Printemps des Comédiens : Un bilan d’ouverture

 

Jean Varela : ne lui parlez pas de taux de remplissage.  Photo dr

Jean Varela : ne lui parlez pas de taux de remplissage. Photo dr

Festival Montpellier
La réussite économique et artistique de la 31ème édition permet de pousser la réflexion pour aller toujours plus loin.

Chaque festival est singulier, chaque festival a son histoire.  Celle du Printemps des Comédiens créée par Daniel Bedos et le Département de l’Hérault est montée en puissance en s’ouvrant sur le monde et en portant une attention particulière au grand public.

L’arrivée de Jean Varela en 2011 marque une transition. « Le premier enjeu a été de  conserver un public large constitué de 40 000 personnes en déplaçant la programmation », explique l’actuel directeur.  Les premiers chiffres de cette 31ème édition confirment que ce défi a été relevé avec une stabilisation du public autour de 40 000 spectateurs et un taux de remplissage avoisinant les 90%.

« Cette approche à travers le taux de remplissage est une forme d’évaluation réductrice et parfois redoutable, s’insurge Jean Varela. Les recettes pour obtenir des résultats stratosphériques sont connues. Ce qui m’intéresse avec le festival aujourd’hui c’est la possibilité de proposer des spectacles en série. Lorsque vous proposez dix représentations d’Ariane Mnouchkine vous permettez à 600 personnes de venir dix fois, ce ne sont pas les mêmes qui viennent et donc vous élargissez votre public. »

Le beau travail d’Eric Lacascade  qui renouvelle la pièce Les Bas-Fonds, écrite par Maxime Gorki au tout début du XXe siècle, a empli le grand amphithéâtre du Domaine d’O  trois soirs d’affilée, fait rarissime pour un théâtre de combat ! L’espièglerie virtuose d’Isabelle Huppert a réuni 1 200 personnes autour d’une lecture de Sade.

Un autre enjeu relevé par le  Printemps que confirme cette édition – qui comptait pas moins de 83 rendez-vous, dont des propositions circassiennes d’une grande qualité artistique, le Cirque Rasposo, Dromesko notamment – réside dans la capacité acquise par le Printemps des Comédiens à proposer des exclusivités nationales.

Ce fut le cas cette année avec le captivant Democracy in America de Romeo Castellucci, pièce co-produite par le festival et données trois fois, librement inspirée du livre de Tocqueville, ou encore de la très belle proposition de Marthaler Sentiments connus, visages mêlés, présentée dans une scénographie originale, poétique et sensible.

Au fil des années Varela, le festival s’éloigne de la consommation, et se taille une visibilité nationale et internationale. La bonne ambiance, la convivialité et l’implication de toute l’équipe qui font partie de l’ADN du Printemps n’y sont évidemment pas étrangères. Les perspectives et les nouveaux enjeux dont celui d’accueillir davantage de jeunes, s’opéreront après cette édition sur une base consolidée.

« L’endroit où se trouve aujourd’hui le Printemps peut aller vers l’accueil de spectacles attendus et inédits et davantage de productions, confirme Jean Varela. Le travail sur les publics et notamment les jeunes est un vrai chantier que nous devons  poursuivre à l’année. »

Après un mois d’euphorie le festival a éteint ses projecteurs mais les lumières scintillent encore dans le corps et l’esprit de ses spectateurs. Ce qui est plutôt de bon augure…

JMDH

Source La Marseillaise 7/07/2017

Voir aussi : Actualité locale, Rubrique Livre, Lecture, rubrique Philosophie rubrique Montpellier, rubrique Festival, rubrique Théâtre,

Une offre artistique globale

Les politiques entourés des directeurs artistiques Crédit Photo jmdi

Les politiques entourés des directeurs artistiques Crédit Photo jmdi

Par Jean-Marie Dinh

Sept  festivals incontournables se succéderont au Domaine départemental d’O du 7 mai  au 27 août 2016.

Les rapports à la culture se déplacent mais l’espace départemental dédié à la culture du Domaine d’O conserve son attractivité. Le président du Conseil départemental Kléber Mesquida entouré du président de l’Epic du Domaine, Michael Delafosse, et des directeurs artistiques des festivals d’été Elysé Lopez, président des Folies d’O, Habib Dechraoui pour Arabesques, Sabine Maillard pour les Nuits d’O, Jean Varela pour le Printemps des comédiens et Isabelle Grison pour Saperlipopette, Mélanie Villenet-Hamel pour la direction du pôle artistique ainsi que Jean Pierre Rousseau pour la longue escale du Festival de Radio France ont présenté succinctement l’offre culturelle du Domaine d’O jusqu’à la fin de l’été.

