Les contempteurs du capitalismes dévoient les révélations par pure jalousie, tonne The Daily Telegraph :
«La plus grande partie de ce qui a été dévoilé jusqu’à présent ne constitue pas une activité contraire à l’éthique, et encore moins une activité illégale. En effet, des millions de personnes ont placé leur argent dans des fonds offshore par l’intermédiaire de fonds de prévoyance retraite. … Comme cela avait déjà été le cas pour les Panama Papers, ces nouvelles informations ont été exploitées par des militants anticapitalistes qui ont du mal à accepter que certaines personnes soient plus riches que d’autres. … Sous couvert d’une vaste croisade moraliste, on essaie de mettre fin à des formes légitimes de placements fiscalement avantageux pour qu’à l’avenir, l’Etat décide à la place des gens où placer leur argent.»
La concurrence fiscale n’a rien de criminel
Les montages fiscaux offshore sont souvent criminalisés à tort, estime le quotidien Suisse Neue Zürcher Zeitung :
«Les transactions offshore sont parfois nécessaires dans un monde globalisé et si elles sont parfois l’expression de dysfonctionnements, elles en sont rarement la cause. C’est pourquoi il est trop simple de diaboliser les tentatives de se protéger de l’arbitraire, d’une bureaucratie pléthorique, d’une imposition excessive mais aussi de préserver sa sphère privée. Criminaliser d’office la concurrence fiscale internationale en s’appuyant sur un panel d’exemples d’abus est une grave imprudence. On aurait tort de se laisser éblouir par les motivations par trop limpides, tout au mieux naïves, des apologistes autoproclamés de la transparence. La concurrence entre les sites économiques, la protection de la sphère privée et les transactions offshore restent et demeurent nécessaires.»
Ce qui est immoral n’est pas forcément illégal
Le débat sur les pratiques fiscales doit aller au-delà des considérations morales, estime le quotidien Danois Berlingske :
«Le débat sur l’évasion fiscale doit être mené sur le terrain juridique et politique, même s’il est également possible de le mener sur le plan moral. La loi a-t-elle été enfreinte ? La législation nationale et internationale a-t-elle les moyens de redresser la barre ? En fonction des convictions politiques de chacun, les conceptions morales divergent. … On ne peut toutefois exiger que des entreprises, des organisations et des personnes se plient à des critères doubles : ceux des lois et ceux de la morale.»
Emmanuel Macron a annoncé jeudi la création «dès cet été» de centres d’examen pour demandeurs d’asile en Libye
Dans l’impasse politique
La Campagne de Com permanente d’Emmanuel Macron dans la torpeur de l’été ne lui réussit pas. Son dernier fait d’arme photo ci-dessus, et ses déclarations sur les « hotspots en Libye suscitent des commentaires mitigés et éclairants dans la presse européenne.
Si la démagogie sans entrave du Figaro souligne une manière de « traiter le problème à la racine ». Le quotidien Autrichien Kurier trouve au moins le mérite de s’en remettre à la raison en parlant d’assumer les conséquences des actes posés, tandis que le quotidien à grand tirage italien Il Sole 24 appelle à une circonspection de rigueur.
Traiter le problème à la racine
L’idée de hotspots en Libye plaît aussi au quotidien Le Figaro :
«Il s’agit de traiter le problème à la racine, sur le continent africain, plutôt qu’à l’intérieur de nos frontières, lorsqu’il est déjà trop tard. … Cela ne suffira évidemment pas à éliminer ce problème complexe et de très longue haleine, d’autant plus que ‘s’installer’ en territoire libyen est une mission délicate. Surtout si les Européens, souvent remarquables d’inefficacité en la matière, ne nous suivent pas ou traînent des pieds.»
Cette idée peut être utile mais l’UE devra en assumer la responsabilité morale, juge Der Kurier :
«Nous renverrons des centaines de milliers de personnes vers un pays où elles seront maltraitées, violentées, dépouillées de tous leurs effets et contraintes de vivre dans des conditions indignes. Nous nous faisons les partenaires de milices armées, d’un dictateur qui bafoue les droits humains. Si la politique pense qu’il s’agit-là du bon moyen de protéger sa population de l’immigration clandestine, alors cette initiative est légitime. Mais elle doit alors reconnaître ouvertement ne faire aucun cas des droits humains.»
