Lorca à la recherche du chant profond du peuple

urlComédie du livre rencontre littéraire. Le cycle de l’association Coeur de livres consacré aux grandes figures littéraires ibériques se conclut  avec Serge Mestre autour de Garcia Lorca.

L’ombre massive du poète dramaturge Gabriel Garcia Lorca n’a pas fini de hanter l’imaginaire collectif. Si l’artiste espagnol fut pour les contemporains du XXe siècle l’emblème de l’écrivain  antifasciste – il a signé dès 1933 un manifeste contre l’Allemagne de Hitler et salué l’avènement du Front populaire en 1936 – il est perçu aujourd’hui comme un des grands écrivains de la littérature mondiale. Son oeuvre protéiforme et tumultueuse exprime toujours l’angoisse de l’homme moderne. Au-delà de la légende, la rencontre littéraire organisée ce soir à 19h salle Pétraque avec l’écrivain Serge Mestre par l’association Coeur de livre permettra d’approcher, la vie et la réalité qui transparaît dans son oeuvre notamment politique.

Federico García Lorca naît à Fuente Vaqueros près de Grenade le 5 juin 1898 ; son père s’emploie à faire fructifier ses terres, sa mère est institutrice. La famille s’installe à Grenade où il fait des études de droit, mais surtout de la musique. Ses parents lui interdisant de poursuivre dans cette voie, il bifurque vers la littérature et plus particulièrement la poésie. Durant ses années d’études, Garcia Lorca découvre l’Espagne et commence à écrire Impressions et paysages qu’il publie en 1918. L’année suivante, il écrit et met en scène sa première pièce en vers, El maleficio de la mariposa (Le Maléfice du papillon). Contrairement à ses recueils de poèmes, le texte sera assez mal reçu. Il met en scène l’amour impossible entre un cafard et un papillon et annonce un goût certain pour le fantastique.

A la Résidence des étudiants à Madrid, le jeune Lorca fait des rencontres décisives, comme le futur cinéaste Luis Buñuel… Il compose chansons, romances et poèmes qu’il récite en musique à ses amis. En février 1923, Salvador Dalí intègre la résidence des étudiants. Lorca entretient avec lui une amitié amoureuse. Lorca conquiert sa célébrité grâce à l’accueil triomphal fait à son recueil de chansons et aux représentations de sa pièce Mariana Pineda.

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L’écrivain Serge Mestre traducteur de Lorca lui consacre son prochain livre

« Lorca est souvent traité comme un poète qui n’aurait pas pris position politique, explique l’écrivain et traducteur Serge Mestre.* « Pourtant, dès l’arrivée de la seconde République espagnole en 1931, Il monte La Barraca, une troupe de théâtre qui tourne dans tout le pays avec la volonté de porter la culture au peuple. Lorca se sert de l’imprégnation populaire de son enfance, reprend des contes et des classiques comme Cervantès ou Calderon pour les rendre accessibles. Il a dans l’idée que c’est à travers l’éducation du peuple, en grande partie analphabète à l’époque, qu’on fera la révolution.»

Artiste complet, le poète engagé se lance aussi des défis artistiques. Il publie Romancero Gitano, un recueil qui tente la transposition en littérature de la méthode musicale de Manuel de Falla et la synthèse entre la poésie populaire de Lope de Vega et le lyrisme précieux de Gongora. En 1930 souffrant d’un mal-être en partie liée à son homosexualité il part pour les Etats-Unis. Il enseigne à la Colombia University, découvre Whitman, et se trouve déconcerté par Harlem et le jazz.

« Il était de tous les combats, indique Serge Mestre qui prépare un livre sur Lorca notamment celui des noirs dont il prend conscience aux Etats-Unis. Il fait d’ailleurs un rapprochement entre celui-ci et le traitement des gitans en Espagne. Lorca est un des premiers morts de la guerre d’Espagne. Il est arrêté par la garde civile franquiste et fusillé juste un mois après le 19 juillet 36 qui marque l’entrée en guerre. Il n’avait que 38 ans. C’est un peu le Rimbaud espagnol

L’échec des excavations menées par des archéologues près de Grenade dans le but de retrouver les restes du poète dans une fosse commune coïncide avec le combat mené par l’association espagnole pour la récupération de la mémoire historique. Et valide aussi quelque part, la démarche politique de l’artiste.

