Said ferri: « La stabilité de l’Algérie et sa proximité avec l’Europe sont des facteurs d’attractivité »

algerie

Dans cet entretien, Said ferri, représentant en Algérie, de la convention Europe–Afrique du Nord, revient sur la 16eme édition qui s’est déroulée le 15 et 16 février à Bordeaux, évoquant  le développement des startups algériennes, et l’importance de l’économie sociale et solidaire.

Algerie-Eco : Comment voyez-vous l’évolution des start-up algériennes dans l’espace Europe-Afrique du Nord ?

M.Ferri : La mobilité en faveur de l’entrepreunariat, l’innovation, l’économie digitale est la question centrale pour l’intégration économique Europe-Afrique du Nord des start-up algériennes. Cela passe par la mobilisation des écosystèmes d’appui à l’innovation (incubateur, cluster, lab) pour développer des collaborations technologiques et d’affaire croisées avec un accompagnement  de mise en relation accéléré à l’international (réseau de start-up, investisseurs, labs).Les start-up peuvent aussi s’insérer dans leur éco-systéme local (Incubateur ou accélérateur) pour une meilleure proposition de valeur.

Les start-up ont des modes de pensées local mais doivent agir en global  pour s’orienter vers des solutions spécifiques de mass market dans ce vaste ensemble.C’est pourquoi nous pouvons co-construire un nouveau modèle d’engagement structurant pour les start-up algériennes en les accueillant dans des espaces de co-workingpar exemple.Ce peut être un lieu d’exploration de solutions inspirantes communes euro-nordafricaine mais surtoutl’occasion de faire du business et du réseautage avec des investisseurs et Venture capital.On doit par ailleurs imaginer des dispositifs de financement innovant tel que le crowdfunding (financement participatif) pour structurer l’accès au financement.

Pouvez-vous nous en dire plus sur l’économie sociale et solidaire ?

L’Economie sociale et solidaire repose sur des valeurs et des principes communs d’utilité sociale, coopération, ancrage local adapté aux nécessités de chaque territoire et de ses habitants.

Les acteurs de l’Economie sociale et solidaire investissent dans des projets durables, à moyen et long terme dans des champs très divers : environnementaux (notamment la transition énergétique citoyenne),le logement, la santé, la finance (mutualité d’assurance), producteurs en circuits courts, etc. Ils se caractérisent par la coopération (comme dans les Pôles territoriaux de coopération économique) et par l’innovation dans le domaine du travail et de l’emploi.

Dans un monde globalisé, les acteurs de l’ESS rappellent l’importance de la localisation de l’activité économique intégrant les besoins de chaque territoire.De surcroit, ce choix d’une relocalisation économique donne naissance à un cercle vertueux, à plusieurs titres. Au niveau économique et social, les activités fortement territorialisées ont l’avantage d’offrir une importante ressource d’emplois non délocalisables. Ecologiquement, les circuits courts permettent par exemple de développer un mode de consommation responsable et respectueux de l’environnement. Enfin, au niveau sociétal et humain, l’ancrage territorial de l’ESS permet de rétablir des liens sociaux.

Pensez-vous que le climat des affaires en ALGERIE est favorable pour le développement de ces échanges, entre les deux rives ?

La stabilité de l’Algérie et sa proximité avec l’Europe sont des facteurs d’attractivité pour l’investissement direct étranger (IDE) tout comme la diversification de l’économie, vecteur de croissance économique et d’emploi.

La gouvernance et l’action de l’Etat dans l’amélioration du climat des affaires par des mesures de facilitation sont un levier pour l’attractivité des IDE pour l’ALGERIE et un soutien fort à l’entrepreneuriat.

L’amélioration du climat des affaires est plus favorable pour les IDE en ALGERIE par la volonté des pouvoirs publics d’initierun code des investissements incitatif (exonérations fiscales à long terme) même si certains diront que la règle dite 51/49, régissant l’investissement étranger en Algérie est contraignant.

D’un point de vue macro économique, l’Algérie recéle des opportunités de marché lucratives dans plusieurs secteurs à forte potentialité de croissance de long terme tels que l’agriculture, le tourisme, les technologies de l’information, la construction automobile, l’énergie.

Vous pilotez l’un des premiers projet de l’AREEA en ALGERIE, en l’occurrence, la création d’une centaine de projets d’aquaponie. Quels en sont les objectifs, et comment réagissent les agriculteurs algériens à ces nouveaux projets ?

Nous voulons développer une méthode de production durable inclusive basée sur la technique de l’aquaponie (aquaculture + hydroponie) au profit de l’insertion sociale et économique des populations d’agriculteur en zone rurale.

Notre souhait est de sensibiliser de façon pédagogique les jeunes agriculteurs et les populations rurales à adopter le principe de l’aquaponie dans une démarche de développement durable et d’économie sociale et solidaire afin de leur assurer des revenus complémentaires sans supporter d’investissement coûteux.

