Libyens tendent à prouver que cette solution n’est pas la panacée. La chute précipitée d’Assad déboucherait soit sur une guerre civile qui contraindrait les troupes occidentales à rester des années sur place soit sur la prise de pouvoir de sunnites islamistes, alternative guère alléchante. De plus, cette intervention devra se faire hors du cadre des Nations Unies – La Chine et la Russie s’y opposeront -, ce qui la rendra très très vite impopulaire aux yeux des opinions publiques des pays qui y participent.
« Les Amis de la Syrie » se borneront certainement donc à soutenir le plan de la Ligue Arabe qui prévoit les étapes d’une transition démocratique en Syrie. Bien que ce plan a le mérite de proposer une issue pacifique à la crise actuelle, celui-ci reste l’œuvre de l’Arabie Saoudite et du Qatar, deux régimes plus intéressés par l’élimination de l’un des alliés de l’Iran, leur ennemi juré, que par la promotion de la démocratie et de justice sociale, qu’ils n’offrent même pas à leurs populations respectives.
La situation en Syrie est donc dans une impasse complète. L’opposition — ou plutôt les oppositions — est incapable de renverser le régime, et le régime est incapable de venir à bout de l’opposition. La communauté internationale, elle-même divisée sur la réponse à donner à la crise, se retrouve également dans cette impasse et ne peut à l’heure actuelle que proposer de l’aide humanitaire. Pendant ce temps la répression continue, les combattants étrangers et les armes affluent en Syrie de part et d’autres et le spectre de la guerre civile se rapproche à grand pas.
Geoffroy d’Aspremont Medea 24/02/12
Syrie/ sommet de Tunis: les décisions
La conférence de Tunis 24 février 2012.
Beaucoup d’idées et très peu de concret : tel est le bilan de cette conférence internationale sur la Syrie, organisée à Tunis et qui réunissait des représentants de l’opposition syrienne et plus de soixante pays. A l’exception de la Russie et de la Chine, qui s’opposent depuis le début du conflit à toute idée d’ingérence en Syrie, la Russie étant de surcroît un allié traditionnel de la Syrie.
Vers un renforcement des sanctions
Le groupe de 60 pays présents à la conférence des amis du peuple syrien s’est engagé, dans la déclaration finale de la réunion vendredi 24 février « à prendre des mesures pour appliquer et renforcer les sanctions sur le régime ». La conférence a également appelé à l’arrêt immédiat des violences afin de permettre l’accès de l’aide humanitaire.
« Il est temps pour tout le monde ici d’infliger des interdictions de voyages sur les hauts responsables du régime (…) de geler leurs avoirs, de boycotter le pétrole syrien, de suspendre tout nouvel investissement (dans le pays) et d’envisager de fermer ambassades et consulats », a déclaré la secrétaire d’État Hillary Clinton lors de la conférence.
La conférence va lancer « un appel à renforcer les sanctions de nature à faire plier le régime » syrien, avait pour sa part indiqué pour sa part Alain Juppé, en évoquant notamment un gel des avoirs de la banque centrale syrienne.
Le Conseil national syrien, « un représentant légitime »
Le groupe reconnaît le Conseil national syrien comme » un représentant légitime des Syriens qui cherchent un changement démocratique pacifique » et l’encourage à former un groupe « représentatif » et incluant toutes les sensibilités. Il s’engage à fournir « un soutien effectif » à l’opposition, sans plus de précisions.
Proposition de création d’une « force arabe »
Le président tunisien Moncef Marzouki ainsi que le ministre qatari des Affaires étrangères Cheikh Hamad bin Jassim al-Thani ont appelé de leurs vœux la création d’une force arabe. « La situation actuelle exige une intervention arabe dans le cadre de la Ligue arabe, une force arabe pour préserver la paix et la sécurité, et pour accompagner les efforts diplomatiques pour convaincre Bachar de partir », a déclaré Moncef Marzouki.
« Nous voulons que cette réunion soit le début de l’arrêt de la violence en Syrie et cela ne peut être fait que par la formation d’une force arabe internationale de maintien de la sécurité, l’ouverture de corridors humanitaires de sécurité pour apporter de l’aide au peuple syrien et à la mise en oeuvre des décisions de la Ligue Arabe », a ajouté le Cheikh Hamad bin Jassim al-Thani lors de la conférence.
La proposition est pour l’instant accueillie avec précaution par les Occidentaux, et notamment par le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé. Sans exclure cette idée, le ministre des affaires étrangères français a indiqué que cette force devrait obtenir « le feu vert » du Conseil de sécurité de l’ONU. « Certains évoquent cette hypothèse. C’est au Conseil de sécurité de donner le feu vert à une telle opération », a déclaré Alain Juppé à la presse, indiquant que le sujet n’avait pas été évoqué lors des travaux à huis clos de la conférence internationale sur la Syrie.
Le communiqué final rendu public à l’issue de la réunion indique quant à lui que le groupe des 60 pays « prend note de la demande faite par la Ligue arabe au Conseil de sécurité de l’Onu de former une force conjointe arabe et des Nations unies de maintien de la paix (…) et a décidé de poursuivre les discussions sur les conditions du déploiement d’une telle force », selon le texte.
Le groupe des amis « réaffirme son attachement à la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie » et souligne la nécessité d’une « solution politique » à la crise.
« Accès libre et sans entraves des agences humanitaires »
Le groupe de 60 pays demande par ailleurs au gouvernement syrien de « permettre l’accès libre et sans entraves des agences humanitaires » dans les régions les plus touchées par la répression, notamment dans la ville de Homs, pilonnée depuis trois semaines par l’armée syrienne.
Immunité judiciaire pour Assad ?
Le président tunisien Moncef Marzouki a demandé vendredi que soit accordée « l’immunité judiciaire » au président syrien Bachar al-Assad et sa famille, et évqué un éventuel refuge en Russie pour le dirigeant syrien. « Il faut chercher une solution politique », a fait valoir Moncef Marzouki à l’ouverture de la conférence sur la Syrie en Tunis.
Aude Laurriaux 25/02/12 (Le HuffPost et AFP)
Le sitcom syrien Just freedom remet en question la propagande officielle
Deux jeunes syriens sirotent leur thé en regardant dans le vague, assis dans un garage.
“Tu sais quoi ? J’aimerais y aller.”
“Aller où ?”
“Là bas, avec les manifestants, chanter avec eux” répond le premier.
“Tu es fou. Ils ne peuvent pas sortir juste comme ça, c’est impossible. Ils prennent sûrement un truc…”
“Ils prennent quoi ?”
À ce moment là, un vendeur de rue passe avec son charriot en criant: “Des hallucinogènes ! Des pilules ! J’ai de tout ! Al Arabiya, Al Jazeera, France 24, BBC… Hallucinogènes !”
“Tu vois !” dit le second, alors qu’il jette un coup d’oeil au vendeur.
Owni
Sur la Syrie de la propagande à longueur de commentaires
Sous ce titre, le Monde.fr souhaite prévenir ses lecteurs d’une menace en s’extrayant étrangement d’un processus dont il participe à sa manière. Comment expliquer sinon qu’un journal réputé de référence ne donne pas les clés pour comprendre les enjeux d’un conflit majeur assimilé un peu vite à une guerre civile ?
« Après les attaques lancées par les robots spammeurs de « l’armée électronique syrienne », nos réseaux sociaux sont désormais la cible d’autres commentaires de lecteurs. Les nuances sont plus difficiles à cerner que lorsqu’il s’agissait de textes automatiquement postés une vingtaine de fois, à la gloire de Bachar Al-Assad. S’alarme le Monde.fr.
En Une, le site renvoie sur le blog du social média editor et du community manager qui montent sur le plus beau pied d’estale de la déontologie journalistique pour ramener le lecteur furtif à la bergerie : « L’objectif est le même : verser à nouveau dans la propagande, en semant la confusion quant à la réalité des faits et des enjeux dans la guerre larvée en cours depuis des mois, à Homs et dans tout le pays.«
Evidemment la réalité des faits évoqués ici, ne décolle pas d’une approche strictement factuelle et qui plus est inaccessible : « Le Monde, de même que tous les autres médias, éprouve certes des difficultés à couvrir la situation sur place. » En somme, on nous dit : nous ne parvenons pas à faire notre travail mais ne prenez pas en compte les autres sources. Comme si la minorité de citoyens qui lit encore Le Monde, ne pouvait se prémunir d’une propagande aussi grossière.
La supplique du community manager, qui arbitre l’opinion des lecteurs de son bureau tourne à la parano » De nombreuses réactions à nos articles affirment avec force que, quoi que nous disions sur le sujet, nous avons tout faux. Elles abondent notamment dans les théories du complot et accusations de manipulation » Et le community manager de dénoncer les instigateurs de cette manipulation comme le fondateur de Réseau Voltaire Thierry Meyssan dont la personnalité controversée et certaines de ses relations incitent à faire le tri dans ses propos (voir Mensonges et vérités sur la Syrie).
On objectera cependant que dans un contexte où la manipulation de l’opinion est omniprésente, le libre citoyens n’a pas à choisir un camp pour se forger son opinion. S’informer sur ce qui se passe en Syrie n’est pas aisé. Cela suppose d’avoir recours à des sources qui traitent le sujet en profondeur et à croiser de nombreux aspects liés à la problématique syrienne : politiques, géopolitique, religieux, économique… Seul un tel examen permet un regard averti sur la propagande, subtile ou grossière, émanant des nombreux protagonistes impliqués dans ce conflit. La vision répandue dans les médias français d’une guerre civile entre un peuple opprimé et les partisans d’un dictateur sanguinaire apparaît particulièrement simpliste.
Reçamment, les services syriens spécialisés ont affirmé avoir arrêté un bataillon français de transmission composée de 120 militaires, à Zabadani en ajoutant que « cette nouvelle explique le changement de ton de Paris, qui fait désormais profil bas, de peur que cette affaire n’affecte la campagne de Nicolas Sarkozy. Alain Juppé a été chargé de négocier avec son homologue russe Sergueï Lavrov pour trouver une solution et libérer les 120 militaires Français ».
Cette information a été démentie par Le Réseau Voltaire : Nous n’avons pas trouvé d’éléments permettant de confirmer les imputations selon lesquelles 120 Français auraient été faits prisonniers à Zabadani. Cette rumeur semble être une exagération de nos informations et paraît sans fondement. Lors de la prise du bastion insurgé dans le quartier de Bab Amr, à Homs, l’armée syrienne a fait plus de 1 500 prisonniers, dont une majorité d’étrangers. Parmi ceux-ci, une douzaine de Français ont requis le statut de prisonnier de guerre en déclinant leur identité, leur grade et leur unité d’affectation. L’un d’entre eux est colonel du service de transmission de la DGSE. »
En revanche, les envoyés spéciaux des grands médias occidentaux sur place ont préféré mettre le couvercle sur cette info*, laissant ainsi à Alain Juppé la possibilité de négocier en secret. La France aurait sollicité l’aide de la Fédération de Russie pour négocier avec la Syrie la libération des prisonniers de guerre.
