Direction artistique. Des idées pour renouveler le théâtre à Montpellier

Dossier réalisé par Jean-Marie Dinh

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Une nouvelle page est en train de s’écrire pour le théâtre à Montpellier. Si la question des infrastructures demeure un problème pour les compagnies qui manquent de moyens et de lieux de création, celle des lieux de diffusion est en phase de stabilisation à l’exception du Théâtre du Hangar laissé en désaffection depuis trop longtemps. Reste la question essentielle des hommes en charge de conduire les beaux navires chargés d’imaginaire dont dispose Montpellier.

public vignette 1Les projets artistiques ont en commun la volonté d’instaurer un dialogue pour trouver de nouveaux publics. photo d.r

Les départs annoncés en 2013 de Luc Braemer (Théâtre Jean-Vilar) Frédéric Sacard (Théâtre de la Vignette) et Jean-Marie Besset au CDN se concrétisent cette année avec l’arrivée de trois nouveaux directeurs sur la ville.

Frantz Delplanque nommé à La Paillade et Nicolas Dubourg au théâtre universitaire de Paul-Valery ont à faire à un héritage marqué par l’identité des fondateurs. Rodrigo Garcia devra relever le défi de faire bouger les lignes afin que le Centre dramatique national (CDN) s’imprègne davantage de son époque. Tous trois partagent la volonté d’insuffler une dynamique territoriale plus créative. Chacun à leur manière, ils élaborent un projet artistique pour instaurer un dialogue nouveau susceptible d’élargir le public. Il revient aux partenaires publics de soutenir financièrement le développement de ces projets qui sont économiquement et politiquement porteurs pour notre territoire.

Ce n’est pas les contraintes financières qui doivent limiter la liberté des nouveaux directeurs artistiques mais le devoir d’adaptation pour répondre aux questions que suscitent les transformations majeures du champs théâtral et culturel. L’impact du numérique sur la production, la diffusion et la consommation de la culture. Le brouillage des distinctions culture élitiste ou populaire, locale, nationale et universelle. L’élargissement et l’hybridation des formes artistiques. La variété des enjeux associés aux thèmes de la diversité culturelle. Les nouveaux directeurs qui livrent ici leur témoignage ont tous trois conscience de l’importance de la création et donc des artistes pour participer et construire de nouvelles dynamiques culturelles. Les frontières de l’art se déplacent. Il s’agit moins d’affirmer comme naguère l’indépendance de l’art et de la création que de penser de manière critique la mobilisation de l’art dans les industries créatives.

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La Vignette : Le nouveau directeur Nicolas Dubourg souhaite que le théâtre universitaire catalyse les énergies

NICOLAS DUBOURG 003Lieu privilégié d’expérimentation, la vocation première du théâtre universitaire La Vignette n’est pas de proposer une offre culturelle, mais d’accompagner le processus de recherche, de création, et d’apprentissage pratique et théorique du théâtre. Les choix et les ouvertures impulsés par Fred Sacard ont au fil des années, oeuvré pour une valorisation permettant une mise en partage du langage universitaire et culturel. La Vignette est un lieu qui accueille aujourd’hui un public jeune et diversifié d’amateurs et de professionnels. Son nouveau directeur, Nicolas Dubourg, travaille aux fondations du projet depuis 2005 en tant qu’administrateur. « J’ai été en dialogue permanent avec Fred Sacard pour mettre en oeuvre le projet. J’entends poursuivre la même méthode dialectique qui nous a occupés avec l’équipe du théâtre pour conduire notre mission. »

Avec Nantes, Metz, ou Aix, Montpellier fait partie des rares villes à disposer d’un théâtre universitaire. Aujourd’hui, l’Université Montpellier 3 assume 75% du budget. La Drac qui a soutenu l’initiative dès sa création est le second partenaire financier. Le Conseil général, la Mairie et l’Agglo participent symboliquement au budget à hauteur de 10 000 euros. La particularité du théâtre universitaire est de se trouver en partie déconnecté des contraintes des autres théâtres telles que le taux de remplissage (le taux actuel est tout de même de 80%) ou la mission de vitrine parfois attribuée aux théâtres municipaux.