Qualité diversité accessibilité


L’offre est pléthorique et la qualité se dispute avec la diversité dans un souci d’accessibilité qui a toujours guidé la politique culturelle du département de l’Hérault. « Parce qu’elle émancipe et rassemble, la culture doit être ouverte à tous plus que jamais, le Département s’engage pour le savoir, les artistes et le spectacle vivant », résume le vice-président à l’Education et à la Culture Renaud Calvat.

La fête commencera les 7 et 8 mai avec Saperlipopette, festival dédié aux plaisirs des enfants et des parents qui répond cette année à la thématique « Il était une fois… Aujourd’hui ». Occasion d’aborder la dimension contemporaine des textes et des spectacles destinés au jeune public, souligne Isabelle Grison. Après le week-end d’ouverture à Montpellier le festival rayonnera dans pas moins de 18 communes du département jusqu’au 29 mai.

Du 11 au 22 mai le festival Arabesques, grand rendez-vous des arts du monde arabe, prendra le relais. Pour sa 11e édition, sans se départir de ses épices festives et éclectiques, l’expression artistique donnera de l’air à la confusion politique, aux idéologies pernicieuses et aux libertés confisquées sur le thème de L’Orient Merveilleux de Damas à Grenade. Les recettes de ce festival qui concerne un public  peu présent dans la sphère culturelle habituelle, s’avéreront savoureuses en termes de partage.

30e Printemps des Comédiens

En trente ans, combien de représentations ? combien d’artistes ? combien d’éclats de rire ? combien d’orages ? d’éblouissements ? de bonheurs de théâtre ? Le second festival de théâtre français après Avignon se tiendra du 3 juin au 10 juillet au Domaine d’O avec une nouvelle programmation, signée Jean Varela, d’un équilibre exceptionnel. Le public fidèle s’y rend désormais les yeux fermés. Un signe de confiance, dans un monde qui en manque, mais Jean-Claude Carrière, qui préside le festival et garde toujours les yeux ouverts, nous invite par ce geste à affirmer que nous sommes vivants. « Cette année nous avons une raison de plus d’aller au théâtre. Car il y a quelques mois, à Paris, un théâtre a été mitraillé, acteurs et spectateurs. »

Pour sa 10e édition, Folies d’O qui propose une programmation d’opérettes et comédies musicales en plein air présentera  Orphée au Enfers les 2, 3 et 5 juillet dans l’amphithéâtre d’O. Oeuvre parodique de libération pour Offenbach mis en scène par Ted Huffman sous la direction musicale de Jérôme Pillement. Le Festival de Radio France poursuivra la fête du 11 au 26 juillet avec son volet Jazz concocté par  Pascal Rozat et un Carmina Burana dans la version pour deux pianos. Les Nuits d’O musique et cinéma  clôtureront l’été du 18 au 26 août avec six fiévreuses soirées à déguster sous les étoiles.

Transfert de compétence

La bataille politique engagée pour la gouvernance du Domaine d’O servira-t-elle la culture ?

La présentation de l’offre culturelle départementale s’inscrit dans un âpre débat sur le transfert de compétence entre le département de  l’Hérault et la Métropole de Montpellier présidée par Philippe Saurel. Celui-ci dispute la compétence culturelle au département qui tente de conserver la vitrine d’une politique culturelle ambitieuse.

Alors que la carte  des nouvelles compétences des 13 Métropoles est presque achevée, ce combat fait de la Métropole montpelliéraine un cas d’école. A l’exception de la Métropole Rouen-Normandie qui a acquis par convention la gestion de trois musées, aucune des conventions de transferts signées à ce jour ne concerne la culture. L’enjeu semble avant tout politique pour Philippe Saurel, dont l’exclusion assumée du PS et le faible score aux Régionales, le pousse à asseoir son assise sur le territoire métropolitain.

