En Allemagne, le conservateur Schäuble lâche Fillon pour Macron

Wolfgang Schauble, ministre des finances allemand, le 12 avril, à Berlin. STEFFI LOOS / AFP

Wolfgang Schauble, ministre des finances allemand, le 12 avril, à Berlin. STEFFI LOOS / AFP

Le soutien du ministre des finances d’Angela Merkel, réputé en Europe pour son austérité, ne présente pas que des avantages pour le candidat d’En marche !.

Après Sigmar Gabriel, Wolfgang Schäuble. En Allemagne, Emmanuel Macron pouvait déjà compter sur le soutien du ministre social-démocrate des affaires étrangères. Le voici désormais adoubé par son collègue conservateur chargé des finances. « Si j’étais français et habilité à voter, (…) je voterais probablement pour Macron », a déclaré ce dernier, mardi 11 avril, à Hambourg, à l’hebdomadaire Der Spiegel.

Invité, le lendemain, à participer à une émission consacrée à l’élection présidentielle française sur la radio publique Deutschlandfunk, M. Schäuble s’est montré plus prudent. « Mon parti, la CDU, est, comme celui de François Fillon, lié au Parti populaire européen, et nous avons naturellement des points communs. D’un autre côté, j’ai bien connu Emmanuel Macron quand il était ministre de l’économie, nous avons de très bonnes relations et partageons beaucoup d’idées », a t-il déclaré. Si les mots étaient plus mesurés que la veille, la mise en scène parlait d’elle-même. Dans le foyer plein à craquer du Deutsches Theater de Berlin, M. Schäuble partageait l’affiche avec l’eurodéputée Sylvie Goulard, membre de l’équipe de campagne de M. Macron, avec laquelle il s’est montré d’une totale complicité…

Le coût pour Fillon est indiscutable

Après l’émission, celle-ci se réjouissait d’ailleurs de ce soutien. « Un tel geste de la part du ministre des finances le plus expérimenté de la zone euro est, pour Emmanuel Macron, la reconnaissance d’une crédibilité. C’est un signe important », explique au Monde Mme Goulard.

En France, il n’est pas certain qu’un tel appui ne présente que des avantages pour M. Macron, compte tenu de la réputation qu’y a M. Schäuble, associé aux politiques d’austérité fort peu populaires auprès de toute une partie de l’électorat que compte séduire le candidat d’En marche !

Mais si le gain politique pour M. Macron est discutable, le coût pour M. Fillon est, lui, indiscutable. Au Spiegel, M. Schäuble, pour qui « le pire scénario possible » serait un second tour entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, a en effet expliqué qu’il avait fort peu apprécié les « attaques contre la justice » proférées par l’ancien premier ministre. Un sentiment largement partagé outre-Rhin, où l’image du candidat de la droite s’est considérablement dégradée depuis les révélations du Canard enchaîné, publiées vingt-quatre heures après sa venue à Berlin, le 23 janvier, lors de laquelle il avait été reçu par la chancelière, Angela Merkel, ainsi que par M. Schäuble.

Thomas Wieder

Source Le Monde 13.04.2017

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Avec la victoire du oui, la Turquie en pleine régression

5112483_6_c254_le-president-turque-recep-tayyip-erdogan-et_0cdd2220aed6bf65a87fec1892197b4bRéférendum en Turquie : les observateurs internationaux critiquent la campagne

« Les électeurs n’ont pas reçu d’informations impartiales sur les points-clés de la réforme », estime notamment la mission de l’OSCE et du Conseil de l’Europe.

Une mission commune d’observateurs internationaux a estimé, lundi 17 avril, que la campagne pour le référendum constitutionnel en Turquie s’est déroulée dans des conditions inéquitables.

Les observateurs, issus de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et du Conseil de l’Europe, ont critiqué de nombreux aspects du scrutin, à l’issue duquel une majorité de Turcs a approuvé dimanche soir une réforme renforçant considérablement les pouvoirs du président Recep Tayyip Erdogan. « Les électeurs n’ont pas reçu d’informations impartiales sur les points-clés de la réforme », estime notamment la mission d’observation dans un communiqué. « De manière générale, le référendum n’a pas été à la hauteur des attentes du Conseil de l’Europe. »

« Le référendum a eu lieu dans un environnement politique dans lequel les libertés fondamentales essentielles à un processus démocratique étaient étouffées par l’état d’urgence », a ajouté Tana de Zulueta, de l’OSCE.