On ne doit pas s’attendre à une révolution dans la conduite impulsée par Nicolas Dubourg mais plutôt à un approfondissement du projet. Sur le campus, le nouveau directeur souhaite favoriser « une appropriation plus forte du lieu par la communauté universitaire. » Il s’agit d’exploiter la spacialité physique du Théâtre pour inviter les enseignants et les chercheurs à sortir des champs académiques. « En travaillant en amont, nous nous efforcerons d’associer davantage les chercheurs en sciences sociales aux problématiques sociétales qui mobilisent le théâtre contemporain. Un théâtre est un lieu où les choses sont sensées se croiser. » Le partenariat avec d’autres théâtres universitaires européens se poursuivra notamment avec Berlin. « Je souhaite développer les échanges avec les universités de l’Europe du Sud, avec l’Espagne, l’Italie… C’est intéressant de savoir ce que la jeunesse raconte quand elle fait du théâtre. »

Nicolas Dubourg se donne aussi pour mission de mieux définir les pratiques artistiques avec les partenaires de La Vignette, comme le Département d’études théâtrales de Paul Valery et le Conservatoire d’art dramatique.

« Je ne peux que me satisfaire de l’identité actuelle du théâtre que je souhaite renforcer. La Vignette est un atout fort pour le territoire. Ce projet existe et répond aux objectifs de démocratisation culturelle, de rayonnement du territoire, de soutien à la création et à la diffusion. Il crée une énergie qui participe à notre identité à tous », constate le nouveau directeur qui souhaite que cette appropriation collective trouve auprès des collectivités territoriales des moyens plus ambitieux.

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« Je ne programmerai pas du théâtre classique de répertoire »

Rodrigo_Garcia_legende_6Premiers pas dans la cité de Rodrigo Garcia sur le marché du plan Cabanne

Théâtre des Treize Vents. Nommé à la tête du CDN de Montpellier, Rodrigo Garcia a proposé un projet qui s’affranchit des formes traditionnelles. Ils veut ouvrir le CDN sur la cité et rajeunir le public.

Heureuse surprise pour les uns, alternative radicale pour les autres, la nomination de Rodrigo Garcia à la tête du CDN de Montpellier a suscité l’étonnement. Elle fait suite au bras de fer perdu par Jean-Marie Besset avec Aurélie Filippetti. La ministre de la Culture avait fait valoir deux critères dans la nomination des directeurs de CDN sous sa mandature. Celui de voir accéder des femmes aux responsabilités, Marion Aubert et Christine Le Tailleur figuraient dans la dernière sélection, et celui de ne pas exclure les candidatures étrangères. C’est l’écrivain et metteur en scène hispano-argentin Rodrigo Garcia, Prix Europe pour le théâtre Nouvelle Réalité en 2009 qui est l’heureux élu.

La réputation de votre indépendance d’esprit vous précède. Quel regard portez-vous sur l’institution culturelle française ?
Je la connais peu, même si j’ai travaillé avec le Festival d’Automne de Paris, le TNP de Rennes ou le Festival d’Avignon. Les institutions culturelles françaises m’ont accompagné sur des projets risqués. Je ne poursuivais pas l’objectif de diriger un projet comme celui-ci. Lorsque j’ai pris connaissance du poste, j’ai changé un peu mon point de vue. J’ai travaillé pour présenter un projet qui convenait à mes aspirations en me disant que si j’étais choisi, ce serait très bien. J’ai été très clair avec la commission composée des représentants de la Drac et des collectivités territoriales concernées, je leur ai dit que je ne programmerai pas du théâtre classique de répertoire ni des pièces commerciales. Donc je démarre confiant.

Le cahier des charges ne vous assigne-t-il pas une mission dans ce sens notamment en direction du jeune public ?
Je ne crois pas. Je peux préserver l’indépendance de mes options artistiques tout en remplissant ma mission. Mon action en direction des jeunes prendra d’autres formes.

Que vous inspire, l’interdiction de l’avortement en Espagne et la manif’ jour de colère en France ?
En tant qu’artiste, il ne m’appartient pas vraiment de commenter l’actualité. Je pense que Rajoy opère une nouvelle mesure rétrograde avec cette loi. C’est régulier avec lui. La manifestation de ce week-end à Paris me rappelle les gens qui sont venus défiler au Théâtre du Rond point contre ma pièce Golgota Picnic sans avoir la moindre idée de ce que je présentais.