La question de ce transfert se pose aussi en termes économiques. Le budget culturel global du Conseil départemental de l’Hérault avoisine les 12M d’euros dont 3M à 4M d’euros devraient être compensés par la Métropole en cas de transfert, si celle-ci conserve la qualité de l’offre actuelle.

Une troisième réunion sur le sujet est prévue prochainement entre les représentants des deux institutions. Dans le cas où les deux parties ne parviendraient pas à un accord, un ensemble beaucoup plus vaste de compétences serait transféré de plein droit à la métropole pour un budget estimé à 31M d’euros.

Pour l’heure, ce dossier n’a pas été débattu au Conseil de la Métropole. Dans l’hypothèse d’un transfert du Domaine d’O, Philippe Saurel s’est déjà prononcé pour y installer le CDN. Ce projet qui nécessite l’avis de l’Etat, avait naguère été évoqué par le Conseil général mais aujourd’hui, d’un côté comme de l’autre, personne ne se soucie de projet artistique et les directeurs qui jouissent d’une liberté de programmation n’ont pas voix au chapitre…

 

L’évolution des festivals

Faute de pouvoir présenter la programmation artistique de chaque festival et d’en mesurer la pertinence dans les équilibres, la présentation mutualisée  a été nourrie par le regard d’ Emmanuel Négrier, directeur de recherche au CNRS en Science politique dont les travaux confrontent les politiques culturelles à l’épreuve des pratiques.

Auteur de plusieurs études sur les festivals, l’expert a évoqué le phénomène de la  festivalisation en soulignant plusieurs grandes tendances.  Ainsi à quelques exceptions près concernant une poignée de grands festivals en Europe, l’inflation des festivals consolide leur ancrage territorial. Les festivals deviennent des opérateurs culturels  et développent des actions tout au long de l’année.  50% des manifestations étudiées «?génèrent?» ainsi une activité à l’année.  70% du public des festivals est local. Sociologiquement ont assiste à une féminisation du public ainsi qu’à son vieillissement, accompagné d’une fragmentation des goûts artistiques.

Si on  compare les coûts de fonctionnement d’un théâtre ou d’une salle de concert, les festivals permettent de faire des économies  notamment grâce au recours au bénévolat. Mais ils bénéficient moins des politiques publiques en matière de pédagogie et de démocratisation artistiques.

 

Voir aussi : Actualité Locale  Rubrique Politique culturelle, Vers un Domaine d’O multipolaire, Crise : l’effet domino, rubrique Festival, Théâtre, rubrique Musique,,

Sortieouest. Des spectacles vraiment vivants !

Il était une fois une pauvre enfant

Il était une fois une pauvre enfant Sortieouest du 25 au 28 novembre

Théâtre. Début de saison foudroyant dans le biterrois où l’étoile Sortieouest nous réchauffe le coeur et l’esprit.

 A quelques brassées de Montpellier, moins d’une heure de voiture, Sortieouest, forme d’oasis culturel sur les terres biterroises soutenu par le Conseil départemental, donne du souffle à sa saison théâtrale. Il s’agit moins de résistance que de jardinage car si l’occupation médiatique à laquelle s’emploie le maire de Béziers se base sur le terrain culturel (grossières déclinaisons du triptyque travail, famille patrie et des rituels catholiques conservateurs), elle reste tournée vers le passé tout en glissant vers un repli identitaire.

A l’inverse la programmation de Jean Varela portée par une équipe ouverte et avenante, cultive une sensibilité proche des racines populaires historiques tout en restant parfaitement compatibles avec les questionnements contemporains.

A ce titre, on peut souligner un étincelant début de saison avec des spectacles comme celui du chorégraphe belge Alain Platel Tauberbach qui inscrit la danse dans un monde qui appartient à tous. La création de Monologue du Nous par le metteur en scène Charles Tordjman, accueilli en résidence, d’après l’oeuvre majeure du poète français Bernard Noël. Le brûlot d’intelligence et de bonne humeur lucide véhiculé par la pièce de Jean Charles Massera, Que faire ? mise en scène par Benoît Lambert et magistralement interprétée par Martine Schambacher et François Chattot.

