Cinq personnes de la société civile, dont une femme, ont été interpellées vendredi soir, le 16 décembre, lors d’une opération policière franco-espagnole à Louhossoa, près de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), a annoncé le ministère de l’Intérieur. Une opération présentée comme « un nouveau coup dur porté à ETA », l’organisation séparatiste basque.
Contrairement à de premières informations, le président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme, l’avocat Michel Tubiana, ne figure pas parmi les personnes interpellées.
Dans un courrier daté du 25 octobre, publié par le site Mediabask, Michel Tubiana, Jean-Noël Etcheverry et Michel Berhocoirigoin avaient annoncé leur intention de participer à « la question du désarmement » qui a « été identifiée par tous les spécialistes et dans toutes les régions de conflit comme un élément-clé du processus de paix ». Dans ce texte, les trois hommes précisent qu’ils se situent « en intermédiaires entre une organisation armée avec laquelle » ils n’ont « aucun lien ni subordination, et un Etat » qu’ils veulent « amener à réfléchir. »
Joint dans la nuit par Le Monde, qui souligne « l’imbroglio » autour des interpellations, Me Tubiana a démenti avoir été interpellé, expliquant au quotidien qu’il aurait dû se trouver sur les lieux, mais n’y était finalement pas.
« Importante saisie d’armes, d’explosifs et de munitions »
Parmi les cinq personnes interpellées figurent le dirigeant du mouvement écologiste Bizi!, Jean-Noël Etcheverry, dit Txetx, Michel Berhocoirigoin, ancien président de la Chambre d’agriculture du Pays Basque, Michel Bergougnian, coopérateur viticole dans l’appellation basque Irouléguy, et une journaliste, Béatrice Haran-Molle. L’identité exacte de la cinquième personne n’est pas encore connue, indique-t-on de sources proches du dossier.
L’opération policière, sur commission rogatoire du Parquet anti-terroriste à Paris, a été menée par des enquêteurs de la police judiciaire française, notamment de la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI), de la Brigade de recherches et d’intervention (BRI) de Bayonne et des policiers de l’unité d’élite du Raid, assistés de policiers de la Guardia Civil espagnole.
Les cinq personnes ont été interpellées dans la grande maison, isolée, de Béatrice Haran-Molle, dans la bourgade de Louhossoa (environ 600 habitants), sur la route de Bayonne à Saint-Jean-Pied-de-Port. Au cours d’une perquisition, « une importante saisie d’armes, d’explosifs et de munitions » a été réalisée, indique le ministère français de l’Intérieur.
« Nouveau coup dur porté à ETA »
Pour les gouvernements français et espagnols, « l’interpellation de cinq individus en relation avec l’organisation terroriste ETA » est « un nouveau coup dur porté à ETA », comme l’a déclaré le ministre français de l’Intérieur, Bruno Le Roux, dans un communiqué, tout en se félicitant « d’une excellente coopération entre les services et avec les autorités espagnoles ».
De son côté, dans un tweet, le ministère espagnol de l’Intérieur a annoncé que « la Guardia Civil avait porté un coup à l’arsenal de la bande terroriste ETA en France ».
L’interprétation fournie dans les milieux nationalistes basques est complétement différente: ainsi, le site en ligne Mediabask, proche du quotidien basque espagnol Gara qui exprime parfois les positions d’ETA, publie une lettre que lui ont adressé Michel Tubiana, Txetx et Michel Berhocoirigoin, affirmant qu’ils avaient décidé « d’enclencher le processus de désarmement de l’organisation armée et procéder à la destruction d’un premier stock d’armes ». Ce stock « correspond à environ 15% de l’arsenal d’ETA ».
Tous trois justifient leur action par leur volonté de « contribuer à un avenir sans violence et démocratique pour le Pays Basque ».