Plusieurs de vos pièces ont donné lieu à une mauvaise interprétation de votre expression théâtrale, comment vivez vous cette relation entre théâtre et société ?
Je refuse d’alimenter la polémique mais je suis conscient du potentiel provocateur de mon travail. Le cœur du travail d’artiste,  du moins tel que je l’entends, est de montrer d’autres points de vue sur la réalité. En même temps je ne sais pas jusqu’à quel point le théâtre peut secouer la société. Je n’ai pas le sentiment de présenter la réalité avec mon œuvre. J’aime les paradoxes, je présente des choses incomplètes, fragiles, tout en gardant une volonté de communication. Mes œuvres peuvent atteindre le public. Elles ne sont pas sélectives, ou elles le sont, dans le sens où il faut une capacité d’ouverture. Mes pièces peuvent choquer les gens qui ont des certitudes.

Aujourd’hui votre travail est moins provocateur ?
J’ai arrêté mon discours sur la consommation parce que je le trouvais un peu naïf. Je suis moins démonstratif. J’explore un théâtre poétique de réflexion. C’est une déclaration d’intention, celle de pratiquer un théâtre qui ne soit pas spectaculaire.

Comment va s’articuler votre projet ?
Je proposerai un programme contemporain permettant la multiplicité des genres. Le mélange de paroles de musique et de danse correspond à la vie d’aujourd’hui. Je veux faire sortir le CDN pour aller chercher de nouveaux publics dans la cité. Nous associer à différentes structures, créer du lien, multiplier les initiatives, les ateliers. Élargir l’idée du CDN, faire de la production de création plutôt qu’un lieu d’accueil. Il existe beaucoup de possibilités..

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Théâtre Jean Vilar « La rencontre avec l’art passe par l’artiste »

DELPLANQUE 006Frantz Delplanque : « Le quartier de la Paillade se cherche.» Photo RA

Théâtre Jean-Vilar. Frantz Delplanque, l’ex directeur du service culturel de la ville se voit confier les rênes artistiques.

Après vingt ans de loyaux services, Luc Braemer a rendu les clés du théâtre municipal Jean-Vilar, qu’il dirigeait dans le quartier la Paillade depuis 1994, pour s’accorder une retraite bien méritée. C’est Georges Frêche qui lui avait confié cette mission en lui donnant carte blanche et deux objectifs. Celui de remplir son théâtre et de faire preuve d’hospitalité à l’égard des compagnies régionales. La mission a été accomplie.

Sous la houlette d’une équipe  impliquée, le théâtre jouit aujourd’hui d’une bonne réputation. Il y a trois ans, le statut du théâtre est passé en régie municipale directe. C’est Frantz Delplanque, directeur adjoint à la culture de Montpellier, dépêché à l’époque pour faciliter la transition, qui hérite de la direction du théâtre pour trois ans. « Ma formation m’a amené à travailler dans la conduite de politiques culturelles mais j’ai toujours eu un goût pour le théâtre. L’univers de la création me passionne », confie  Frantz Delplanque qui s’y adonne à ses heures perdues en écrivant des romans noirs.

Cet homme de dialogue et de consensus dispose de plusieurs cordes à son arc. Il a occupé la fonction de conseiller théâtre pour la Drac en Alsace. Il connaît bien le quartier où il a rencontré les représentants de la société civile pour y organiser la ZAT Paillade avec succès. En cette période de transition, il présentait donc un profil providentiel pour se voir confier cette mission. Il devra démontrer ses capacités de directeur artistique en poussant ses idées et en prenant des risques. « J’arrive avec de l’enthousiasme. Je souhaite ouvrir davantage le théâtre sur le quartier, pas seulement à travers les rencontres scolaires. Je fonde ma démarche sur une idée simple. La rencontre avec l’art passe par l’artiste

Le théâtre poursuivra sa programmation diversifiée largement axée sur la création avec une ouverture plus grande sur les cultures du monde et la participation d’artistes associés qui travailleront sur des créations partagées avec la population.

Source Jean-Marie Dinh La Marseillaise 29/01/2014

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Mila Turajlic : « Tito était vraiment passionné par le cinéma »

Mila+Turajlic+Filmmaker+Welcome+Party+2011+S02IelMnFPslMila Turajlic. La jeune réalisatrice filme l’histoire de l’ex-Yougoslavie racontée par son septième art. Elle était invitée hier soir au cinéma Utopia à Montpellier.