Max Matériau de Jacques Allaire et Luc Sabot à SortieOuest jusqu’à dimanche 29 novembre. (photo dr)

Max Matériau de Jacques Allaire et Luc Sabot à SortieOuest jusqu’à dimanche 29 novembre. (photo dr)

La saison démarre très fort et se poursuit actuellement avec le spectacle Marx matériau conduit par Jacques Allaire et Luc Sabot qui offre la possibilité de rencontrer l’auteur du Capital dans l’intimité. Et Il était une fois un pauvre dirigée par Jean-Baptiste Tur d’après Woyzeck de G Büchner.

Si les leaders de gauche ont brisé partiellement les rêves du peuple, à SortieOuest on s’applique à les faire revivre !

JMDH

Sortieouest

Source :  La Marseillaise 25/11/2015

Voir aussi : Actualité Locale, Rubrique Politique, Politique Culturelle, rubrique Théâtre,

Printemps des Comédiens 2015

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Julien Gosselin a réussi

lpe_1_gosselinhTh CDN. Les particules élémentaires du roman au théâtre en passant par le cinéma, la recette est bonne !

Revenir à Houellebecq avec Les particules élémentaires c’est un peu oublier le discours à forte connotation politique et idéologique de l’auteur autour de son dernier livre Soumission.

La pièce tirée du roman fleuve paru en 1998 est habilement mise en scène par Julien Gosselin qui joue sur le registre opéra rock. Le spectacle est prétexte à un délire musical bien rock and roll, sexuellement débridé et plein d’humour. On connaît le talent de Houellebecq pour occuper le centre de la scène littéraire française, s’attirant tous les projecteurs et pas mal de pognon…

Voilà donc une bonne occasion de s’instruire sur les recettes retenues par l’auteur à la sulfureuse réputation. Dans ce texte, plein de facilités, il s’attaque aux forces de l’univers. Et pour tout dire mieux vaut le voir au théâtre que de se taper son bouquin.

Un coup d’éclat donc pour le jeune metteur en scène dont la pièce n’a cessé de tourner depuis Avignon il y a deux ans. Les quatre heures de divertissement trompent l’ennui et ce spectacle « dédié à l’homme », qui fait songer à une forme de « littérature réalité » devrait constituer une référence,voire un nouveau modèle économique. Il suffit de changer les scénarios, les lieux, les personnages et travailler le bouche à oreille…

JMDH

Source La Marseillaise 23/06/2015

 

Go down Moses.  Choc esthétique et décollage onirique

GO-DOWN-MOSES_C_LUCA_DEL_PIA-672x359Go down Moses. Castellucci au Printemps des comédiens, un théâtre bien au-delà du réel qui nous perd et nous retrouve.

L’italien Roméo Castellucci compte avec le compositeur Dominique Pauwels, mis en scène par Denis Marleau, parmi les invités attendus et prestigieux de cette édition 2015. Ces artistes n’ont rien de commun hormis leur formidable capacité à nous vasculariser hors des grandes artères pour nous plonger dans le monde puissant de leur univers qui relève du monde du rêve.

Dans Go down Moses Roméo Castellucci fait, à sa façon, référence à Moïse. Le seul homme qui ait rencontré Dieu. On est aux antipodes de la démarche quasi patrimoniale du travail de Benjamin Lazar qui gère les ressources culturelles dans Le Dibbouk. Go down Moses parle d’une très vieille histoire débarrassée, des fausses vérités religieuses, des idées reçues et quelque part, de sa fonction nécessaire permettant l’établissement du lien social. Comme si Castellucci souhaitait nous perdre pour nous retrouver. Comme s’il souhaitait renouveler la façon dont on conçoit le rapport du langage à la réalité et au mythe.

Il résulte que le signifié sur le plateau n’est pas la réalité elle-même, mais une construction signifiante de la réalité. Il en va ainsi de la première scène où les humains se mesurent sans s’aimer, ou de la scène de la poubelle où l’enfant n’est déjà plus dans le sac en plastique. De cette machine qui turbine pour « nous exiler de notre être », du scanner, fierté de l’imagerie médicale, qui propulse bien plus loin que les pales performances scientifiques. C’est de cette construction de sens qu’on appellera le réel signifiant du monde dont l’artiste tire sa matière et sa spiritualité.

