Direction artistique. Des idées pour renouveler le théâtre à Montpellier

Dossier réalisé par Jean-Marie Dinh

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Une nouvelle page est en train de s’écrire pour le théâtre à Montpellier. Si la question des infrastructures demeure un problème pour les compagnies qui manquent de moyens et de lieux de création, celle des lieux de diffusion est en phase de stabilisation à l’exception du Théâtre du Hangar laissé en désaffection depuis trop longtemps. Reste la question essentielle des hommes en charge de conduire les beaux navires chargés d’imaginaire dont dispose Montpellier.

public vignette 1Les projets artistiques ont en commun la volonté d’instaurer un dialogue pour trouver de nouveaux publics. photo d.r

Les départs annoncés en 2013 de Luc Braemer (Théâtre Jean-Vilar) Frédéric Sacard (Théâtre de la Vignette) et Jean-Marie Besset au CDN se concrétisent cette année avec l’arrivée de trois nouveaux directeurs sur la ville.

Frantz Delplanque nommé à La Paillade et Nicolas Dubourg au théâtre universitaire de Paul-Valery ont à faire à un héritage marqué par l’identité des fondateurs. Rodrigo Garcia devra relever le défi de faire bouger les lignes afin que le Centre dramatique national (CDN) s’imprègne davantage de son époque. Tous trois partagent la volonté d’insuffler une dynamique territoriale plus créative. Chacun à leur manière, ils élaborent un projet artistique pour instaurer un dialogue nouveau susceptible d’élargir le public. Il revient aux partenaires publics de soutenir financièrement le développement de ces projets qui sont économiquement et politiquement porteurs pour notre territoire.

Ce n’est pas les contraintes financières qui doivent limiter la liberté des nouveaux directeurs artistiques mais le devoir d’adaptation pour répondre aux questions que suscitent les transformations majeures du champs théâtral et culturel. L’impact du numérique sur la production, la diffusion et la consommation de la culture. Le brouillage des distinctions culture élitiste ou populaire, locale, nationale et universelle. L’élargissement et l’hybridation des formes artistiques. La variété des enjeux associés aux thèmes de la diversité culturelle. Les nouveaux directeurs qui livrent ici leur témoignage ont tous trois conscience de l’importance de la création et donc des artistes pour participer et construire de nouvelles dynamiques culturelles. Les frontières de l’art se déplacent. Il s’agit moins d’affirmer comme naguère l’indépendance de l’art et de la création que de penser de manière critique la mobilisation de l’art dans les industries créatives.

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La Vignette : Le nouveau directeur Nicolas Dubourg souhaite que le théâtre universitaire catalyse les énergies

NICOLAS DUBOURG 003Lieu privilégié d’expérimentation, la vocation première du théâtre universitaire La Vignette n’est pas de proposer une offre culturelle, mais d’accompagner le processus de recherche, de création, et d’apprentissage pratique et théorique du théâtre. Les choix et les ouvertures impulsés par Fred Sacard ont au fil des années, oeuvré pour une valorisation permettant une mise en partage du langage universitaire et culturel. La Vignette est un lieu qui accueille aujourd’hui un public jeune et diversifié d’amateurs et de professionnels. Son nouveau directeur, Nicolas Dubourg, travaille aux fondations du projet depuis 2005 en tant qu’administrateur. « J’ai été en dialogue permanent avec Fred Sacard pour mettre en oeuvre le projet. J’entends poursuivre la même méthode dialectique qui nous a occupés avec l’équipe du théâtre pour conduire notre mission. »

Avec Nantes, Metz, ou Aix, Montpellier fait partie des rares villes à disposer d’un théâtre universitaire. Aujourd’hui, l’Université Montpellier 3 assume 75% du budget. La Drac qui a soutenu l’initiative dès sa création est le second partenaire financier. Le Conseil général, la Mairie et l’Agglo participent symboliquement au budget à hauteur de 10 000 euros. La particularité du théâtre universitaire est de se trouver en partie déconnecté des contraintes des autres théâtres telles que le taux de remplissage (le taux actuel est tout de même de 80%) ou la mission de vitrine parfois attribuée aux théâtres municipaux.