Après des études à la London School of Economics et une formation en audiovisuel à Belgrade, Mila Turajlic entreprend une carrière de documentariste. Séduite par l’aspect subversif du cinéma, elle se lance dans le septième art, En 2011, elle réalise son premier long métrage : Cinema Komunisto : il était une fois en Yougoslavie. Le film qui a reçu de nombreux prix est distribué par Les films des deux rives. Il était projeté hier soir à 20h au cinéma Utopia en sa présence. Entretien.

Comment a germé l’idée de départ de Cinema Komunisto ?
Au début, je ne pensais pas m’attaquer à un sujet aussi vaste. Je voulais faire un documentaire sur des studios Avala aujourd’hui laissés à l’abandon à Belgrade. En travaillant sur les archives, il m’est apparu que la disparition des studios était liée à celle de la Yougoslavie. Et c’est au cours de mes rencontres avec les protagonistes de l’époque que je me suis décidée a évoquer le destin de ces studios comme une métaphore du pays.

Votre film met en parallèle le cinéma, l’histoire du pays et celle de Tito. Quels choix de traitement avez-vous fait ?
Je ne voulais pas me concentrer sur Tito mais il était difficile de raconter cette histoire sans lui. C’est en avançant que j’ai découvert, la nature de son engagement qui s’exprimait dans le financement et le choix des films, et bien au-delà encore, puisqu’il allait jusqu’à s’impliquer dans les casting. Le film révèle un des aspects méconnus de sa personnalité, celle d’un vrai passionné de cinéma. J’ai aussi voulu faire appel à des personnages témoins, pas à des historiens du cinéma ou à des experts. Tous les gens qui parlent dans le film ont été impliqués dans l’histoire et beaucoup le reste. Ils ne livrent pas une analyse distanciée. Cela amène une dimension plus humaine. J’ai dû m’armer de patience pour convaincre le projectionniste personnel de Tito de s’exprimer, il n’avait jamais donné d’interview.

Lorsque Tito crée les studios en 1945, il s’inspire de l’école soviétique portée par les films des années vingt comme ceux d’Eisenstein, puis par le réalisme soviétique, sous Staline. Sa volonté s’inscrit-elle dans cette veine ?
Tito était très inspiré par le cinéma soviétique qui faisait référence. Le premier film de fiction Yougoslave, sorti avant la fin de la guerre, avait d’ailleurs un chef opérateur soviétique mais on pressent déjà une rétissance chez lui. Il le commente en disant c’est bien, mais un peu trop idéologique, il faut faire des choses plus subtiles…

La production des studios Avala accompagne les enjeux politiques du moment avec des films de guerre, de propagande ou autour de l’unification nationale, quand est-il de la politique de non alignement ?
On tourne en effet beaucoup de films de guerre. L’axe idéologique de la fraternité ethnique revient également avec constance. Les aspects du communisme yougoslave reposant sur le principe socio-économique de l’autogestion sont mis en valeur avec des sujets sur la production ouvrière dans les usines ou la valorisation d’une jeunesse engagée et bâtisseuse. Le sujet des non alignés n’apparaît pas directement dans le cinéma Yougoslave mais beaucoup de cinéastes se sont déplacés dans les pays prenant part au mouvement.

Est-ce la rupture avec l’URSS en 1948, qui ouvre la porte à Hollywood ?
Oui, l’incidence notamment économique se fait tout de suite sentir. En 1949 il n’y a plus un seul film soviétique distribué en Yougoslavie. Avec intelligence Tito parvient à attirer l’industrie du cinéma américain qui débarque avec des moyens importants pour réaliser des super productions.

Le film, souligne l’autoritarisme de Tito avec subtilité…
C’est vrai que Tito était un dictateur, mais un dictateur différent de ses homologues à l’Est. C’est le seul à avoir ouvert les frontières, permettant à beaucoup de Yougoslaves d’aller travailler en Allemagne. Il a aussi instauré une forme de liberté économique ouvrière. Sa dictature s’est surtout exercée à travers les persécutions et l’absence de liberté politique, ce que je suggère dans certains passages. Je ne voulais pas faire un film didactique. Nous avons beaucoup travaillé sur le montage pour mettre en scène l’autoritarisme qui est caché dans le décor afin que le spectateur le sente et construise ses propres représentations.