En cette période de grande confusion, il importe de se rappeler que l’info factuelle doit être mise en perspective. Les Syriens, les Russes et les Chinois n’ont pas le monopole de la propagande. On se souvient de cette jeune femme, témoignant en 1990, les larmes aux yeux, devant le Congrès américain, qu’elle a assisté à des atrocités au Koweit, et notamment qu’elle a vu les soldats irakiens tirer sur des bébés et leur enlever les couveuses. L’identité de la femme est gardée secrète au motif de sa protection. On donna un nombre de centaines de bébés. En fait, l’histoire fut inventée. Mais elle fut répétée par George H. W. Bush et servit à justifier l’entrée en guerre contre l’Irak. La jeune femme était la fille de l’ambassadeur du Koweit à Washington.
Jean-Marie Dinh
*Capturer des ennemis avant qu’une guerre soit déclarée facilite la démonstration qu’il s’agit d’une guerre offensive.
Le moment est historique et constitue, après les élections du 23 octobre, une rupture supplémentaire avec le régime de Ben Ali : l’homme qui, à 66 ans, a été élu à la présidence de la République tunisienne par l’Assemblée constituante tunisienne avec 153 voix sur 217, a été l’un des opposants les plus constants au régime déchu le 14 janvier.
L’élection de Moncef Marzouki consacre une trajectoire personnelle qui détermine les trois traits distinctifs de son positionnement politique :
le refus de toute compromission avec régime de Ben Ali ;
un militantisme déterminé en faveur des droits de l’homme ;
le refus d’ostraciser les islamistes.
Né d’un père opposant yousséfiste (traditionnaliste) à Bourguiba, mort en exil au Maroc, il a vécu son enfance dans une ville du sud, Douz. Il n’est issu d’aucun establishment, ni des villes de la côte d’où vient une partie de l’élite économique et politique tunisienne, comme ses deux prédécesseurs, ni de l’appareil sécuritaire.
Médecin neurologue, formé en France dans les années 1970, il s’est engagé dès 1980 au sein de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) dont il a été le président en 1989 jusqu’à sa dissolution en 1992, alors que le pouvoir veut réformer le statut des associations afin d’y placer ses partisans. C’est l’époque où la répression des islamistes est à son paroxysme, avec l’accord implicite d’une partie de la gauche.
Opposé à toute forme de coopération avec le pouvoir, il rompt avec la LTDH reformée en 1994 et contribue à la formation, en 1998, du Conseil national des libertés en Tunisie (CNLT). Il a été membre de la section tunisienne d’Amnesty International et de l’Organisation arabe des droits de l’homme.
Une plateforme démocratique avec Ennahda
En 1994, il avait tenté de participer à l’élection présidentielle, avant d’être brièvement emprisonné. Puis en 2001, il forme le Congrès pour la République (le CPR), sur une plateforme démocratique, auquel se rallient quelques militants islamistes, à un moment où le mouvement Ennahda bénéficie d’un très relatif allègement de la répression. Exilé en France à partir de 2001, il est le maître d’œuvre, en juin 2003, d »une déclaration commune de l’opposition au régime, en collaboration avec Ennahda.
Deux ans plus tard, les deux partis se retrouveront de nouveau côte à côte dans le mouvement du 18 octobre 2005, avec le PDP et Ettakatol.
Discours antisystème
Son retour d’exil, dès le 18 janvier, ne soulève pas les foules, et s’il envisage dès ce moment la perspective d’une candidature à l’élection présidentielle, il ne sait pas encore que le chemin devra passer par l’élection d’une Assemblée constituante pour laquelle son parti ne semble pas en très bonne posture. Pendant des mois, son service média n’a qu’une maigre revue de presse à se mettre sous la dent.
C’est pourtant le CPR, en dehors d’Ennahda (qui rassemble autour du référent religieux), qui aura le mieux capitalisé sur les aspirations révolutionnaires, notamment auprès des jeunes, séduits par son discours antisystème, sa clarté dans la volonté de rupture avec la dictature et la corruption, sa réaffirmation d’une identité arabo-musulmane militante face à la domination occidentale et sa capacité à utiliser les nouveaux médias sociaux.
Classé deuxième en sièges à l’Assemblée constituante avec trente élus, le CPR a été en position de force pour obtenir la présidence de la République en échange de sa participation au gouvernement d’union nationale aux côtés d’Ennahda, alors que Mustapha Ben Jaafar (Ettakatol), aux manières plus souples que le leader du CPR, était pressenti pour le poste.
Climat pesant
L’événement, tout historique qu’il soit, est pourtant accueilli sans enthousiasme, dans un climat assez pesant. D’abord parce que la situation sociale, bientôt un an après le suicide de Mohamed Bouazizi, n’offre guère davantage de perspectives aux jeunes chômeurs et que la croissance économique nulle plombe la reprise économique et le moral des ménages.
Le bassin minier de Gafsa est paralysé par des manifestations de chômeurs, des infrastructures comme le port de Gabès sont bloquées par des sit-in et l’UGTT, la puissante centrale syndicale, à quelques jours de son congrès, semble vouloir marquer son opposition à l’accession au pouvoir d’Ennahda, et montrer sa capacité de nuisance, alors que les dossiers de corruption de ses dirigeants pourraient arriver bientôt entre les mains de la Justice.
Marchandages politiques
L’Assemblée nationale constituante ( Photo Thierry Brésillon)
C’est dans ce contexte que l’élection de Moncef Marzouki est intervenue, au terme d’un très long processus de tractations politiques entre les trois partis de ce qu’il est désormais convenu d’appeler la troïka :
Ennahdha,
le CPR,
Ettakatol (social-démocrate).
Après deux semaines de négociations informelles entre les partis à partir du 8 novembre, puis deux semaines de travail en commission à l’Assemblée, il aura encore fallu encore une semaine de débat pour voter, l’organisation provisoire des pouvoirs qui tiendra lieu de constitution jusqu’à l’élaboration de la Constitution définitive, et procéder finalement à l’élection du président de la République.
Probablement inévitable, ce long accouchement est aussi le résultat de la volonté de ne négliger aucune étape de la refondation politique de la Tunisie. Mais il a offert le spectacle de marchandages politiques où les attributions respectives des différentes autorités se négociaient contre des places au gouvernement.
Une présidence faible
La première version du texte qui a fuité dans la presse le 26 novembre a déclenché un véritable tollé tant il concentrait les pouvoirs entre les mains du Premier ministre, poste qui est revenu à Hamadi Jbali, secrétaire général d’Ennahda.
Les jeunes militants du CPR ont pris leurs élus à partie. Non seulement les ministères de la Justice et l’Intérieur vont probablement échapper au CPR, mais la présidence promise à Moncef Marzouki était dépourvue de pouvoir réel, en particulier de l’autorité directe sur le ministère de l’Intérieur qu’il exigeait.
En dehors des attributions classiques d’un chef d’Etat (chef suprême des armées, promulgation des lois…) et de la nommination du Mufti de la République, il n’a aucun contrôle sur l’action du gouvernement. Seules modifications obtenues lors des débats, le président de la République « fixera en concertation et en compromis avec le chef du gouvernement les contours de la politique étrangère du pays », il décidera de la même manière des nominations militaires et diplomatiques de hauts rangs.
Le CPR a également obtenu qu’Ennahda et Ettakatol reviennent sur l’engagement de limiter le durée de la Constituante à un an et le mandat de la Constituante, et donc celui du chef de l’Etat, est désormais indéterminé et prendra fin une fois la nouvelle Constitution adoptée.
« Fakham » Ghannouchi
L’activisme international de Rached Ghannouchi, auquel certains présentateurs télévisés donnent du « Fakham » (Excellence) depuis le 23 octobre, alors qu’il n’est que le président du parti Ennahda et ne dispose d’aucune fonction officielle, laisse sceptique sur la consistance du rôle du nouveau chef de l’Etat en matière diplomatique.
Le leader islamiste s’est notamment rendu aux Etats-Unis début décembre à l’invitation du magazine Foreign Policy. Au cours de ce voyage, il a en particulier donné des assurances à des représentants d’organisations pro-israéliennes que la Tunisie n’inscrirait pas dans sa Constitution l’interdiction de la normalisation des relations avec Israël, alors que son parti avait milité pour que cette disposition soit inscrite dans le pacte républicain adopté par la Haute instance début juillet.
La division de la gauche
Une manifestante devant le Bardo, le 1er décembre 2011. Photo Thierry Brésillon
Autre motif de morosité, la participation du CPR (et d’Ettakatol) à un gouvernement avec les islamistes consacre la division de la gauche.
Le clivage semble désormais profond entre la ligne défendue par le CPR d’une coopération politique avec les islamistes, et la gauche « moderniste » qui n’a de cesse de dénoncer la trahison de partis qui ont « vendu leur âme pour des portefeuilles ministériels », au risque de cautionner l’instauration d’une « nouvelle dictature islamiste ».
Moncef Marzouki cristallise sur sa personne toute la révulsion qu’inspire à la gauche laïque l’idée de coopérer avec Ennahda.
Lors de la conférence de presse qu’il avait donnée le 26 octobre, le leader du CPR a pourtant assuré qu’il serait « le garant des libertés et des valeurs universelles ».
« J’ai toujours considéré qu’on […] qu’on instrumentalisait cette peur de l’islamisme. Le régime justifiait la dictature par la peur de l’islamisme, et l’Occident justifiait son soutien à la dictature par la même peur. C’était un fantasme. En Tunisie, nous avons la chance d’avoir un islamisme modéré […]. »
« A la question “Comment peut-on être laïque en terre d’islam ? ”, la réponse est qu’on ne peut pas l’être ou à la façon d’un corps étranger dans un organisme.
La bonne question est plutôt : “Comment défendre en terre d’islam, non la forme, mais l’essence des valeurs défendues en France sous la bannière de la laïcité à savoir l’égalité, la liberté et la fraternité ? ” Or ces valeurs peuvent et doivent être défendues face à la montée des intégrismes sous la bannière de la démocratie, qui a le double mérite d’être plus universelle et moins chargée de connotations anti-religieuses.
Toute tentative de mélanger les genres et d’assimiler la démocratie à la laïcité ne servira qu’à affaiblir le projet démocratique arabe au seul profit de l’intégrisme. »
Désormais au sommet de l’Etat arabe le mieux engagé dans la transition démocratique, Moncef Marzouki pourra-t-il être l’agent de cette troisième voie démocratique entre dictature islamiste et régime autoritaire ? Lui qui fut l’homme de l’opposition intransigeante à Ben Ali, devra être à la fois l’homme de la rupture et de la réconciliation des Tunisiens avec leur double héritage, islamique et moderne.