L’opposition demande l’annulation du vote

« Des modifications tardives dans la procédure de comptage [des voix] ont supprimé un important garde-fou », a ajouté Cezar Florin Preda, de la mission d’observation, faisant allusion à la décision des autorités d’accepter les bulletins non estampillés du sceau officiel.

Lundi, le principal parti d’opposition a demandé l’annulation du référendum, en dénonçant des irrégularités. « Il n’y a qu’une seule décision à prendre […] C’est l’annulation du scrutin par le Haut Conseil électoral (YSK) », a déclaré Bülent Tezcan, vice-président du CHP (social-démocrate), cité par l’agence de presse Dogan.

Dès l’annonce des résultats préliminaires, dimanche, l’opposition a dénoncé des irrégularités dans le scrutin. Bülent Tezcan a qualifié sur la chaîne CNN-Türk de « violation » la décision du Haut Conseil électoral (YSK) de valider les bulletins de vote non marqués du sceau officiel. Et le deuxième parti d’opposition, le HDP, a fait savoir sur Twitter qu’il allait contester les votes provenant de « deux tiers » des urnes.

Le Monde.fr avec AFP 17/04/17

AVEC LA VICTOIRE DU OUI, LA TURQUIE EN PLEINE REGRESSION

 

Editorial du « Monde ». Recep Tayyip Erdogan a donc achevé de détruire ce qu’il avait largement contribué à construire : la démocratie en Turquie. Au lendemain du référendum du dimanche 16 avril, le président turc dispose des pleins pouvoirs, ou presque. Le régime politique turc change de nature. Il passe de la démocratie parlementaire à un « hyperprésidentialisme » taillé pour le chef du parti islamo-conservateur AKP. La Turquie s’éloigne de l’Europe pour s’aligner sur la pratique politique moyen-orientale : le mode de gouvernement autoritaire, plus ou moins tempéré.

Un cycle s’achève. Depuis la fin du XXe siècle – d’abord avec le parti laïc de centre gauche CHP puis avec l’AKP –, la démocratie n’avait cessé de progresser dans ce grand pays, membre de l’OTAN et, depuis 2005, candidat à l’adhésion à l’Union européenne. La Turquie, enfin apaisée, semblait à même de jouer un rôle essentiel pour l’équilibre géopolitique et géostratégique de la région. On parlait d’un « modèle turc », qui faisait coexister islam et démocratie et où succès économique – la Turquie est la 15e économie du monde – et dynamisme démographique – 80 millions d’habitants – permettaient à Ankara de tenir sa place dans le groupe des puissances émergentes.

Il en est allé ainsi pendant dix ans ou presque, jusqu’à ce que M. Erdogan, au pouvoir depuis 2003, cède à un tropisme autoritaire de plus en plus prononcé. Cette tendance destructrice n’a cessé de s’accentuer au fil de ces dernières années. Masquant de plus en plus mal sa volonté d’islamiser la société turque et de projeter à l’étranger une forme de politique néo-ottomane, le chef de l’AKP gouverne en autocrate irascible. Au bout de cette dérive, il y a ce projet d’amendement de la Constitution adopté dimanche d’une courte majorité : 51 % des voix.

C’est peu pour changer de fond en comble le régime politique turc et passer du parlementarisme – qui avait bien réussi au pays – à un régime présidentiel boursouflé, où M. Erdogan disposera d’un contrôle total sur l’exécutif et le pouvoir judiciaire et très large sur le législatif. C’est peu pour légitimer ainsi une forme de despotisme constitutionnel, où le jeu des pouvoirs et contre-pouvoirs est réduit à rien ou presque. La Turquie retourne en arrière sous le coup du caprice d’un homme qui, loin d’être plébiscité, divise son pays. La Turquie des villes a voté « non », l’opinion est polarisée comme jamais. Il y a « deux Turquie ».