Dix ans après la mort de Tito, la guerre inter-ethnique resurgit suivie d’un processus d’effacement perceptible dans la nostalgie de vos personnages. Un mode de vie disparaît de l’histoire ?
Le film touche à cette question de la disparition d’une réalité orchestrée par le pouvoir politique établi. On retrouve en effet ce processus dans tous les pays de l’ex-Yougoslavie qui s’appliquent à faire disparaître le passé, y compris la lutte antifascisme de la seconde guerre mondiale.

Quel regard portez-vous sur le cinéma des républiques de l’ex-Yougoslavie ?
L’activité s’est réduite, on ne produit plus dans ces pays que six ou sept films par an. Faire des films suppose d’être soutenu par le fonds européens ce qui implique souvent de travailler en co-production. Le résultat étonnant, est que les co-productions réunissent les ex-pays yougoslaves pour des raisons de simplicité comme le partage de la langue. La plupart des films Bosniaques sont des co-productions régionales, tant et si bien qu’on ne parle pas du cinéma de tel ou tel pays mais de l’ex cinéma Yougoslave.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Source : La Marseillaise 15/01/2014

Voir aussi : Rubrique Cinéma, rubrique Histoire, rubrique Rencontre, On Line, Le pillage des studios d’Avalla,

Les festivals couteaux suisse de la culture ?

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Directeur de recherche au CNRS, Emmanuel. Négrier co-dirige le livre : « Festival de musique un monde en mutation » qui osculte la redéfinition des pratiques.

Un festival de musique pour quoi faire ? Peut-on identifier un socle de valeurs commun des politiques soutenant ces festivals ? Emmanuel Négrier pour la France, Michel guérin pour la Belgique, Lluis Bonet pour l’Espagne croisent leurs expériences autour de ces questions. Après l’avènement de l’économie de marché dans le domaine artistique et les défis que cela induit pour l’intervention publique, les festivals se retrouvent désormais au coeur des politiques culturelles.

Quel rôle vont tenir les festivals dans le mouvement engagé de requalification des enjeux artistiques en enjeux des industries créatives ? Les trois chercheurs qui viennent d’assurer la codirection d’une étude à partir d‘un panorama international ( limité au champ musical) de 390 festivals livrent des éléments de réponse dans un ouvrage qui vient de paraître*. Le livre propose un double parcours. Une première partie fait le bilan des résultats de l’enquête. La seconde partie analyse le déploiement du modèle festivalier dans neuf pays.
L’étude des festivals présente un intérêt particulier et quelques difficultés de comparaison en raison du foisonnement, de leurs diversités et de leur envergure financière très hétérogène. 10% des festivals modestes ne dépassent pas un budget de 45 000 euros et les 10% des plus puissants dépassent 2,1 millions d’euros.

Depuis les années 70,  les festivals ont connu une croissance continue. Un essor à croiser avec celui des pouvoirs locaux, ou le retour de la démocratie pour des pays comme l’Espagne, le Portugal et la Grèce. Attachés à leurs contextes territoriaux, les festivals sont aussi liés à la personnalité de leur fondateur et aux collectivités qui assurent une partie de leur financements.

« Le festival présente l’avantage de répondre à des perspectives aussi diverses que la démocratisation culturelle, la légitimation des pouvoirs locaux, la transformation des genres artistiques, la diversité culturelle» , souligne Emannuel Négrier. Faut-il y voir une prédestination à servir de vitrine ? Les festivals s’y prêtent, en raison de leur caractère temporaire, festif et commercial par opposition à la permanence, au « sérieux » des programmations culturelles publiques. Comme il pourrait être un moyen de s’en affranchir à moindre coût.

L’étude fait ressortir l’articulation des festivals avec les saisons régulières. Ces structures disposent toujours d’un bon potentiel de développement lié à leur profil qui les inscrit facilement dans un univers de gestion privé avec l’aide de fonds publics dont ils ne peuvent se couper.

Jean-Marie Dinh

* Festivals de musique un monde en mutation, éd. Michel de Maule.