« Rétablir la vérité sur ce qui s’est passé »
« Il faut rétablir la vérité sur ce qui s’est passé », a déclaré Michel Tubiana, interrogé par l’AFP, expliquant qu’il ne se trouvait ni à Bayonne ni à Paris. « Il y a un blocage total du processus de désarmement de l’ETA, un blocage qui vient du côté des gouvernements français et espagnol. Plusieurs membres de la société civile ont voulu relancer ce processus, en procédant à une première destruction d’armes », a-t-il expliqué.
« On a voulu jeter un coup de projecteur là-dessus. On voulait détruire des armes et les remettre aux autorités. Cette opération policière
Plusieurs mouvements nationalistes considèrent aussi que « les polices française et espagnole ont empêché la destruction des armes » et appellent à une manifestation samedi à 16h00 à Bayonne.
Dans un communiqué diffusé samedi matin, le 17 décembre, Jean Lassalle, député (ex-MoDem) des Pyrénées-Atlantiques, dénonce par ailleurs « les machiavéliques dérives autoritaires de l’état français ».
ETA a fait plus de 800 morts selon les autorités espagnoles et françaises
Le 12 octobre dernier une importante cache d’armes d’ETA avait été découverte en forêt de Compiègne (Oise). Le 5 novembre, un des derniers chefs d’ETA encore dans la clandestinité, Mikel Irastorza, avait été arrêté à Ascain, près de Bayonne, puis mis en examen et écroué à Paris. Enfin, le 14 décembre, un autre militant basque espagnol d’ETA avait été arrêté à Marseille. Ces trois opérations avaient également été menées conjointement par les polices française et espagnole.
Au nom de sa lutte pour l’indépendance du Pays Basque et de la Navarre, ETA (Euskadi Ta Askatasuna, Pays Basque et Liberté) a mené une campagne d’attentats qui a causé la mort de 829 personnes, selon les autorités espagnoles et françaises, les années 1980 ayant été les plus sanglantes.
En octobre 2011, ETA a renoncé définitivement à la violence, mais elle n’a pas depuis remis ses armes et refuse de se dissoudre. ETA réclame pour cela une négociation avec les États espagnol et français sur le sort de ses quelque 400 membres détenus dans ces deux pays, ce que Madrid et Paris refusent.
Wojtek Radwanski, AFP | Des manifestants de l’opposition, à Varsovie.
La police polonaise a dispersé par la force les manifestants réunis autour du Parlement polonais, dont ils ont un temps bloqué toutes les issues, protestant contre le parti au pouvoir que l’opposition accuse d’avoir violé la constitution.
Plusieurs centaines de manifestants d’opposition ont bloqué vendredi 16 décembre les sorties du Parlement polonais à Varsovie empêchant pendant quelques heures des députés de la majorité, la Première ministre Beata Szydlo et le chef du parti conservateur au pouvoir Jaroslaw Kaczynski de quitter le bâtiment.
Cette situation inédite a suivi une manifestation de quelques milliers de personnes dans la soirée devant le Parlement. « Constitution », « médias libres » et encore « vous ne sortirez pas jusqu’à Noël », scandaient les protestataires agitant des drapeaux nationaux rouge et blanc et soufflant dans des cornes de brume. Ils ont été rejoints par des députés d’opposition libérale venus leur apporter leur soutien.
Répondant à l’appel du mouvement de défense de la démocratie KOD, les participants entendaient protester d’abord contre un nouveau règlement limitant l’accès des médias aux députés, et ensuite contre l’adoption du budget de l’Etat pour 2017 dans des conditions inhabituelles. L’opposition accuse le PiS d’avoir violé les dispositions de la constitution polonaise en décidant de déplacer le lieu des débats sur le budget 2017 et empêché la presse d’y assister.
Le président du parti au pouvoir, le Parti du Droit et de laJustice (PiS), Jaroslaw Kaczynski, a finalement pu quitter la Diète après l’intervention des forces de l’ordre qui ont éloigné les protestataires entourant son véhicule. Une partie des manifestants continuaient leur mouvement après, alors que nombre de députés ont décidé de rester à l’intérieur des bâtiments pour la nuit.
