Foi, amour, espérance, Collectif La carte blanche en mars au Théâtre Jean Vilar
Politique de la ville. Frantz Delplanque, le directeur du théâtre Jean-Vilar, définit les axes de son projet culturel et artistique au cœur duquel il développe la citoyenneté à la Paillade à Montpellier.
Le théâtre Jean-Vilar change en même temps qu’il poursuit sur sa lancée toujours éclectique et ouverte aux compagnies régionales. Le passage en régie municipale directe en 2011 et la nomination de Frantz Delplanque ont marqué une transition dans la destinée du lieu, implanté à Montpellier dans le quartier de la Paillade. En ce début 2016, le directeur entreprend sa seconde saison avec détermination et lucidité. Comme si les inondations de l’automne 2014, ayant conduit à une interruption temporaire de la saison, avaient été mises à profit pour mûrir le projet. « Ce théâtre est un outil de développement culturel formidable. Nous sommes pleinement soutenus par la Ville mais nous avons les coudées franches, et gardons une entière autonomie artistique », indique le directeur.
Si l’implantation dans un quartier en difficulté a toujours été une donnée assumée par le théâtre à travers une approche volontaire de l’action culturelle notamment en direction des scolaires, l’environnement semble aujourd’hui véritablement au coeur du projet de Frantz Delplanque. Le contexte social économique et culturel hexagonal et le positionnement du maire Philippe Saurel en faveur d’une citoyenneté renouvelée balise plus que jamais la destinée d’un projet qui doit faire sens auprès des habitants du quartier.
« Je suis à la recherche d’une pertinence artistique et parallèlement, notre projet met en oeuvre une série d’actions pilotes qui consolide le lien avec le quartier. Parce que le seul fait d’être un lieu de diffusion ne suffit pas, assure Frantz Delplanque. Le théâtre mène depuis deux ans des projets participatifs favorisant une approche de la culture par les pratiques artistiques et les rencontres avec les artistes. »
Le directeur Frantz Delplanque.
Le bar rénové du théâtre propose une alternative à la grande salle de spectacle dont le taux d’occupation ne descend pas en dessous de 85%. Cette année, l’association Condamnés à réussir y programme des soirées rap. Des « boeufs?» géants entre habitants musiciens s’y déroulent autour d’un repas organisé par l’association Musiques sans frontières, Les goûteurs de texte associent, en partenariat avec La Baignoire, 10 habitants (pas nécessairement des lecteurs) lors d’un repas, au choix de 3 lectures spectacles ensuite programmées au bar.
« Quand il y a une déchirure ce n’est pas l’afflux de moyens qui permet de réparer mais une série de petits points solides aux bons endroits. Je continue à penser que l’on peut réparer, faire reculer le racisme qui n’a pas les racines qu’on lui prête », soutient Frantz Delplanque.
Au fur et à mesure de ces rendez-vous progresse la connaissance mutuelle. L’importance sociale de la culture qui passe aussi par les échanges oraux s’affirme, comme le fait que les textes peuvent être décodés à plusieurs niveaux de signification, y compris celui des implications inconscientes. Cette réflexion sur le sens aboutit à l’élaboration d’une méthode placée sous le signe de l’action culturelle, qui tient compte aussi bien de la forme que du contenu et du contexte.
Par ailleurs, le théâtre poursuit sa programmation diversifiée largement axée sur la création. « Là aussi, la prise en compte de l’environnement particulièrement rude pour les compagnies impose que le théâtre de la ville maintienne son attention aux artistes qui font de la région un territoire de production, porteur d’identité et de diversité », souligne le directeur qui leur consacre 50% de sa programmation en maintenant une exigence de qualité.
Le théâtre Jean-Vilar devient un fédérateur de talents artistiques, qui donne sens à la politique culturelle publique. Il a besoin de moyens et de temps.
