Juncker au centre d’un scandale fiscal impliquant 340 multinationales

Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne était aux commandes du Luxembourg.

Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne était aux commandes du Luxembourg.

Les accords fiscaux secrets passés entre des centaines de firmes et le Luxembourg, afin de soustraire des milliards d’euros à l’impôt, ont forcément été couverts par le président de la Commission européenne.

Quarante médias internationaux s’appuyant sur des documents obtenus par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) viennent de révéler l’existence d’accords fiscaux secrets entre le Luxembourg et 340 multinationales, dont Apple, Amazon, Ikea, Pepsi ou Axa.Ces accords, qui permettent à ces firmes de minimiser leurs impôts, représentent des milliards d’euros de recettes fiscales perdues pour les États où ces entreprises réalisent des bénéfices, selon l’ICIJ et ses médias partenaires, dont Le Monde en France, The Guardian au Royaume-Uni, le Süddeutsche Zeitung en Allemagne, l’Asahi Shimbun au Japon. Ils ont été passés entre 2002 et 2010, soit à une période où Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne depuis le 1er novembre, était aux commandes du Luxembourg.

Ministre des Finances du Grand Duché du 14 juillet 1989 au 23 juillet 2009, il a également été son Premier ministre durant près de 19 ans, du 20 janvier 1995 au 4 décembre 2013. Non seulement M. Juncker ne pouvait ignorer les pratiques mises à jour par l’ICIJ, mais aux postes qu’il occupait il les organisait.

On savait que le Luxembourg était le Duché de l’évasion fiscale. L’intérêt de l’enquête de l’ICIJ est d’en expliquer le mécanisme, révélant par là-même la complicité du pouvoir politique luxembourgeois. La pratique du « tax ruling », mise au jour dans cette enquête de six mois baptisée « Luxembourg Leaks » ou « LuxLeaks », est légale. Elle permet à une entreprise de demander à l’avance comment sa situation sera traitée par l’administration fiscale d’un pays, et d’obtenir certaines garanties juridiques. Les groupes concernés réalisent ainsi des milliards d’euros d’économies chaque année grâce à la création d’une filiale, d’une holding ou au déplacement d’un siège social sur le territoire du Grand-Duché. Avec pour but de payer le moins d’impôt possible.

Les 28 000 pages d’accords fiscaux secrets auxquels l’ICIJ a eu accès concernent 340 grandes entreprises – notamment Apple, Amazon, Verizon, AIG, Heinz, Pepsi, Ikea – et proviennent toutes du grand cabinet de conseil et d’audit PricewaterhouseCoopers (PwC). Ces accords ne concernent donc que les entreprises clientes de PwC. Et le Luxembourg n’entend pas renoncer à la pratique du « tax ruling » : Elle « fait partie de notre patrimoine et nous voulons la perpétuer dans le respect des règles », déclarait son ministre des Finances, Pierre Gramegna, dans Le Monde du 29 octobre. Avant d’ajouter, non sans cynisme : « Le maintien d’une certaine compétitivité, loyale, entre les États dans le domaine fiscal est indispensable. »

Que ces mécanismes d’optimisation fiscale soient légaux n’en diminue pas le scandale à l’heure où l’Union européenne et ses États membres réclament sur tout le continent à leurs citoyens de se serrer la ceinture au motif qu’il n’y aurait plus d’argent dans les caisses. Derrière la technicité de ces mécanismes révélés par l’ICIJ, il y a des législations qui les ont permis, ces législations relèvent de décisions politiques voulues ou approuvées par des responsables politiques. Ces derniers devraient maintenant rendre des comptes. Dans une démocratie, c’est ainsi que les choses devraient se passer. Mais l’Europe en est-elle seulement une ? Lorsqu’à l’été dernier il s’est agi de désigner le président de la Commission européenne, nul ne pouvait ignorer que Jean-Claude Juncker, qui était le candidat de la droite (sortie en tête des élections européennes), était aussi le candidat des paradis fiscaux.

Cela n’a pas gêné la plupart des sociaux-démocrates, François Hollande inclus, qui ont accepté de l’introniser. On a même vu Daniel Cohn-Bendit appeler ses amis Verts à faire de même, en vain. À ces derniers, Jean-Claude Juncker a été jusqu’à promettre de « lutter contre la fraude et l’évasion fiscales », promesse réitérée en séance plénière. Hier, interrogé sur le « Luxembourg Leaks » lors de son premier point de presse, Jean-Claude Juncker a promis de ne pas intervenir dans l’enquête européenne sur la pratique fiscale de « tax ruling » qui vise le Luxembourg et trois autres pays [1]. Ne pas intervenir n’est pas tout à fait ce qu’on attendrait d’un responsable politique déterminé à lutter contre l’évasion fiscale.

Un moyen simple de lutter contre l’évasion fiscale consisterait à rétablir « la souveraineté fiscale » en taxant les bénéfices là où ils sont réalisés. C’est ce que recommandait l’OCDE dans un document à destination du G20 publié en septembre. Mais c’est sans doute contraire à la religion néolibérale de Jean-Claude Juncker.