Nouvelle illustration de l’abus de pouvoir de la Troïka qui règne en maître sur tous les pays de l’UE. Le tort de Tsipras (qui tente de regagner de la popularité avec des mesurettes sociales) est d’avoir pris ces décisions sans consulter au préalable les créanciers.
« Il est impératif que les mesures ne soient pas décidées de façon unilatéral… » rappelle le puissant ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble.
Une bonne occasion pour Le commissaire européen à l’économie Pierre Moscovici de nous rappeler qu’il est à gauche et au Monde de le souligner avec insistance…
Une bonne occasion pour Le commissaire européen à l’économie Pierre Moscovici de nous rappeler qu’il est à gauche et au Monde de le souligner avec insistance…
Aurait-on trop vite tourné la page de la crise grecque ? Le Mécanisme européen de stabilité (MES, principal détenteur de la dette publique grecque) a décidé, mercredi 14 décembre, de suspendre l’application des mesures d’allégement de la dette hellène, pourtant validées lors d’une réunion des ministres des finances de la zone euro, le 5 décembre.
La raison, selon plusieurs sources bruxelloises ? Le puissant ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, aurait mis son veto à cette décision du MES devant se prendre à l’unanimité. Il réagirait à l’annonce faite par le premier ministre grec, Alexis Tsipras, le 8 décembre, de rétablir pour les plus petites pensions de retraite un 13e versement annuel et de reporter la hausse de la TVA sur les îles de l’est égéen, où s’entassent plus de 16 000 migrants et réfugiés, « tant que dure la crise des réfugiés ».
Son tort est d’avoir pris ces décisions sans consulter au préalable les créanciers. « Il est impératif que les mesures ne soient pas décidées de façon unilatérale ou annulées sans préavis », a déclaré M. Schäuble, mercredi. « Les institutions [les représentants des créanciers] ont conclu que les actions du gouvernement grec semblent ne pas être en ligne avec nos accords », a réagi Michel Reijns, le porte-parole du président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem. « Quelques Etats membres le voient aussi de cette façon et [il n’y a] donc pas d’unanimité désormais pour mettre en place les mesures » d’allégement de la dette, ajoute-t-il.
Pierre Moscovici contre cette suspension
Ce contretemps n’est pas du tout du goût du commissaire européen à l’économie, Pierre Moscovici, qui refuse que la Commission endosse la responsabilité du veto. « On ne peut pas dire que cette décision [de suspension] a été prise sur le fondement d’une évaluation de la Commission [sur les mesures décidées par Tsipras], puisque cette évaluation n’est pas achevée, affirme l’ex-ministre des finances du gouvernement Ayrault au Monde. Ceux qui souhaitent la suspension des mesures de court terme doivent endosser leurs responsabilités. »
Pour M. Moscovici, les mesures sur la dette ne doivent pas être remises en cause. Leur principe avait été agréé par les dix-neuf ministres des finances de l’eurozone, fin mai. « Cet accord sur la dette grecque reste robuste, puisque les engagements sur les mesures de court terme reposaient sur la clôture de la première revue du plan d’aide [cette clôture a eu lieu cet automne] », explique le commissaire.
Même si elles n’avaient rien de radical, les mesures sur la dette visent pourtant à alléger de manière substantielle l’énorme fardeau grec (180 % du produit intérieur brut). Il est vrai qu’elles avaient été acceptées du bout des lèvres par M. Schäuble, qui a souvent répété qu’elles n’étaient pas nécessaires.
« Une application des règles sans indulgence »
Depuis que le troisième plan d’assistance financière à la Grèce a été validé (86 milliards d’euros, à l’été 2015), Alexis Tsipras a pourtant fait passer la plupart des nouvelles mesures d’austérité exigées par les créanciers, dont une énième révision à la baisse des retraites grecques, au printemps. Et de nombreuses hausses de TVA.
