Le tout-sécuritaire sert ceux qui nous frappent

 Photo Lionel Bonaventure / AFP

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Face à la menace terroriste, nous adoptons de mauvaises réponses en frappant militairement au Moyen-Orient, et en mettant en œuvre une politique du tout-sécuritaire qui se révèle inefficace. Les Etats-nations occidentaux sont aujourd’hui devenus des Etats de sécurité nationale, dont l’obsession s’étend, au-delà du seul terrorisme, à l’immigration, à l’ultra-gauche anticapitaliste, aux lanceurs d’alerte.

Les attentats que le jihadisme islamique a multipliés au cœur du monde occidental depuis 2001 l’ont fait basculer dans un état d’exception permanent sans que le pire ait pu être conjuré. D’une part, les démocraties ont sacrifié leurs fondements, nonobstant les assurances initiales et les protestations vertueuses de leurs dirigeants. Aux Etats-Unis, le «Patriot Act» a suspendu les libertés fondamentales. L’internement administratif, le recours à la torture, les enlèvements de suspects à l’étranger, les exécutions extrajudiciaires, la surveillance électronique de la planète ont été mis en œuvre. De bon ou de mauvais gré, les pays européens ont emprunté le pas de leur propre chef, ou sous la pression de Washington, et avec l’assentiment assez général de l’opinion publique. De par le monde, les régimes collaboratifs se sont vus pardonner leur autoritarisme et leur violation des droits de l’Homme pourvu qu’ils acceptent d’assurer la sous-traitance de la répression.

Les Etats-nations occidentaux sont aujourd’hui devenus des Etats de sécurité nationale, dont l’obsession s’étend, au-delà du seul terrorisme, à l’immigration, à l’ultra-gauche anticapitaliste, aux lanceurs d’alerte. Ils ne répugnent plus à envisager des mesures rappelant leur passé le plus sombre, telles que la déchéance de la nationalité, en France, ou à les mettre en œuvre comme la confiscation des biens des réfugiés, au Danemark. Ils appliquent des politiques publiques criminelles au sens littéral du terme, dès lors qu’elles tuent, à l’instar des bombardements par drones au Moyen-Orient ou de la prohibition de l’immigration à la frontière américano-mexicaine et en mer Méditerranée qui provoque, chaque année, des milliers de décès. La démission démocratique et morale des peuples, drogués au discours sécuritaire depuis les années 1970, les progrès phénoménaux de la technologie garantissent l’institutionnalisation durable de cet état d’exception et de surveillance de masse. Nombre de spécialistes affirment que l’Occident est tombé dans le piège que lui ont tendu Al-Qaïda, puis Daech, et que ses politiques sécuritaires alimentent le jihad, au lieu de le contenir.

Cette politique sécuritaire a échoué

D’autre part, cette politique sécuritaire a échoué. Elle n’a pas évité les attentats, qui n’ont jamais été aussi nombreux depuis 2001. Elle n’a pas tari le vivier des jihadistes. Elle n’a pas endigué les flux de migrants et de réfugiés, faute d’en tuer assez et de pouvoir contraindre les Etats partenaires du Moyen-Orient et d’Afrique à retenir les candidats au départ. Tout indique que l’impuissance du régime d’exception permanente et de surveillance totale à conjurer les dangers qu’il prétend éliminer ne se démentira pas.

Pourtant, «livides de conviction», à l’image du héros du romancier allemand Uwe Tellkamp, dans La Tour, les capitales occidentales persistent et signent. Il serait temps de suspendre cette fuite en avant. De réviser la politique étrangère qui nous a conduits là où nous en sommes, et dont les choix stratégiques tantôt ont enclenché la machine infernale, tantôt empêchent de la désamorcer. De renoncer aux politiques néolibérales qui ont déchiré le tissu social, et au discours culturaliste qui a communautarisé le pays, sous prétexte d’en exalter l’identité nationale. Et, dans l’immédiat, d’en revenir à une police de renseignement, de proximité et d’infiltration, dès lors que la très dispendieuse surveillance numérique s’avère vaine.

Exigeons de la droite un peu de décence

Sur ce plan, exigeons de la droite un peu de décence. Elle crie haut et fort à l’incompétence de François Hollande. Mais le bon peuple doit savoir que la réforme du renseignement voulue par Nicolas Sarkozy a durablement désorganisé celui-ci, comme l’ont vite illustré l’affaire Merah, et confirmé les attentats de 2015. Et que, sous son autorité, le ministère de l’Intérieur – au contraire de celui de la Défense nationale – a systématiquement privilégié les dépenses de personnel au détriment de son équipement. En 2012, le nouveau gouvernement découvrit ainsi qu’il n’y avait plus de crédits pour la maintenance des systèmes de communication et d’informatique, laquelle était devenue tributaire de recettes budgétaires exceptionnelles, et pour tout dire inexistantes. Donc, messieurs Les Républicains, silence dans les rangs !