Jean-Marie Dinh

* Serge Mestre naît à Castres de parents républicains espagnols et réfugiés en France. Ses premiers livres sont publiés chez Flammarion, dans la collection Textes, au début des années 1980. Puis il se consacre à la traduction de l’espagnol et du catalan. Il a traduit de nombreux auteurs dont Manuel Rivas, Mayra Montero, Fernando Savater, Jorge Semprún, Alejandro Rossi… Il est l’auteur de La Lumière et l’Oubli sélectionné pour le Goncourt (Denoël, 2009 ; Folio, 2011). Les Plages du silence, édition Sabine Wespieser. Serge Mestre travaille actuellement à un livre sur l’engagement de Gabriel Garcia Lorca à paraître chez Sabine Wespieser début 2016.

Source La Marseillaise 29/05.2015

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Processus de Khartoum : quand l’Europe sous-traite ses migrants

europaratPour les associations des droits de l’homme, les décisions prises par l’Union européenne, suite aux naufrages de migrants en Méditerranée, ne font que renforcer des logiques déjà existantes. Notamment celle à l’oeuvre dans le processus de Khartoum, qui permet à l’Europe de sous-traiter les demandes d’asile directement en Afrique, dans les pays de départ. L’Europe forteresse se boucle à double tour, et laisse des pays comme l’Erythrée, le Soudan ou la Libye, jouer les vigies.

Résoudre le problème à la source. C’est un peu l’esprit du processus de Khartoum, signé le 28 novembre 2014 entre l’Union européenne et une vingtaine de pays africains, du Soudan à la Libye. Un partenariat conclu pour lutter contre le trafic d’êtres humains dans la Corne de l’Afrique, mais aussi, et surtout, pour empêcher les migrants de rejoindre l’Europe par la mer, en les incitant à rester dans leur pays d’origine. D’un côté, l’UE finance des formations de surveillance, comme en encadrant des policiers marocains, et des projets de développement, en investissant par exemple en Tunisie. De l’autre, ces pays d’Afrique renforcent leurs patrouilles aux frontières et établissent des camps d’accueil pour les demandeurs d’asile. De nombreuses ONG, à l’image de l’Association européenne des droits de l’homme, y voient une tentative de l’Europe de sous-traiter les demandes des migrants, avant qu’ils ne prennent la mer. Sa vice-présidente, Catherine Teule, dénonce surtout des accords noués avec des pays peu scrupuleux des droits de l’homme.

 

Quelle est la position de l’Association européenne des droits de l’homme sur le processus de Khartoum ?

C’est un processus d’externalisation poussée à son maximum, qui vise à interrompre les flux de transit, à contrôler les frontières, et à installer des centres d’accueil pour les demandeurs d’asile dans les pays d’Afrique et du Maghreb-Machrek. Auparavant, on transmettait aux pays tiers des missions de contrôle des frontières et des flux de migration, en amont. Là, il est aussi question de traiter les demandes d’asile, qui concernent, à 90 %, des Erythréens et des Soudanais.

 

C’est scandaleux que des pays européens se défaussent sur des pays qui n’ont pas les mêmes standards en matière de protection des droits de l’homme.

 

Une demande d’asile traitée dans ces pays tiers a-t-elle les mêmes chances d’aboutir que lorsqu’elle est formulée en Europe ?

Non, soyons clairs. Une grande partie de ces personnes restent parquées dans les camps. Il n’y a pas de demande d’asile avec une possibilité d’installation dans les pays européens, par exemple. Au Kenya, ce type de centre existe depuis longtemps : on en est à la troisième génération de personnes qui naissent dans le camp.  Ce ne sera donc jamais le même traitement des demandes. En outre, c’est scandaleux que des pays européens se défaussent sur des pays qui n’ont pas les mêmes standards en matière de protection des droits de l’homme, ou qui n’ont pas ratifié la Convention de Genève sur le statut des réfugiés. Des partenariats sont noués avec l’Egypte, un pays intermédiaire dans les flux de migrations, mais qui ne propose pas les mêmes garanties. C’est la même  chose en Tunisie, un pays qui n’est pas équipé pour traiter ces demandes spécifiques. A l’origine, l’UE souhaitait également établir ce type de camp en Libye. Mais aujourd’hui, une telle décision provoquerait un tollé.