« De façon pas toujours spontanée mais constante, les Grecs ont respecté le programme d’aide, et les efforts qu’ils ont fournis sont considérables. Alors quand ils remplissent leur part du contrat, les autres doivent aussi remplir la leur », martèle M. Moscovici. « La Commission plaide pour une application des règles sans indulgence, mais qui permette un progrès partagé. On ne peut pas opposer l’allégement de la dette grecque à la justice et la cohésion sociale, que le peuple grec attend », ajoute le socialiste.
La délégation socialiste française au Parlement européen a très vivement réagi à la suspension des mesures sur la dette, mercredi. « Trop c’est trop, nous disons “basta à M. Schäuble”. Faites preuve d’un minimum de sens politique, et d’humanité, tout simplement, ont-ils fait savoir dans un communiqué. La Grèce renoue avec la croissance depuis deux trimestres, il est légitime qu’un chef de gouvernement redistribue là où il y a urgence sociale. L’Union européenne doit envoyer un signal social positif. Ne laissons pas la Grèce s’épuiser et le peuple grec sans espoir. »
Cette suspension semble avoir renforcé la détermination de M. Tsipras. Mercredi, il a dit qu’il allait proposer ses mesures sociales dès jeudi devant son Parlement. « Nous allons respecter intégralement notre accord avec les créanciers, mais nous allons aussi défendre de toutes nos forces la cohésion sociale », avait-il affirmé le 8 décembre. Les tensions, qui, entre Grecs et créanciers, s’étaient si fortement apaisées ces derniers temps, sont-elles reparties pour durer ?
Des civils fuyant les combats arrivent dans le quartier de Hal-Samah, à l’est de Mossoul. (Sebastian Backhaus pour le JDD)
Relire le contexte
Réunis à Londres en octobre dernier, les ministres des affaires étrangères français, britannique et allemand ont rencontré leur homologue John Kerry au lendemain d’une réunion russo-américaine à Lausanne. Pour condamner l’escalade des bombardements à Alep au nord de la Syrie.
Au sortir de cette rencontre l’objectif était de rétablir un rapport de force avec Moscou sur la crise syrienne. « Il est vital de maintenir la pression et nous proposons de nouvelles mesures, de nouvelles sanctions contre le régime syrien et ses partisans« , avait déclaré Boris Johson le chef de la diplomatie britannique.
La « solution » devait passer par une courageuse offensive sur Mossoul en envoyant les forces kurdes, les volontaires et les milices, l’armée et la police fédéral irakienne appuyé par les force de la mobilisation populaire en première ligne comme naguère les vaillant tirailleurs sénégalais de l’armée coloniale . Tandis que les avions de la coalition internationale entamaient leurs frappes. Une ville de deux millions d’habitants les force de l’EI étant estimé par les militaires à 3 000 hommes dans la ville et ses alentours annonçaient un massacre nous y sommes…
L’oeil des masses médias des alliés occidentaux se tourne sur Alep en tordant souvent la réalité ( point sur la situation militaire) particulièrement dans les médias français. Après un départ en guerre en fanfare sur le thème » la bataille de Mossoul » c’est maintenant silence radio ou presque sur ce conflit en Irak… Le reportage du JDD ci-dessous donne une mesure de la situation. Tout laisse à penser que nous (les occidentaux) sommes très mal placés pour donner des leçons.
« la production des idées, des représentations et de la conscience, est d’abord directement et intimement mêlée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes : elle est le langage de la vie réelle » disait Marx
Ce qui compte avant tout pour ceux qui nous gouvernent, après l’émotion liée aux massacres et à la destruction, c’est que la reconstruction va nécessiter beaucoup de sacs de ciments…
Irak : la bataille de Mossoul fait rage et frappe durement les civils
REPORTAGE – Après sept semaines de combats, les forces irakiennes et kurdes ont perdu plus de 3.500 hommes dans la bataille contre Daech. Les civils affrontent une situation humanitaire catastrophique.