JMDH
Repère
Implanté dans l’ancien domaine viticole du Mas de la Paillade, Jean-Vilar a ouvert ses portes en 1994 sous l’impulsion de Georges Frêche qui dote le quartier Mosson d’un vrai théâtre en confiant le projet à Luc Braemer. Le maire de Montpellier de l’époque donne le la?: « Je ne veux pas un théâtre vide et occupez-vous des compagnies de Montpellier.» Issu de l’éducation populaire, le directeur gardera ce cap durant vingt ans. Théâtre, cirque, chanson, danse, jeune public, l’éclectisme devient la marque de fabrique de Jean-Vilar qui laisse ses portes largement ouvertes aux artistes locaux qui composent 50% de la programmation. Après vingt ans d’existence, le théâtre affiche un taux de remplissage de plus de 80%. Le discret Luc Braemer part à le retraite serein. Mission accomplie.
Une nouvelle page est en train de s’écrire pour le théâtre à Montpellier. Si la question des infrastructures demeure un problème pour les compagnies qui manquent de moyens et de lieux de création, celle des lieux de diffusion est en phase de stabilisation à l’exception du Théâtre du Hangar laissé en désaffection depuis trop longtemps. Reste la question essentielle des hommes en charge de conduire les beaux navires chargés d’imaginaire dont dispose Montpellier.
Les projets artistiques ont en commun la volonté d’instaurer un dialogue pour trouver de nouveaux publics. photo d.r
Frantz Delplanque nommé à La Paillade et Nicolas Dubourg au théâtre universitaire de Paul-Valery ont à faire à un héritage marqué par l’identité des fondateurs. Rodrigo Garcia devra relever le défi de faire bouger les lignes afin que le Centre dramatique national (CDN) s’imprègne davantage de son époque. Tous trois partagent la volonté d’insuffler une dynamique territoriale plus créative. Chacun à leur manière, ils élaborent un projet artistique pour instaurer un dialogue nouveau susceptible d’élargir le public. Il revient aux partenaires publics de soutenir financièrement le développement de ces projets qui sont économiquement et politiquement porteurs pour notre territoire.
Ce n’est pas les contraintes financières qui doivent limiter la liberté des nouveaux directeurs artistiques mais le devoir d’adaptation pour répondre aux questions que suscitent les transformations majeures du champs théâtral et culturel. L’impact du numérique sur la production, la diffusion et la consommation de la culture. Le brouillage des distinctions culture élitiste ou populaire, locale, nationale et universelle. L’élargissement et l’hybridation des formes artistiques. La variété des enjeux associés aux thèmes de la diversité culturelle. Les nouveaux directeurs qui livrent ici leur témoignage ont tous trois conscience de l’importance de la création et donc des artistes pour participer et construire de nouvelles dynamiques culturelles. Les frontières de l’art se déplacent. Il s’agit moins d’affirmer comme naguère l’indépendance de l’art et de la création que de penser de manière critique la mobilisation de l’art dans les industries créatives.
La Vignette : Le nouveau directeur Nicolas Dubourg souhaite que le théâtre universitaire catalyse les énergies
Lieu privilégié d’expérimentation, la vocation première du théâtre universitaire La Vignette n’est pas de proposer une offre culturelle, mais d’accompagner le processus de recherche, de création, et d’apprentissage pratique et théorique du théâtre. Les choix et les ouvertures impulsés par Fred Sacard ont au fil des années, oeuvré pour une valorisation permettant une mise en partage du langage universitaire et culturel. La Vignette est un lieu qui accueille aujourd’hui un public jeune et diversifié d’amateurs et de professionnels. Son nouveau directeur, Nicolas Dubourg, travaille aux fondations du projet depuis 2005 en tant qu’administrateur. « J’ai été en dialogue permanent avec Fred Sacard pour mettre en oeuvre le projet. J’entends poursuivre la même méthode dialectique qui nous a occupés avec l’équipe du théâtre pour conduire notre mission. »
Avec Nantes, Metz, ou Aix, Montpellier fait partie des rares villes à disposer d’un théâtre universitaire. Aujourd’hui, l’Université Montpellier 3 assume 75% du budget. La Drac qui a soutenu l’initiative dès sa création est le second partenaire financier. Le Conseil général, la Mairie et l’Agglo participent symboliquement au budget à hauteur de 10 000 euros. La particularité du théâtre universitaire est de se trouver en partie déconnecté des contraintes des autres théâtres telles que le taux de remplissage (le taux actuel est tout de même de 80%) ou la mission de vitrine parfois attribuée aux théâtres municipaux.