Michel Soudais

[1] Cette enquête ne porte que sur des accords passés par le Luxembourg avec Fiat Finance and Trade, qui fournit des services de gestion de trésorerie au groupe automobile Fiat. Les trois autres visent : 1.L’Irlande pour des accords passés entre l’administration fiscale et le géant américain d’internet Apple, soupçonné d’avoir bénéficié d’un traitement de faveur contraire aux règles européennes de la concurrence. 2. Des soupçons d’avantages fiscaux accordés par les Pays-Bas à la chaîne de cafés Starbucks. 3. Gibraltar, cette dernière enquête ayant été ouverte en octobre.

Source : Politis 06/11/14

Voir aussi : Rubrique AffairesJean-Claude Juncker (archives), Rapport SREL, rubrique UE, Luxembourg, Commission la finance aux manettes,

La déflation dans la zone euro devient une menace de plus en plus réelle

Source Eurostat

L’inflation s’est établie à 0,4?% en octobre 2014. Elle était de 0,7?% en octobre 2013 et de 2,5?% en octobre 2012. Jusqu’ici les réponses au risque de baisse généralisée des prix sont très timides et risquent de ne pas suffire.

L’inflation dans la zone euro aurait-elle touché son point bas?? Aucun économiste n’ose en faire le pari. Après être descendus jusqu’à 0,3?% en septembre, les prix à la consommation ont enregistré une très légère remontée à 0,4?% en octobre, selon la première estimation d’Eurostat. Mais ce répit semble davantage lié au ralentissement de la baisse des prix de l’énergie qu’au rebond de l’activité. Hors énergie, l’inflation a d’ailleurs continué à se contracter à 0,7?% après 0,8?% en septembre, son niveau le plus bas depuis que cet indicateur existe. En Allemagne la hausse des prix a été très faible (0,7?%) le mois dernier et en Espagne les prix ont reculé de 0,2?%, pour le quatrième mois de suite. La déflation n’est plus un spectre lointain mais un risque réel qui menace les économies de la zone euro. Les prix sont désormais proches de zéro et la promesse de la BCE de maintenir les prix «?à un niveau proche de 2?% à moyen terme?» n’est plus qu’un lointain souvenir.

Certes, pour l’instant, «?nous n’y sommes pas et nous ne prévoyons pas de déflation, c’est-à-dire une baisse du niveau général des prix l’an prochain?», assure Christophe Blot, directeur adjoint des prévisions à l’OFCE. Pour au moins une bonne raison?: la baisse de l’euro vis-à-vis du dollar, qui devrait freiner le phénomène de baisse des prix. En effet, une monnaie faible génère de l’inflation importée. L’inflation pourrait donc ainsi reculer un peu moins vite même si, dans le même temps, l’énergie est moins chère. «?Mais au-delà, tous les ingrédients sont réunis pour que l’économie s’installe dans une spirale déflationniste?: peu ou pas de croissance, un chômage élevé, et une exacerbation des politiques de compétitivité.?» Jacques Cailloux, économiste Europe chez Nomura, surveille de près l’évolution des salaires. Ils sont pour lui l’indicateur le plus pertinent pour mesurer les risques de déflation. Le chômage élevé – il atteint 11,5?% dans la zone euro et sévit particulièrement en Grèce (26,4?%), en Espagne (24?% et au Portugal (13,6?%) – favorise la dénonciation des conventions collective et la pression à la baisse sur les salaires à l’embauche. En Allemagne, le seul pays où les salaires augmentent encore significativement, «?on note depuis la fin de l’été un ralentissement des hausses dans les accords négociés?», s’inquiète Jacques Cailloux.

«? La déflation, mieux vaut la prévenir que la guérir car, une fois ancrée dans la psychologie des agents économiques, c’est très difficile d’en sortir, comme le montre le précédent japonais?», avertit Isabelle Job-Bazille, directrice des études économiques au Crédit Agricole. Mais alors qu’ils sont au bord de cette trappe déflationniste, les gouvernements sont comme paralysés. La Banque centrale européenne est aussi embarrassée qu’elle est divisée sur la réponse à apporter à cette nouvelle menace. Son président, Mario Draghi, a alerté les Etats cet été que la Banque centrale ne pourrait à elle seule relancer la demande et que les Etats membres devaient y contribuer, y compris sur le plan budgétaire. Mais jusqu’ici, les réactions sont timides. «?Les politiques budgétaires restent relativement contraignantes, même si elles ne sont plus aussi restrictives que ces dernières années, ajoute l’économiste de Nomura. Les outils ne sont clairement pas adaptés à la situation. Ni la BCE ni les gouvernements de la zone euro ne prennent assez d’assurance pour enrayer le risque déflationniste?». Et de rappeler que la Réserve fédérale américaine a acquis par sa politique non conventionnelle d’achats de titres un montant équivalent à 23?% du PIB. A comparer à 2?% pour la BCE… A ce rythme, et même si elle ne sombre pas dans une franche déflation, la zone euro se condamne, selon Isabelle Job-Bazille, à «?une décennie de croissance faible et d’inflation basse?».