Dans la douleur, nous devons être précis. Pas plus que les attentats anarchistes de la fin du XIXe siècle, les actes terroristes d’aujourd’hui ne constituent pas une menace stratégique pour notre pays. La réponse militaire, au Moyen-Orient, n’est pas la bonne. Le tout sécuritaire sert ceux qui nous frappent. Les mesures d’urgence relèvent du seul travail policier. Le devoir de chacun est de garder raison, et sang-froid.

Tribune publiée dans Libération 15/07/2016

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Terrorisme : la frénésie sécuritaire française à côté de la plaque

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Le «portrait-robot» et les méthodes des tueurs de Paris et Bruxelles contredisent totalement la pertinence des mesures adoptées par l’Etat.

Les quelques dizaines de fanatiques radicalisés qui ont commis des attentats sanglants en France et en Belgique sont désormais quasiment toutes identifiées, ce qui permet d’en dresser le «portrait-robot» : pour la quasi-totalité d’entre eux, des ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne (ou titulaire d’une carte de résident), souvent issus des mêmes quartiers voire des mêmes familles, identifiés par les services de police comme islamistes radicalisés et, souvent, comme petits ou grands délinquants de droit commun. Les hommes qui ont frappé Paris soit résidaient sur place, soit ont emprunté la route. L’équipe de Bruxelles a juste eu à prendre un taxi ou le métro. Rien d’étonnant en fait : depuis 2012 et les attentats de Toulouse, tous les terroristes répondaient à ce «portrait-robot».

L’enquête, qui est loin d’être terminée, a déjà mis au jour d’incroyables dysfonctionnements des services de sécurité et ce, en France comme en Belgique : des suspects dont la dangerosité a été gravement sous-estimée ; des renseignements non transmis entre services de police (à l’intérieur du pays et entre pays) ; des combattants européens expulsés de Turquie, que les Etats ont laissés s’évaporer dans la nature ; des renseignements transmis par Ankara non exploités faute de moyens humains, et on en passe.

Le mirage «high-tech»

En réalité, c’est parce que la gravité de la menace représentée par les returnees (les combattants rentrant de Syrie ou d’Irak) a été ignorée par les Etats, que les attentats ont pu être commis. Face à cet échec, autant politique que policier et judiciaire, la réaction des autorités, notamment en France, a été de se lancer dans une frénésie législative sécuritaire sans précédent. Ainsi, au lendemain du 22 mars, Manuel Valls n’a rien trouvé de mieux que d’exiger que le Parlement européen adopte, séance tenante, le fichier PNR qui doit recueillir les données de tous les passagers aériens, alors qu’aucun de ces radicalisés n’a emprunté l’avion pour commettre son forfait.

Le Premier ministre n’en est pas à son coup d’essai en matière de réponse inadaptée : la loi sur le renseignement intérieur de juillet 2015, votée après les attentats de janvier, a placé sous surveillance tout le trafic internet au nom de la lutte antiterroriste. Mais, outre qu’il n’y a personne en bout de chaîne pour exploiter les renseignements obtenus, le terrorisme actuel n’est nullement «high-tech», mais au contraire, «low-tech» : pas d’utilisation du Net, on se parle en direct, on achète des téléphones jetables, on loue des voitures ou des taxis, on fabrique des bombes avec du matériel acheté dans des magasins de bricolage.

Risque historique

Et que dire de l’état d’urgence qui ne s’est traduit par l’arrestation d’aucun terroriste, pas plus que le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen. C’est le travail des policiers, placés sous la surveillance de juges indépendants qui, en appliquant la loi actuelle, a permis de remonter les filières. Mais cela n’empêche pas le gouvernement de persévérer : la future loi sur la procédure pénale va faire entrer dans le droit interne les dispositions les plus liberticides de l’état d’urgence alors même qu’il a échoué.

En réalité, ce sont de moyens humains et matériels dont la police et la justice ont besoin, pas de nouvelles lois confiant des pouvoirs exorbitants et sans contrôle à l’exécutif. La gauche française prend un risque historique en empruntant cette fausse route sécuritaire : avec ces lois d’exception, «la France peut basculer dans la dictature en une semaine», a mis en garde Frédéric Sicard, bâtonnier de Paris, à l’unisson de nombreux juges. Le prix à payer pour combattre et contrôler quelques centaines de returnees connus de la police doit-il être l’abandon de libertés publiques si durement acquises ?