On ne doit pas s’attendre à une révolution dans la conduite impulsée par Nicolas Dubourg mais plutôt à un approfondissement du projet. Sur le campus, le nouveau directeur souhaite favoriser « une appropriation plus forte du lieu par la communauté universitaire. » Il s’agit d’exploiter la spacialité physique du Théâtre pour inviter les enseignants et les chercheurs à sortir des champs académiques. « En travaillant en amont, nous nous efforcerons d’associer davantage les chercheurs en sciences sociales aux problématiques sociétales qui mobilisent le théâtre contemporain. Un théâtre est un lieu où les choses sont sensées se croiser. » Le partenariat avec d’autres théâtres universitaires européens se poursuivra notamment avec Berlin. « Je souhaite développer les échanges avec les universités de l’Europe du Sud, avec l’Espagne, l’Italie… C’est intéressant de savoir ce que la jeunesse raconte quand elle fait du théâtre. »
« Je ne peux que me satisfaire de l’identité actuelle du théâtre que je souhaite renforcer. La Vignette est un atout fort pour le territoire. Ce projet existe et répond aux objectifs de démocratisation culturelle, de rayonnement du territoire, de soutien à la création et à la diffusion. Il crée une énergie qui participe à notre identité à tous », constate le nouveau directeur qui souhaite que cette appropriation collective trouve auprès des collectivités territoriales des moyens plus ambitieux.
« Je ne programmerai pas du théâtre classique de répertoire »
Premiers pas dans la cité de Rodrigo Garcia sur le marché du plan Cabanne
Théâtre des Treize Vents. Nommé à la tête du CDN de Montpellier, Rodrigo Garcia a proposé un projet qui s’affranchit des formes traditionnelles. Ils veut ouvrir le CDN sur la cité et rajeunir le public.
Heureuse surprise pour les uns, alternative radicale pour les autres, la nomination de Rodrigo Garcia à la tête du CDN de Montpellier a suscité l’étonnement. Elle fait suite au bras de fer perdu par Jean-Marie Besset avec Aurélie Filippetti. La ministre de la Culture avait fait valoir deux critères dans la nomination des directeurs de CDN sous sa mandature. Celui de voir accéder des femmes aux responsabilités, Marion Aubert et Christine Le Tailleur figuraient dans la dernière sélection, et celui de ne pas exclure les candidatures étrangères. C’est l’écrivain et metteur en scène hispano-argentin Rodrigo Garcia, Prix Europe pour le théâtre Nouvelle Réalité en 2009 qui est l’heureux élu.
La réputation de votre indépendance d’esprit vous précède. Quel regard portez-vous sur l’institution culturelle française ?
Je la connais peu, même si j’ai travaillé avec le Festival d’Automne de Paris, le TNP de Rennes ou le Festival d’Avignon. Les institutions culturelles françaises m’ont accompagné sur des projets risqués. Je ne poursuivais pas l’objectif de diriger un projet comme celui-ci. Lorsque j’ai pris connaissance du poste, j’ai changé un peu mon point de vue. J’ai travaillé pour présenter un projet qui convenait à mes aspirations en me disant que si j’étais choisi, ce serait très bien. J’ai été très clair avec la commission composée des représentants de la Drac et des collectivités territoriales concernées, je leur ai dit que je ne programmerai pas du théâtre classique de répertoire ni des pièces commerciales. Donc je démarre confiant.
Le cahier des charges ne vous assigne-t-il pas une mission dans ce sens notamment en direction du jeune public ?
Je ne crois pas. Je peux préserver l’indépendance de mes options artistiques tout en remplissant ma mission. Mon action en direction des jeunes prendra d’autres formes.
Que vous inspire, l’interdiction de l’avortement en Espagne et la manif’ jour de colère en France?
En tant qu’artiste, il ne m’appartient pas vraiment de commenter l’actualité. Je pense que Rajoy opère une nouvelle mesure rétrograde avec cette loi. C’est régulier avec lui. La manifestation de ce week-end à Paris me rappelle les gens qui sont venus défiler au Théâtre du Rond point contre ma pièce Golgota Picnic sans avoir la moindre idée de ce que je présentais.