L’émergence de la Chine comme puissance montante de cette fin du 20ème siècle résulte de sa capacité prouvée de faire cohabiter deux traditions, celle de manier à bon escient les ressources que lui offrent la technologie occidentale tout en consolidant ses traditions propres tissées depuis des millénaires. La question qui se pose est la suivante: le monde est-il entrain d’assister en même temps qu’à l’émergence inéluctable de la Chine à un retour à un monde plus normal, par conséquent moins marqué par une longue et brutale domination européenne?. Assiste-on à l’affaiblissement de l’impérialisme américain et européen? La crise économique et financière si grave aujourd’hui va-elle dans le même sens d’un affaiblissement de l’impérialisme mondial, qui pousse toutes les puissances au désespoir en causant des frictions entre elles chacune cherchant à alléger ses problèmes au dépend de l’autre?
Chacun sait que la domination américaine au Moyen orient représente un argument essentiel pour la réussite de la stratégie mondiale des Etats-Unis qui souhaiterait imposer son modèle au monde entier. En effet les Etats-Unis veulent s’assurer le contrôle des gigantesques ressources pétrolières de la région, ce qui donnera à l’Amérique les moyens de manipuler l’économie mondiale et par conséquent de limiter voire de gommer toute concurrence des autres pays développés. Je pense à la Chine, à l’Inde et probablement la Russie.
Les fondements de la pensée stratégique chinoise
L’apparition de nouveaux acteurs majeurs sur le marché mondial comme la Chine, offrant une toute autre stratégie d’échange et de relations basées sur un partenariat d’égal à égal, peut fortement gêner la puissance américaine notamment dans sa quête inlassable de grandes espaces et de nouvelles sources de matières premières en tête desquelles le pétrole notamment dans la région arabe et en Afrique, dans le but de mieux diversifier son approvisionnement.
Sans vouloir verser dans un anti-américanisme primaire, je note que les Etats-Unis sont aujourd’hui dans l’incapacité de peser sur les grands bouleversements mondiaux. En choisissant souvent la facilité et le court terme dans la conduite de leur politique étrangère, ils ne sont plus aujourd’hui à l’abri de nouveaux concurrents déterminés à repenser les termes du débat stratégique, dans un espace désormais fragmenté.
En somme, ils entretiennent la peur d’un empire somme toute théâtral et d’une expansion narcissique notamment dans le monde arabe. Le résultat désormais consommé, l’échec dans la réalisation de leurs objectifs stratégiques, l’exemple irakien et afghan en est l’illustration parfaite. L’apparition d’acteurs majeurs sur la scène mondiale dont les Etats-Unis sont incapables de contrôler, particulièrement la Chine, est de nature à compliquer davantage une tâche déjà complexe pour les Américains. Cette situation ouvre un boulevard pour la Chine, puissance montante, qui semble décider à utiliser tous les moyens en sa possession pour jouer à fond sa chance.
Il est opportun de signaler à titre d’exemple la réussite du rapprochement entre la Chine et l’Amérique latine, qui peut servir d’exemple à reproduire dans le monde arabe. En effet, l’Amérique latine trouve dans le commerce avec Pékin, un marché parfaitement en état de recevoir ses produits. La Chine importe du Brésil des quantités importantes de produits extraits du soja. De son côté le Venezuela de CHAVEZ, a négocié avec la Colombie pour construire un oléoduc vers sa côte pacifique. Cette plateforme a pu accroître les exportations pétrolières de Caracas vers la Chine, privant ainsi les Etats-Unis d’une manne dont elle en a tant besoin surtout que l’Amérique dépend du Venezuela à hauteur de 14% de leur importation en pétrole. Cet exemple de rapprochement réussi sino latin, est-il en cours de se reproduire au Moyen-Orient et au Maghreb?
Le rapprochement entre la Chine et le monde arabe semble être une opportunité stratégique pour les deux parties, même si l’un des deux partenaires a pris plusieurs longues d’avance sur l’autre. En effet si la Chine semble aller de l’avant, le monde arabe donne encore au monde l’image d’une région divisée, sans aucun dessin politique et stratégique commun, incapable de s’unir autour de sujets d’importance majeure engageant l’avenir des peuples de la région. Toutefois les printemps arabes déclenchés par la révolution tunisienne et égyptienne, permettent d’espérer un retournement de situation et la mise en place de politiques économiques plus en phase avec les aspirations des peuples arabes. La Tunisie puis l’Egypte, le Yémen et la Syrie en attendant que d’autres pays du monde arabe ne connaissent à leur tour des bouleversements profonds qui pourraient bouleverser non seulement le monde arabe, mais aussi les relations qu’il entretient avec le reste du monde, notamment la Chine
En quoi, la Chine peut-elle en tirer profit de cette nouvelle donne arabe? En grande puissance, la Chine suit la situation de très près, même si elle se refuse à la commenter .En effet la possible onde de choc des évènements dans le monde arabe fait craindre aux dirigeants chinois le risque d’une contagion, pourtant hautement improbable, à la Chine. Comment la Chine va-t-elle se comporter? Jusqu’à quel point les troubles qui secouent le monde arabe, peuvent-elles peser sur la situation interne de ce grand pays, sachant que ce type d’évènements est toujours traité avec une grande prudence, et le plus souvent assimilé à une forme de chaos dont il faut se méfier.? Autant de questions que ce travail se propose d’y apporter une esquisse de réponse.
Pour bien comprendre la politique chinoise en vers le monde arabe, il est opportun de rappeler les fondements notamment intellectuels de la pensée stratégique chinoise qui dictent la nature et le contenu de sa politique étrangère. Il faut admettre que l’espace stratégique mondial considéré jusqu’à lors comme unique, et homogène, est probablement en passe de laisser la place à un espace stratégique mondial fragmenté. Qu’il s’agisse de l’Amérique latine ou de la Chine, des puissances dites émergentes concurrencent sur le terrain politique et économique, des puissances jadis bien établies. Parmi ces nouveaux acteurs menaçant l’hégémonie stratégique américaine, la Chine se place en bonne position. Cette dernière a en effet décidé de projeter en dehors de son environnement immédiat, sa vision du monde partant des fondements de sa pensée stratégique.
Une des bases de la stratégie chinoise c’est qu’elle s’inscrit presque toujours dans le long terme et cherche avant tout à influer sur les tendances lourdes. Elle ne se construit pas dans la précipitation et par conséquent s’inscrit dans la durée, tenant compte à la fois de l’environnement et des stratégies des concurrents directs. Elle s’appuie sur des comportements inébranlables, celui de l’écoute, l’absence de préjugé et d’arrogance et enfin la disponibilité et sa capacité à s’adapter à toutes les circonstances extérieures. En somme ce premier fondement de la politique étrangère chinoise peut être résumé en une phrase: moduler la situation, ne surtout pas la forcer.
Le deuxième fondement de la stratégie chinoise, s’appui sur une conception nuancée du monde contrairement à la vision occidentale qui adopte souvent une approche plutôt dualiste et cartésienne du monde. La conception chinoise du monde qui influe largement sur sa stratégie se résume en un mot « le soft power ». Si le hard power se réfère à l’utilisation des outils traditionnels mis à la disposition d’un Etat à savoir la coercition, en brandissant la menace de représailles militaires, ou encore l’incitation économique et financière, à l’opposé le soft power, fait appel à l’habilité pour un Etat d’obtenir ce qu’il désire par le pouvoir d’attraction du rayonnement de sa culture et de sa civilisation, de sa conception des relations internationales et plus particulièrement de sa diplomatie. Il a pour effet de propulser l’Etat ou la puissance en question sur la scène mondiale et d’attirer l’attention des autres acteurs sur la spécificité d’un acteur donné.
La Chine a misé sur le soft power dont l’objectif est moins d’imposer un système ou une manière de voir que d’influencer imperceptiblement ces partenaires à travers le monde. Ce qui m’amène à penser que la Chine tout en utilisant la puissance de son économie, elle s’appuie aussi sur ce mécanisme du soft power, mettant en avant la force de sa culture plurimillénaire et sa population, deux vecteurs essentiels aujourd’hui de sa puissance politique et économique. La multiplication des instituts Confucius (1) à travers le monde en est l’exemple parfait du rayonnement culturel de la Chine.
La politique de la main tendue tout en souplesse avec des acteurs partenaires, semble être d’une grande efficacité au Tiers-monde, particulièrement en Afrique et depuis un certain temps dans le monde arabe. Il faut rappeler que la Chine se considère d’abord comme un pays du Sud, ayant optée pour une vision singulièrement différente des autres puissances, basée sur l’écoute et la non ingérence pour se rapprocher de nouveaux partenaires et gagner la confiance. Cette phrase prononcée par le président nigérian Olusegun Obasanjo lors du dîner officiel offert en avril 2006 au Président Hu Jintao, en dit long sur le charme qu’exerce en permanence la Chine sur ses partenaires africains : « Nous souhaitons un jour que la Chine dirige le monde, et quand ce sera le cas, nous voulons être juste derrière vous ». Le grand stratège chinois Sun Tzu, auteur du premier traité de stratégie militaire écrit au monde « stratégie militaire du maître Sun », dans le quel, il développe des thèses originales qui s’inspirent de la philosophie chinoise ancienne. Il disait pour en citer un exemple que les armes sont de mauvais augures, car le vainqueur sera haï par le vaincu et ses ressources seront d’autant plus difficiles à exploiter sur la durée. La Chine semble avoir retenu cette leçon dans sa relation avec les pays du Sud, plus que toutes autres puissances du moment, Etats-Unis en tête.
La diplomatie chinoise dans le monde arabe, s’inscrit dans la droite ligne de la politique extérieure de l’empire du milieu, énoncée pour la première fois en 1953 par celui qui était le ministre des affaires étrangères Chou En-Laï. Quelques principes majeurs fondent la nouvelle diplomatie chinoise dans le monde arabe: respect mutuel, non agression, non ingérence dans les affaires internes, relations basées sur l’égalité, les bénéfices mutuels et la coexistence pacifique.
Le multilatéralisme chinois en dehors de l’Asie
Très tôt, lors de la conférence de Bandung en 1955 et dans l’euphorie révolutionnaire, la République populaire de Chine a manifesté un intérêt pour l’Afrique et le monde arabe, ce qu’on désignait à cette période par le Tiers-monde. Une trentaine de pays qui pour la plupart venaient d’accéder à l’indépendance, comptaient désormais peser sur la politique internationale. C’est l’économiste et le démographe Alfred Sauvy qui est à l’origine de l’expression « Tiers Monde », en effet dans un article publié dans le Nouvel Observateur en 1952, désigne pour la première fois ses pays nouvellement libres sous le terme de Tiers Monde, en allusion au Tiers Etat qui avait provoqué la Révolution française (2). L’on peut lire à Alfred Sauvy notamment ce passage : « car enfin, ce tiers monde ignoré, exploité, méprisé comme le tiers état, veut lui aussi, être quelques chose ».