Voir aussi : Rubrique Festival, Vers un Domaine d’O multipolaire, rubrique Politique, Politique Culturelle, Rubrique Livre, rubrique Musique,

Morceaux choisis d’une collection turque au Musée de Lodève

1219 PAGE17 104d P1 cultureLa ville de Lodève et la communauté de commune lodévois Larzac cultivent leur inscription dans une dynamique de développement culturel. La ville s’appuie sur ses atouts naturels, qualité de l’environnement, diversité de la population, proximité de la capitale régionale… pour élargir un réseau qualitatif de relations méditerranéennes notamment avec le festival de poésie. Si la volonté politique, inscrite dans la durée, a permis une concrétisation structurelle à travers des actions de rénovation patrimoniale comme le monument aux morts de Paul Dardé ou l’agrandissement du Musée Fleury dont le calendrier  s’adapte aux problématiques budgétaires*, elle n’en délaisse pas moins la force de proposition en matière d’offre culturelle.

L’exposition – hors saison touristique – autour de la collection Arkas qui débute aujourd’hui illustre le bien-fondé des liens que Lodève entretien avec la Méditerranée. Elle est le fruit d’une rencontre lors de l’expo Théo Van Rysselberghe (2012), entre la conservatrice en chef du Musée Ivonne Papin-Drastik et le collectionneur franco-turc Lucien Arkas. Armateur, mécène, amateur de peinture  féru d’histoire et diplomate à ses heures, Arkas, présent à Lodève pour la première grande sortie de ses oeuvres, est une figure éminente de la ville d’Izmir dont il est originaire, et du monde des affaires. «La Turquie et la France entretiennent des relations d’amitié depuis François 1er. Celles-ci se sont poursuivies même après la campagne d’Egypte », explique Lucien Arkas. Ses premières acquisitions remontent à une quinzaine d’années. Bien qu’encore  jeune, la collection qui s’étend de 1830 à 1950 s’inscrit comme un pont entre la peinture française et les artistes turcs. Elle réunit déjà 1 300 peintures où se croisent de grands noms de la peinture tels que Braque, Toulouse-Lautrec, Renoir, Signac… Mais c’est le post-impressionnisme qui constitue le coeur de la collection et permet de découvrir à Lodève de talentueux artistes comme Maximilien Luce, Henri Martin, Louis Bousseret, Louis Anquetin… n’ayant pas bénéficié de la renommée des grands maîtres.

« Je suis francophile et j’aime la beauté. C’est ainsi que j’ai débuté ma collection. Je ne pensais pas que cela prendrait une telle ampleur, confie l’amateur d’art. Une bonne partie de ce qui est exposé ici était exposé chez moi à Ismir, mais pourquoi les garder pour soi ? » L’exposition proposée au Musée Fleury est le fruit d’une histoire. Celle de la rencontre d’une ville moyenne et d’un collectionneur qui se retrouvent sur des valeurs communes de plaisir partagé. « Travailler avec vous sur cette exposition nous a permis d’enrichir notre travail scientifique sur certaines pièces », affirme le commissaire associé Karoly  Aliotti.

« Le prêt conséquent que vous avez consenti et le choix du Musée de Lodève pour une première exposition nous honore », réplique Ivonne Papin. Le résultat de cette association est tangible lors de la visite. L’expo propose des thématiques et certains cabinets d’un grand intérêt comme celui des nus, (Valadon,Manguin Kisling…), des paysages (Bates, Serusier, Sidaner…) ou les oeuvres orientalistes (Edouard Richter, Max Bredt). Une expo de goûts partagés, pas engoncée dans l’orthodoxie muséale.

                         JMDH

Source L’Hérault du Jour 19/12/2013

 * La première phase des travaux du Musée de Lodève devrait se conclure en juillet 2016.

Voir aussi : Rubrique expositions, rubrique Art, rubrique politique culturelle,

Politique culturelle. Vers un Domaine d’O multipolaire

Carnages de François Cervantes.Photo : Christophe Raynaud

Carnages de François Cervantes. Photo : Christophe Raynaud

Politique Culturelle. A l’occasion de la présentation de la saison d’hiver du Domaine d’O, la question de la gouvernance prend des contours incertains.