Il Sole 24 Ore, estimant que Paris veut négocier un accord sur les réfugiés avec la Libye, appelle à la circonspection :
«La France connaît d’importants problèmes dans sa politique d’intégration et elle tente de les résoudre en fermant ses ports et en cherchant désespérément quelqu’un en Libye, que ce soit le général Haftar ou le chef de gouvernement Al-Sarraj, qui soit prêt à faire le sale boulot. Car c’est bien là la fonction des hotspots. Après l’Allemagne, qui a fermé la route des Balkans grâce à l’accord conclu avec Erdo?an, Paris tente de faire de même en Afrique du Nord et au Sahel. Elle fait ainsi un pari risqué : les Libyens pourraient concevoir des chantages bien plus pernicieux encore que ceux d’Erdo?an.»
L’archevêque de Bamako Jean Zerbo arrive au Stade de l’amitié, en 2012, pour une prière pour la paix alors que les combats font rage au nord du pays. Crédits : ISSOUF SANOGO / AFP
Les documents SwissLeaks révèlent sept comptes bancaires de la Conférence épiscopale du Mali chez HSBC à Genève. Parmi les bénéficiaires, Mgr Jean Zerbo.
Tout commence le 25 novembre 2002 à 9 heures du matin au Crédit lyonnais de Monaco. Ce jour-là sont ouverts, en toute discrétion, sept comptes en banque pour la Conférence épiscopale du Mali (CEM). Les documents SwissLeaks révèlent désormais pour ces comptes des codes IBAN propres à la Suisse, commençant par CH, à l’instar du premier : CH18 0868 9050 9118 1503 0.
Ces comptes étaient crédités de 12 millions d’euros (soit 7 milliards de francs CFA) en 2007, dernière date des relevés bancaires issus de la HSBC Private Bank à Genève que se sont procurés en 2014 Le Monde et le Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ).
Le trio des responsables chrétiens du Mali
Cette histoire rocambolesque mêle opacité, rencontres secrètes entre clergé malien et banquiers suisses et soupçons de détournements de fonds dans un pays où les chrétiens ne représentent que 2,4 % des 17 millions d’habitants. Elle implique les trois plus hauts dirigeants de l’époque de CEM, à commencer par Mgr Jean Zerbo, 73 ans, archevêque de Bamako, chargé des finances de la CEM au moment des faits. Il vient d’être élevé, le 21 mai 2017, au rang de cardinal par le pape François. Le consistoire, la cérémonie officielle au cours de laquelle cinq ecclésiastiques seront élevés au rang de cardinaux, aura lieu le 28 juin prochain. Les autres protagonistes sont Jean-Gabriel Diarra, 71 ans, évêque de San et ex-numéro 1 de l’église catholique du Mali, et Cyprien Dakouo, 60 ans, secrétaire général de la CEM à partir de 2004.
Au début 2015, lorsque éclate le scandale SwissLeaks, publié par Le Monde et une soixantaine de médias internationaux, coordonnés par l’ICIJ, d’autres Maliens sont repérés dans les documents HSBC, comme l’industriel Gérard Achcar ou l’homme d’affaires Modibo Keïta. Mais les comptes en Suisse des trois plus hauts dirigeants de l’épiscopat malien de l’époque passent alors inaperçus. D’où viennent ces 12 millions d’euros ? Est-ce que ce sont les dons des fidèles maliens qui dorment dans une banque suisse ?
Avant d’atterrir chez HSBC, les comptes troubles de la CEM ont voyagé. Du Crédit lyonnais du Rocher au Crédit agricole (CA) après le rachat du premier par le second. Puis du CA au Crédit Foncier, devenu CFM Indosuez Wealth, devenu depuis une filiale de HSBC Private Bank à Genève.
D’après les fichiers internes de HSBC, deux banquiers ont rencontré à plusieurs reprises les trois responsables catholiques maliens, dont Nen Khieu, responsable de la gestion d’actifs à revenu fixe chez HSBC entre 2000 et 2009, aujourd’hui à la tête du cabinet de gestion de fortune KBR Advisors à Genève, spécialisé dans la clientèle cambodgienne et que son profil LinkedIn décrit comme ayant « une solide expérience clients » ainsi que de « fortes compétences analytiques ».
Les banquiers se frottent les mains
Du 29 septembre au 18 octobre 2005, lui et l’un de ses collègues se sont entretenus au moins à trois reprises à Bamako avec Messieurs Zerbo, Diarra et Dakouo, lequel apparaît comme le plus concerné du trio par la gestion des sept comptes ouverts au nom de la CEM – même si les documents HSBC de 2006 et 2007 révèlent des codes clients pour chacun des trois responsables religieux et témoignent d’une répartition égale entre eux des 12 millions d’euros.