Trois acteurs vont organiser la philosophie tiers-mondiste : l’IndienJawarharlal Nehru qui a succédé à Gandhi et qui veut mettre en avant la nécessité d’une union et d’une lutte par des moyens pacifiques,
l’Egyptien Gamal Abdel Nasser, qui symbolise le nationalisme arabe et Zhou Enlai, premier ministre chinois qui fort du prestige et de la puissance numérique de la Chine populaire, voulait lui donner, l’image d’un pays soutenant les luttes contre toute forme d’impérialisme mondial.
Ils se définissent contre les essais nucléaires, la politique des blocs, et le colonialisme. La Conférence de Bandung se tient du 18 au 24 avril 1955 et regroupe 29 pays (15 asiatiques, 9 du Moyen-Orient et 5 africains). L’Afghanistan, la Birmanie, le Cambodge, Ceylan (l’actuel Sri Lanka), la République populaire de Chine, l’Inde, l’Indonésie, le Japon, le Laos, le Népal, le Pakistan, les Philippines, Siam (l’actuelle Thaïlande), la République populaire du Vietnam, l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Iran, l’Irak, la Jordanie, le Liban, la Syrie, la Turquie, le Yémen la Côte-de-l’Or (l’actuel Ghana), l’Éthiopie, le Libéria, le Soudan et la Libye. La République populaire de Chine a été également membre pendant un temps du mouvement des non-alignés crée suite à la déclaration de la Havane en 1949. Son but est d’assurer : l’indépendance nationale, la souveraineté, l’intégrité territoriale et la sécurité des pays non alignés dans leur lutte contre l’impérialisme, le colonialisme, le néo-colonialisme, la ségrégation, le racisme, le sionisme, et toute forme d’agression étrangère, d’occupation, de domination, d’interférence ou d’hégémonie de la part de grandes puissances ou de blocs politique.
La Chine a été le premier pays non arabe à reconnaître le gouvernement provisoire d’Algérie, créé en septembre 1958. Si après la mort de Mao Zedong, la présence chinoise en Afrique est devenue plus discrète, se limitant à certains investissements ciblés comme au Bénin, la Chine a rapidement repris une politique de rapprochement avec des pays africains et arabes, comme en témoigne l’intérêt de la Chine pour l’Egypte et l’Algérie et récemment pour le Maroc. En effet la Chine considère l’arabisme comme une variante du tiers-mondisme, il est également l’expression de la lutte des classes et ses partisans les plus acharnés se plaçaient dans son camp.
Depuis toujours, fidèle à sa stratégie de petits pas, la diplomatie chinoise est fondée sur le principe du développement pacifique, orientation confirmée après l’accession au pouvoir de Hu Jintao en 2002. Tout en privilégiant des relations harmonieuses et stables avec ses voisins asiatiques, la Chine, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, aujourd’hui première puissance démographique et deuxième puissance économique mondiale, cherche à se placer sur un pied d’égalité avec les autres grandes puissances mondiales qu’il s’agit des Etats Unis, de la Russie ou de l’Union européenne. Se faisant Pékin développe sa présence économique via des partenariats solides avec les pays du Sud notamment en Afrique et dans le monde arabe. La politique chinoise est une politique caractérisée par des évolutions en petites touches, l’objectif étant de défendre les intérêts du pays notamment l’accès aux hydrocarbures sur le long terme. Pékin défend ses intérêts vitaux sous couvert de la solidarité avec les pays du Sud et profite de sa puissance pour réaliser ses desseins stratégiques au risque souvent de créer le ressentiment et de faire peur.
Le développement économique de la Chine et son appétit insatiable en pétrole, lui impose de redéployer sa diplomatie afin de s’assurer des disponibilités en matières premières, ce qui pousse aujourd’hui le pays à se tourner vers l’Afrique, l’Amérique latine et le monde arabe. La pénétration chinoise en Afrique est à cet égard emblématique et surtout à contre-courant de la stratégie européenne et américaine, puisque Pékin par altruisme n’en conditionne jamais son aide et ses investissements souvent colossaux à un quelconque critère politique. Il faut signaler que les principaux partenariats noués par la Chine, en dehors de l’Asie orientale, se fondent sur des coopérations économiques ou militaires ciblées avec des partenaires finement choisis.
Dans le cas du monde arabe, particulièrement au Moyen-Orient, la Chine a signé des partenariats surtout avec l’Arabie Saoudite grand producteur et exportateur du pétrole et l’Iran dont les relations avec c e pays sont excellentes.
En ce qui est de l’Afrique, les liens sont étroits avec des pays comme l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, deux pays richement dotés en matières premières et qui n’oublient pas le soutien de Pékin dans la lutte contre l’apartheid et plus largement dans leur lutte contre la colonisation britannique. La Chine a également lourdement investit dans trois pays producteurs de pétrole, je veux parler du Nigeria, de l’Angola et du Soudan. S’agissant de ce dernier, Pékin a fortement investi dans l’exploitation et dans le raffinage du pétrole, mettant une sourdine sur le conflit de la province du Derfour, considérant la question comme une affaire interne au Soudan, ce qui ne l’a pas empêché d’envoyer une force multinationale d’interposition dans la province. Mais qu’en est-il de son action en direction du monde arabe?
La Chine et le monde arabe, des intérêts partagés
La politique étrangère de la Chine repose sur les principes généraux stipulés par le paragraphe 12 de la constitution chinoise : rôle de locomotive de la Chine pour les pays du Tiers-monde ; non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats ; coopération bilatérale et multilatérale mutuellement avantageuse, c’est le principe de développement pacifique, qui a été confirmé en 2002 par l’accès à la tête de la Chine de Hu Jinato
La diplomatie chinoise poursuit quelques objectifs majeurs, en tête desquels se trouve le développement économique du pays, ce qui vient en soutien au deuxième objectif, celui de la consolidation de son statut de grande puissance émergente. On peut en citer un troisième et non des moindres, celui d’assurer la pérennité du régime communiste au pouvoir, probablement l’objectif prioritaire aujourd’hui. En effet l’effondrement de l’Union soviétique, a persuadé les différents dirigeants communistes chinois, de Deng Xiaoping à ses successeurs, Jiang Zemin puis Hu Jintao, aujourd’hui, de poursuivre non seulement les réformes et le développement du pays mais d’accélérer son intégration à l’économie mondiale, considérée comme une condition sine qua non à l’accès au statut de puissance à la fois politique et militaire.
Bastion de la plus grande révolution communiste survenue dans le Tiers Monde, et lieu de ressourcement de nombreux espoirs révolutionnaires, la Chine accélère son développement économique et son ouverture au monde extérieur, tout en renouant avec son riche héritage culturel et historique national, se faisant elle est probablement en cours de réussir une action de réforme en profondeur de la société internationale. En renforçant sa diplomatie économique et ses échanges culturels avec le monde extérieur, la Chine considère en effet que le contexte international est favorable à la réalisation de ces objectifs si liés.
Dans ses conditions perçues comme propice, favorisant les opportunités stratégiques, la Chine marque sa volonté non seulement de prendre part au nouvel ordre international qui se profile mais surtout de le façonner et l’adapter à ses intérêts vitaux tout en en évitant de heurter frontalement les Etats-Unis.
L’action de Pékin à l’extérieur, se présente désormais comme la diplomatie d’un nouvel ordre mondial, mettant en avant la nécessité de promouvoir une approche nouvelle des relations internationales basée sur la justice et la raison dans la conduite des affaires du monde. En somme aider à sortir d’un monde mono polaire rendu possible par l’éclatement de l’Union soviétique et favoriser la promotion d’un multilatéralisme effectif, enjeu majeur de ce début du 21ème siècle.
La vocation à l’hégémonie de la Chine qui n’est pas que symbolique, est en passe de se transformer en aspiration à la domination territoriale et politique de certaines zones stratégiques dont le monde arabe en fait partie intégrante. A la fin des années soixante dix, la diplomatie chinoise jusqu’à la teintée de coopération militante sur fond d’idéologie tiers-mondiste, est rapidement passée à une nouvelle approche diplomatique marquée par le réalisme et le pragmatisme dans ses rapports avec les pays arabes et africains.
On posera deux questions essentielles: comment la Chine influence-t-elle le monde arabe et comment ce dernier peut l’influencer en retour après les printemps arabes qui va sans dire inquiète le pouvoir communiste chinois?
Depuis le 8e Congrès du P.C.C., en 1956, la République Populaire de Chine s’est lancée dans une politique d’ouverture bien au delà de sa zone d’influence régionale, notamment vers l’Amérique latine, et particulièrement l’Afrique à qui l’empire du milieu consacre plus de 40% de son aide extérieure et une partie du monde arabe. Cette nouvelle phase politique l’a obligé, à dessiner une stratégie chinoise pour le Tiers Monde, avec pour enjeu de taille, la satisfaction de ses besoins grandissants en matières premières et contre balancer autant que faire se peut la puissance américaine sans véritablement rentrer en confrontation directe avec les Etats-Unis. Si en Asie, la stratégie de Pékin se résume à une équation simple: s’imposer comme la première puissance face au Japon, son concurrent direct, ce qui peut donner à la politique asiatique de la Chine une connotation impériale, qu’en est-il de sa politique arabe?
Depuis la décennie quatre vingt, Pékin a instauré un partenariat solide avec le monde arabe. Dans une de ses interventions, l’ancien ambassadeur chinois au Maroc, Cheng Tao, a clairement dévoilé les atouts et les arcanes de la politique étrangère de la Chine dans cette partie du monde. C’est une politique basée sur le respect mutuel de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, tout particulièrement sur le bénéfice réciproque « gagnant-gagnant » ou « win-win », déclarait-il.
Tout comme sa politique africaine, l’action de Pékin au Maghreb et au Moyen-Orient se résume à une politique d’occupation de terrain via des partenariats et des forums économiques. Un des constats stratégiques parfaitement intégré par la diplomatie pékinoise, est que la Méditerranée est un lieu de présence des puissances du moment, la Chine est par conséquent consciente de la nécessité d’intégrer cet espace. Parallèlement certains pays arabes cherchent à diversifier leurs relations en s’ouvrant à de nouveaux acteurs émergents, cherchant ainsi à sortir du suivisme économique et politique qui a jusqu’à présent caractérisé leurs rapports avec l’Occident en général et les Etats-Unis en particulier. Ces tentatives menées par les Etats arabes, ont permis de densifier leurs relations avec un ensemble de pays désigné par ces quatre lettres « BRIC », en l’occurrence Brésil, Chine, Inde et Russie. Ce rapprochement s’est opéré dans le cadre d’un mouvement Sud Sud, mené par des pays d’Amérique du sud, notamment le Brésil et des pays nord-africains principalement l’Algérie et des pays arabes du Moyen-Orient, avec le soutien de la Chine et la Russie. Ce désir des pays arabes de développer des politiques étrangères multidirectionnelles et de diversifier leurs rapports commerciaux internationaux, n’a pas échappé à la vigilance de Pékin, qui s’intéresse d’autant plus au monde arabe, que les derniers bouleversements de cette partie du monde, inquiètent la Chine .