On ne doit pas s’attendre à une révolution dans la conduite impulsée par Nicolas Dubourg mais plutôt à un approfondissement du projet. Sur le campus, le nouveau directeur souhaite favoriser « une appropriation plus forte du lieu par la communauté universitaire. » Il s’agit d’exploiter la spacialité physique du Théâtre pour inviter les enseignants et les chercheurs à sortir des champs académiques. « En travaillant en amont, nous nous efforcerons d’associer davantage les chercheurs en sciences sociales aux problématiques sociétales qui mobilisent le théâtre contemporain. Un théâtre est un lieu où les choses sont sensées se croiser. » Le partenariat avec d’autres théâtres universitaires européens se poursuivra notamment avec Berlin. « Je souhaite développer les échanges avec les universités de l’Europe du Sud, avec l’Espagne, l’Italie… C’est intéressant de savoir ce que la jeunesse raconte quand elle fait du théâtre. »

Nicolas Dubourg se donne aussi pour mission de mieux définir les pratiques artistiques avec les partenaires de La Vignette, comme le Département d’études théâtrales de Paul Valery et le Conservatoire d’art dramatique.

« Je ne peux que me satisfaire de l’identité actuelle du théâtre que je souhaite renforcer. La Vignette est un atout fort pour le territoire. Ce projet existe et répond aux objectifs de démocratisation culturelle, de rayonnement du territoire, de soutien à la création et à la diffusion. Il crée une énergie qui participe à notre identité à tous », constate le nouveau directeur qui souhaite que cette appropriation collective trouve auprès des collectivités territoriales des moyens plus ambitieux.

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« Je ne programmerai pas du théâtre classique de répertoire »

Rodrigo_Garcia_legende_6Premiers pas dans la cité de Rodrigo Garcia sur le marché du plan Cabanne

Théâtre des Treize Vents. Nommé à la tête du CDN de Montpellier, Rodrigo Garcia a proposé un projet qui s’affranchit des formes traditionnelles. Ils veut ouvrir le CDN sur la cité et rajeunir le public.

Heureuse surprise pour les uns, alternative radicale pour les autres, la nomination de Rodrigo Garcia à la tête du CDN de Montpellier a suscité l’étonnement. Elle fait suite au bras de fer perdu par Jean-Marie Besset avec Aurélie Filippetti. La ministre de la Culture avait fait valoir deux critères dans la nomination des directeurs de CDN sous sa mandature. Celui de voir accéder des femmes aux responsabilités, Marion Aubert et Christine Le Tailleur figuraient dans la dernière sélection, et celui de ne pas exclure les candidatures étrangères. C’est l’écrivain et metteur en scène hispano-argentin Rodrigo Garcia, Prix Europe pour le théâtre Nouvelle Réalité en 2009 qui est l’heureux élu.

La réputation de votre indépendance d’esprit vous précède. Quel regard portez-vous sur l’institution culturelle française ?
Je la connais peu, même si j’ai travaillé avec le Festival d’Automne de Paris, le TNP de Rennes ou le Festival d’Avignon. Les institutions culturelles françaises m’ont accompagné sur des projets risqués. Je ne poursuivais pas l’objectif de diriger un projet comme celui-ci. Lorsque j’ai pris connaissance du poste, j’ai changé un peu mon point de vue. J’ai travaillé pour présenter un projet qui convenait à mes aspirations en me disant que si j’étais choisi, ce serait très bien. J’ai été très clair avec la commission composée des représentants de la Drac et des collectivités territoriales concernées, je leur ai dit que je ne programmerai pas du théâtre classique de répertoire ni des pièces commerciales. Donc je démarre confiant.

Le cahier des charges ne vous assigne-t-il pas une mission dans ce sens notamment en direction du jeune public ?
Je ne crois pas. Je peux préserver l’indépendance de mes options artistiques tout en remplissant ma mission. Mon action en direction des jeunes prendra d’autres formes.