Plusieurs de vos pièces ont donné lieu à une mauvaise interprétation de votre expression théâtrale, comment vivez vous cette relation entre théâtre et société ?
Je refuse d’alimenter la polémique mais je suis conscient du potentiel provocateur de mon travail. Le cœur du travail d’artiste, du moins tel que je l’entends, est de montrer d’autres points de vue sur la réalité. En même temps je ne sais pas jusqu’à quel point le théâtre peut secouer la société. Je n’ai pas le sentiment de présenter la réalité avec mon œuvre. J’aime les paradoxes, je présente des choses incomplètes, fragiles, tout en gardant une volonté de communication. Mes œuvres peuvent atteindre le public. Elles ne sont pas sélectives, ou elles le sont, dans le sens où il faut une capacité d’ouverture. Mes pièces peuvent choquer les gens qui ont des certitudes.
Aujourd’hui votre travail est moins provocateur ?
J’ai arrêté mon discours sur la consommation parce que je le trouvais un peu naïf. Je suis moins démonstratif. J’explore un théâtre poétique de réflexion. C’est une déclaration d’intention, celle de pratiquer un théâtre qui ne soit pas spectaculaire.
Comment va s’articuler votre projet ?
Je proposerai un programme contemporain permettant la multiplicité des genres. Le mélange de paroles de musique et de danse correspond à la vie d’aujourd’hui. Je veux faire sortir le CDN pour aller chercher de nouveaux publics dans la cité. Nous associer à différentes structures, créer du lien, multiplier les initiatives, les ateliers. Élargir l’idée du CDN, faire de la production de création plutôt qu’un lieu d’accueil. Il existe beaucoup de possibilités..
Théâtre Jean Vilar « La rencontre avec l’art passe par l’artiste »
Frantz Delplanque : « Le quartier de la Paillade se cherche.» Photo RA
Théâtre Jean-Vilar. Frantz Delplanque, l’ex directeur du service culturel de la ville se voit confier les rênes artistiques.
Après vingt ans de loyaux services, Luc Braemer a rendu les clés du théâtre municipal Jean-Vilar, qu’il dirigeait dans le quartier la Paillade depuis 1994, pour s’accorder une retraite bien méritée. C’est Georges Frêche qui lui avait confié cette mission en lui donnant carte blanche et deux objectifs. Celui de remplir son théâtre et de faire preuve d’hospitalité à l’égard des compagnies régionales. La mission a été accomplie.
Sous la houlette d’une équipe impliquée, le théâtre jouit aujourd’hui d’une bonne réputation. Il y a trois ans, le statut du théâtre est passé en régie municipale directe. C’est Frantz Delplanque, directeur adjoint à la culture de Montpellier, dépêché à l’époque pour faciliter la transition, qui hérite de la direction du théâtre pour trois ans. « Ma formation m’a amené à travailler dans la conduite de politiques culturelles mais j’ai toujours eu un goût pour le théâtre. L’univers de la création me passionne », confie Frantz Delplanque qui s’y adonne à ses heures perdues en écrivant des romans noirs.
Cet homme de dialogue et de consensus dispose de plusieurs cordes à son arc. Il a occupé la fonction de conseiller théâtre pour la Drac en Alsace. Il connaît bien le quartier où il a rencontré les représentants de la société civile pour y organiser la ZAT Paillade avec succès. En cette période de transition, il présentait donc un profil providentiel pour se voir confier cette mission. Il devra démontrer ses capacités de directeur artistique en poussant ses idées et en prenant des risques. « J’arrive avec de l’enthousiasme. Je souhaite ouvrir davantage le théâtre sur le quartier, pas seulement à travers les rencontres scolaires. Je fonde ma démarche sur une idée simple. La rencontre avec l’art passe par l’artiste.»
Le théâtre poursuivra sa programmation diversifiée largement axée sur la création avec une ouverture plus grande sur les cultures du monde et la participation d’artistes associés qui travailleront sur des créations partagées avec la population.