On dira que le pays vient de traverser nombre de traumatismes : l’atroce et interminable guerre chez le voisin syrien et l’afflux de réfugiés sur le sol turc ; une vague d’attentats meurtriers perpétrés par des cellules locales de l’organisation Etat islamique ; la guerre avec ses propres Kurdes ; la tentative de coup d’Etat militaire en juillet 2016. Tout cela est vrai. L’UE ne le sait que trop, qui compte sur la Turquie pour maîtriser un flux migratoire continu à destination de l’Europe.

Mais, par son aventurisme en Syrie, où il a joué avec l’islamisme radical, par la répression disproportionnée qu’il a déclenchée à l’été 2016, par sa volonté de soumettre la presse et l’ensemble de l’appareil d’Etat, M. Erdogan est largement responsable des malheurs de son pays. Cet homme imperméable à la moindre critique, prompt à injurier ses collègues européens et à dénoncer un « complot global », est maintenant doté d’un pouvoir sur mesure. Ce n’est bon ni pour la Turquie ni pour l’Europe.

Source : LE MONDE | 17.04.2017

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Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Europe, Turquie, La crise politique turque grande menace pour les artistes, La romancière Asli Erdogan en prison, Assasinat de l’ambassadeur de Russie à Ankara, rubrique Politique,

Luxleaks. La relaxe pour Deltour, Halet et Perrin

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Motion adoptée au congrés du SNJ-CGT le 8 mars 2017

Le 15 mars prochain, la justice luxembourgeoise doit rendre son verdict dans l’affaire Luxleaks et décider du sort de deux lanceurs et d’un journaliste qui ont révélé le scandale financier de l’évasion fiscale dans ce dossier emblèmatique de la liberté d’expression et la reconnaissance des lanceurs d’alerte.

Lors de l’audience en appel le 12 décembre 2016, les syndicats de journalistes français avec la Fédération européenne des journalistes (FEJ) avaient témoigné au Luxembourg leur solidarité aux trois prévenus.

Aujourd’hui le SNJ-CGT réitère sa condamnation face à l’acharnement de la justice de ce pays qui « sous pression des multinationales, avait décidé en juillet de faire appel des condamnations (29 juin 2016) des lanceurs d’alerte Antoine Deltour et Raphael Halet à respectivement 12 et 9 mois de prison avec sursis et une amende de 1500€ et 1000€ pour leurs révélations ».

« Le parquet n’a pas digéré l’acquittement du journaliste Edouard Perrin dont l’enquête pour Cash investigation sur France 2 avait révélé les arrangements fiscaux au profit des multinationales, négociés avec l’administration fiscale luxembourgeoise par le cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC) », selon le texte des syndicats.

Le SNJ-CGT, réuni en congrés à Montreuil ce jour, appelle à la relaxe d’Edouard Perrin, d’Antoine Deltour et de Raphael Halet, qui n’ont fait qu’agir en conscience en informant et en dénonçant l’évasion fiscale.

Il faut tout mettre en œuvre pour assurer la liberté d’informer et la protection des lanceurs d’alerte.

Avec la FIJ/FEJ, le SNJ-CGT appelle la profession à se mobiliser. Il décide d’envoyer une délégation au Luxembourg le 15 mars pour témoigner de son soutien à Antoine Deltour, Raphael Halet et Edouard Perrin.

Voir aussi : Actualité Internationale, Actualité France, Rubrique Société, JusticeTravailPendant ce temps, les lanceurs d’alerte crèvent tout doucement, rubrique Politique, Société civile, Lanceurs d’alerte, Politique Economique, , Un nouveau droit à l’opacité pour les multinationales, rubrique UE, rubrique Médias,

Donald Trump prend le risque d’une nouvelle crise financière mondiale

 Manifestation contre la présence d'anciens hauts cadres de Goldman Sachs dans le gouvernement Trump. © AFP/ Drew Angerer


Manifestation contre la présence d’anciens hauts cadres de Goldman Sachs dans le gouvernement Trump. © AFP/ Drew Angerer

Alors que le monde se remet à peine de la crise financière de 2008, Donald Trump a décidé de démanteler les règles misent en place par Barack Obama pour réguler la finance. En détricotant la loi Dodd-Frank et les mesures imposées après la crise des subprimes, Donald Trump oublie les responsabilités écrasantes des banques américaines dans la faillite de 2008 et prend le risque d’un nouveau krach.