Nos objectifs sont de trois ordres :

– Recueillir l’adhésion pour ces nouvelles techniques à faible impact environnemental autour du principe d’économie circulaire de circuit court de proximité permettant d’augmenter les ressources financières additionnelles des populations à faibles revenus,

– Favoriser l’appropriation des techniques, montrer par l’exemple, diffuser, informer et éduquer à ces nouvelles pratiques,

– Faire émerger un éco-systéme favorable au transfert technologique et le développement économique de l’aquaponie en ALGERIE,

Nous avons d’ailleurs exposé le projet lors du 1er salon national de l’innovation et l’agriculture avec le soutien de la DG pêche et Aquaculture de TIZI OUZOU ou nous avons noté une très bonne acceptation du concept d’aquaponie parmi les agriculteurs, les visiteurs et les institution nationales.

Nous travaillons de concert avec la chambre d’agriculture et d’aquaculture de la wilaya de TIZI OUZOU afin d’identifier les profils motivés à s’engager dans l’activité d’aquaponie.

Que pensez-vous des résultats de cette édition de la convention Europe Afrique du Nord ?

La CGEA est partenaire de la Convention Europe Afrique du Nord,qui comme chaque année, voit une participation algérienne de très haut niveau. Elle est composée cette année pour la première fois de start-up algérienne ;

Plusieurs personnalités étaient présentes du Maghreb, de France et d’Allemagne, pays à l’honneur qui était représenté par le patronat allemand et l’organisation pour la promotion des femmes dans les conseils d’administration.

Mr Tibaoui, CEO du WTCA et Mr LUNEL, Partner de Ernest & Young ALGERIE ont donné une conférenceaux côtés duplus de 25 conférenciers qui se sont succédés présentant les thématiques de l’Economie sociale et solidaire, le partenariat économique Europe Afrique du Nord, la présentation de projets et de réalisations, le financement des start-up et des projets innovants, et bien d’autres thématiques économiques prioritaires. L’ensemble des participants a salué le haut niveau des interventions, et la pertinence du choix des conférenciers, venus de Tunisie, Algérie, Maroc, Allemagne et France.

Angui Bienvenue, directrice Afrique au BVMW- Mittlestand (représentation patronale allemande forte de 600 000 membres) a annoncée le programme d’investissement « Alliance for Africa » qui s’inscrit dans le cadre de la nouvelle offensive économique allemande en direction du continent africain et a souligné l’importance du partenariat avec l’Afrique dans la mise en valeur des potentiels économiques.

Une exposition parallèle a réuni des entreprises des deux rives, et des associations professionnelles opérant dans le partenariat Europe Afrique du Nord. Des Trophées ont été remis par les présidents des délégations maghrébines aux lauréats :

  • ID1, une start’up de Limoge qui opère dans le domaine de la e-santé,
  • ADANEV, une PME de la région parisienne spécialisée dans le transport médicalisé
  • Mybigbox, une start’up de Bordeaux avec une box de produits des terroirs du Maroc
  • Business Wise, une société algérienne présente dans l’économie sociale
  • Kyo Conseil, première agence de marketing inbound en Algérie

Des dizaines de rendez-vous d’affaires ont eu lieu durant la Convention dans les différents temps : post conférences, exposition, déjeuners et cocktails de réseautage. Des projets ont été identifiés, avec une priorité pour les transferts desavoir faire inter maghrébins.

L’une des avancées de la 16ème édition de la Convention est l’intégration de l’Allemagne en tant que partenaire pour l’édition 2020, prévue à Toulouse, les 20 et 21 février, et qui a obtenu déjà l’adhésion des autorités locales en Occitanie.

Fait marquant, la participation algérienne, bien que handicapée par le problème récurrent des visas, a surpris les participants par la qualité des interventions des jeunes start-up qui expriment la vitalité de la société civile.

M.Tibaoui,Président du World Trade Center, a présenté avec M. Lunel, responsable de Ernest& Young Algérie, l’environnement des affaires actuel et les opportunités à saisir.

Le but de la 16e?me Convention Europe Afrique du Nord est de rapprocher les points de vues des opérateurs des pays concernés, et de faire émerger de nouveaux projets de collaboration à la fois verticale et horizontale. La Convention accompagne ses exposants et partenaires tout au long de l’année pour l’atteinte de leurs objectifs.

Un nouveau réseau d’affaires Nouvelle Aquitaine-Occitanie-Maghreb a vu le jour, piloté par des entrepreneurs des deux rives, contribuant à la mise en relations d’affaires et aux investissements.

Source : Algérie Eco 25/02/2019

Alliance des maires pour sauver l’UE d’elle-même

Le maire de Madrid Manuela Carmena

Le maire de Madrid Manuela Carmena

Les maires de Madrid, Barcelone et plusieurs grandes villes italiennes se sont réunis samedi à Rome pour lancer un appel “à sauver l’Europe d’elle-même” sur la question de l’accueil des migrants…

L’année dernière, plus de 2.260 migrants ont trouvé la mort en tentant de traverser la mer, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Du côté des arrivées, 113.482 personnes ont traversé la mer pour gagner les côtes des pays méditerranéens, soit une baisse par rapport à 2017 (172.301). En proportion, la mortalité a augmenté en 2018 par rapport à l’année précédente.