Une dernière fois, Hadj Amjed a voulu prendre entre ses mains puissantes le visage déjà cadavérique de son enfant. Puis l’infirmier militaire est venu et, dans une infinie douceur, a refermé les yeux de l’adolescent. Le père, drapé dans un long manteau crème, s’effondre, au pied de la civière, inconsolable. Le quinquagénaire avait pourtant cru que son fils s’en sortirait quand, à l’aube ce jeudi matin, il l’avait juché à l’avant du Humvee de l’armée irakienne. Il respirait encore quand le blindé a foncé à travers les ruelles du quartier d’Aden. Mais arrivé à l’hôpital de campagne de Gogjali, dans les faubourgs est de Mossoul, il était trop tard. Comment aurait-il pu survivre à cet obus de mortier qui l’avait déchiqueté?
Des civils enfermés dans une souricière
Un ciel gris et bas, le froid glacial du petit matin, cette boue gluante apparue avec les premières pluies de l’hiver. Sept semaines déjà que l’armée irakienne a lancé son opération pour libérer Mossoul des griffes de Daech. Sept semaines que les djihadistes défendent leur fief avec acharnement. Certes les militaires avancent, mais lentement, maison par maison. Et le mauvais temps qui s’installe n’est pas fait pour les avantager. « Nous contrôlons 22 quartiers, plus de 50 % de la rive gauche du Tigre, et nous avons éliminé au moins 1.100 terroristes, assure néanmoins le général Abou Omar Sabah, porte-parole de la CTS (Counter terrorism Service), ces troupes d’élite qui sont pour l’instant les seules à se battre à l’intérieur de la deuxième ville d’Irak. On a appris à connaître leur stratégie et eux s’épuisent. Le nombre d’attaques à la voiture suicide a d’ailleurs fortement diminué ces derniers jours. » Reste que le prix à payer est exorbitant. En novembre, 1.959 soldats seraient tombés en Irak, selon les Nations unies. Combien à Mossoul? Le commandement militaire refuse de le préciser. Mais depuis le 17 octobre, jour du lancement de l’offensive, le nombre de morts au combat a grimpé en flèche. Côté Kurde, une source officielle confirme au JDD le chiffre de 1.600 peshmergas tués, et un taux global de pertes (morts et blessés) dans les forces anti-Daech de 25 % !
Et puis, il y a les civils, enfermés dans cette souricière qu’est devenue cette cité tentaculaire, trois fois plus grande que Paris mais dont tous les axes majeurs d’approvisionnement ont été coupés. Le mois dernier, 332 civils auraient péri dans la plaine de Ninive, dont Mossoul est la capitale. Mais le vrai bilan est sans doute plus lourd. « Quand l’armée cherche à progresser, cela provoque plus de morts, note Marek Adamyk, un aide-soignant d’une ONG slovaque, qui officie dans l’hôpital de campagne. Pareil quand Daech lance des contre-offensives ou se défend avec plus de vigueur, généralement le vendredi. » Ces jours-là, au centre de santé d’urgence, se déverse du cœur de la ville le flot de blessés. Comme ce quadragénaire hurlant de douleur au milieu du petit patio qui sert de première salle d’intervention. Son tibia est en miettes. « Un tir de sniper », se désole le capitaine Khali, médecin du CTS. À l’intérieur du petit bâtiment, un enfant gémit à son tour : Amer Mudher, 7 ans, a déjà été soigné la semaine dernière mais la plaie énorme à une jambe causée par les éclats d’un obus de mortier prend une mauvaise tournure. « Il faut faire quelque chose, implore son père. Je n’ai plus que lui. Sa mère est morte dans l’attaque. Nous avons dû l’enterrer dans le jardin. »
Pénétrer dans la ville équivaut à entrer dans le chaudron du diable. Certes, dans les premiers quartiers périphériques du nord-est, comme Al-Samah, l’un des premiers à avoir été libérés début novembre, un semblant de vie est revenu. Des vendeurs ambulants y proposent un choix restreint de légumes. Des petites filles saluent le passage de convois militaires. Quelques dindes, libérées de leur enclos, se dandinent sur le chemin cahoteux qui sert de route. Mais très vite surgit un paysage de chaos absolu. Aux abords du quartier de Nimrush, les imposantes avenues ne sont plus que des mers de gravats. Les rues plus étroites, elles, sont pour beaucoup inaccessibles, fermées par des barricades de terre surmontées de carcasses de voitures. Dans celles encore ouvertes, pourrissent des montagnes de détritus. Au milieu de ce décor crépusculaire, quelques habitants se tiennent sur le pas des maisons relativement épargnées, ils semblent perdus mais souriants. Il vaut mieux faire bon accueil aux convois militaires qui passent dans le coin même si l’armée se fait plutôt rare ici. Les forces du CTS ne sont pas assez nombreuses pour combattre sur la ligne de front et tenir les territoires conquis. Et les renforts se font attendre. Ces derniers jours, un bataillon de la 11e division est enfin arrivé de Bagdad pour sécuriser les zones libérées.