Jean Quatremer

Source Libération 30/03/2016

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Entretien Bernard Lahire. Quand les sociologues sont jugés responsables de l’état du réel

Bernard Lahire « Le problème n’est pas de préserver un mode de vie français figé » Photo EdItIons La Découverte

 

Bernard Lahire, professeur de sociologie à l’Ecole normale supérieure de Lyon était l’invité de la Librairie Sauramps hier à Montpellier. Il a évoqué son dernier essai : « Pour la sociolo- gie » qui porte réponse au procès fait aux sciences sociales qu’a relayé Manuel Valls.

 

La mise en évidence des inégalités économiques, scolaires et culturelles sont des réalités qui fâchent. Suffisamment, pour intenter un procès aux sciences sociales et à la sociologie en particulier. Dans votre dernier ouvrage : Pour la sociologie. Et pour en finir avec une prétendue « culture de l’excuse, vous revenez sur les fondamentaux. D’où part votre motivation ?

Le point de départ est lié à l’ouvrage Malaise dans l’inculture, paru en 2015. Son auteur, Philippe Val, ancien directeur de la rédaction de Charlie Hebdo, puis directeur de France Inter, s’en prend au « sociologisme » mais l’on se rend compte à la lecture, que c’est bien contre la sociologie et ses adeptes dans le monde des sciences sociales qu’il part en guerre, enl es accusant tout à la fois de justifier ou d’excuser la délinquance, les troubles à  l’ordre public, le terrorisme… Dans un mélange de méconnaissance et de résistance, ces motivations reposent sur une vision conformiste et libérale assez classique de l’individu selon laquelle celui-ci œuvre dans son propre intérêt, et la somme de ces actions concoure à l’intérêt général.

Votre ouvrage se veut très accessible.

Habituellement, j’écris des livres plutôt savants. Pour la circonstance, j’ai ressenti le besoin d’écrire de manière accessible. J’ai essayé de faire de la pédagogie pour expliquer en quoi consiste le travail des sciences sociales et tout particulièrement de la sociologie qui prend en compte les dimensions relationnelles. On ne pense pas un individu indépendamment des relations avec l’ensemble des éléments composant le tout dans lequel il s’inscrit. De même, nos actions sont liées au groupe, elles n’en sont pas isolées.

A propos de l’analyse relationnelle, vous citez Marx. Lorsqu’il défend que les détenteurs des moyens de production s’approprient la richesse produite par les ouvriers, il démontre aussi que les riches n’existent pas indépendamment des pauvres. Cette charge des détenteurs de privilèges ou de pouvoirs ne cherche t-elle pas à réfuter l’analyse des structures en terme de classes sociales dans une société de plus en plus inégalitaire ? Quelles sont les autres interdépendances qui se font jour ?

On voit bien que la question des différences de classes est quelque chose qui les entête beaucoup. Mais l’interdépendance n’existe pas qu’entre les riches et les pauvres. Elle existe entre les hommes et les femmes, les parents et les enfants… Il est difficile de penser un « eux » indépendamment d’un « nous » parce qu’il se trouve que ce «eux» est en lien avec nous.

Cette interdépendance vaut au sein d’une société donnée, et il en va de même au sein des différentes nations qui coexistent sur terre. Le problème n’est pas, de préserver un mode de vie français en le figeant dans certaines représentations. Il est international. Cette manière de penser de façon relationnelle la réalité sociale à des échelles très différentes, interroge la politique étrangère de la France, comme elle peut interroger la politique coloniale, des Belges ou des Européens. D’une manière comme une autre, cela met en cause des politiques parce que penser en terme de relations interdépendantes n’isole pas totalement un « ennemi » sans aucun lien avec nous. Le recul que permettent les sciences sociales permet de ne pas foncer bille en tête comme le fait notre premier ministre.

Après avoir déclaré en avoir assez « de ceux qui cherchent en permanence des excuses ou des explications culturelles ou sociologiques à ce qui s’est passé », Manuel Valls a rétropédalé. Cela vous satisfait-il ?

Il est revenu de manière extrêmement confuse sur ses propos . Je les ai relevés pour prendre conscience de la confusion cérébrale du Premier ministre : « Bien sûr il faut chercher à comprendre » dit-il, à propos de la plongée dans la radicalisation djihadiste. « Ce qui ne veut pas dire chercher je ne sais quelle explication », ajoute-t-il. Je dois dire qu’il atteint là, un degré qui m’échappe.