La fascination de Roméo Castellucci pour Moïse, libérateur de l’humanité, porte en germe l’ambition que cette libération pourrait aussi bien provenir de l’art.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 23/06/2015

Jean Varela : « qu’entend-on nous par culture ? »

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Après l’annulation de l’édition 2014 liée au combat des intermittents et précaires, le directeur du Printemps des Comédiens de Montpellier défend une politique culturelle émancipatrice ouverte et généreuse. A l’occasion du Festival Le Printemps des Comédiens qui se tient jusqu’au 28 juin au Domaine d’O à Montpellier son directeur artistique Jean Varela évoque les orientations théâtrales et politiques de sa mission.

Vous proposez cette année votre cinquième programmation. Vos choix artistiques et votre engagement en faveur du service public de la culture sont reconnus. Etes-vous serein ?

Cinq ans, on appelle cela un lustre. Serein n’est pas le mot. Je dirais que j’espère. Et en même temps je doute davantage. J’ai été nommé de façon provisoire, les enjeux n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. Depuis, nous avons essayé de construire une politique culturelle qui soit exigeante et pas élitiste tout en gardant le cap, malgré les difficultés. Le Conseil départemental protège la culture par son engagement. C’est une longue histoire commune.

Le festival et son équipe sortent-ils renforcés ou affaiblis de la mobilisation ayant conduit à l’annulation en 2014 ?

Le noyaux de l’équipe se compose de cinq personnes, pour beaucoup présentes depuis l’origine. Il y a eu des questionnements durant la traversée de l’été 2014. Notamment sur la ligne que j’ai choisi d’adopter en me portant, non solidaire du combat mais dans le combat, en tentant d’expliquer qu’il fallait que les représentations se tiennent, puisque c’était mon rôle. Nous étions tous dans l’incertitude du lendemain. Il a fallu faire œuvre de pédagogie. Reconnaître les choses, comme savoir d’où on vient et pourquoi on se trouve là ? A la fin la grève m’a inquiété et en même temps, la non tenue d’un mouvement m’aurait aussi inquiété. Je suis reconnaissant envers André Vezinhet et sa majorité, envers le public, les artistes et les techniciens… Ce qui ne tue pas renforce. J’ai vu chez les gens une prise de conscience plus forte de l’endroit où s’inscrivent nos métiers, et ce ne sont pas que des mots…

Comment gérez-vous les contraintes d’ordre budgétaire cette année ?

Pour résoudre l’équation budgétaire qui représente -6% sur le budget 2014 et -10% cette année nous avons été contraints de réduire la voilure qui se traduit par une réduction de la durée du festival et du nombre de lieux de représentation. Il n’y a pas de lieux éphémère cette année.

Quels choix avez-vous opérés pour cette programmation ?

J’ai d’abord fait le choix, de ne rien programmer de l’édition de 2014. Ce n’est pas intéressant de refaire la même chose, nous sommes passés à un autre moment, et puis j’aurais trouvé injuste de ne programmer que certains artistes. Même si des ponts surgissent parfois entre les spectacles d’une même édition, le festival ne s’articule pas autour d’une thématique. L’accompagnement des artistes en coproduction, le soutien à la création apparaissent en revanche comme un axe de travail. Dans cette programmation nous coproduisons Nobody de Cyril Teste, Le Dibbouk de Benjamin Lazar, Go down Moses, de Roméo Castellucci, ou encore En avant, marche ! d’Alain Platel. Il est important de partager avec le public la notion essentielle du risque qui permet aussi de montrer ce qu’est le théâtre.

Qu’en est-il de l’enjeu politique : le gel du soutien de la Métropole, la place de la culture sous la présidence du nouveau président Kléber Mesquida ?

Le président de la Métropole a annoncé avant les élections qu’il voterait la participation de la Métropole, pour l’instant le versement est suspendu. J’espère et reste confiant sur les possibilités de trouver une solution. Je connais la conviction dans l’intérêt général du président Kleber Mesquida qui est le député de mon lieu de résidence. Il considère le service public de la culture comme un enjeu fort des politiques publiques. Il a souhaité souligner l’importance du Domaine de Bayssan à l’ouest du département, violemment attaqué par le FN durant la campagne.

Quelle place attribuez-vous au théâtre dans cette période de crise politique, identitaire, démocratique..?