L’année 2018 a été marquée par une crise diplomatique entre pays européens autour de l’accueil des réfugiés, notamment après que le gouvernement italien, au fort discours anti-migrant a fermé ses ports aux bateaux humanitaires. Alors que la voie principale de migration passait jusque-là par la Libye et l’Italie, l’Espagne est ainsi redevenue en 2018 la première porte d’entrée en Europe, avec 55.756 arrivées par la mer (contre 22.103 en 2017).

Dans ce domaine chaque pays membre de l’Union européenne conserve sa souveraineté mais il existe en Europe suffisamment d’analogie culturelles et historiques pour retrouver la raison. Si elles n’entrent pas dans les calendriers politiques, orientés sur les opportunités individuelles à court terme, les solutions sont connues. Il revient à l’UE et aux Etats membres d’élaborer une politique migratoire qui évite les catastrophes humaines en luttant contre les causes profondes des déplacements et les facteurs qui forcent les gens à entreprendre des voyages de plus en plus périlleux. A plus court terme, la communauté européenne devrait mettre en place un mécanisme régional de débarquement qui respecte les droits humains élémentaires.

La Méditerranée est restée en 2018 la voie maritime la plus meurtrière pour les migrants

La Méditerranée est restée en 2018 la voie maritime la plus meurtrière pour les migrants

Comment peut-on lire l’absence des maires français qui de Nice à Montpellier revendiquent les richesses de la culture méditerranéenne ?

En pleine crise démocratique, et quelque soit leur appartenance politique, ils semblent que les maires des grandes villes préfèrent agir en tant qu’agent de l’Etat plutôt que comme les aiguilleurs d’un nouveau rapport démocratique. Bien que septiques, ils participent assez docilement au grand débat national lancé par un gouvernement au aboie, alors même que la baisse de la dotation globale de fonctionnement menace l’exercice de leur attributions.

L’action menée samedi par les maires de plusieurs grandes villes italiennes et espagnoles n’est pas seulement liée à la situation géographique de leur ville. Elle révèle que les maires sont aussi en première ligne pour porter l’indignation légitime des citoyens. A travers leur voix commune peut se constituer un rapport plus direct et intime avec la société, une mise au point susceptible de renouer avec les valeurs de la pensée européenne ou tout au moins de sortir l’UE de sa myopie.

“ La mer Méditerranée a été la maison commune de civilisations millénaires dans lesquelles les échanges culturels ont permis le progrès et la prospérité. Aujourd’hui, elle est devenue la fosse commune de milliers de jeunes ”

ont-ils dénoncé, y voyant “un naufrage” de l’Europe.

“Nous devons sauver l’Europe d’elle-même. Nous refusons de croire que la réponse européenne face à cette horreur soit la négation des droits humains et l’inertie face au droit à la vie. Sauver des vies n’est pas un acte négociable et empêcher le départ des bateaux (de secours) ou leur refuser l’entée au port est un crime”, ont-ils ajouté.

Les maires signataires ont loué l’engagement des ONG de secours en mer — dont la quasi-totalité des navires sont actuellement bloqués –, des garde-côtes italiens et espagnols et des organisations humanitaires présentes le long des frontières européennes où les migrants sont refoulés. Ils ont annoncé la formation d’une “alliance” pour appuyer les ONG de secours en mer et pour “remettre à flot” le projet européen et ses principes fondateurs.

JMDH avec AFP

Source : LMEC 10/02/2019

Echos syriens dans le surgissement des Gilets Jaunes

arton1710-resp1050-2

Les peuples veulent la chute des régimes

Nous, qui avons connu la révolution syrienne, sur place et en exil, nous sommes réjouies d’assister au soulèvement du peuple français. Nous sommes, par contre, interpellés par les “mesures de sécurité” et de “maintien de l’ordre” exercés contre les Gilets Jaunes dans ce pays dit des “droits de l’homme”. Pourtant, nous n’étions pas dupes de la vitrine démocratique de la république française, nous souhaitons seulement faire constater que c’est l’État lui-même qui est en train de la briser.

Le nombre hallucinant d’interpellations qui a eu lieu ces dernières semaines, les motifs et jugements en comparutions immédiates qui visent les personnes du fait de leurs convictions politiques sans qu’il n’y ait de preuves de délit, les appels à l’intervention de l’armée, les arrestations préventives, les vidéos de la répression policière qu’on voit partout en France, la propagande gouvernementale et médiatique et ses tentatives ridicules pour apaiser la situation, tout ça nous renvoie à ce que nous avons vécu lors du déclenchement de la révolution syrienne.

La violence des forces de l’ordre françaises est, bien entendu, encore loin des balles réelles du régime syrien. Cependant, nous le comprenons comme une marque de prudence plutôt que comme un manque de volonté d’intensifier les moyens employés. Dans les déclarations et comportements du président, des policiers et bien souvent des médias, nous reconnaissons la réaction d’un régime prêt à garder son pouvoir coute que coute.