Dans le contexte actuel caractérisé par une montée de la violence économique, sociale, psychologique, environnemental, ne mettez- vous pas le doigt sur la violence politique ?

Le virilisme politique est très présent avec des formules toujours plus dures, plus intransigeantes. Nous sommes en présence de personnes qui occupent le terrain, pour des raisons électoralistes et qui nous disent un peu : « N’ayez pas peur, papa est là.» C’est un rappel de l’autorité, mais est-ce efficace ? On ne voit pas très bien quel dispositif sécuritaire empêcherait quelqu’un de se faire sauter.

Quel regard portez-vous sur la sociologie de la radicalisation et des travaux comme ceux de Farhad Khosrokhavar ?

Je n’ai pas d’avis sur le travail de Farhad Khosrokhavar que je ne connais pas assez. Je me méfie du terme radicalisation. Il y a des jeunes qui se sont convertis en quinze jours. Je suis aussi distant avec des gens comme Michel Onfray qui vous dise : J’ai lu les textes du Coran, il y a un problème de violence. D’abord parce que la plupart des croyants ne lisent pas les textes, et que l’argument n’est pas solide. On trouve dans la Bible aussi des textes d’une extrême violence.

Les critiques portées ne résultent-elles pas d’une incompréhension, notamment dans la différence entre comprendre et juger ?

On prête des intentions aux sciences sociales qu’elles n’ont pas. Le scientifique étudie ce qui est et n’a pas à apprécier si ce qui est «bien»ou«mal». Il ne se préoccupe pas de savoir si les vérités qu’il découvre seront agréables ou déconcertantes.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Pour la sociologie. Et pour en finir avec une prétendue « culture de l’excuse » Editions La Découverte 2016, 13,5 euros

Source : La Marseillaise 25/03/2016

Voir aussi : Rubrique Science, Sciences Humaines, rubrique LivreEssais, rubrique Société, rubrique Rencontre, rubrique Montpellier,

 

Les flics refusent d’être fliqués

Libertaires vs le ministère de l’Intérieur, nouvel acte. Objet du bras de fer, le site Copwatch Nord-IDF, qui depuis une semaine publie des photos et commentaires peu amènes sur des policiers et CRS. Les auteurs du site, qui entendent rester anonymes, se réclament du copwatching, une pratique de surveillance citoyenne de l’action policière en vue d’en prévenir les dérives, développée aux Etats-Unis. L’entreprise a demandé «plusieurs mois» de collecte, précisent les auteurs.

Ciblant dans un premier temps les forces de l’ordre de Paris, Lille et Calais, «ce site est consacré à la diffusion de renseignements précis sur l’ensemble des forces de l’ordre par le biais d’articles, d’images (photos et vidéos), mais aussi et surtout de trois larges bases de données sur la police. Ces bases de données, accessibles par tous, permettront à toute personne victime d’abus, d’humiliations ou de violences de la part des flics, d’identifier le ou les policiers auteurs de ces actes», peut-on lire au chapitre présentation.

En somme, du flicage de flics. D’autres sites s’y sont déjà employé, notamment depuis les manifestations anti-CPE. Mais celui-ci, après un précédent avorté sur Indymedia Paris, va plus loin. Les photos, récupérées pour certaines sur Facebook, s’accompagnent des noms, prénoms, lieu d’affectation des policiers et de mises en garde: untel est réputé proche de l’extrême-droite, un autre «n’hésite pas à cogner et foutre en garde à vue» et se révèlerait «un stratège du guet-apens et de la chasse aux pauvre», etc.

«Nous n’hésiterons pas à user de termes sévères à l’égard de la police et de la gendarmerie, car nous considérons ces institutions comme la fosse commune de l’humanité, le charnier de l’évolution, la mise à mort quotidienne de la déontologie et de l’éthique. Nous serons sans équivoque. Policiers, nous vous identifierons tous un-à-un», revendiquent les auteurs – qui n’ont pas repondu à notre sollicitation.

«Délation»

Les syndicats de police sont évidemment remontés. Moins par la diffusion de photos de policiers en action, légale à l’exception de certaines équipes (Raid, GIGN…) que par le recoupement avec les adresses, le procédé de fichage et le discours résolument anti-police. «Filmer et révéler éventuellement des bavures, comme cela se fait aux Etats-Unis, c’est une chose, mais là il s’agit ni plus ni moins de délation, sur la seule base de photos qui ne sont pas de réelles photos d’intervention, et ne démontrent rien du tout», dénonce Denis Jacob, secrétaire administratif général d’Alliance, deuxième syndicat de gardiens de la paix. «Si Copwatch a des éléments tangibles, qu’il les communique à la justice. En l’état, c’est de l’antiflic primaire, source de graves conséquences pour les fonctionnaires de police et leurs familles.»