 

L’Europe peut-elle nouer des partenariats sur ces questions avec les pays tiers, comme l’Eryhtrée ou le Soudan ?

Absolument pas. On ne peut pas nouer de partenariats avec de tels pays. Ce qui se passe en Erythrée et au Soudan montre qu’ils ne sont pas fiables. C’est une véritable boucherie. Coopérer avec eux sur ces questions serait même indigne.

 

La grande majorité des migrants qui viennent en Europe ne sont pas « pauvres ».
L’Union européenne a beau déclarer qu’elle ne peut pas accueillir toute la misère humaine : de fait, ce n’est pas le cas. »

 

La politique migratoire européenne s’oriente-t-elle vers un modèle australien ?

Oui, d’une certaine façon, sauf que l’Australie vend ses réfugiés à d’autres pays. Là nous ne payons pas pour retenir ces migrants dans les pays tiers, mais indirectement, c’est un peu le cas : c’est du donnant-donnant. Dans tous les partenariats avec les pays tiers, on leur donne quelques visas, en échange de renforcement des frontières. Mais les personnes qui obtiennent ces visas l’auraient obtenu de toute manière, ce sont surtout des cadres, qui se déplacent en Europe pour leur travail, jamais des familles, qui n’ont donc d’autre choix que de passer par des voies clandestines. Pour le reste, Frontex a par exemple formé des policiers marocains. L’UE déploie également des personnels européens dans les ports et les aéroports étrangers pour empêcher toute immigration illégale. Donc, au final, on utilise leurs locaux, on fait le boulot avec eux, on les forme. En Tunisie, après 2011, l’Europe a passé un partenariat pour la mobilité, en échange d’investissements européens. On tente de participer au développement de ces pays, en y voyant une façon de tarir l’immigration. C’est une grande erreur : la grande majorité des migrants qui viennent en Europe ne sont pas « pauvres », car il faut bien payer les passeurs qui, eux, sont très chers. L’Union européenne a beau déclarer qu’elle ne peut pas accueillir toute la misère humaine : de fait, ce n’est pas le cas, cette misère-là ne parvient même pas jusqu’aux portes de l’Europe. La vision de l’immigration est  totalement faussée. Il s’agit d’assurer notre rôle international.

 

Les décisions prises à l’issue de ce sommet extraordinaire de l’Union européenne s’inscrivent-elles dans la droite ligne du processus de Khartoum ?

Oui, ce processus est d’ailleurs cité nommément dans le plan dévoilé par le Conseil européen cette semaine. Il réaffirme  sa volonté de développer des rapports avec les pays tiers. Les conclusions du Conseil européen vont même plus loin que celles du Conseil des ministres : il préconise un doublement des sommes attribuées à Frontex, précise le nombre de réinstallations – 5 000 pour les réfugiés syriens, ce qui est ridicule par rapport aux besoins. Dans notre appel, nous citons le processus de Tampere. C’est un engagement du Conseil européen pris il y a 15 ans, et qui n’est plus suivi aujourd’hui.

 

Entendez-vous des voix dissonantes au sein des institutions, face à cette volonté de renforcer « l’Europe forteresse » ?

Le Parlement européen a été quasiment taisant et a accepté ce processus dans sa majorité, mais certains protestent un peu, même s’ils sont très peu nombreux. Le Comité économique et social européen a, lui, toujours marqué des réserves sur ce type de politique. Il s’était élevé contre l’utilisation des accords de Dublin. Cependant, dans le contexte actuel, à la suite des attentats de janvier, il y a une certaine frilosité sur la question. Personne ne veut être accusé d’avoir contribué à laisser entrer des terroristes sur le territoire européen.

 

Les possibilités existent, c’est une question de volonté.

 

Quelles alternatives préconisez-vous ?