La scène de rafle à Mantes-La-Jolie nous a donné des frissons. A nous syriens, ca nous rappelle les élèves à Daraa, en 2011, qui à cause de tags (“ton tour arrive docteur” et “liberté”) sur les murs de leur école ont été interpellés, et pour certains, ont eu les ongles arrachés. Les deux scènes, bien que différentes par l’ampleur de la violence, attestent de la même aptitude des gouvernements contestés à humilier celles et ceux qui le déstabilisent. La révolution en Syrie s’est de facto déclenchée après le refus du maire de Deraa de libérer les enfants détenus avec comme réponse : ’Oubliez vos enfants, vos femmes vous en donneront d’autres. Sinon, amenez-nous vos femmes. On le fera pour vous.’

Mais revenons en arrière ; la place de la Contrescarpe le 1re Mai dernier. Car là, c’était quelque chose dont nous pensions avoir l’exclusivité. Des Benallas on en a plein ! Nous les appelons shabiha  ; les milices du régime, un peu comme la BAC, sauf qu’ils ne sont ni l’armée ni la police, mais des bandes en civil. En plus des pillages et des confiscations encouragées par le régime auparavant, pendant la révolution les shabiha se sont surtout spécialisés dans le matraquage, la torture, et le meurtre de manifestants qu’ils soient armés ou non.

À vrai dire, le tashbih est devenu une manière de normaliser la violence du régime, de la rendre patriotique. C’est tout un dispositif discursif et matériel qui s’est ainsi étendu au fur et à mesure aux personnes non liées au gouvernement mais qui sont toutefois décidées à défendre le régime jusqu’au bout. Le commentaire (d’un policier ? d’un civil ?) qu’on entend dans le vidéo du rafle à Mantes-la-jolie : “Voilà une classe qui se tient sage”, est un exemple du tashbih par excellence. Au fond, toute répression est sadique.

Certes, la répression ne se manifeste pas de la même manière ici – il y a plusieurs manières de dominer une population. Dans le cas français aujourd’hui, les miettes que ce régime accepte de concéder à contrecoeur ne sont que des prétextes auprès de l’opinion pour mieux justifier les coups portés à celles et ceux qui ne veulent toujours pas rentrer chez eux.

Il y a quelques années, on avait félicité les peuples arabes de s’être révoltés. Le printemps arabe était cette belle surprise car enfin, ils n’acceptaient plus d’être soumis au joug de la dictature. Quant au peuple français qui aurait, soi-disant, la liberté d’expression et de rassemblement et qui peut voter dans des elections “libres” (bien que mise en scène par les riches, leur argent et leurs médias), il se soulèverait pour des “enjeux sociaux”, comme disent les experts et les spécialistes. Pour leur répondre, il faut rappeler que les gens en Syrie ne se sont pas soulevés que pour utiliser leur cartes électorales ou écrire des articles d’opinion dans un journal. Il s’agissait de dignité. Nous nous sommes donc soulevés contre la dictature en Syrie. Aujourd’hui en France, nous côtoyons des manifestants qui luttent pour une meilleure répartition des richesses et contre une minorité qui abuse du pouvoir. Nous ne pouvons pas rester neutres. La dignité est à arracher ici comme ailleurs.

Alors, on nous parle de radicalisation. Ce que nous voyons : c’est d’un côté, une violence contre des choses, des vitrines de magasins de luxe, des banques. Des choses bien (in)signifiantes. En face, c’est une violence contre des personnes, une violence, qui, pour défendre ces “choses” met des vies en péril. L’État, lui il tue. Partout et pas seulement dans des pays comme le nôtre.

Le vocabulaire nous est très familier. Vos casseurs et perturbateurs sont nos “malfaiteurs” “agitateurs”, vos ultra-gauche et extrême droite sont nos “infiltrés” et “agents extérieurs”. Le régime syrien a créé tout un lexique. Or, le gommage de la colère et de la contestation, en les disqualifiant, en les rendant étrangères – et ainsi extrémistes – nous montre que dès que le pouvoir est remis en question, il se met à parler le même langage. Ne les laissons jamais instaurer la confusion.

Enfin, concernant l’immigration et le racisme, nous avons entendu l’allocution de Macron. Le glissement qu’il a opéré en répondant à “la crise de fiscalité et de représentation” par ce qui serait unmalaise face aux changements de notre société, une laïcité bousculée et des modes de vie qui créent des barrières, de la distanceest grave et dangereux. Ce discours n’est pas différent de celui de Le Pen et d’autres. Il n’est pas nouveau non plus, et se traduit par des effets concrets et systématiques ; enfermement, humiliation, déportation. Pour ceux et celles qui rechignent à rejoindre les Gilets Jaunes, une chose est certaine : c’est d’abord l’état raciste, qu’il faut contrecarrer.