Que vous inspire, l’interdiction de l’avortement en Espagne et la manif’ jour de colère en France ?
En tant qu’artiste, il ne m’appartient pas vraiment de commenter l’actualité. Je pense que Rajoy opère une nouvelle mesure rétrograde avec cette loi. C’est régulier avec lui. La manifestation de ce week-end à Paris me rappelle les gens qui sont venus défiler au Théâtre du Rond point contre ma pièce Golgota Picnic sans avoir la moindre idée de ce que je présentais.

Plusieurs de vos pièces ont donné lieu à une mauvaise interprétation de votre expression théâtrale, comment vivez vous cette relation entre théâtre et société ?
Je refuse d’alimenter la polémique mais je suis conscient du potentiel provocateur de mon travail. Le cœur du travail d’artiste,  du moins tel que je l’entends, est de montrer d’autres points de vue sur la réalité. En même temps je ne sais pas jusqu’à quel point le théâtre peut secouer la société. Je n’ai pas le sentiment de présenter la réalité avec mon œuvre. J’aime les paradoxes, je présente des choses incomplètes, fragiles, tout en gardant une volonté de communication. Mes œuvres peuvent atteindre le public. Elles ne sont pas sélectives, ou elles le sont, dans le sens où il faut une capacité d’ouverture. Mes pièces peuvent choquer les gens qui ont des certitudes.

Aujourd’hui votre travail est moins provocateur ?
J’ai arrêté mon discours sur la consommation parce que je le trouvais un peu naïf. Je suis moins démonstratif. J’explore un théâtre poétique de réflexion. C’est une déclaration d’intention, celle de pratiquer un théâtre qui ne soit pas spectaculaire.

Comment va s’articuler votre projet ?
Je proposerai un programme contemporain permettant la multiplicité des genres. Le mélange de paroles de musique et de danse correspond à la vie d’aujourd’hui. Je veux faire sortir le CDN pour aller chercher de nouveaux publics dans la cité. Nous associer à différentes structures, créer du lien, multiplier les initiatives, les ateliers. Élargir l’idée du CDN, faire de la production de création plutôt qu’un lieu d’accueil. Il existe beaucoup de possibilités..

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Théâtre Jean Vilar « La rencontre avec l’art passe par l’artiste »

DELPLANQUE 006Frantz Delplanque : « Le quartier de la Paillade se cherche.» Photo RA

Théâtre Jean-Vilar. Frantz Delplanque, l’ex directeur du service culturel de la ville se voit confier les rênes artistiques.

Après vingt ans de loyaux services, Luc Braemer a rendu les clés du théâtre municipal Jean-Vilar, qu’il dirigeait dans le quartier la Paillade depuis 1994, pour s’accorder une retraite bien méritée. C’est Georges Frêche qui lui avait confié cette mission en lui donnant carte blanche et deux objectifs. Celui de remplir son théâtre et de faire preuve d’hospitalité à l’égard des compagnies régionales. La mission a été accomplie.

Sous la houlette d’une équipe  impliquée, le théâtre jouit aujourd’hui d’une bonne réputation. Il y a trois ans, le statut du théâtre est passé en régie municipale directe. C’est Frantz Delplanque, directeur adjoint à la culture de Montpellier, dépêché à l’époque pour faciliter la transition, qui hérite de la direction du théâtre pour trois ans. « Ma formation m’a amené à travailler dans la conduite de politiques culturelles mais j’ai toujours eu un goût pour le théâtre. L’univers de la création me passionne », confie  Frantz Delplanque qui s’y adonne à ses heures perdues en écrivant des romans noirs.