Au cours de ces rencontres, les banquiers et les prélats se mettent d’accord sur le taux de rémunération de ces avoirs : « 5 % » d’intérêt, selon les documents confidentiels que nous avons pu consulter. Les deux banquiers se frottent les mains dans leur correspondance : « la bonne gestion du portefeuille nous permettra d’obtenir une augmentation de ressource. »
De ces rencontres, il ressort également que « l’archevêché ainsi que les paroisses sont d’accord » pour confier la gestion d’une partie du portefeuille à la banque ainsi que la capture de « 50 % du portefeuille afin de pouvoir en optimiser la rentabilité ». Des informations qui laissent pantois les fidèles des paroisses de Bamako que nous avons interrogés. « Nous n’avons jamais été informés d’une telle opération de la part de la CEM », confie un choriste de la Paroisse cathédrale.
Un autre responsable de la jeunesse chrétienne de la rive droite de Bamako se révolte : « il y a une grande opacité dans la gestion des ressources de notre confession. Cela fait des années que ça dure. Et ça commence à nous monter à la tête. Profitant de l’extrême passivité des fidèles, ils se permettent tout et ne rendent de compte à personne ».
Ce manque de transparence ne surprend guère un haut responsable de la communauté catholique du Mali.« C’est toujours un défi pour l’Eglise, malgré une recommandation du Concile Vatican II qui veut que les fidèles soient associés à la gestion des ressources de l’Eglise », affirme, sous couvert de l’anonymat, cet interlocuteur qui dit pourtant avoir été informé de ces placements en Suisse. De son côté, un proche de l’ancien curé de Sikasso l’admet : « je me rappelle que Cyprien Dakouo recevait de l’argent provenant de CFM Monaco ». L’opacité sur l’origine et la gestion de ces fonds semble pourtant avoir provoqué des tensions au sein des chrétiens du Mali. En 2012, Cyprien Dakouo est démis de ses fonctions et quitte le pays « sur la pointe des pieds », selon plusieurs témoins.
Des comptes toujours actifs
Il se trouve que ces comptes sont toujours actifs chez HSBC Private Bank à Genève, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions. C’est ce qu’indique une simulation de notre part d’un transfert d’argent sur deux des sept numéros d’identification bancaire. Et pourtant, impossible de retrouver les traces de cet argent dans la comptabilité de la CEM. Le chargé actuel des finances, l’abbé Noël Somboro, élude : « je n’ai pas envie d’aller fouiller dans les archives pour savoir d’où vient l’argent ou si les comptes existent toujours. Je n’ai pas ce temps. »
Puis il lâche une phrase étonnante de la part d’un professionnel de la finance : « j’ignore ce que c’est un compte offshore ou si la Suisse est considérée comme un paradis fiscal. Sinon, nous avons des comptes bancaires un peu partout. » Il ajoute : « il est possible que ces comptes aient existé, mais je n’ai pas de trace. » M. Noël refuse de communiquer le moindre chiffre sur le patrimoine de l’Eglise et ne veut pas non plus se prononcer sur la déclaration ou non de ces sommes au fisc malien. Il compare d’ailleurs ces fonds au « code nucléaire » que la France se garde bien de dévoiler.
Mathias Konaté, responsable de la législation fiscale à la Direction générale des impôts, lui, en est sûr : « un compte au nom de la CEM en Suisse n’est pas déclaré au niveau du fisc malien », dit-il.
Dans la capitale malienne, les protagonistes fuient les questions. Samedi 14 mai, à 7 heures du matin, après plusieurs tentatives infructueuses, nous avons attendu la fin de la messe du cardinal Jean Zerbo pour lui poser nos questions. Surpris, il ironise : « moi, un compte en Suisse ? Je suis donc riche sans le savoir ! ». Devant les éléments de preuve fournis, il tente une explication : « c’est un vieux compte. Il s’agit d’un système que nous avons hérité de l’Ordre des missionnaires d’Afrique qui géraient l’église ». Ajoutant toutefois n’avoir jamais ouvert un « compte personnel » à l’étranger, car « source de problèmes ».
Mgr Jean Gabriel Diarra, président de la CEM au moment des faits, a refusé de répondre à nos appels. Quant à Cyprien Dakouo, il réside en France depuis son remplacement en 2012. L’ancien bras droit des évêques du Mali a intégré, en 2013, l’unité Economie et Management de l’université de Lille 1, où il doit terminer en juin 2017 une thèse en économie. Parmi ses sujets de compétence, le site de l’université mentionne l’éthique des affaires. Cyprien Dakouo a lui aussi refusé de répondre à nos questions.