Le président Donald Trump a signé le 3 février 2017 deux décrets visant à revenir sur la loi Dodd-Frank adoptée en 2010 par le Congrès américain. Cette loi de 900 pages se voulait une réponse à la crise des subprimes, ces prêts immobiliers distribués à tout-va dans les années 2000 par les banques américaines. Une fois revendus dans le monde entier, ils furent à l’origine de la crise de 2008 qui a fait chanceler l’économie mondiale.

En 2009, Barack Obama arrive à la Maison Blanche alors que la plus grave crise financière depuis 1929 vient de frapper les Etats-Unis et s’étend au monde entier. Dans l’urgence, l’administration américaine élabore un ensemble de lois visant réformer le secteur financier, après la folle dérégulation des années Reagan.

Ces lois connues sous le nom de Dodd-Frank Act (2010) avaient pour objectif de sécuriser les banques, limiter les excès spéculatifs de Wall Street et mieux protéger les petits épargnants et les consommateurs américains contre les ventes abusives de crédits et de cartes bancaires.

Eviter une nouvelle crise financière
Cette loi Dodd Frank avait pour but d’éviter une nouvelle faillite bancaire à la Lehman Brothers, finalement payée par les contribuables américains et européens.
L’idée principale était de rendre les banques plus solides en leur imposant des niveaux de capitalisation plus élevés et en leur faisant passer régulièrement des tests de résistance.

Elle visait aussi à limiter les activités spéculatives des banques et éviter les situations de conflits d’intérêts comme en 2007, où certains établissements conseillaient à leurs clients d’acheter des produits financiers (les fameux subprimes) alors que dans le même temps ils spéculaient à la baisse sur ces mêmes produits.

Cette loi oblige également les compagnies cotées à la bourse américaine à publier toutes les sommes qu’elles versent aux gouvernements des pays producteurs de pétrole ou de gaz: taxes, royalties, droits de production, primes, etc. Cette disposition anti-corruption, qui imposait une meilleure transparence dans la délivrance et dans la gestion des concessions minières, vient d’être abrogée par le nouveau pouvoir américain.

Une décision ainsi justifiée par Gary Cohn, directeur du Conseil économique national à la Maison Blanche, ancien N°2 de Goldman Sachs: «Nous pouvons avoir, et aurons, une position dominante sur le marché mondial tant que nous ne nous mettrons pas nous-mêmes à l’écart, en raison de la réglementation.» En clair, selon M.Cohn, l’Amérique a des concurrents qui ne s’embarrassent pas de ces règles anti-corruption, alors pour rester compétitive, elle doit pouvoir faire de même.

Trump Adviser: Rollback of Dodd-Frank Will Free Up Capital for Small Businesses https://t.co/B7xuWvWg4M pic.twitter.com/MEmm3Nm1g1

— Stock Charting (@ChartistHil) 5 février 2017

Si la loi Dodd Franck a rendu le système bancaire américain plus solide en le contraignant à prendre moins de risques, les républicains lui reprochent sa trop forte réglementation. Dans un entretien au Wall Street Journal, Gary Cohn confirme que la nouvelle administration veut «déverrouiller ce système qui n’avait consisté qu’à entasser du capital».

Plus de risques
Donald Trump entend permettre un crédit plus facile aux entreprises américaines, avec des clients incités à prendre plus de risques. Au total, plus de crédit, plus de risques, moins de surveillance et moins de fonds propres bancaires.

Dans le même temps, le président américain remet en cause l’indépendance de la Réserve Fédérale et vise à la mettre au pas. Il va bientôt nommer trois gouverneurs (3 sièges vacants) qui répondront plus à ses vues et soutiendront le Congrès qui veut mettre la FED sous surveillance.