Cet homme de dialogue et de consensus dispose de plusieurs cordes à son arc. Il a occupé la fonction de conseiller théâtre pour la Drac en Alsace. Il connaît bien le quartier où il a rencontré les représentants de la société civile pour y organiser la ZAT Paillade avec succès. En cette période de transition, il présentait donc un profil providentiel pour se voir confier cette mission. Il devra démontrer ses capacités de directeur artistique en poussant ses idées et en prenant des risques. « J’arrive avec de l’enthousiasme. Je souhaite ouvrir davantage le théâtre sur le quartier, pas seulement à travers les rencontres scolaires. Je fonde ma démarche sur une idée simple. La rencontre avec l’art passe par l’artiste

Le théâtre poursuivra sa programmation diversifiée largement axée sur la création avec une ouverture plus grande sur les cultures du monde et la participation d’artistes associés qui travailleront sur des créations partagées avec la population.

Source Jean-Marie Dinh La Marseillaise 29/01/2014

Voir aussi : Rubrique Théâtre, rubrique Politique culturelle, rubrique Montpellier, Dossiers,

Le Banquet d’Auteuil : Entre mythes et débauche créative

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C’est à un vrai banquet auquel nous convie Jean-Marie Besset avec sa dernière création mise en chantier actuellement au Treize Vents avec la complicité de Gilbert Désveaux et de Régis de Martrin-Donos. Le Banquet d’Auteuil, écrit par l’ex et controversé directeur du CDN de Montpellier, s’attache à révéler la face libertine de Molière.

On connaissait Jean-Baptiste Poquelin pour sa liberté de pensée et son athéisme qui lui valurent quelques déboires avec Tartuffe mais l’idée d’un Molière en vertueux disciple de l’épicurien Gassendi et fervant pratiquant du libertinage est moins répandue. La pièce donne ainsi matière à pousser notre réflexion sur le rapport entre Dom Juan et son auteur.

Le Banquet d’Auteuil est le lieu qui sanctionne le rang de ces illustres et turbulents convives parmi lesquels se retrouvent Chapelle, Dassoucy, Lully… artistes réputés aux moeurs très libérés.

Au cours du banquet s’instaure un cérémonial guidé avec panache par le spectre de Cyrano. Après avoir orchestré quelques truculentes animations, l’ancien libertin tentera de tromper sa solitude. Le jeu d’acteur se déploie avec une belle énergie ordonnant hiérarchiquement et rhétoriquement l’état social des convives, comme les manières et postures de l’époque.

Besset puise dans l’histoire avec une érudite précision mais il s’accorde la liberté du langage et celle de dépeindre les moeurs de son temps. Son goût pour la provocation s’exerce avec jubilation sans peur de malmener les références sacrées.

Après les quelques secousses du démarrage, un jeu de miroir se met en place qui bouscule nos représentations. On découvre que l’invention dramatique de Molière s’appuyait sur des inventions narratives originales dont la pièce nous dévoile quelques secrets.

JMDH

Source L’hérault du jour 17/01/2014

Voir aussi : Rubrique Théâtre,

Car tu es poussière de Pinter : Une mémoire à trou cyclonique

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Un texte méconnu de Pinter

Car tu es poussière d’Harold Pinter mis en scène par Stéphane Laudier d’après un texte adapté par Jean-Marie Besset ouvre actuellement la saison du CDN à Grammont. Cette
pièce poignante du Prix Nobel britannique fut écrite et montée en 1996 au Théâtre du Rond-Point à Paris. Elle est donnée, comme il se doit en petite forme.

Artisan éclairé de l’écriture dramatique, Pinter aborde la Shoah par le truchement de la mémoire d’une femme. Nichée dans la sphère intime d’un couple en situation d’échec, la tragédie s’émancipe progressivement de l’espace intérieur pour rejoindre l’histoire collective.

Adepte de l’essentiel, Stéphane Laudier concentre son travail sur le pouvoir hypnotique du texte en puisant en profondeur dans les ressources des deux comédiens. Dans le rôle de Rebecca, Fanny Rudelle se révèle saisissante d’authenticité, tandis que son compagnon Jean-Marc Bourg (Devlin) campe un jeu subtil et périlleux qui vise autant à interpréter la fêlure de sa compagne qu’à y succomber.