Catherine Chatignoux

Source : Les Echos 02/11/2014
Rubrique Actualité Internationale, Actualité France, rubrique Economie, rubrique UE, rubrique Politique, Politique économique,

Commission Juncker : la finance aux manettes

imagesPierre Moscovici aux Affaires économiques,un conservateur anglais aux Services financiers : la composition de la nouvelle Commission européenne est pain bénit pour les banques et l’industrie financière. Mais c’est un camouflet pour les peuples européens, qui continuent à payer le prix de la crise de 2008 et ne sont pas à l’abri d’une prochaine crise financière.

Pierre Moscovici a été nommé commissaire européen aux Affaires économiques ; il sera notamment en charge de faire respecter la « rigueur » budgétaire et de mettre en œuvre la taxe sur les transactions financières.

Cette nomination n’est pas une bonne nouvelle pour tous ceux qui souhaitent que la finance soit enfin mise sous tutelle. A Bercy, Pierre Moscovici, autoproclamé « ministre des entreprises », n’a cessé de défendre les intérêts des banques. Il a notamment concocté une réforme bancaire dérisoire, bien en deçà des projets pourtant modestes de la Commission. Il s’est aussi employé à torpiller le projet européen de taxe sur les transactions financières. Il pourra achever le travail à Bruxelles si la société civile n’intervient pas.

Pierre Moscovici a été un des ministres symboles du reniement de François Hollande, qui appelait, alors candidat, à museler la finance et à stopper l’austérité en Europe. Le nouveau commissaire sera en charge d’appliquer voire d’imposer l’austérité sous la tutelle du très orthodoxe Vice-Président finlandais Jyrki Katainen.

Moscovici sera bien entouré, avec Jonathan Hill en charge des services financiers. Hill est le fondateur d’une entreprise de lobbying spécialisée dans la finance, Quiller Consultants, qui travaille notamment pour HSBC ou la City [1].

La proximité avec les milieux d’affaires semble être une condition d’appartenance à la Commission Juncker, lui-même ancien dirigeant d’un paradis fiscal notoire. Le nouveau commissaire en charge du climat et de l’énergie, Miguel Arias Canete, a ainsi des parts dans deux entreprises pétrolières – Petrolifera Ducor SL et Petrologis Canarias SL, toutes deux domiciliées dans un paradis fiscal – les îles Canaries. Le nouveau commissaire maltais en charge de l’environnement, de la mer et de la pêche est un homme d’affaires qui était, jusqu’à 2013, en responsabilité dans une multinationale du tourisme [2].

Enfin c’est Cecilia Malmström, ancienne ministre libérale en Suède, le pays le plus favorable au libre-échange parmi les 28 aux côtés de la Grande-Bretagne, qui sera en charge de faire passer l’accord UE-Canada récemment conclu et de négocier le projet d’accord transatlantique.

La composition de la commission Juncker annonce le renforcement des politiques néolibérales qui entraînent l’Europe dans le gouffre. Pour Attac France, il s’agit d’une véritable insulte pour les millions de citoyens européens qui souhaitent rompre avec le dogme de l’austérité et la domination de la finance, pour engager la transition écologique et sociale.

Jean-Claude Juncker (archives)

Luxembourg : Jean-Claude Juncker refuse de démissionner pour le Gladio

topelementLe Premier ministre du Luxembourg ; Jean-Claude Juncker, a refusé devant la chambre de démissionner, ce 10 juillet 2013, après la publication du rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur le Service de Renseignement de l’État [cf. document joint].

Le rapport conclut à la responsabilité de M. Juncker dans les errements du service de renseignement qui a, entre autres, procédé illégalement au fichage des 3/5 de la population grand-ducale et à diverses opérations d’espionnage et de chantage.

Le Gladio aurait officiellement été dissous au Luxembourg en 1990 (comme dans les autres États européens) et n’aurait pas poursuivi son activité (au contraire de ce qui a été observé ailleurs). Cependant, les responsables du service de renseignement auraient alors continué à espionner illégalement des personnalités pour des motifs privés sans que le Premier ministre n’intervienne. Ainsi, le directeur des opérations a constitué une société d’intelligence économique, Sandstone, qui travaillait en utilisant les moyens de l’État.

Premier ministre depuis 18 ans, M. Juncker est le plus ancien chef de gouvernement élu au monde. Il a exercé les fonctions de gouverneur (c’est-à-dire administrateur) de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international et est devenu président de l’Euro Groupe de 2005 à 2013.

Source : Réseau Voltaire 10/07/2013

Document : Le Rapport de la Commission d’enquête sur le Service de Renseignement de l’Etat

Voir aussi : Rubrique UE, rubrique Luxembourg, rubrique Histoire, rubrique Politique Affaires, On Line : La guerre secrète au Luxembourg,

Rapport SREL

Rapport de la Commission d’enquête sur le Service de Renseignement de l’Etat (SREL)
du 5 juillet 2013 révèle quelques dysfonctionnements d’ordre structurel…

Voir le Rapport_SREL