En s’enfonçant un peu plus vers le sud, même ambiance lugubre. Sur l’un des grands axes, une famille avance, traînant derrière elle des valises. Où vont-ils? Ils ne le savent pas vraiment. « Peut-être dans le quartier Tahrir, dit la mère. On nous a dit qu’il y avait des maisons vides là-bas. » Un peu plus loin, deux hommes poussent péniblement une charrette à bras. Y repose, allongé, un vieillard impotent.
Depuis une semaine, 500.000 habitants sans eau
Puis vient le quartier d’El-Bakr que l’état-major irakien assure avoir fini de nettoyer ces derniers jours. Dans l’air, flotte néanmoins une odeur de poudre qui dit que les combats n’ont pas tout à fait cessé. D’ailleurs aux tirs de mitrailleuses des soldats irakiens répondent les claquements des kalachnikovs de djihadistes postés quelques centaines de mètres plus loin. Ces combats, les rares résidents qui s’aventurent à l’extérieur, n’y prêtent même plus garde. Pas plus qu’ils ne font attention à ce cadavre putréfié qui gît à même le trottoir. C’est celui d’un combattant de l’EI, 15 ans à peine, dont la tête repose à un bon mètre du corps.
La guerre et son lot d’atrocités semblent devenues la normalité ici. Il n’est qu’à voir Allah Kamel, 31 ans, sortant de sa maison revêtu d’un sweat couleur moutarde. Le jeune homme parle d’une voix calme tandis que son frère tire avidement sur une cigarette. Il explique que quatre familles se sont réfugiées dans cette imposante demeure à la façade en faux marbre. Il y a quelques jours encore, elle était occupée par des hommes de Daech. « On n’en sort presque pas ou alors pour prendre la nourriture que l’armée nous donne. » Il concède que trouver de l’eau potable est devenu un problème. Selon l’ONU, 500.000 habitants en seraient privés depuis cette semaine. Mais pour le reste, les obus de mortier qui ont encore tué trois personnes à El-Bakr jeudi, Allah Kamel n’en fait pas grand cas.