«Ce site ne diffuse et ne diffusera jamais une seule donnée concernant les familles des policiers», rétorque Copwatch. «A partir du moment où vous avez la photo et le quartier, c’est suffisament grave», s’inquiète Pierre-Henry Brandet, porte-parole du ministère de l’Intérieur, qui qualifie le site de «mélange assez nauséabond»: «Ce qui pose problème, c’est l’association de photos, d’adresses et de propos haineux et diffamatoires.» Quant à l’objectif affiché de lutter contre les dérives policières, «il y a déjà tout un arsenal judiciaire et administratif qui permet de garantir un contrôle déontologique de l’action de la police. Ce n’est pas au Web de faire la justice», oppose-t-il.

Alerté par Alliance, le ministère a annoncé, mercredi, le dépôt de deux plaintes en diffamation. L’une pour «diffamation publique envers un fonctionnaire de police», l’autre pour «diffamation publique de l’administration». En parallèle, «plusieurs dizaines de policiers fichés» sur Copwatch ont déposé plainte, fait savoir Alliance.

Histoire d’accélérer la manœuvre, le ministère a aussi demandé une procédure en référé auprès du tribunal de grande instance de Paris, pour faire retirer du site «les pages incriminées». Hébergé aux Etats-Unis (mais pourvu d’un nom de domaine acheté auprès d’un prestataire français) le site est difficilement attaquable. Mais «des recours sont possibles» assure l’Intérieur.

C.B

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Plus de 64 500 détenus en France: un record historique

Le nombre de détenus dans les prisons françaises s’élevait au 1er mai à 64.584, soit plus que le pic historique de 64.250 atteint en juillet 2008, selon les chiffres mensuels publiés ce mardi par l’Administration pénitentiaire.

Le chiffre de 64.584 représente une hausse de 4,8% par rapport à mai 2010 (61.604) et une augmentation de 0,7% par rapport au 1er avril 2011 (64.148). Le nombre de détenus a augmenté de 6,7% depuis le 1er janvier 2011 (60.544).

Le nombre de prévenus (en détention provisoire, en attente d’un jugement) s’élève à 16.882 pour 47.702 condamnés, représentant donc 26,1% des personnes incarcérées. Au 1er mai 2010, il y avait dans les prisons françaises 15.963 prévenus.

Les mineurs détenus étaient quant à eux 792 au 1er mai 2011, en baisse de 1,5% par rapport au mois précédent (804 au 1er avril). Au 1er janvier, ils étaient 688.

En juillet 2008, le taux de surpopulation carcérale était de plus de 126%. Il est actuellement de 115%, le parc pénitentiaire comptant 56.150 «places opérationnelles», du fait de l’ouverture de nouveaux établissements entre 2008 et 2010. Il y avait 50.746 places de prison en mai 2008, rappelle l’AP.

Le ministre de la Justice, Michel Mercier, a précisé début mai les modalités d’un plan prévoyant la construction de nouvelles prisons et la rénovation d’autres, visant à obtenir plus de 70.000 places en 2018.
«La solution est ailleurs»

«Le nombre de détenus continue à augmenter, les conditions de travail et de détention vont continuer à se détériorer», a réagi à l’annonce des dernières statistiques Céline Verzeletti, secrétaire générale de la CGT-Pénitentiaire.

Le mois dernier, les syndicats, notant une augmentation constante des chiffres de la population pénale depuis novembre, disaient déjà constater les conséquences de la promiscuité dans les prisons, avec une augmentation des tensions et des incidents, des bagarres entre détenus, des agressions de surveillants, des suicides…

«Le parc pénitentiaire n’a jamais été aussi grand et on va continuer à construire de nouvelles prisons, mais les faits montrent que la solution est ailleurs», a déclaré Céline Verzeletti.

La solution passe selon elle par «une autre politique pénale» avec, notamment, «une orientation vers les alternatives à l’incarcération pour les courtes peines»,, ainsi qu’un «plus grand respect de la présomption d’innocence», avec «moins de prévenus incarcérés».

Les syndicats notaient également récemment une augmentation significative du nombre de détenus en région parisienne et dans l’ouest de la France.

Début avril, l’Observatoire international des prisons (OIP) avait constaté «une hausse singulière du nombre de détenus dans les prisons de l’Ouest» après l’affaire Laetitia, qui «a eu pour effet de radicaliser la politique répressive de la région pénitentiaire de Rennes» sous la forme «d’un plus grand nombre de peines mises à exécution par des juges désormais sous pression».

AFP

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