Aujourd’hui, la Chine figure parmi les premiers partenaires commerciaux de nombreux pays maghrébins notamment de l’Algérie dont il est le sixième fournisseur. La pénétration chinoise du marché maghrébin est réelle, aujourd’hui nombreuses sont les entreprises chinoises dans le domaine du bâtiment ou encore dans la téléphonie, qui sont devenues de véritables rivales des groupes occidentaux notamment français comme Dumez ou encore Bouygues. La Chine multiplie depuis quelques temps, la construction d’infrastructure, secteur dans le quel les compétences et le savoir-faire chinois sont indiscutables. La Chine a entamé un large redéploiement des activités de ces grands groupes industriels vers l’Afrique du Nord principalement dans le textile, l’électronique et l’alimentaire, permettant ainsi à la Chine d’occuper le terrain et de promouvoir ses produits. La présence économique et le développement commercial avec ces pays semblent être les deux piliers du projet socialiste chinois, en somme le business, ce qui est pour le moins paradoxal car c’est un mode de pensée que Mao n’aurait jamais imaginé.
En effet, la priorité de Pékin, n’est plus celle de Mao, unifier le Tiers monde sous la bannière du socialisme chinois, désormais la Chine est avant tout en quête de stabilité par et pour la croissance économique, dans la quelle le monde arabe est appelé à jouer un rôle déterminant. C’est partant d’un activisme diplomatique très dense notamment en direction du Maghreb et surtout du Proche et Moyen-Orient, tentant par la même un certain contrôle de l’islam mondial.
Au Maghreb, la Chine joue de tous son poids pour tirer profit de relations plutôt solides avec les pays du Maghreb comme avec le reste du monde arabe notamment avec les palestiniens. Elle est par conséquent dans une position favorable pour tisser des liens solides, partant d’un fort capital de sympathie et de confiance accumulé dans les cinq dernières décennies.
Le regard du monde arabe en vers la Chine se résume en deux idées phares: la Chine à l’OMC, peut infléchir le commerce mondial vers plus d’équité et de justice économique et permettre au monde arabe de bénéficier d’une meilleure chance en terme d’investissements internationaux. C’est du moins ce qu’attend le monde arabe de la Chine. En effet la montée en puissance de la Chine et son entrée à l’OMC en 2001 a entraîné un bouleversement de réorientation des flux commerciaux internationaux. Les pays du Maghreb n’ont pas été épargnés des effets de la montée en puissance de la Chine. Un pays comme le Maroc a ressenti les effets sur certains secteurs d’activités comme le textile habillement. Certaines analyses économiques marocaines font état d’un déficit commercial important dans les relations de la Chine avec Rabat, en effet si Pékin est devenue en l’espace de quelques années le troisième fournisseur du Maroc, elle ne représente néanmoins que son 18ème client
Le Maroc travaille à des relations plus équilibrées avec la Chine basée sur un véritable partenariat, il se place dans les priorités de la politique extérieure chinoise. Partant de sa position géographique, espace d’intérêt commun entre l’Afrique et la Chine, le Maroc veut jouer pleinement la carte de la profondeur stratégique que représente pour ce pays l’Afrique et dont on connaît son importance aujourd’hui pour Pékin. Il cherche à faire valoir sa position de concentrateur commercial et financier régional, au carrefour des marchés européen, américain, africain et arabe, très attractif aux entreprises chinoises.
Le but recherché pour le Maroc est de s’associer à la dynamique conquérante des entreprises chinoises dans le continent et passer ainsi d’un cadre concurrentiel à un cadre partenarial. Parallèlement, Pékin veut faire du Maroc une plate-forme pour leurs exportations vers l’Europe et les Etats-Unis. La déclaration d’un chef d’une délégation d’hommes d’affaires chinois représentant la province de Zhijiang lors d’un déplacement au Maroc est à cet égard signifiante: « nous examinons avec les responsables de la région, la possibilité de créer des usines comme on l’a fait dans d’autres pays. Nous manquons de ressources naturelles, mais nous avons des ressources humaines dynamiques et qualifiées ».Il est vrai que la position géographique stratégique et la nature de son système politique très particulier, offrent des atouts majeurs à la pénétration chinoise, même si les récents printemps arabes viennent compliquer quelque peu la stratégie arabe de la Chine, idée que je développerai à la fin de cet article. Développer la connaissance mutuelle des deux nations et rapprocher culturellement les peuples du Sud, figurent parmi les fondements de la politique étrangère chinoise et un pilier de sa stratégie d’approche, qui lui permet d’une année à l’autre d’alimenter sa croissance très souvent à deux chiffres, plaçant officiellement le pays désormais au deuxième rang d’économie mondiale, devant le Japon mais derrière les Etats-Unis du moins pour le moment.
Voulant consolider cette stratégie de pénétration en douceur dans le monde arabe, la Chine a lancé une chaîne de télévision en langue arabe qui diffuse depuis le 25 juillet 2009 des programmes 24 heures sur 24 à destination de 22 pays arabophones, soit près de 300 millions de téléspectateurs potentiels.
L’ambition de ce projet d’après l’autorité de la chaîne, représentée par Zhang Changming, vice président de CCTV est de « montrer la « vraie » Chine aux pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord . Elle s’inscrit dans la volonté du gouvernement chinois de promouvoir sa vision pluraliste du monde en encourageant ses médias à agir en occupant l’espace médiatique mondial.
Outre l’aspect culturel et l’échange inter civilisationnel, qui est certes présent dans l’approche chinoise du monde, la stratégie arabe de la Chine reste dominée par des considérations économiques majeures au centre desquelles le développement de la Chine et l’accès au pétrole occupent une place de choix.
La diplomatie pétrolière est au centre de la stratégie arabe de la Chine
Outre l’Afrique noire, qui abrite près de 10% des réserves mondiales en pétrole et en assure 11% de la production mondiale, offrant à la Chine une possibilité de choix pour diversifier ses approvisionnements, l’Algérie, la Libye et bien évidemment l’Arabie saoudite et l’Iran sont des partenaires stratégiques pour Pékin. Le développement de la Chine et son besoin insatiable en hydrocarbures, ont entraîné un rapprochement remarqué avec les pays arabes exportateurs de pétrole, elle mène une stratégie d’accès au pétrole au centre duquel les liens avec l’Arabie saoudite et accessoirement l’Algérie sont capitales, ce qui n’a pas manqué de créer un bouleversement géopolitique, poussant les Etats-Unis à contrôler de près la pénétration chinoise dans ces pays comme elle a tenté de contrôler la pénétration chinoise en Afrique. En effet Pékin considère son approvisionnement en pétrole comme une question de sécurité nationale
Depuis 1995, la Chine n’est plus autonome, devenant rapidement par la rapidité de son développement industriel, un pays importateur net de pétrole, par conséquent largement dépendant des zones d’approvisionnements, notamment du Moyen-Orient. Cette situation de dépendance énergétique, est devenue rapidement concevable pour les dirigeants chinois au regard du rôle mondial qu’entend tenir la Chine. Jusqu’en 1990, pékin s’approvisionnait en matières énergétiques essentiellement auprès de l’Indonésie, du sultanat d’Oman et d’Iran. La diversification des fournisseurs est devenue une priorité nationale à cause de l’augmentation de la consommation de la Chine et de la raréfaction des réserves de l’Indonésie. Aujourd’hui, la Chine est devenue le deuxième importateur de pétrole d’Afrique, après les Etats-Unis. L’Afrique représente 25 % de l’approvisionnement pétrolier de la Chine, contre 15 % au milieu de la décennie 1980. Il serait par conséquent intéressant de s’interroger sur les conséquences géopolitiques évidentes de ce rapprochement chinois avec les pays arabes les plus riches en pétrole et sur les risques que cela fait courir à la stratégie globale des Etats-Unis dans cette partie du monde.
Les bonnes relations entre la Chine et l’Algérie, sont à cet égard très significatives. Ces relations très cordiales, ont permis d’établir des liens commerciaux et techniques avec le (CSCEC), numéro un du BTP chinois concurrence les groupes occidentaux notamment français et remporte fréquemment des contrats publics. Aujourd’hui, la Chine se présente comme le septième fournisseur de l’Algérie. A titre d’exemple la Sinopec (3) a signé en 2002 un contrat de 420 millions d’euros pour développer le gisement de Zarzaitine au Sahara. Une autre société chinoise, la China National Oil and Gas Exploration doit également construire une raffinerie dans le désert algérien, près d’Adrar.
Ces relations qui se sont bonifiées avec le temps, remontent à la fin des années cinquante, avec le soutien politique et militaire apporté par la Chine nouvelle aux revendications algériennes de libération nationale, qui s’est traduit par la reconnaissance du gouvernement provisoire comme l’unique représentant du peuple algérien. Il faut rappeler ici, que la Chine était le premier pays hors du monde arabe à reconnaître officiellement, le premier gouvernement provisoire algérien en 1958. Parallèlement, la Chine reste reconnaissante pour l’Algérie, qui dès le début l’indépendance algérienne, n’a cessé de soutenir fermement la réunification et l’intégrité territoriale chinoise. La convergence entre les deux pays notamment sur les questions internationales les plus importantes, a facilité leur rapprochement, qui s’est traduit par un partenariat stratégique entre les deux pays, signé à Beijing en novembre 2006.
Si l’on prend en compte, les statistiques officielles tant algérienne que chinoise, le volume d’échanges commerciaux entre les deux pays a totalisé 3,828 milliards de dollars en 2007 et est en nette progression depuis. D’un autre côté, les exportations de l’Algérie envers la Chine ont atteint 1,140 milliards de dollars (+696% par rapport à 2006), tandis que ses importations étaient de 2,688 milliards de dollars (+38%).
En 2002, la Sinopec a signé un contrat pour développer le gisement de Zarzaïtine au Sahara, pour 420 millions d’euros. Le gisement doit fournir entre 1,3 millions et 2,5 millions de tonnes de pétrole par an à la Chine. Une autre société chinoise, la China National Oil and Gas Exploration, a construit une raffinerie à Adrar, dans le désert algérien. Ce volume des échanges a dépassé les 4 milliards de dollars fin 2008 et a avoisiné les 5 milliards de dollars, à la fin 2009.