La villa qui fait face, d’où émerge un généreux oranger, est pourtant une cible de choix. Elle été investie par un groupe des forces antiterroristes que dirige le commandant Arif, un trentenaire originaire de Najaf. Postés sur le toit-terrasse, ses hommes canardent des ennemis invisibles. « Nous avons des camarades plus loin, dans le quartier al-Zohour, explique le chef du groupe, désignant une zone d’où s’échappent des panaches de fumée grisâtre. Ici, il ne reste que quelques snipers. » Pas de quoi convaincre Allah Kamel de partir. « On vient de récupérer notre maison. Donc nous resterons là, comme l’armée le demande. »
Sous Daech, il s’enfermait dans ses toilettes pour fumer
De l’autre côté de la ville, celle encore contrôlée par Daech, la population ne fuit pas davantage. Mais a-t-elle le choix? Les civils servent désormais de boucliers humains à l’organisation djihadiste. Ahmed, sorti du quartier d’Aden, raconte : « La semaine dernière, ils ont demandé à tout le monde de sortir dans la rue alors qu’il y avait des combats. Ce n’est que le lendemain qu’ils nous ont autorisés à rentrer chez nous. » D’autres expliquent que les soldats du califat débarquent et mitraillent les rues sans raison apparente. Certaines histoires sont plus sombres encore. Comme celle de ce bébé, amené la semaine dernière à l’hôpital de campagne de Gogjali par ses parents. Enveloppé dans une couverture, le nourrisson respire difficilement. Depuis plus d’un mois, il avait de la fièvre et ses parents l’ont conduit dans un hôpital contrôlé par l’EI. Mais, parce que le prénom du garçon avait une consonance chiite explique le père, les médecins de Daech lui ont injecté un produit suspect. « Je ne sais pas ce que c’était, explique Marek, l’aide-soignant slovaque. Un truc à base d’essence peut-être… »
Ce genre de situation, Hadi Abdallah Hassan ne veut plus l’endurer. Fuyant Mossoul, ce père de famille de 48 ans, le crâne coiffé d’un keffieh, n’a pas souhaité rejoindre le lot des centaines de déplacés qui arrêtent leur course dès Gogjali et qui attendent chaque jour une hypothétique distribution d’eau et de nourriture de l’armée. Croisé à Bartella, à quelque 10 km de Mossoul, lui veut emmener sa famille dans un camp de réfugiés. Avant cela, il doit se soumettre à un interrogatoire musclé que lui soumet un jeune officier irakien à la recherche de possibles complices de l’EI. Une humiliation de plus pour ce cheikh qui, sous le joug de Daech, s’enfermait dans ses toilettes pour fumer. « Il fallait ne laisser aucune trace, raconte-t-il. Une fois fini, je jetais le mégot dans la cuvette. » Dans son quartier de Saddam, il a vécu bien pire : la mort de son frère, puis celle de quatre petits voisins juste avant son départ, tous tués par des obus de mortier. « Je ne sais pas de quel côté ça venait et je ne veux pas le savoir, soupire-t-il en montant dans son pick-up. De toute façon, les combats vont détruire la ville. Alors, je vais vendre la maison et on essaiera d’aller en Europe. En tout cas pour moi, là-bas, c’est fini. »
Le parti démocrate italien convoquerait des élections anticipées à l’été 2017 si Matteo Renzi perd le référendum
Le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, entend réformer la Constitution pour en finir avec l’instabilité politique et accélérer le travail législatif. Les Italiens se prononcent dimanche.
C’était une promesse de Matteo Renzi à son arrivée au pouvoir, en février 2014 : conduire une réforme en profondeur de la Constitution italienne, rédigée au sortir de la seconde guerre mondiale, afin de la rendre plus efficace et plus rapide, bref plus moderne. Quels sont les objectifs concrets de ce projet ?
Mettre fin au bicamérisme « parfait »
C’est une singularité en Europe : la Chambre des députés et le Sénat italien ont le même poids dans l’élaboration des lois, et ont tous les deux le pouvoir de voter la confiance – autrement dit de faire tomber les gouvernements. Cette réforme de la Constitution italienne vise à modifier la composition et le rôle de la Chambre haute, l’autre nom du Sénat.
Celui-ci deviendrait une assemblée de 100 membres – 74 conseillers régionaux, 21 maires et 5 personnes désignées par le président de la République pour une durée de sept ans – contre 315 actuellement, qui siégeraient pendant un mandat de cinq ans non renouvelable.
Les conseillers régionaux et maires seraient répartis, selon les régions, en fonction du poids démographique de celles-ci. Le Sénat n’aurait plus qu’un rôle secondaire dans l’élaboration des lois et ne voterait plus la confiance au gouvernement. Il serait toutefois encore consulté sur d’éventuelles modifications de la Constitution et pourrait ratifier l’essentiel des traités internationaux. Il se prononcerait aussi sur les référendums d’initiative populaire et pourrait donner son avis sur la loi de finances, et lui apporter quelques modifications.