Orfèvre de la dérive humaine, Pinter aborde le traumatisme sous l’angle des dégâts et non
de la réparation. Le texte fragmenté exhume la blessure d’une mémoire qui refuse à se révéler. Trahie par la résistance au sens commun, la charge de l’émotion s’en trouve décuplée. On frise parfois l’absurde.

Le respect porté au texte et la précision du jeu restitue l’étendue sous-tendue par cette oeuvre extrême.

JMDH

Après la création à Montpellier, le spectacle « Car tu es poussière » sera en tournée dans la région Languedoc-Roussillon : A Narbonne, au Théâtre Scène Nationale les 3 et 4 décembre 2013 et à Pézenas en juin 2014, dans le cadre du festival Molière dans tous ses états

Voir aussi : Rubrique Théâtre, Arthur Nauzyciel  Le rôle des alliés face au génocide,

Jean-Marie Besset donne le change

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La présentation de la prochaine saison du CDN modifie le cap. Le nouveau directeur dramaturge présente son parti pris pour les auteurs français et vivants.

Jean-Marie Besset a pris les rênes du Centre dramatique national cet hiver. La saison 2010/2011, présentée récemment à Grammont, donne donc le la de la nouvelle direction après les années Fall. L’annonce de cette nomination a fait l’objet d’un consensus entre le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand et le Président de Région Georges Frêche. Elle est à l’origine d’une polémique dont le fait majeur concerne la procédure même de nomination, cousue d’indélicatesses monarchiques. A ce propos, Jean-Marie Besset, qui campe sur une posture artistique, évoque une arrivée sous la pluie et souhaite qu’on le juge sur son travail.

La programmation artistique est celle d’un dramaturge auteur d’une vingtaine de pièces. Deux d’entre elles, mises en scène par Gilbert Desveaux, le directeur adjoint, sont à l’affiche. Elles permettront de découvrir son travail. RER, créé en 2006, ouvrira la saison. Une pièce d’aujourd’hui qui aborde la « victimisation » et le mensonge comme vecteur de vérité. Elle s’inspire d’un fait divers. Celui d’une jeune fille d’origine juive dont les déclarations avaient provoqué l’émoi de la classe politique jusqu’au sommet de l’Etat, avant que la victime ne déclare que cette histoire relevait de son imagination. Perthus, créé au Théâtre du Rond point en 2008, s’attache à la relation homosexuelle de deux adolescents, et particulièrement à l’amitié qui se noue entre leurs mères respectives, avec en creux, la problématique des jeunes garçons aux pères tus.

La charpente générale de la saison repose sur des auteurs vivants de langue française (Philippe Minyana, Pierre Notte, Florian Parra, Rayhana…). Côté répertoire, on attend La coupe et les lèvres de Musset, Le Platonov de l’Héraultais Nicolas Oton et Nicomède & Suréna de Corneille. Sous le titre de l’édito du directeur, intitulé Tintin en Amérique, se distingue un goût certain pour l’écriture contemporaine anglo-saxonne qui s’exprimera avec Harper Regan, du jeune dramaturge britannique Simon Stephens, Parlez-moi d’amour mise en scène par Jacques Lasalle d’après Raymond Carver et Break your Leg de Marc Lainé, qui s’attaque aux figures de la culture populaire US. A l’instar de cette histoire qui commence, Il faut je ne veux pas, création unissant les mots de Musset et ceux de Besset autour de l’union au sein du couple, devrait nous éclairer sur la nature du mariage. De cœur ou de raison ?

Jean-Marie Besset : « Moi c’est l’art qui m’intéresse »

Revenons sur les conditions difficiles de votre arrivée. Comment en analysez-vous les aspects ?