Alger occupe une place particulière dans l’histoire de la coopération sino-africaine, étant un des rares pays africains à avoir obtenu son indépendance par une dure lutte armée, cet élément a d’emblée resserré les liens entre Alger et Pékin. Pays producteur de pétrole, l’Algérie a rejoint le rang des pays fournisseurs de la Chine. Le partenariat stratégique entre les deux pays, perçu comme un modèle de coopération Sud Sud, n’a cessé de se consolider. La Chine est déjà dans le top dix des fournisseurs et des clients de l’Algérie. Elle a l’opportunité de tirer avantage des secteurs sur lesquels les occidentaux refusent le transfert de technologie, comme à titre d’exemple le nucléaire civil, la médecine nucléaire, l’industrie spatiale, les secteurs militaires ou encore la recherche minière et médicale et d’autres secteurs sur lesquels l’Algérie est bien déficitaire.
Les sociétés chinoises obtiennent par conséquent de très nombreux contrats de construction dans des domaines variés comme la construction navale, aéronavale, l’équipement téléphonique, les forages pétroliers ou encore les logements sociaux. Ce dynamisme des entreprises chinoises s’explique par des prix très compétitifs et par des embauches de main d’œuvre locale, ce qui participe de la lutte contre le chômage plutôt endémique dans ces pays surtout parmi les jeunes diplômés.
Jusqu’en 1990, Pékin importait ses besoins énergétiques principalement d’Indonésie, du sultanat d’Oman, d’Arabie saoudite et d’Iran (5). L’augmentation de sa consommation pétrolière a poussé la Chine à diversifier ses sources d’approvisionnement, en mettant en place une véritable diplomatie pétrolière. L’Afrique reste le continent privilégié pour Pékin, conscient que les réserves du Moyen-Orient sont sous contrôle américain depuis l’invasion et l’occupation de l’Irak. Très rapidement la Chine est devenue le deuxième consommateur du pétrole africain, derrière les Etats-Unis. Des pays comme le Gabon, l’Algérie, leCongo ou encore la Libye répondent parfaitement aux besoins chinois en pétrole et entretiennent de bonnes relations, basées sur le respect mutuel et la non ingérence dans les affaires internes.
Les pays africains producteurs de pétrole affirment que la Chine présente quelques avantages non négligeables en tant que partenaire commercial. Pékin offre en effet son savoir-faire, sa main-d’œuvre et des crédits avantageux pour la construction d’infrastructures. La Chine par conséquent n’impose aucune condition politique préalable à une coopération bilatérale ou multilatérale avec les pays du Sud. Certains vont même jusqu’à considérer la Chine comme un contrepoids à l’hégémonie américaine notamment le Soudan qui a bénéficié d’un soutien entier de la Chine sur la question de Darfour. Ne perdons pas de vue que la diplomatie chinoise a toujours eu une position constante sur le Soudan et considère cette question comme une affaire interne à Khartoum.
En dépit de l’importance des gisements africains, des ressources présumées de l’Arctique ou encore des sites de pétrole offshore du Brésil, aucun Etat ne peut aujourd’hui se passer du pétrole du Moyen-Orient. Abritant près des deux tiers des réserves pétrolières conventionnelles mondiales et près de 40% des réserves gazières aujourd’hui connues, le Moyen-Orient demeure et demeurera certainement l’une des régions clés de production et d’exportation de pétrole brut. Cette région couvrira pour longtemps encore les besoins énergétiques aussi bien des pays riches que des pays émergents en tête des quels la Chine.
Certains États sont en effet des producteurs clé, je veux parler de l’Arabie saoudite particulièrement et accessoirement du Koweït, du Qatar et des Émirats arabes unis, sans oublier, l’Iran qui a une capacité de production considérable .Il faut rappeler que ce pays produisait pas moins de six millions de barils par jour en 1979, il n’en produit aujourd’hui que 4,3 millions actuellement dont la moitié seulement sont destinés à l’exportation soit environ 2,4 millions de barils. S’agissant de l’Irak, ces réserves connues sont aussi importantes, il y a quelques années sa capacité de production, avoisinait les 11 millions barils par jour, il n’en produit aujourd’hui que 2,5 millions barils jour, les guerres successives dans ce pays, et l’invasion américaine, ont eu des lourdes conséquences et ont contribuées à ralentir d’une manière drastique la production de ce pays.
Riyad abrite en effet, le plus grand champ pétrolier du monde, celui de Ghawar (6). La région abrite également des terminaux pétroliers et gaziers majeurs pour l’industrie mondiale des hydrocarbures. Le plus grand, le site saoudien de Ras Tanura, possède une capacité de raffinage de plus de 30 millions de tonnes par an.
Le Moyen-Orient au cœur des enjeux énergétiques: la carte saoudienne
Les gisements pétroliers étant tarissables par définition, le fait que leur localisation géographique ne coïncide pas avec l’emplacement des Etats consommateurs, font que l’exploitation et l’accès à ses ressources stratégiques, étaient et demeurent une source permanente de tensions mondiales depuis les premières découvertes en ce début du XXe siècle. Importatrice nette depuis 1993, avec une consommation qui augmente de près de 15% par an, la Chine est désormais le deuxième consommateur mondial d’or noir après les Etats-Unis, du fait d’un développement industriel important, elle est également le premier marché mondial pour l’automobile
La diplomatie chinoise du Moyen-Orient s’articule en deux volets, bilatéral et multilatéral. Elle oscille entre sa dépendance croissante vis-à-vis du pétrole de la région, impliquant des concessions politiques, et sa volonté de s’affirmer comme puissance responsable dans les affaires régionales et internationales, notamment sur la question palestinienne, avec des succès de plus en plus visibles. Je rappelle que la Chine a reconnut l’Etat palestinien au niveau diplomatique depuis le 20 octobre 1988 et n’a eu de cesse depuis de soutenir la solution pacifique du conflit par l’application des résolutions des Nations unies notamment les résolutions 242 et 338.
Si l’axe bilatéral de la diplomatie moyen-orientale de la Chine s’étend à l’ensemble des pays de la région, mettant de côté les aspects politiques, Pékin a noué des relations commerciales avec tous les pays de la région en accordant néanmoins une attention particulière à l’équilibre de sa balance commerciale. L’approvisionnement en pétrole en Iran, au Sultanat d’Oman et en Arabie saoudite constitue la priorité de la stratégie chinoise dans la région. En effet, si l’Afrique participe à hauteur d’environ 21%, la région Asie Pacifique à hauteur de 20%, le Moyen orient représente plus 40 % de ces importations en hydrocarbures.
La Chine s’emploie à renforcer des partenariats solides avec les pays riches en pétrole, dans la région du Moyen-Orient, la carte saoudienne occupe une place névralgique dans sa stratégie de diversification de son approvisionnement en or noir. Le Prophète de l’Islam Mohammed a dit une phrase célèbre : « pour ceux qui sont en quête de la connaissance, même la Chine n’est pas trop éloignée ». Depuis des siècles, Arabes et Chinois apprennent les uns des autres et l’histoire de leur amitié remonte aux temps les plus reculés.
Les nations arabe et chinoise ont une longue histoire, elles ont crées des civilisations brillantes et originales. L’histoire des relations contemporaines sino-arabes, démarre à partir 1950, quand les Chinois décident de nouer des liens et des relations diplomatiques affirmées avec le monde arabe. Qu’en est-il du rapprochement entre la Chine et l’Arabie saoudite, premier producteur de pétrole au monde ? Depuis le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays en 1990, le développement des liens diplomatiques, économiques, commerciales voire stratégiques s’est considérablement accru.
Depuis 2001, l’Arabie saoudite a subtilement réorientée sa stratégie pétrolière et ses investissements vers l’Asie, aussi un partenariat stratégique sino saoudien a pris place aux côtés du partenariat stratégique saudi-états-uniens mis à mal par les attentats du 11 septembre. Ce n’est pas un hasard si le premier voyage officiel du Roi Abdallah depuis son accession au trône (août 2005) a eu pour destination l’Asie avec une première escale à Pékin le 22 janvier 2007. Plusieurs accords bilatéraux, économiques et politiques y ont été signés. Il paraît clairement que le royaume saoudien et certaines monarchies du CCG « Conseil de Coopération du Golfe », ont enclenché une orientation très asiato-centrée, on évoque même la conclusion très probable d’un accord de libre-échange entre le CCG et Pékin, ce qui peut renforcer d’autant plus solidement la position des sociétés chinoises en Arabie saoudite, que les négociations d’un accord de libre-échange CCG-UE patinent depuis plus de vingt ans et semblent définitivement s’orienter vers une forme de coopération bilatérale entre l’Union européenne et les pays membres du CCG, souhaitant s’y engager.
La Chine qui a accueilli en 2010 la quatrième session ministérielle du Forum de la coopération sino-arabe, lancé en en 2004, qui se tient tous les deux ans, a fait de ce forum un cadre idéal d’échange et de discussion entre les deux parties. Se faisant, il a conféré une dimension stratégique à la coopération entre la Chine et le monde arabe, axée sur le développement des intérêts communs des deux parties. Sur le plan économique, les deux parties entretiennent des relations très fortes. Les chiffres sont très significatifs à cet égard. L’année 2009, a été une année très dense, puisque à la lecture des statistiques des autorités chinoises, présentées par M. Zhai Jun, vice ministre chinois des Affaires étrangères, le volume des échanges commerciaux entre les deux parties avait atteint plus 100 milliards de dollars et que son pays avait importé quelque 90 millions de tonnes de pétrole en grande partie du Moyen-Orient. Certes la Chine, mais également l’Inde, le Japon et même la Corée du Sud, se placent aujourd’hui dans une position très favorable pour réaliser un partenariat industriel d’une grande importance avec les pays du CCG et particulièrement avec l’Arabie saoudite. Il faut dire qu’outre le facteur pétrolier toujours présent, la proximité géographique des Etats asiatiques avec l’Arabie saoudite et les pays du CCG et les performances économiques indéniables dont ils font objet depuis les trente dernières années, sont de nature à encourager les pays du CCG à renforcer la coopération avec la Chine et lui donner un caractère stratégique pour l’ensemble des parties selon l’équation chère aux chinois « gagnant-gagnant ».
Seulement cette situation n’est pas pour plaire aux Etats-Unis qui tiennent à rester le premier partenaire, considérant cette région comme une « chasse gardée » américaine, elle suscite par conséquent des inquiétudes et des réactions américaines, ce qui est loin d’être loin le cas de l’Europe qui semble se contenter de son rôle de principal perdant de cette concurrence sino-américaine déclenchée par l’Arabie saoudite et les membres du CCG. Seulement voilà la Chine détient un atout de taille, elle dispose de la plus grande réserve en dollars de l’histoire soit plus de 2 000 milliards de dollars en 2009. Avec un dollar historiquement faible, ce stock devient une arme non négligeable. Ceci favorise la position de Pékin de partenaire industriel et financier de premier ordre notamment pour les pays arabes. La performance de l’économie chinoise qui compte parmi la plus dynamique au monde, peut amener Pékin à renforces des relations stratégiques avec ces pays. La question lancinante est la suivante: sommes-nous entrain d’assister à cet affrontement Chine-Etats-unis que l’on annonce comme inévitable depuis des décennies? L’opposition frappante entre le déficit abyssal et non moins régulier des Etats-Unis, représentant aujourd’hui quasiment 100% du PIB américain et le surplus quasi structurel de la Chine qui par ailleurs finance ce déficit américain à hauteur de près de 30% en 2009 (il était de 13% en l’an 2000), peut-il être le fer de lance de cet affrontement? Autrement dit, les Etats-Unis peuvent-il se maintenir encore longtemps comme la véritable colonne vertébrale de la défense et de la protection du royaume saaoudien et des autres monarchies du Golfe. L’avenir le dira.