Pour nous, la solution, c’est de transférer les moyens de Frontex à des missions de sauvetage, et de relancer l’opération Mare Nostrum, mais avec une plus grande envergure. Il faut également ouvrir des voies d’immigration légale. Le Haut-Commissariat des Nations Unis pour les réfugiés, ou le Comité économique et social européen sont pour cette option qui permettrait de donner des visas d’asiles, des visas humanitaires pour aider ces personnes à venir en Europe sans prendre le risque de recourir à des passeurs. Les possibilités existent, c’est une question de volonté. Et la presse a un grand rôle à jouer : ce n’est pas ces quelques centaines de milliers de personnes qui vont nous envahir et nous ruiner. Certes, les images de migrants débarquant sur les plages italiennes peuvent être inquiétantes, mais il faut bien préciser que ce n’est rien, que ce nombre d’étrangers ne représente absolument aucun risque pour l’Europe. D’ailleurs, on a les moyens de les accueillir ! Au lieu de financer des armadas qui font la guerre à l’immigration, nous ferions mieux de financer des centres d’accueil.

 

En octobre 1999, une réunion du Conseil européen, réunissant les chefs d’Etats et de gouvernement, aboutit à un programme d’action sur cinq ans, sur le thème de la coopération politique et judiciaire des Etats membres, nommé « processus de Tampere ». Cet accord met l’accent sur les politiques d’asile et de migration, et porte l’idée que, pour réduire les tentations aux départs, il faut améliorer les conditions de vie des habitants dans leurs pays d’origine: lutter contre la pauvreté, favoriser la création d’emplois, soutenir les structures démocratiques. Un système d’asile commun, sur la base de la Convention de Genève, est également initié. De même, « le Conseil de Tampere souligne que la liberté, la sécurité et la justice dont jouissent les citoyens de l’UE doivent être accessibles à ceux qui, poussés par les circonstances, demandent légitimement accès au territoire de l’Union« . Des objectifs qui n’ont été que partiellement mis en œuvre.

Anika Maldacker, Anne Charlotte Waryn
Source Arte 25/04/2015

 

Les SwissLeaks vus du Maroc et de Jordanie : circulez, y a rien à voir

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Imaginez : Mediapart enquête sur la fraude fiscale de Jérôme Cahuzac mais les médias français s’offusquent (tous) de l’enquête et non de la resquille. Ou n’en parlent pas du tout. C’est ce qui est en train de se passer au Maroc et en Jordanie avec les SwissLeaks.

Les révélations du Monde sur l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent organisés par HSBC touchent directement les dirigeants de ces deux pays. Le roi marocain, Mohammed VI, aurait détenu jusqu’à 9,1 millions d’euros dans un compte en Suisse. Le souverain jordanien, Abdallah II, y aurait eu 41,8 millions

Contacté par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), Abdallah II a fait savoir par ses avocats à Washington que « le roi est exempté d’impôts et que le compte est utilisé pour des affaires officielles ». Affaires officielles qui ont nécessité le transfert dans un compte en Suisse de plus de 40 millions d’euros via un procédé financier plus que douteux.

Le roi du Maroc a refusé de répondre aux journalistes du Monde qui lui proposaient de donner une justification à l’existence de son compte.

Or la presse de ces deux pays offre un traitement médiatique de ce scandale… Comment dire ? Assez édifiant.

Au Maroc, on parle de « commanditaires »

Prenant de vitesse les journalistes du Monde, le site d’information marocain Le 360, proche du pouvoir, a publié mercredi 4 février un article accusant d’obscurs « milieux franco-marocains et algériens, soutenus par une horde de contestataires du royaume » de « se livrer à une ultime tentative dans l’espoir de générer une nouvelle tension entre Paris et Rabat ». (Mohammed VI était reçu par François Hollande ce lundi 9 février à Paris.)

L’article affirme que l’enquête, qui, rappelons-le, met au jour la fraude de 106 000 clients provenant de 203 pays, ne serait qu’une conspiration dirigée par Moulay Hicham, cousin du roi et bouc émissaire national.

Cet article aurait pu être comique s’il n’avait pas été massivement repris dans le pays. La seule voix nuançant le propos est celle de Tel quel. Cet hebdomadaire francophone, en opposition plus ou moins ouverte avec le roi – et dont la version arabophone, Nichane, a été poussée à la fermeture en 2010 –, parle de « conflit médiatique » entre Le Monde et Le 360.

Tel quel se permet tout de même de ressortir un dossier de mai 2013 sur la fortune royale comprenant quelques remises en question, comme la possibilité d’un conflit d’intérêts entre les fonctions de roi et d’homme d’affaires.