« Je l’ai dit, je l’ai mal vécu. Car pour moi le théâtre a toujours été un lieu de liberté, un refuge contre ma famille, la société… De voir une corporation de metteurs en scène se retourner contre moi m’a profondément touché. Je crois que cela est d’abord lié à une méconnaissance. Ces gens n’ont jamais vu mon travail. Ils fondent leur jugement sur des ouï-dire. Au-delà de la dimension artistique, je suis diplômé de L’ESSEC, l’administration d’un CDN ne me pose aucune difficulté. Enfin, je pense qu’il y a une part d’homophobie. Au moment de ma nomination nous étions en pleine polémique sur l’affaire Polanski. On avait extrait du contexte des textes de Frédéric Mitterrand, qui prenait sa défense, pour le faire passer pour un pédophile. C’est devenu l’affaire Mitterrand et dans la foulée on m’a fait le procès d’être un pédé de droite. C’est tout bonnement infâme.

Reste la question politique : le ministre de la Culture n’a pas pris la défense de Marie NDiaye face à la sortie de Raoult sur le devoir de réserve des écrivains…

Je considère Marie NDiaye comme un grand auteur mais quand elle parle de France monstrueuse de Sarkozy, c’est un peu excessif.

Quelle image vous faites-vous de la composition du public des Treize Vents ? Souhaitez-vous l’élargir ?

Nous venons de vendre 4 000 places en six heures de temps. Cela représente à peu près 10% de notre jauge annuelle. C’est plutôt un bon début. Je crois que l’essentiel du public se compose d’enseignants et d’enseignés. Je souhaite aller vers davantage de mixité et toucher des publics qui ne se déplacent plus : les pharmaciens, les médecins, et aussi les gens qui travaillent dans les administrations.

Dans le triptyque auteurs, metteurs en scène, acteurs, vous misez sur le texte. Comment défendre le sens et l’imaginaire face au phénomène pesant de l’industrialisation culturelle ?

Je mets le triptyque à égalité sur ses trois pieds. Trop souvent la table est bancale. Le metteur en scène est apparu à la fin du XIXe. En cent ans, il a pris tout le pouvoir dans le théâtre de la République. C’est paradoxalement au moment où s’est développé le cinéma d’auteur que l’auteur de théâtre disparaît au profit de textes non théâtraux ou de recherche sur les classiques. En misant sur les auteurs, je compte infléchir cette tendance à partir de Montpellier. Cela se fait ailleurs comme au Théâtre du Rond-Point, mais demeure très marginal.

Votre engagement en faveur des auteurs français vous conduira-t-il à organiser un match Corneille / Shakespeare ?

J’observe un certain mépris du théâtre français chez beaucoup de programmateurs qui s’enthousiasment pour le moindre auteur étranger. Hormis Yasmina Reiza, très peu de pièces françaises contemporaines sont données à l’étranger. Cela passe aussi par le soin apporté à la traduction. La langue de Corneille comme celle de Shakespeare en Angleterre, sont des textes qui sont restés dans leur jus et restent assez peu faciles d’accès.

Que vous inspire la phrase de Godard : La culture c’est la norme, l’art c’est l’exception ?

Moi c’est l’art qui m’intéresse, ce n’est pas la culture. Je suis très heureux de faire du théâtre. Je n’ai pas écrit depuis six mois et ça commence à me manquer. »

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Voir aussi : rubrique politique culturelle , CDN Montpellier: “Le fait du prince”, Besset frondeur insoumis,

CDN Montpellier: « Le fait du prince » pour le PS

bessetjm2La secrétaire nationale à la Culture du Parti socialiste, Sylvie Robert, a dénoncé lundi dans un communiqué la nomination « arbitraire » de Jean Marie Besset au Centre Dramatique National de Montpellier (CDN) par le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand. La procédure de désignation prévue pour le choix des directeurs de ce type d’institutions culturelles « n’a pas été respectée » précise le PS en fustigeant une nomination relevant « du fait du prince ». « Cette nomination néglige la nécessaire coopération l’État et les collectivités territoriales, qui était jusqu’ici la règle », précise Sylvie Robert en soulignant la « dérive à la fois conservatrice et centralisatrice qui est inquiétante pour la politique culturelle comme pour les réformes attendues de l’organisation des collectivités culturelles ».