Néanmoins c’est un autre problème qui gène Pékin aujourd’hui en tous les cas davantage que cet affrontement annoncé avec les Etats-Unis. Je veux parler des révolutions arabes qui ont secoué non seulement la région maghrébine mais quasiment l’ensemble du monde arabe, qui sont probablement entrain de changer l’ordre des choses et le statu quo en vigueur dans le monde arabe depuis les indépendances grâce notamment à l’appui souvent inconditionnel des Etats-Unis et de l’Occident à des régimes corrompus et corrupteurs.
La Chine suit forcément de très près, l’issue de ces révolutions, faisant mine de pas les commenter et mieux de pas s’y intéresser. En vérité, le possible onde de choc des évènements dans le monde arabe fait craindre aux dirigeants chinois le risque d’une contagion, pourtant hautement improbable, à la Chine. Qu’en est-il?
La Chine dans la tourmente des révolutions arabes
La révolution du « jasmin » a été le fer de lance, une rampe de lancement de ce qu’il convient d’appeler désormais le « printemps arabe », qui a vu successivement la chute de deux dictateurs d’un gros calibre, j’ai nommé Ben Ali et Moubarak.
L’effet de dominos est terrible pour les autres, que ce soit en Libye ou le régime pernicieux de Ghadafi cherche à prolonger l’échéance au prix d’un terrible massacre de population civile dans lequel l’impensable était utilisée je veux parler d’avions de combats achetés d’ailleurs à la France dans les années 80 qui bombardent sans distinction.
Ailleurs, notamment au Yémen, l’actuel président Ali Salah au pouvoir depuis plus de trente ans saisit le ballon en vol et annonce qu’il ne briguera pas un nouveau mandat et qu’il ne chercherait pas à installer son fils au pouvoir à sa place ce qui était pourtant programmé.
En Jordanie le roi sent la révolte se rapprocher et annonce toute une série de réformes doublée d’un remaniement ministériel, quant à la Syrie le président Bachar a annoncé également une série des mesures en faveur des couches les plus démunis comme la baisse du prix du chauffage et de l’essence, voilà à mon sens une tentative à la fois insignifiante et tardive pour tenter de relativiser la portée de la contestation qui grandie d’un jour à l’autre, qui atteint aujourd’hui son paroxysme.
Ce qui est acquis, c’est qu’un vent de changement souffle désormais sur le Maghreb et tous le monde arabe et plus rien ne peut arrêter ce désir ardent des populations arabes à une meilleure gouvernance qui passe inévitablement par des changements des régimes autocrates et incompétents qui depuis plus de 20 à 40 ans se sont servis plutôt que de servir. Ces révolutions vont pour le moins bouleverser non seulement les pays arabes, mais également les relations qu’entretenaient ces pays en ébullition avec le reste du monde. Nombre de pays occidentaux observent de près l’évolution des différentes situations avec des solutions différentes apportées ici et là. En grande puissance, la Chine n’échappe pas à cette règle, même si officiellement Pékin se contente d’observer sans prendre une quelconque position, fidèle à sa stratégie de ne pas s’immiscer dans les affaires internes des Etats, du moins en apparence.
Pour autant la Chine s’inquiète à juste titre, notamment des risques à mon sens improbables de contagion notamment dans les provinces musulmanes. La Chine se contente visiblement, d’observer ce sursaut révolutionnaire et adopte une grande prudence dans le traitement des informations en lien avec les pays arabes en proie à des changements en profondeur. Pékin a peur et semble relativiser la portée de ces révolutions, allant jusqu’à déconsidérer ce type de changement comme l’atteste le traitement des médias chinois qui ne s’attardent guère sur les revendications et les origines de ces mouvements. L’objectif étant de ne pas donner des idées aux chinois et notamment aux séparatistes musulmans situés au nord ouest de la Chine. Je veux parler des militants musulmans du Xinjiang, une province autonome semblable au Tibet
Les déclarations de Hu Jintao à propos des manifestations qu’a entraîné le passage de la flamme olympique en Europe montrent que la Chine se sent menacée au Tibet, dans la province du Xinjiang, territoire qu’elle ne veut perdre. La Chine ne perd pas de vue la désintégration du territoire du voisin russe, qui lui fait horreur, encouragés il est vrai par les positions de bon nombre de Russes qui estimaient que leurs dirigeants auraient dû suivre l’exemple chinois. Toutefois la différence est de taille: si en Chine la périphérie s’agite, sans aucun résultat tangible, en Russie c’est le centre qui a implosé, entraînant avec lui la désintégration de l’empire.
Aujourd’hui, la Chine étudie avec inquiétude les mouvements nationalistes et séparatistes qui lui posent de sérieux problèmes à la fois interne mais également de critiques à l’extérieur. Dès lors on peut légitimement s’interroger sur les incidences de ces mouvements et au delà sur l’avenir des relations sino-arabes après cet élan libérateur des peuples arabes? La question est d’autant plus intéressante que la présence de l’islam en Chine populaire n’a commencé que depuis peu à intéresser l’opinion publique mondiale, quand des troubles ont éclaté en 1988-1989 dans le Xinjiang et que des républiques de l’ex-URSS à forte majorité musulmane sont devenues indépendantes en Asie centrale.
Il faut d’abord rappeler que les relations sino–arabes sont très anciennes, commencées par des échanges principalement maritimes, commencés dès avant 500 après J.C, le résultat étant l’installation de quelques commerçants arabes notamment sur les côtes méridionales, principalement dans les a provinces actuelles de Canton, de Fujian, Zhejiang et Jiangsu. Quelques années après l’hégire en 622, on assiste à un début de présence musulmane en Chine, qui s’est renforcée par la suite par le processus d’expansion de l’islam, poussant les Arabes vers une conquête de l’Asie centrale. Ceci a eu pour effet quasi immédiat la conversion de tribus d’origine turque et mongole du centre de l’Asie, alors en contact avec l’empire chinois. Les historiens datent l’implantation de l’islam en Chine en 651 avec l’arrivée des émissaires du calife abbaside Osman Ibn Affan (7).
Le développement du commerce de la soie autour des côtes chinoises a joué un rôle majeur dans l’installation d’une forte communauté arabe en Chine, appelée alors « Fanke » ou hôtes étrangers, dirigée par un juriste « Qadi », dont le mariage mixte a consolidé les liens avec les autochtones. Cette communauté, n’était pas seulement arabe, il existait en effet d’autres groupes ethniques notamment persans, mais tous soudés par une religion, l’islam. L’expansion musulmane s’est poursuit dans l’Asie du centre et du nord, particulièrement par la conversion de la population Uigur en 965, aujourd’hui connue sous le nom de musulmans de la province Xinjiang.
D’après les statistiques officielles des autorités chinoises, les musulmans chinois sont passés de près de 11 millions en 1951 à plus de 20 millions aujourd’hui, alors que d’autres estimations avancent le chiffre de 40 à 60 million, avec plus de 30.000 imams et presque 24.000 mosquées répartis principalement dans les provinces musulmanes de l’empire. Depuis 1980, les séparatistes musulmans de la province autonome du Xinjiang, ont de plus en plus contesté l’autorité centrale de Beijing, néanmoins ce conflit est resté très discret, par conséquent moins connu que la lutte historique des Tibétains contre le gouvernement central chinois.
La Chine craint en effet la contagion des printemps arabes. Les enjeux sont élevés, et Pékin s’inquiète sans aucun doute de ce que le séparatisme musulman devienne une menace importante pour la stabilité politique à long terme de la Chine, à commencer par les régions périphériques du pays. Pékin craint en particulier une coordination de plus en plus efficace entre le séparatisme du Xinjiang et le mouvement d’indépendance actif du Tibet qui a le soutien international principalement des Etats-Unis et de l’Europe. Un autre élément économique donne une importance majeure à la province du Xinjiang dont les importantes réserves pétrolières seraient fortement utiles aux progrès économiques de la Chine, si toutefois elles s’avèrent exactes, notamment dans le bassin de Tarim. Par ailleurs, cette région désertique, renferme d’autres richesses notamment du plomb, du zinc et de l’or, des sources hautement précieuses pour Pékin
L’extrémisme musulman actuel dans le Xinjiang a été inspiré par les changements en profondeur qui ont secoué l’Asie centrale au cours de la dernière décennie. L’indépendance à laquelle ont accédé les républiques musulmanes voisines, conséquence de la dislocation de l’Union soviétique a sans doute alimenté les espoirs des séparatistes du Xinjiang de parvenir à l’autonomie à leur tour. D’autre part la défaite de l’armée soviétique et son retrait dans la difficulté d’Afghanistan a forgé chez les séparatistes musulmans un mental de vainqueur surtout quand il s’agit d’affronter et de vaincre des des puissances mondiales.
Ce qui est certain c’est que l’issue finale de la lutte dans le Xinjiang est loin d’être certaine. La réémergence de l’identité islamique partout en Asie centrale a certainement donné une dimension nouvelle au conflit, aussi la réponse répressive et exclusivement sécuritaire de Beijing ne peut que compliquer davantage la question à l’avenir. A cela s’ajoute le soutien qu’apporte la communauté musulmane et notamment les mouvements jihadistes aux séparatistes du Xinjiang. Dans ce contexte de révolutions arabes contre l’oppression et l’injustice, toute la priorité pour la Chine aujourd’hui est de garder de bonnes relations avec les Etats arabes en majorité musulmans sans heurter la sensibilité des peuples arabes musulmans, tous juste débarrassées de certains de leurs dictateurs, en pratiquant la répression d’autres musulmans, même si Pékin considère ce problème comme une affaire strictement interne. Pékin aura tout intérêt à adopter des mesures plus efficaces permettant aux musulmans de ces provinces de jouir d’une réelle autonomie qui aura un sens dans le cadre d’une administration chinoise plus souple.