La Chambre des députés, elle, ne change pas. Elle reste composée de 630 élus, conserverait seule le pouvoir de voter la confiance au gouvernement et la majorité des lois.
En finir avec l’instabilité politique
Depuis 2014, Matteo Renzi s’est engagé à conduire trois grandes réformes : celle du marché du travail (c’est fait depuis l’adoption des différents textes du Jobs Act, en 2014-2015), la loi électorale (elle a été votée mais n’entrera sans doute jamais en vigueur) et enfin la réforme de la Constitution, votée définitivement par le Parlement mais qui devait être soumise à référendum.
L’objectif est d’accélérer le travail parlementaire, et de mettre un terme définitif à l’instabilité gouvernementale. Soixante-deux gouvernements se sont succédé depuis 1945 (soit une durée de vie moyenne de trois cent soixante et un jours), ainsi que vingt-cinq présidents du Conseil.
Il s’agit aussi d’en finir avec la charge financière que représentent les 315 onorevole (les « honorables », comme il est d’usage d’appeler les sénateurs) qui sont parmi les parlementaires les mieux payés de l’Union européenne– ils touchent une indemnité nette mensuelle de 15 000 euros. Avec la réforme, les cent membres du Sénat ne toucheraient plus d’indemnité spécifique mais ils conserveraient le droit à des dédommagements pour leurs déplacements à Rome et pour l’exercice de leur mandat.
La nouvelle loi électorale
Une autre réforme politique, qui n’est pas soumise à référendummais qui a été présentée par Matteo Renzi comme intrinsèquement liée au projet, a levé dans le pays, ces derniers mois, de très fortes oppositions : c’est la nouvelle loi électorale, « l’Italicum », adoptée le 6 mai 2015.
La nouvelle loi divise le pays en une centaine de circonscriptions. Si un parti dépasse 40 % des suffrages au niveau national, il raflera 340 des 630 sièges de la Chambre, le reste étant distribué entre les formations politiques ayant dépassé 3 %. Si aucune d’elles n’obtient 40 % des voix, un deuxième tour sera organisé entre les deux partis arrivés en tête.
La loi électorale utilisée en 2013, écrite en 2015 par le ministre Roberto Calderoni, qui l’avait lui-même qualifiée de « porcellum » (« cochonnerie »), contenait un système de prime majoritaire qui favorise la coalition arrivée en tête, en lui garantissant 340 des 630 sièges, tandis que le Sénat actuel est élu sur une base régionale, à la proportionnelle avec une prime majoritaire, par les Italiens de plus de 25 ans. Résultat : souvent la majorité à l’Assemblée n’est pas la même qu’au Sénat. D’où le blocage aux élections de 2013, lorsque le Parti démocrate avait obtenu la majorité absolue à la Chambre des députés mais pas au Sénat.
En privilégiant les partis aux dépens des coalitions, la nouvelle loi doit, selon ses concepteurs, favoriser la bipolarisation et condamner à la disparition ou à la reddition les petites formations qui jusqu’alors faisaient et défaisaient les majorités.
Les arguments des opposants
On trouve des opposants au projet sur la quasi-totalité de l’échiquier politique italien : la Ligue du Nord (Matteo Salvini), Forza Italia (Silvio Berlusconi), le Mouvement 5 étoiles (Beppe Grillo), l’extrême gauche ainsi qu’une minorité de frondeurs au sein du Parti démocrate, pour une multitude de raisons parfois contradictoires entre elles.
Le référendum a aussi pris des allures de plébiscite. La responsabilité en revient à M. Renzi, qui a reconnu avoir fait une erreur en annonçant qu’il démissionnerait si le « non » l’emportait au référendum. De quoi donner des ailes à l’opposition.