Quant aux propos anti-migrants de certains Gilets Jaunes, le combat est différent. Ici, la rencontre, le dialogue peuvent être une occasion. Un thé sur un rond point, des bavardages sur les barricades, permettent d’enfin parler loin des bouches institutionnelles et gouvernementales, qui sont elles, les vraies barrières. Pour dire que nous pensons que ceux qui privent les français d’une vie digne, ne sont ni les immigrés ni les exilés mais bien l’insolente richesse de certains.

Pour cela, nous appelons les exilés en France à se manifester, à avoir le courage d’assumer notre présence, à ne jamais nous sentir redevables d’un état colonial qui nous aurait accordé par grâce le droit de vivre. Il n’y a plus de non-concernés.

Nous ne voulions pas faire une comparaison. Il nous a semblé, cependant, important de dessiner quelques parallèles. De faire croiser des chemins. Alimentons des circulations révolutionnaires qui vont au-delà de la solidarité unilatérale (souvent blanche bourgeoise humanitaire et charitable). Pour notre part, nous choisissons de mettre nos forces à disposition pour essayer de construire un réel partage d’outils, d’idées et de soucis. Au fond, nous voulons dire – ce qu’on aurait aimé entendre au long ces dernières années – que notre lutte est commune.

La volonté de destitution n’est ni morcelable ni restreinte à l’échelle nationale : on ne peut pas être pour la révolution en Syrie tout en se rangeant du côté de Macron. Le combattre, lui et son monde, est pour nous un pas pour en terminer avec Assad et son enfer.

Il est encore trop tôt pour rentrer chez soi mais il n’est pas trop tard pour en sortir. Il sera toujours l’heure de dégager quelques têtes. Dans tous les cas, les choses ne seront plus comme avant. Les peuples ne veulent plus d’un monde pourri. Mais les renversements des régimes ne suffiront pas, c’est dans la suite ou il nous faut gagner nos batailles… C’est la chute d’un système qui engendre des Macron et des Assad qui nous satisfera.

A très bientôt.

Des révolutionnaires syriens et syriennes en exil.

Source Lundi Matin 14/12/2018

Montpellier. SOS Méditerranée et les artistes refusent de capituler

mtpdanse-Aquarius-1180x520
L’année 2018 est mouvementée, comme l’est souvent la Méditerranée. Cette mer est devenue l’une des frontières les plus meurtrières de l’histoire. Les réfugiés qui tentent de la franchir pour rejoindre l’Europe ne portent pas de gilet jaune, ils se couvrent de noires traces d’essence et de sel que sèche le soleil jour après jour dans leur chair. Parfois ces mornes équipages s’ornent de doré, lorsque leurs bateaux gonflables à la dérive se signalent aux navires qui passent encore dans la zone, dorée, la couleur des couvertures de survie. Pourquoi ces gens partent-ils ? D’où viennent-ils? Où vont-ils ? Nous ne savons rien de leur destin, et pourtant cette étrange histoire d’hommes, de femmes et d’enfants n’est pas lointaine, elle est notre. Elle se rapproche et nous fait de l’ombre.

« Il n’est pas possible de continuer sans rien faire. Alors on va faire », s’indigne Jean Paul Montanari, directeur de l’Agora cité internationale de la danse, qui appelle au côté des représentants locaux de SOS Méditerranée, « à ne pas détourner le regard ». Une action intitulée « Les artistes solidaires de SOS Méditerranée »  se tiendra samedi à l’Agora. Elle est soutenue bénévolement par toute l’équipe.

« La Méditerranée est l’âme de Montpellier Danse depuis de très nombreuses années. L’organisation d’une journée de danse, le 8 décembre, dont les recettes seront reversées à l’association allait donc de soi ». Cette évidence vaut à l’échelle d’une manifestation de solidarité classique. Les fonds récoltés sont plus que nécessaires, le financement d’une journée en mer de l’Aquarius coûte 11 000€. Et si les dons recueillis ne règlent en rien le problème politique de l’UE, ils contribuent partiellement à vaincre cette forme d’indifférence mortifère qui heurte notre humanité.

Quand l’humanisme devient une cible

Lors de la présentation de la manifestation, il régnait un sentiment de grande déception et de tristesse lié à l’indigente politique de l’UE et des États membres à l’égard du problème des migrants. L’Aquarius qui a sauvé 150 000 personnes depuis 2015 ne cesse de se confronter à des entraves politiques. Les dernières en date remonte au 5 octobre dernier avec l’attaque du siège social de l’association à Marseille par 22 membres du groupuscule d’extrême droite Génération identitaire. Le navire est actuellement bloqué au port de Marseille, suite aux accusations portées par la justice italienne à son encontre. « Nous sommes poursuivis au prétexte d’un mauvais tri de poubelles à bord par le magistrat italien qui a classé sans suite l’enquête visant le ministre de l’intérieur Matteo Salvini pour séquestration de migrants. »

 

photo Daniel Pittet

photo Daniel Pittet

Depuis sa constitution, l’association s’affirme clairement indépendante de tous partis politiques. Sa fonction consiste à secourir les migrants en mer. Elle est aussi de faire connaître leur existence que le silence des dirigeants européens n’arrive pas à rendre invisible. C’est précisément sur cette action en faveur des droits humains que s’est construite la notoriété de SOS Méditerranée mais, comme chaque médaille a son revers, en devenant un symbole, l’association est devenue une cible pour les partis nationalistes européens.