Depuis mon enfance je vis dans la crise. Et je constate chez les jeunes générations d’artistes, qu’ils n’espèrent même plus que la crise se termine. C’est comme un état de crise permanent et non permanent car ce n’est pas la crise pour tout le monde. La place du théâtre d’art est essentielle. Le clivage qui existait jusque dans les années 80 entre la droite et la gauche s’est quasiment estompé. La culture, dit on, est une priorité, mais qu’entend-on nous par culture ? Une culture qui éveille, permet l’émancipation, le rêve partagé ou une culture du plus grand nombre ? Les forces de progrès devraient se questionner fortement sur cette problématique et affirmer leur vocation, ce que fait le Conseil départemental en soutenant le Printemps des Comédiens.

Les choix artistiques de cette nouvelle programmation oscillent sans parti pris entre l’hybridation des formes portées au plateau et l’attachement au texte…

Oui, cette année nous pouvons entendre ce que dit Falk Richter dans Nobody et ce que disait Beaumarchais. avec Le mariage de Figaro. Cyril Teste travaille sur un texte en usant des technologies actuelles de l’image. A côté de cela, on trouve le travail très digne de Benjamin Lazard qui fait revivre la langue et la musique d’un peuple dans Le Dibbouk, ou l’hommage que rend Laurent Pelly au théâtre avec L’oiseau Vert. Nous tentons d’accompagner le public en restant proche de son désir de curiosité, de verbe et de sens. On peut avoir l’image d’un théâtre figé, mais souvenons nous que le théâtre s’est toujours adapté très vite aux nouvelles technologies les Grecs ont introduit la machinerie, les Italiens les techniques de navigation. Le gaz et l’électricité sont entrés très tôt dans les théâtres qui ont toujours été et devraient demeurer des endroits très ouverts.

 Propos recueillis par Jean-Marie Dinh

 

Source La Marseillaise lundi 15 juin 2015

 

Cirque Balthazar 25 piges éternelles
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 Printemps des comédiens. BiZARaZar cabaret bal Loufoque jusqu’au 13 juin.

Le centre des arts du cirque de Montpellier tient sa place au Printemps qui ouvre chaque année la possibilité aux jeunes circaciens en 1ère et seconde année de classe pro de se confronter au public. Un moment attendu de la programmation où se conjugue la culture sensiblement décalée du cirque Balthazar, et les traits de personnalité saillants des jeunes artistes.

Comme toujours, chez Balthazar c’est l’énergie du groupe qui permet la mise en valeur des individus. Les origines se mêlent et s’enrichissent sur une bande son de choix qui fait le tour du monde et des époques en explorant tous les styles de musique : salsa, jazz, techno, transe, rock, valse, reggae, chanson…

La mise en piste de Bi- ZARaZar, débute dans l’anonymat stressé des transports urbains.
Mais très vite les voyageurs du quotidien rejoignent un intérieur de type bar cabaret où vont se nouer une série d’interactions qui révéleront les caractères, talents, et, coups de nerf des personnages.

On touche du doigt la dimension poétique des sensations quand les stagiaires de la formation professionnelle exercent leur art et leur recherche en jouant à contre-sens
de l’attendu, comme si leurs performances se mettaient en oeuvre malgré eux. On savoure le côté bastringue et provocateur des artistes. On se laisse emporter dans
la magie révélatrice de l’art du cirque qui brise bien des codes et représentations.

JMDH

Source La Marseillaise 12/06/2015

 

Montpellier : quand le théâtre vole au secours de l’imaginaire

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Le rideau de tissu et de pins se lèvent aujourd’hui sur la 28e édition du Printemps des Comédiens. Un moment fort et novateur pour un public avide de rencontres et découvertes théâtrales.

Sous les feux de l’actualité l’année dernière, le Printemps des Comédiens s’est illustré à travers la parole révoltée des artistes et des techniciens du spectacle. Il a été le cœur national de la mobilisation des intermittents et précaires ne craignant pas d’engager son avenir, dans ce conflit éprouvant.

Faute de budget, la manifestation sera un peu écourtée cette année mais cette lutte brille pour souligner que la création ne se met pas toujours au service du pouvoir et rappelle que le théâtre est sans doute la forme d’expression artistique qui présente le plus souvent des sujets politiques et sociaux. Enfin le combat de 2014 n’est pas étranger à la délibération de l’Assemblée nationale, qui vient de graver dans le projet de loi sur le dialogue social et l’emploi le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle.