Les récentes révélations sur les pratiques d’écoute de la CIA nous ouvrent les yeux sur les dangers du monde virtuel, constate Neue Zürcher Zeitung :
«Les divulgations prouvent à un vaste public ce que les experts en sécurité rabâchent depuis des années déjà : le nouveau monde numérique est extrêmement vulnérable. On sait depuis plus de deux ans que les téléviseurs connectés à Internet peuvent être autant d’espions dans notre propre salon ; le producteur Samsung l’a clairement indiqué. Mais ce genre de mises en garde passent au second plan car le désir de bénéficier de nouveaux services numériques confortables est plus fort. On ne veut pas se priver du confort de pouvoir dire à son téléviseur sur quelle chaîne passer, alors on ferme les yeux sur le fait qu’il enregistre aussi les conversations privées. … De la gamelle du chien à la balance en passant par le babyphone, on a l’impression que tout et n’importe quoi doive être interconnecté, pour peu qu’un raccordement à Internet soit possible. Mais ce que Wikileaks vient de dévoiler nous donne à voir l’envers du décor.»
Corriere del Ticino (Suisse) prévoit une vague de contestation d’envergure mondiale :
«L’année qui touche à sa fin s’est caractérisée par une révolte de la majorité des électeurs de certains pays contre la mondialisation et la politique économique libérale dominante. Une révolte qui est partie du Royaume-Uni, avec le référendum par lequel les citoyens se sont déclarés favorables à une sortie de l’UE. Une révolte qui a entraîné la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis et se poursuivra sans aucun doute l’an prochain et créera les conditions à un changement de paradigme radical dans l’économie occidentale. Nous nous trouvons dans une phase de transition dans laquelle les groupes qui exercent le pouvoir (le monde des finances, les multinationales et une grande partie des médias) se sentent menacés par un tournant qu’ils essaieront d’empêcher en déployant toutes les armes dont ils disposent.»
Personne ne s’oppose au poison populiste
Les populistes d’extrême droite en Europe continuent à répandre leur fiel en toute impunité, déplore le chroniqueur Paul Goossens dans De Standaard (Belgique) :
«Le projet de rupture fonctionne. L’Europe vacille, et de nouvelles lézardes apparaissent dans l’édifice à chaque nouveau conflit. Le populisme d’extrême droite ne rencontre pas de résistance suffisante. … On nous rabâche que ‘l’élite culturelle’ devrait se garder de toute forme d’arrogance. … Voilà pourquoi on n’ose plus dire haut et fort que les méthodes de l’extrême droite sont aussi absurdes que dangereuses. Désireux de ne pas sous-estimer les ‘perdants’ et de ne pas nourrir le ressentiment, on omet de fustiger l’insondable stupidité et l’inéluctable échec des obsessions de leurs leaders – la volonté par exemple de retrancher l’Etat souverain derrière des barrières hermétiques ou l’arrêt total de l’immigration. Comment l’Europe – l’unique alternative à l’égoïsme des nations – peut-elle continuer à exister si personne ne combat la reviviscence nationaliste ?»
L’écart ne cesse de se creuser
Les disparités au niveau des répartitions des richesses ont atteint des dimensions intolérables, met en garde L’Obs (France) :
«L’année 2016 l’a encore montré à plusieurs reprises : le fossé des inégalités n’est plus vécu comme une fatalité. Il est tout simplement devenu insupportable à vivre. Il n’y a plus aujourd’hui de fracture sociale, mais bel et bien une fracture sociétale. Les niveaux de rémunération des uns confrontés au niveau de dénuement des autres ne permettent plus de s’imaginer une communauté de destin. La majorité des citoyens, condamnés à se vivre comme des variables d’ajustement de la mondialisation libérale, demandent aujourd’hui qu’on les protège. Et qu’on ne leur parle pas de repli sur soi quand il s’agit pour beaucoup d’un simple réflexe de survie !»
Le ‘populisme’, un mot à la mode
Dienas (Lettonie) tente d’expliquer pourquoi le terme populisme est omniprésent actuellement :
«Tous ceux qui sont en désaccord avec la position dominante sont taxés de populisme. C’est facile et très à la mode. De nombreux politiques aiment à parler du danger du populisme même s’ils ne sont eux-mêmes pas exempts de reproche sur la question. … Le populisme est aussi devenu un terme dissuasif, employé dans le but de marginaliser l’opposition ou de nouvelles forces politiques. Un petit jeu dangereux, car le citoyen lambada ne pense rien de bon des politiques dominants. … C’est une bonne chose que les victoires du populisme ne signifient pas encore la fin du monde aujourd’hui. On peut remercier la démocratie pour cela, et saluer le fait que les soit disant populistes ne sont pas de véritables psychopathes.»