 

La Méditerranée zone de non droit

« Nous sommes très en colère mais notre colère c’est de la détermination, l’Aquarius repartira » indique Jean-Pierre Lacan de SOS Méditerranée : « La situation est intenable. L’Aquarius est à quai mais les gens continuent de fuir les terres où il n’ont plus le moindre espoir de vivre dignement. La semaine dernière encore, répondant à la vieille tradition de solidarité des gens de mer, un pêcheur d’Alicante a recueilli à bord de son petit bateau douze personnes qui s’apprêtaient à faire naufrage. Pour accoster, il s’est adressé à Tripoli en Libye, reconnue en catimini par l’UE cette été, sans obtenir de réponse. Il s’est alors tourné vers Rome, puis vers Maltes, aucune de ces autorités n’ont répondu pour lui indiquer un port de débarquement. Il se retrouve en mer avec ses passagers en attendant une solution. Le problème ne concerne pas que les ONG. L’UE ne reconnaît plus les principes élémentaires des droits de l’Homme. Cette situation est inacceptable».

La Méditerranée est devenue une zone de non droit où les morts s’accumulent. Le chiffre officiel fait état de 2 100 personnes noyées cette année. Compte tenu de la difficulté à établir une évaluation des départs et des disparus, ce chiffre pourraient être multiplié par deux ou quatre… Ce week-end justement, des responsables politiques du monde entier se réunissent à Marrakech, pour une conférence convoquée par l’ONU avec pour objectif d’adopter officiellement un pacte global visant à rendre les migrations plus sûres et plus dignes pour tous.

migrants_en_espagne_sipa

 L’inertie spéculative du pouvoir politique

Sans toutefois s’interroger sur les raisons et les responsabilités d’une situation poussant des familles désespérées à fuir leur pays au péril de leur vie, ce pacte mondial non contraignant repose sur des valeurs telles que la souveraineté des États, le partage des responsabilités, la non-discrimination et les droits de l’homme. Il reconnaît qu’une approche coopérative est nécessaire pour optimiser les avantages globaux de la migration. L’ONU souligne que « la migration a toujours fait partie de l’expérience humaine » et reconnait qu’elle est une source de prospérité, d’innovation et de développement durable dans un monde globalisé moderne ». Mais dans la perspective des échéances électorales européennes, nombre de partis européens irresponsables spéculent sur les thèses extrémistes des nationalistes, et l’engagement collectif des États membres à améliorer la coopération en matière de migration internationale semble avoir du plomb dans l’aile.

Il est plus important de remporter les élections que de tenter de résoudre les problèmes structurels qui poussent les populations à fuir leur pays. Il est bien plus simple d’évoquer la « submersion » migratoire, comme le fait Marine Le Pen ou « l’invasion africaine » relayée par les membres du parti d’extrême-droite allemande AfD que d’adopter une approche collaborative de la problématique. L’opposition au Pacte des Nations Unies sur les migrations s’est propagée comme un feu de forêt depuis l’Europe centrale et orientale vers la « vieille Europe ». Même si une large majorité des États membres de l’ONU soutient ce projet de coopération, nous venons d’assister en Europe à une stratégie coordonnée des partis d’extrême droite et d’opposition qui ont attisé les braises et mis les gouvernements sous pression pour parvenir à leurs fins. Militante de SOS Méditerranée, l’ex députée Fanny Dombre-Coste constate la frilosité des partis politiques sur la question de l’immigration en citant Georges Frêche : « On arrête pas la mer avec des pâtés de sable ».

 

Le chorégraphe Salia Sanou et les danseurs de La Termitière, Centre de développement chorégraphique de Ouagadougou, conduisent des ateliers dans le camp de réfugiés maliens de Sag-Nioniogo au Burkina Faso.

du-desir-d-horizons-de-salia-sanou

Du desir d’horizons de salia Sanou

Implication citoyenne collective

« SOS Méditerranée n’a pas vocation à devenir une institution ni une tradition » rappelle un membre bénévole impliqué depuis trois ans. L’association offre à ceux désirant soutenir une cause éthique et légitime l’occasion de se manifester à des degrés divers, comme bénévoles dans les opérations de sauvetage en mer, comme militants se prêtant aux manifestations nécessaires de sensibilisation, comme donateurs soutenant l’action qui est menée pour sauver des vies. À cette conception du don, peut s’ajouter un autre type d’implication portant de manière sous-jacente une critique sur l’instrumentalisation politique du drame des migrants.

D’autres acteurs culturels montpelliérains tels, La directrice de l’Opéra Orchestre de Montpellier Valérie Chevalier, Nathalie Garraud et Olivier Saccomano directeurs du CDN les 13 Vents, Christian Rizzo directeur du CCN Ici, Nicolas Dubourg directeur du Théâtre universitaire La Vignette, etc. se sont retrouvés autour de la volonté d’artistes, dont beaucoup sont issus de la diversité du monde Méditerranéen, de soutenir ces citoyens qui ont affrété l’Aquarius.