«Le Printemps a eu à vivre une édition 2014 singulière dans un moment complexe. J’ai soutenu sa démarche, indique Michaël Delafosse qui vient de prendre les rênes de L’Epic du Domaine D’O. Je me réjouis que l’Epic ait été un lieu de débats sur le rôle de la culture. Les artistes ont des choses à exprimer. Ce qui s’est passé a généré de la souffrance et en même temps, les gens se sont solidarisés, il y a eu un vrai dialogue avec le public. La culture ne se résume pas à des actes de gestion.»

Le choix de la qualité

C’est donc avec joie que ce beau festival reprend sa vocation aujourd’hui jusqu’au 28 juin. Le théâtre est entendu au Printemps des comédiens comme un médium qui développe l’imaginaire. Il est question de mettre en relation notre quotidien avec le fantastique, comme le spectacle Nobody qui débute ce soir. Cyril Teste met en scène de manière novatrice la vie compliquée d’une entreprise de bureaux d’après un texte de Falk Richter.

Avec une quinzaine de spectacles sur 18 jours le Printemps joue la carte de la qualité. Le directeur artistique Jean Varéla a concocté une affiche qui compte des grands noms de la scène contemporaine tels que l’Italien Romeo Castelluci qui poursuit sa quête spirituelle. Après le Christ il évoque la vie de Moïse dans Go down, Moses, pour la projeter dans notre époque. Benjamin Lazar usera des cordes baroques pour un Roméo et Juliette yiddish avec Dibbouk de Lazar.

Le jeune metteur en scène Julien Gosselin s’attaque aux Particules élémentaires de Michel Houellebecq en partenariat avec le h.T.h CDN de Montpellier. Décollage lyrique et poétique assuré, proche des rivages de Verlaine et Rimbaud avec L’autre hiver mis en scène par Denis Marleau et Stéphanie Jasmin sur un opéra innovant de Dominique Pauwels. Autre sortilège à suivre la fable philosophique de Carlo Gozzi, L’oiseau Vert dans une très belle mise en scène de Laurent Pelly.

Le festival croise depuis 28 ans les expériences artistiques de tous les continents avec une connaissances singulière des univers du théâtre, du cirque et du spectacle de rue. Dans ce registre on retrouvera le Nouveau cirque du Vietnam pour A Ô Làng Phô. Les artistes nous entraînent dans leurs pulsations poétiques à travers des tableaux vivants. Avec le spectacle En avant marche, le Flamand Alain Platel s’intéresse aux artistes de fanfare, réjouissances populaires et notes en folies. Le festival est passé maître dans le mélange des techniques scéniques pour les mettre au service des personnages et de la mise en scène. Une idée du théâtre pour tous avec le souci du détail et une haute exigence artistique.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 10/06/2015

Voir aussi ;  Rubrique Théâtre, rubrique FestivalMontpellier,

A Béziers, le Théâtre sortieOuest cerné par le FN

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Le Théâtre sortieOuest, situé sur le canton 1 de Béziers, est au cœur d’un combat politique et culturel. Jean-Michel Du Plaa, candidat socialiste aux élections départementales dans ce canton, affrontera en duel, dimanche 29 mars, l’élu du Front national, Henri Bec. Au soir du premier tour, le 22 mars, le FN a totalisé plus de 44 % des voix sur ce canton, devant le PS (25 %) et l’UMP (19 %). Précisons, pour compléter le tableau, que Jean-Michel Du Plaa, vice-président du conseil général, est aussi le président de l’association qui gère le Théâtre sortieOuest – une scène conventionnée avec le département, l’Etat et la région, installée sur le domaine de Bayssan, au milieu d’un parc.

Les phrases de l’entre deux-tours ont le mérite d’être claires, dans la ville dirigée par Robert Ménard depuis mars 2014, sous l’étiquette Rassemblement Bleu Marine. Voici ce qu’a déclaré, jeudi 26 mars, dans le quotidien La Marseillaise/L’Hérault du Jour, l’élu FN Henri Bec. Interrogé sur le devenir du Théâtre sortieOuest, fortement soutenu par le conseil général (PS), à hauteur d’un million d’euros, l’élu qui se dit monarchiste, tendance « orléaniste », a répondu avec détachement : « Cela ne me dérangerait pas que ce site ferme. On dépense trop pour la culture, on pourrait réduire les impôts en dépensant moins. » Dès avant le premier tour, la divers droite Fatima Allaoui, candidate sur le canton 3, ancienne de l’UMP évincée pour son appartenance au Siel, proche du FN, avait inscrit « la suppression » de sortieOuest dans ses promesses électorales – « un site qui coûte trop cher » – proposant son rapatriement dans le centre-ville avec une programmation comprenant « 50 % d’artistes locaux ». Depuis le 22 mars, elle a appelé à voter pour le candidat FN.