Le traitement des médias chinois des printemps arabes, reste très prudent, obéissant à des règles strictes émanant de l’appareil du parti, il rappelle les déboires voire les responsabilités historiques à la fois des Etats-Unis et de l’Europe. Un article du Quotidien du peuple sous le titre ironique « Washington piégé au Moyen Orient » illustre bien la position officielle de la Chine: cet article contient une analyse des contradictions américaines en Egypte, qui entretiennent une position très délicate entre leur soutien à Israël, partenaire stratégique et leur obligation de s’adapter à l’évolution de l’histoire de cette région. Le journal va plus loin en critiquant la politique américaine dans cette région poudrière en des termes très durs, je cite : « Les Etats-Unis jouent avec le feu. Ayant contribué à mettre sous le boisseau les réformes politiques dans la région, ils participent aujourd’hui à créer les conditions de l’émergence de forces extrémistes radicales. Mais si l’Oncle SAM était dépassé par son propre machiavélisme, le pétard qu’il a lui-même allumé pourrait bien lui exploser à la figure ».
Le même journal, revenant sur le dossier égyptien, dans un article portant le nom « l’Egypte a gagné une bataille, mais elle n’a pas gagné la guerre », considère que le problème dans ces pays n’est pas tant la démocratie dont il met en doute l’efficacité et insiste lourdement sur l’inégalité entre les couches sociales égyptiennes et l’absence de partage des richesses dans ce pays, on peut y lire par exemple : « la classe moyenne égyptienne est faible, la bureaucratie, la corruption dominent le système politique, les écarts de revenus sont considérables. La démocratie à elle seule ne viendra pas à bout de ces problèmes. Il y faudra d’abord un long et difficile processus de développement de toute la société égyptienne ».
Dans un autre article d’un autre journal, le China Daily, qui tout en essayant d’analyser les causes politiques, mettant en avant les conséquences sociales et politiques de la crise économique et monétaire mondiale, rappelle que ces révolutions arabes relèvent de questions internes et que par conséquent, il ne faudrait pas s’immiscer, on peut y lire notamment : « la hausse des prix, le chômage et le désordre monétaire sont à la racine des troubles, dont les premières victimes sont les pays en développement à faibles revenus »
La position chinoise semble bien critique de la solution démocratique à tous prix, que semble défendre l’Occident et les Etats-Unis de la manière la plus hypocrite quand on connaît le soutien indéfectible apporté par l’une et l’autre puissance à des régimes corrompus au non de la lutte contre l’extrémisme. La position chinoise insiste sur la nécessité d’un compromis, plutôt que la révolution et ses conséquences directes, le désordre et le chaos généralisé.
Paradoxalement le malaise dans le quel sont plongés certaines démocraties occidentales, que ce soit la France avec ces tergiversations et ses déboires dans le traitement du dossier tunisien, ou encore les Etats-Unis qui ont toujours apporté un soutien sans faille au dictateur déchu Moubarak et l’inaction de ces sois disons démocraties et leur silence criminel sur le dossier syrien, yéménite et bahreïni, ouvre des possibilités pour la Chine qui ne manquera pas de les exploiter. En effet, comme je l’ai rappelé plus haut, l’instauration de la démocratie même embryonnaire par l’arrivée de nouvelles représentations politiques dans les pays arabes, libérés, pourrait faire le bonheur de la Chine par une baisse importante de l’influence occidentale si ce n’est l’éviction quasi totale des puissances occidentales, au bénéfice de Pékin.
Puissance montante indiscutable, la Chine pourrait gagner cette bataille face aux puissances occidentales sur le terrain de l’investissement qu’elle pourrait apporter aux nouveaux dirigeants dont les pays souffrent de graves difficultés économiques tant les demandes et les aspirations à l’égalité économiques sont énormes pour des populations longtemps laissées en marge de toute participation aux richesses de ces pays. Dans ce contexte de crise économique mondiale aggravée pour ces pays par des mois de manifestations, et de récession économique, les priorités politiques pourraient probablement s’effacer devant la convergence d’intérêts strictement économiques. Il est fort possible que les printemps arabes qui ont secoué la conscience mondiale dont les effets ont dépassés le cadre strictement régional, pourraient à court et moyen terme tourner à l’avantage d’un pays qui pour le moins qu’on puise dire n’est pas une démocratie.
Sommes nous en train d’assister à un paradoxe, la montée de la Chine pas seulement en tant que puissance mondiale mais également en tant qua partenaire privilégié des pays du Sud, en partie grâce aux révolutions arabes? L’histoire le dira.
Résumé
Napoléon Bonaparte disait : “quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera”.
Plus d’un demi-siècle après la naissance de la Chine populaire, le cours de l’histoire chinoise apparaît aujourd’hui plus stable sans être néanmoins dépourvus d’interrogations. En dépit d’une image ternie notamment par les évènements tragiques de 1989, la Chine a pu accélérer la marche de son développement économique et son ouverture sur le monde, notamment arabe, renouant ainsi avec son héritage culturel et historique national et une stratégie de pénétration, basée sur le respect mutuel et sur un marché de gagnant-gagnant, ce qui peut probablement permettre aux pays arabes de sortir du verrou américain et occidental.
Résumé en anglais
? Napoleon Bonaparte said, « When China awakes, the world will tremble ».
More than a half a century after the birth of the People’s Republic of China, the course of Chinese
history seems more stable today but not void of numerous interrogations. Despite an image tarnished by the tragic events that took place in 1989 at Tiananmen, China has been able to accelerate its pace of economic development and has opened up to the outside world, notably to the Arab world, reignited its cultural and historic tradition and its strategy of penetration based on mutual respect, and a win-win engagement, which will probably help Arab countries escape American and Western grips.
Notes
(1) Confucius (env. 551- 479 av. J.-C.): Philosophe et penseur chinois, il a exercé une puissante influence sur la culture chinoise et sur son histoire dont on voit encore aujourd’hui les effets. Pour lui, le bon fonctionnement d’une société passe obligatoirement par la connaissance d’un ordre cosmique supérieur porteur de préceptes universels, et par la reconnaissance d’un ordre intime propre à la nature humaine. Car dès lors que l’homme se ressent porteur de la plus grande vertu qui soit et qu’il nomme « noblesse du ciel », il se découvre uni à l’infini comme avec les autres et comprend que l’ordre social ne peut émaner que de sa volonté de développer la perfection qui est en lui. Confucius préconise, à cet effet, de forger nos propres comportements, par amour pour autrui comme pour nous-mêmes, selon cinq principes de base: la bonté, la droiture, la bienséance, la sagesse et la loyauté. A la lumière de la médecine chinoise qui se préoccupe avant tout de soigner la cause du mal, la doctrine confucéenne propose de soigner la cause profonde des désordres sociaux. Les instituts chinois qui se réclament de courant philosophique, ont pour mission de développer la diffusion de la langue et la civilisation chinoise à travers le monde. Même si le premier institut Confucius n’a été lancé qu’en 2004 en Ouzbékistan, l’on compte depuis le début de 2009 plus de 290 instituts répartis sur plus de 98 pays à travers le monde. A titre d’exemple en compte sept instituts rien qu’en France
(2) On désigne par Tiers Etat, le troisième ordre de la société d’Ancien Régime, ils concerne tous ceux qui n’appartiennent ni au clergé, ni à la noblesse et exercent des activités économiques telles que les agriculteurs, les marins, les artisans et commerçants, c’est-à-dire la grande majorité, soit 95% des Français.
(3) China Petroleum and Chemical Corporation ou Sinopec, deuxième pétrolier mondial et premier raffineur en Asie. Ce géant pétrolier chinois est présent dans des zones stratégiques, comme en Afrique, dans le monde arabe et au Kazakhstan dont il contrôle près de 20% du pétrole si l’on croît l’AIE « Agence internationale de l’énergie ». Cet intérêt marqué pour le Kazakhstan résulte de l’existence d’un pipeline de 2.200 kilomètres de long qui permet de relier les côtes de la mer Caspienne à la Chine. D’ici à 2015, cet oléoduc va permettre de transporter environ 6 % des importations de la Chine. Ce qui devrait réduire quelque peu la dépendance du deuxième consommateur de pétrole au monde vis-à-vis du Moyen-Orient et de l’Afrique (76 % des importations chinoises en 2010 et en 2011). Il existe deux autres sociétés aussi importantes, issues toutes d’une réorganisation du ministère chinois de l’industrie pétrolière mise en place entre 1981 et 1983. Il s’agit de « China National Offshore Oil Corporation » (CNOOC), créée en 1982, en vue de développer et d’exploiter les gisements offshore. La troisième est crée en 1988, elle résulte de la transformation du ministère de l’Industrie Pétrolière, devenu lui même compagnie sous le nom de « China National Petroleum Company « (CNPC), chargée de la production on shore.
(4) CCTV-Arabic China Central Television (CCTV), n’est pas la première chaîne arabe, l’empire du milieu n’est donc pas précurseur dans ce domaine, d’autres pays l’ont devancé notamment aux Etats-unis avec la création de la chaîne arabe El Hurra, en Angleterre avec la mise en place de la chaîne BBC arabic ou encore en Russie avec la diffusion de la chaîne Roussya elyoum, en France avec la présence de France24 et en Turquie avec la chaîne TRTarabic
(5) L’Iran exporte 340 000 barils de pétrole par jour en Chine, ce qui place l’Iran comme troisième plus grand fournisseur de la Chine après l’Angola et l’Arabie Saoudite. Les investissements de la Chine dans les infrastructures pétrolières iraniennes comprennent un accord récent de 100 billions de dollars US pour développer le champ pétrolier de Yadavanan, et la construction d’un pipeline pétrolier de 386 Km traversant le Kazakhstan voisin.
(6) Le champ pétrolier de Ghawar est le joyau de la couronne, le plus grand champ pétrolier au monde, s’étendant sur plus de 200 km de zone désertique. Il produit deux fois plus que n’importe quel autre champ et a manifestement contribué à plus de la moitié des ressources du Royaume. La difficulté majeure, c’est qu’il est exploité depuis plus de cinquante ans, et on évoque déjà son assèchement et à terme son déclin.
(7) Othman Ibn Affân Ibn al-Âs Ibn Amîa (579-656) est le troisième calife succédant à Abû Bakr, puis Omar, son règne s’est étalé de 644 à 656. Selon la tradition, il est le premier Mecquois converti à l’islam, conversation intervenue avant l’hégire, mot qui désigne le départ du Prophète Mahommad et de ses compagnons de la Mecque vers Médine, connue avant sus le nom d’oasis de Yathrib en 622.
Préféré à Ali, il suscita des mécontentements autour de lui notamment par la confiscation au profit de son clan d’une partie du butin ramené des conquêtes d’Afrique, d’Asie Mineure et de Perse. C’est sous son règne que la conquête de nouveaux territoires était la plus accrue en l’an 649 où de nombreux territoires africains et espagnols furent conquis. Il fut assassiné à Médine le 17 juin 656 et c’est Ali qui a été désigné par la population médinoise comme successeur en tant quatrième calife de l’islam.
Mohamed TROUDI est chercheur en relations internationales et stratégiques, politologue, spécialiste du monde arabe et musulman. Il collabore à la revue Géostratégiques et intervient régulièrement dans les colonnes de Politique-actu.