Cela laisse présager que plusieurs événements artistiques – permettant à différents publics de se rencontrer et de se mobiliser – pourraient voir le jour.

À moins de vouloir se cantonner au rôle d’une simple caisse de résonance pour chorégraphier la générosité, l’implication du secteur culturel et médiatique ne peut faire l’économie d’une réflexion sur les pratiques de l’engagement qui sont proposées. Pour ce coup d’envoi des « artistes solidaires de SOS Méditerranée », le dispositif n’attribue pas aux participants une fonction passive. Une série d’ateliers est proposée sur inscription. SOS Méditerranée animera une thématique consacrée à la situation humanitaire en Méditerranée Centrale qui sort de l’habituelle rhétorique de persuasion. On pourra danser avec les chorégraphes Anne-Marie Porras, Salia Sanou et le musicien Emmanuel Djob, se mettre en mouvement solidairement, découvrir des expositions et/ou le reportage de la journaliste Anelise Borges réalisé à bord de l’Aquarius. Créer une œuvre commune avec les chorégraphes Hamdi Dridi et Fabrice Ramalingom, et Nadia Beugré et Hamid El Kabouss, participer à l’imaginaire performateur de Paola Stella Minni et Konstantinos Rizos. Autant d’occasions d’explorer l’inconnu et défier les limites de la connaissance.

L’implication artistique ouvre également sur un questionnement tout aussi profond, perceptible mais pas exprimé, ayant trait à l’expression artistique elle-même. En quoi le drame humanitaire qui se joue actuellement en méditerranée comme ses conséquences politiques internationales sont-ils susceptibles de nourrir les œuvres chorégraphiques, leur réception et leur impact intellectuel et émotionnel sur le public ? Est-il aujourd’hui encore possible d’explorer la notion d’espace, de temps, celle des corps, groupés, isolés, meurtris, déformés pour traduire et faire sentir l’inexprimable ? Dans les années 80, face à la pandémie du sida, la danse contemporaine a démontré sa capacité à concilier enjeux politiques et esthétiques. Avec le drame mondial de l’immigration les conditions d’un nouveau sursaut de l’engagement artistique sont peut-être à nouveau réunies…

Jean-Marie Dinh

Source : LMEC 06/12/2018

Festival Montpellier. Cinemed temps court et temps long

Prima della rivoluzione de Bertolucci

Prima della rivoluzione de Bertolucci

L’édition 2018 du Festival Cinemed se tient actuellement à Montpellier. Retour sur l’histoire, les acteurs et les enjeux de cette 40ème édition.

Par sa taille et sa longévité, Cinemed figure aujourd’hui comme le plus grand festival de cinéma Méditerranéen du monde. Le festival a ouvert ses portes vendredi soir. Pendant neuf jours, Montpellier accueille au Corum des dizaines de réalisateurs et d’acteurs qui font le monde et l’actualité du cinéma méditerranéen. Plus de deux cents films courts et longs-métrages, documentaires, films d’animation, rétrospectives, hommages vont se succéder sur les écrans du Corum et de tous les cinémas de la ville qui sont associés à l’événement.

Les trois âges du Cinemed

Ce festival, qui vient de souffler ses quarante bougies, a vu le jour grâce à une équipe de passionnés de cinéma tout court et de films italiens en particulier, dont Henri Talvat, l’actuel président d’honneur. Créé en 1979, le Cinemed a connu trois grandes phases.

L’esprit cinéphile de la première heure impulsé par les membres du cinéclub Jean Vigo sous la houlette de Pierre Pitiot, un adepte de Braudel à qui Georges Frêche, le maire de l’époque, confia la mission d’en faire un festival. À la fin des années 1980 la construction du Corum fait décoller l’événement qui passe du statut de Rencontres du Cinéma de Méditerranée, à celui de Festival.

Au début des années 2000, le journaliste Jean-François Bourgeot prend la direction tout en conservant l’identité du festival, il consolide les liens du festival avec le monde du cinéma français. La programmation des avant-premières attire quelques stars et la programmation permet aux gens de voir davantage de films récents. Mais globalement, fidèle à la demande d’un public ouvert et exigeant, la sélection vise à se maintenir comme le rendez-vous des cinémas de toute la Méditerranée.

De part son rayonnement sur le bassin méditerranéen, comme de part l’attachement culturel qu’il suscite dans la population locale, un festival comme le Cinemed est un atout pour la ville de Montpellier. En renouvelant le soutien financier à cet événement, les différents maires élus à la tête de la cité l’ont bien compris. Au lendemain de son élection en 2014, le maire et président de la Métropole Philippe Saurel pousse vers la sortie Jean-François Bourgeot qu’il remplace par un tandem composé de l’ex-ministre de la culture Aurélie Filippetti et de Christophe Leparc, un pilier du festival, par ailleurs secrétaire général de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes.