« Eviter un désert culturel à Béziers »

Pour Jean Varela, directeur de sortieOuest, ce sont les valeurs véhiculées par la scène contemporaine qui indisposent l’extrême-droite. « On nous attaque pour ce que nous sommes : un lieu de programmation exigeante, où la parole circule librement. Il y a d’autres scènes qui coûtent de l’argent sur le territoire, et qui font du divertissement. Elles ne sont pas du tout inquiétées », dit-il. Il rappelle l’histoire de ce théâtre, et l’enjeu pour le territoire. « C’est le conseil général qui a pris l’initiative de créer cette scène conventionnée, en 2006, pour éviter un désert culturel à Béziers, qui autrefois était un foyer artistique. Le président de notre association, Jean-Michel Du Plaa, est un homme de culture, très apprécié ici », poursuit Jean Varela, qui dirige par ailleurs le Printemps des Comédiens.

Lors des précédentes élections, en 2011 (les anciennes cantonales), le combat avait été ardu : Jean-Michel Duplaa l’avait emporté avec 170 voix d’avance, face au frontiste Guillaume Vouzellaud. Le scrutin du 29 mars s’annonce serré. Sur les deux autres cantons de Béziers, l’avance du FN est encore plus nette, tout particulièrement dans le canton 3 où il a totalisé 46,86 % des voix. Pour la presse locale, l’affaire semble ici pliée.

Une programmation « à caractère militant »

Jean Varela tire la sonnette d’alarme : « Ce n’est pas possible que Béziers soit représenté au conseil général uniquement par des élus Front national », s’inquiète-t-il. Il dit avoir reçu du soutien de certains élus de droite, mais d’autres à l’UMP ne cachent pas leur aversion pour la politique culturelle du département, sortieOuest compris. Ainsi, le député UMP Elie Aboud a abrité sur sa page d’accueil la lettre d’un auteur bitterrois, Jean-Pierre Pelaez, s’indignant de ne pas être programmé à sortieOuest, théâtre « grassement » financé par le département, écrit-il, et « engloutissant des budgets énormes » pour mener une programmation « à caractère militant ».

Jean-Pierre Pelaez a déjà été reçu au cabinet du président du conseil général, le socialiste André Vézinhet. « Nous lui avons dit deux choses : un, Jean Varela a une liberté de programmation, selon ses choix esthétiques, et l’on ne peut en aucune sorte imposer une préférence nationale en direction d’artistes locaux. Deux, le conseil général n’est pas du tout indifférent au sort des artistes locaux, puisqu’il soutient entre soixante et quatre-vingts compagnies sur son territoire », indique-t-on dans l’entourage d’André Vézinhet.

Une campagne sur les réseaux sociaux

Jean Varela défend sa programmation : « Les spectacles ont lieu sous un chapiteau, pour abolir la barrière symbolique entre la scène et le public. Nous menons une programmation hors-les-murs, appelée Le Grand Tour ; nous organisons une manifestation littéraire (Chapiteaux du livre), nous touchons un public de 35 000 personnes, dont 7 000 scolaires et étudiants. »

La campagne s’organise à présent sur les réseaux sociaux. Alors que la ville de Béziers accueille depuis le 24 février, et jusqu’au 23 août, l’exposition intitulée Gaulois : une expo renversante, conçue par la Cité des sciences, les partisans du candidat PS, lequel fait alliance avec la communiste Roselyne Pesteil, ont réalisé une affiche dans l’esprit gaulois. Jean-Michel Du Plaa est dans la peau d’Obélix – il en a la corpulence –, et porte sur son dos un dolmen coiffé du visage de la candidate PCF. Avec ce slogan : « La République contre-attaque ». Dans le journal municipal, Robert Ménard, lui, communique à sa façon sur l’exposition dédiée aux Gaulois : « C’est l’éternel retour du grand blond », indique le titre de l’article, complété par ce bandeau : « Comment nos élites réécrivent le passé ».

Source : Le Monde.fr |

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