En Jordanie, une dépêche sans le roi

La presse jordanienne, encore sous le choc de l’assassinat d’un pilote de chasse, brûlé vif par l’Etat islamique autoproclamé, n’accorde pas une importance particulière au sujet.

Alghad, le quotidien le plus éloigné de la ligne officielle, reprend un article de la BBC sur l’affaire. Le roi Abdallah II n’y est pas nommé.

Pierre Troger

Source : Rue 89 09/02/2015

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La mobilisation des peuples

tourmente-grecque-filmDocumentaire. Dans la tourmente grecque ce soir au Cinéma Diagonal.

Le journaliste montpelliérain Philippe Menut est le réalisateur de La Tourmente grecque. Une enquête à la fois humaine et économique sur les causes et les conséquences de la crise grecque. Il livre son analyse de l’arrivée de Syriza au pouvoir.

Comment analysez-vous la victoire de Syriza ?

Syriza était déjà le premier parti en Grèce. La nouveauté c’est qu’il a pu constituer un gouvernement pour se battre contre l’austérité. La situation sociale est effroyable. Le chômage a été multiplié par trois en quatre ans, les retraites ont baissé de 25% le service public est abandonné. Les gens ne peuvent plus se loger, se soigner et s’éduquer. Syriza représente un espoir de sortie.

Avec une marge de manoeuvre étroite ?

Oui le gouvernement fait face à la fois aux banques d’affaires et aux fonds spéculatifs, et à l’oligarchie européenne.

Après l’élan de joie qui dépasse les frontières, court-on vers une désillusion ?

Le prolongement de cette victoire ne dépend pas seulement du bulletin de vote, il relève aussi de la mobilisation populaire. Avec 11 millions d’habitants, la Grèce est un petit pays qui ne représente que 3% du PIB de l’UE mais c’est un symbole important. Tsipras et son équipe doivent appeler à un appui populaire et ne pas tomber dans le piège des compromissions. Ce qui n’est pas évident car le système politique est comme chez nous assez perverti. Mais depuis six mois Syriza a fait un sans faute. Aujourd’hui leur position est subtile, ils ne s’opposent pas  à l’UE mais remettent en cause ce qui est contre le peuple grec.

En se rapprochant de la Russie, Syriza se ménage aussi une porte de sortie avec les BRICS…

C’est une composante du rapport de force avec une incidence sur les mécanismes de l’UE dans la mesure où les positions doivent être validées à l’unanimité. Cela ne signifie pas pour autant un engagement pro russe sur le dossier de l’Ukraine. La Grèce ouvre aussi le dialogue avec le Brésil.

A quoi tient la stratégie d’alliance avec les Grecs indépendants ?

Au sein du parlement, sur la base du combat contre l’austérité, Syriza pouvait s’allier aux communistes du KKE qui ont refusé ou avec le Centre droit patriot. On voit dans le film Panos Kammeros, le chef de ce parti, interpeller le gouvernement sur un détournement du fond de soutien vers les hedge funds avec beaucoup de virulence. Les grecs indépendants sont complètement opposé au parti d’extrême droite Aube dorée. Il ne sont pas pour la sortie de l’UE.

Comment analysez-vous la positon embarrassée du PS ?

Hollande vient de rencontrer Merkel sur le sujet. Il ne prendra pas position pour Syriza. Il veut apparaître comme un intermédiaire. Je pense qu’il va jouer le rôle du gentil et Merkel celui de la méchante. On va vers une Pasokisation du PS français qui est dans une position intenable ou du moins tenable vis à vis des marchés financiers mais pas du peuple…

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Ce soir La tourmente grecque à 19h45 au cinéma Diagonal suivie d’un débat avec Philippe Menut qui part en mars à Athènes pour réactualiser son film.

Source : L’Hérault du Jour 02/02/2015

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Cervantès marginal créateur du roman moderne

IND119216Rencontre littéraire. Un débat proposé ce soir à Montpellier par Cœur de Livres autour de l’auteur de Don Quichotte. L’invité Olivier Weber dévoile dans «?Le Barbaresque?» un aspect peu connu de la vie de l’écrivain.