Le festival ne souffre pas d’incertitude identitaire

Si la Ville et la Métropole, les deux principales tutelles du festival, se gardent bien de se mêler de la programmation, dans cette troisième vie du festival la marque Cinemed semble de plus en plus appelée à valoriser le territoire. Certes, l’emblème de la Méditerranée à Montpellier via le Cinemed gagnera cette année en audience nationale grâce à un nouveau partenariat avec France Inter. Il y a toutes les raisons de s’en satisfaire même si les fondements du Cinemed repose bien moins sur la mise en récit publicisée par des acteurs publics que sur les passerelles qu’il a tissé sans relâche entre les cultures de la méditerranée. Le taux de fréquentation du festival par la population locale souligne l’appropriation de l’offre public par les montpelliérains. « La ville nous a apporté et nous avons apporté à la ville » indique Henri Talvat, ajoutant, « c’est une vraie réussite ».

À quarante ans, l’ambition du Cinemed doit-elle être plus large ? La programmation 2018 pourrait être un élément de réponse. Explicitement, par la circulation du récit méditerranéen, ce pilier de la culture montpelliéraine contribue toujours d’inscrire la ville et sa métropole dans une nouvelle phase de son histoire. Il participe aussi d’une dynamique économique relevant d’une industrie touristique culturelle pérenne. Cinemed ne s’est pour autant jamais rêvé en Festival de Cannes. Pour trouver des stars, il faut se tourner vers les avant-premières, et encore, dans les couloirs du festival, on verra davantage de personnes comme Pierre Salvadori ou José Luis Guérin… Bref, des gens qui comptent pou le cinéma par ce qu’ils réalisent. De même, les hommages rendus à Montpellier consacrent les œuvres et les engagements, à l’instar de l’actrice Clotilde Courau qui confiait en ouverture de cette quarantième édition « Je suis touchée, c’est le premier hommage que l’on me consacre ». l’ex-ministre de la culture Aurélie Fillipetti précisait d’ailleurs à propos de la comédienne : « Cinemed correspond à ce qu’elle aime défendre dans la culture : la transmission ». Cette année, Robert Guédiguian préside le jury de la compétition Antigone d’or. Il est à Montpellier avec une partie de sa grande famille que l’on retrouvera aussi sur grand écran.

Immense terrain de jeu

Le festival présente à la fois des œuvres récentes ou plus anciennes, permettant découvertes et rétrospectives du cinéma méditerranéen. Italien, égyptien, turc, ou encore espagnol tous les films témoignent d’une histoire très riche ! Les films les plus attendus cette année se logent pour certains dans la sélection des grands films du cinéma méditerranéen ayant marqué l’histoire du festival, pour d’autres dans les compétitions tout azimut qui offrent l’occasion de prendre le pouls de la création cinématographique contemporaine en Méditerranée. Ainsi, Cinemed assure la fonction d’un vrai festival et participe à l’émergence de nouveaux réalisateurs qui y signent souvent leur premier film. Une partie d’entre eux n’ont pas de distributeurs en France et ne passeront qu’à Montpellier.

Dans ce foisonnement culturel, c’est une vaste notion géographique qui fait l’identité et la singularité du Cinemed. De la mer noire au Portugal Cinemed concerne le cinéma de 25 pays. À l’heure où émerge une nouvelle industrie cinématographique libanaise, l’édition 2018 du Cinemed propose un focus sur le jeune cinéma libanais à travers une sélection de longs métrages, courts métrages et documentaires. Le festival entend notamment approfondir la réflexion autour de ce développement avec ses principaux acteurs et offre un espace de visibilité et de débat significatif dans sa programmation.

Comme chaque année, ces rapports à l’histoire et au présent se doublent d’un rapport à l’avenir avec Le festival de films lycéens qui présente une sélection d’une dizaine de courts métrages réalisés par les jeunes. Dans ce cadre, le Cinemed aide au développement de projets de courts-métrages. La présence d’un Jury étudiant qui a la charge de décerner le prix du meilleur premier film encourage également l’investissement des lycéens et des étudiants.

Pour sa troisième vie, le Cinemed continue d’innover et de découvrir mais il doit aussi trouver de nouveaux investissements privés dans un environnement professionnel en mutation. Contrairement à Cannes, boudé cette année par Netflix suite à la décision de Thierry Frémaux de fermer la compétition aux séries qui ne sont pas sortis en salles, en partenariat avec Arte, le Cinemed a pris la décision de programmer en ouverture du festival deux épisodes de la série italienne Il miracolo de Niccolo Ammanti, Francesco Munzi et Licio Pellegrini. Programmer un film qui n’est pas destiné au grand écran en ouverture d’un festival de cinéma pose question. Cela pourrait revenir à se tirer une balle dans le pied. Au-delà des polémiques et controverses, l’avenir seul dira si ce type de décision s’inscrit dans le temps court de l’attractivité qui dicte l’économie, ou s’enracine dans le temps long des récits cinématographiques pluriels.

Jean-Marie Dinh

Source : La Marseillaise en Commun oct 2018