Une présentation de saison d’hiver peu ordinaire s’est tenue jeudi au Domaine d’O. Le vice-président du conseil général Jacques Atlan et le directeur par intérim Marc Lugand entourés des directeurs artistiques des festivals d’été : Jérôme Pillement pour les Folies lyriques, Habib Dechraoui pour Arabesques, une collaboratrice de Sabine Maillard pour les Nuits d’O, Jean Varéla pour le Printemps des comédiens et Isabelle Grison pour Saperlipopette, ont écouté religieusement l’équipe du service de communication présenter l’offre culturelle du Domaine d’O jusqu’en avril prochain.

Une situation cocasse dont le plus sûr mérite fut sans nul doute d’entrer dans le vif du sujet : la question de la gouvernance du Domaine après le départ de Christopher Crimes qui cumulait, non sans quelques difficultés, la responsabilité de la direction artistique et celle de l’Epic.

« Il n’y aura pas de directeur artistique », a annoncé Jacques Atlan comme pour couper court aux espoirs de ceux qui attendaient encore une fumée blanche. « Marc Lugand assurera la cohérence et la vision départementale dans la gestion administrative et financière du domaine ». Pour le délégué départemental à la culture, la question de la cohérence artistique ne semble pas se poser. « Nous ne nous contentons pas d’être un guichet. Nous voulons plus de publics et de diversité artistique. Nous avons demandé aux directeurs de festival qui connaissent bien le domaine et le font vivre, de proposer des spectacles. C’est une année de transition. »

Si les différents directeurs de festival affichaient une solidarité de rigueur, la tension et l’inquiétude étaient perceptibles chez les acteurs en charge de faire vivre ce lieu incontournable qui concentre, avec SortieOuest, le budget culturel départemental.

La question du budget artistique n’a pas été abordée avec beaucoup de précisions. « Il sera le même, à 90%… » Faut-il entendre que le nouveau théâtre Jean-Claude Carrière de 600 places assises qui complète l’équipement structurel du domaine depuis deux mois doit enrichir l’offre artistique à fonds constants ?

Il serait regrettable que le développement du Domaine d’O et ses acquis en termes d’accessibilité, de fréquentation, et de qualité de l’offre, se réduisent à un mode de gestion patrimoniale. Par ailleurs, la volonté de « sanctuariser les acteurs » habituels ne peut pas tenir lieu de politique. L’économie d’un poste de directeur artistique, correspond aussi à la suppression d’une fonction qui touche l’identité du lieu. Et tous le monde croise les doigts pour que cette identité demeure à la hauteur des ambitions culturelles affichées.

Jean-Marie Dinh   

Les planches qui chaufferont l’hiver 2013/2014

3© Philippe Grignard

Opéra Rock : Les ailes du désir

Spectacles vivants. Les rendez-vous du Festival d’hiver au Domaine d’O.

En 2014, dix-huit spectacles ponctueront nos fraîches soirées d’hiver 2014. ça commence le 11 janvier avec l’Orchestre national de Barbès pour se clôturer par Idir le 12 avril prochain. La plus grande part de cette programmation a été programmée par l’ancien directeur Christopher Crimes. Ce n’est donc qu’à partir du printemps que vont se dessiner les vrais premiers pas de la programmation multipolaire. Rétrécie par les contraintes budgétaires, la programmation d’hiver passe de trente-six dates à vingt-quatre.

Plus de champagne ni fête du nouvel an dans le domaine départemental cette année mais une série de rendez-vous à ne pas manquer. Le Domaine d’O privilégie l’ouverture à de nouvelles formes de spectacles vivants et les relations dans la durée avec les artistes. Ainsi retrouverons-nous la Cie l’Entreprise de François Cervantes avec Carnages : une fête collective des grands clowns du XXe siècle. Toujours en janvier Thomas Fersen est attendu avec Ginger Accident dans une rencontre qui promet d’être surprenante. On aurait tort de manquer le spectacle de Josse De Pauw  autour de Monk, le 4 février. Nasser Djemai sera lui aussi de retour, après sa création sur les Chibanis en 2011,  avec une pièce réaliste sur la jeunesse : Immortels le 7 février. La clown Emma taquinera la mort, pour en rire, et Mulatu Astatke nous emportera dans les profondeurs de l’Ethio-Jazz le 20 février.

Réservation : n°Vert 0 800 200 165
Source l’Hérault du Jour : 23/11/2013

Voir aussi : Rubrique Politique culturelle, Crise : l’effet domino, Printemps des Comédiens une Orageuse réussite, rubrique Théâtre, rubrique Musique,