L’association Coeur de livres initie ce soir, à la salle Pétrarque de Montpellier, un nouveau cycle de rencontres littéraires. Cinq rencontres sont en effet programmées jusqu’à la Comédie du livre en mai qui met cette année à l’honneur les littératures ibériques. Les grands auteurs classiques espagnols – basques, castillans, catalans, galiciens – et portugais seront au coeur des débats. Coeur de livres invite ce soir à 19h l’écrivain et journaliste Olivier Weber, auteur d’une biographie romancée de Miguel de Cervantès (1547-1616).

L’auteur de Don Quichotte de la Mancha, une des œuvres les plus célèbres du patrimoine littéraire mondial, était le fils d’un médecin pauvre soumis aux hasards d’une vie errante. Dans sa jeunesse, Miguel Cervantès mène une vie aventureuse. Il tente d’échapper à sa modeste condition par la carrière des armes. Au service du cardinal Acquaviva, protecteur du royaume d’Espagne, il suit son maître à Rome et parcourt l’Italie. Il assiste à la chute de Nicosie (Chypre) annexé par le sultan ottoman Selim II, participe en 1571 à la bataille de Lépante qui voit la flotte espagnole victorieuse.

Après avoir perdu l’usage de sa main gauche au combat, Cervantès s’embarque pour l’Espagne en 1575 mais sa galère est attaquée par les Turcs. Fait prisonnier, il est amené en captivité à Alger. Il y restera cinq ans. Malgré plusieurs tentatives d’évasion, il ne sera racheté qu’à la fin de 1580.

Roman biographique

C’est précisément cette période qui sert de toile de fond historique au roman d’Olivier Weber Le Barbaresque* dont l’action débute en 1575. L’auteur décrit avec saveur la captivité de Cervantès à Alger en rendant compte du climat cosmopolite et inter-religieux qui régnait alors dans ce royaume de la piraterie. En tant que prisonnier de marque, l’homme de la chrétienté bénéficie d’un traitement de faveur. Guidé par une incontrôlable pulsion amoureuse pour Zorha, la fille du puissant Hadji qui règne sur la ville, Cervantès s’engage dans une mission périlleuse entre chrétiens et mahométans.

Au coeur du siècle d’Or espagnol, la vie de Cervantès se prête au roman. Olivier Weber évoquera ce soir la puissance imaginaire que dégage le personnage. De retour à Madrid après sa captivité à Alger, l’aventurier tentera de vivre de sa plume sans grand succès. Il participe à l’attaque espagnole contre l’Angleterre mais le désastre de l’invincible armada met fin à ses fonctions. En 1589, accusé d’exactions, Cervantès est arrêté et excommunié. Il sera à nouveau incarcéré à plusieurs reprises pour abus de bien sociaux et une affaire d’assassinat dont il sera reconnu innocent. Une vie émaillée de telles aventures fournit une riche réserve de matière littéraire que Cervantès croise avec l’observation de la vie quotidienne dont il tire des ressources tout aussi inépuisables.

En 1605, la publication de la première partie de Don Quichotte rencontre un immense succès. Cervantès peut désormais se consacrer à la littérature et ne cessera de publier. L’auteur faisait grand cas de son oeuvre théâtrale. Dans le prologue Des huit comédies, il indique avoir écrit trente pièces dont la plupart ont disparu. En 1614 paraît Voyage au Parnasse, poème en tercet qui livre une bataille allégorique aux mauvais poètes. Ce n’est qu’en 1616 que Cervantès publie la seconde partie de son oeuvre majeure sans se douter qu’il avait créé le roman moderne.

 Jean-Marie Dinh

Olivier Weber, Le Barbaresque, édition Flammarion 2011

 200px-O._WeberOlivier Weber, un homme engagé
Né en 1958, Olivier Weber, est un écrivain, grand reporter titulaire du Prix Albert Londres (1992) et correspondant de guerre français. Maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris, président du Prix Joseph-Kessel, membre du Festival international du film des droits de l’homme, il a été nommé ambassadeur de France itinérant, chargé de la lutte contre la traite des êtres humains. Olivier Weber est aussi scénariste. Il présentait hier au cinéma Utopia son documentaire La Fièvre de l’Or qui montre comment l’or peut rendre fou en Guyane. Il évoquera ce soir la puissance du personnage de Cervantès. Ses récits de voyage, essais et romans ont été traduits dans une dizaine de langues.

 Voir aussi : Rubrique Littérature, Littérature Espagnole, Rubrique Rencontre, rubrique Montpellier,