La Fed a deux objectifs principaux: maintenir l’inflation autour des 2% et surtout la stabilité et la solidité du système bancaire et financier. La crise de 2008 a mis à égalité ces deux objectifs. En fait, vouloir revoir la loi Dodd-Frank est le début d’une attaque contre présidente de la Fed Janet Yellen qui entend maintenir une politique de dollar fort (hausse des taux), alors que Trump veut lui faire baisser le dollar afin d’améliorer les marges des exportateurs américains de la vieille industrie.

La remise en cause de la FED et l’allégement de la réglementaition des banques ne sont pas sans danger. La crise financière de 2008 pourrait donc un jour se réécrire.

Michel Lachkar

Source : Géopolis 16/02/2017

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Finance, La plus grosse bulle financière de l’Histoire va bientôt exploser rubrique Politique, Politique économique, rubrique Etats-Unis,

10 omissions, flous et mensonges de François Fillon en conférence de presse

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François Fillon a tenté d’éteindre une bonne fois pour toute l’incendie dans l’affaire des emplois fictifs présumés de son épouse et de ses enfants. Au risque d’affirmer de contre-vérités. Voici les éléments qui ont retenu notre attention :

Les dates d’emploi de Penelope Fillon comme assistante parlementaire

Sur TF1 le 26 janvier, après les premières révélations du « Canard enchaîné », François Fillon avait affirmé que son épouse avait été « rémunérée depuis 1997 » pour ce travail de collaboratrice. La semaine suivante, le « Canard enchaîné » révélait qu’elle avait en fait été rémunérée dès 1988. Interrogé sur cette omission (volontaire ?), François Fillon n’a pas répondu et a insisté sur le trouble qu’ont causé chez lui les révélations de la presse.

Les confessions de Penelope Fillon

Evoquant les déclarations de Penelope Fillon, qui a affirmé à plusieurs reprises qu’elle n’avait jamais travaillé pour son mari – notamment dans cette interview télévisée au « Sunday Telegraph » relayée par Envoyé Spécial – François Fillon joue sur les mots. Elle n’a « jamais été [s]a subordonnée », dit-il. « Elle a toujours été, d’abord et avant tout ma compagne de travail et ma collaboratrice. » Un nouveau concept.

Le salaire de Penelope Fillon comme assistante de Marc Joulaud

On n’en saura pas plus sur le salaire de Penelope Fillon lorsqu’elle s’est mise au service du suppléant de son mari, Marc Joulaud. En choisissant d’évoquer le salaire moyen touché par son épouse au cours de ses années, 3.677 euros par mois – « un salaire parfaitement justifié pour une personne diplômée de droit et de lettres » -, astuce qui lui permet de « lisser » cette rémunération, François Fillon évite d’aborder un détail gênant. Selon le « Canard enchaîné », en effet, Penelope Fillon a été rémunérée 10.167 euros brut entre le 1er janvier et le 31 août, date de la fin de son contrat de travail. Même passé en net, ce montant est bien supérieur au salaire moyen d’un assistant parlementaire.

La mission de Penelope Fillon à la Revue des deux mondes

Le candidat n’a par ailleurs pas évoqué l’autre volet de l’affaire Penelope Fillon, qui concerne son emploi présumé fictif à la « Revue des deux mondes ».

Le candidat n’est pas revenu sur les 100.000 euros versés à son épouse par la revue, sous la forme d’un salaire mensuel brut d’environ 5.000 euros, entre le 2 mai 2012 et décembre 2013.

Et quid de la collaboratrice de François Fillon qui aurait aussi bénéficié d’un emploi fictif à la Revue des Deux Mondes ? Là-dessus aussi, motus.

Le lien possible entre l’emploi et la Légion d’honneur

Surtout, il n’a pas été question du possible lien révélé par « Le Monde » ce lundi  entre cet emploi présumé fictif et la Légion d’honneur dont a été décoré le directeur de la revue avant l’embauche de Penelope Fillon, lorsque François Fillon était Premier ministre. Il est vrai qu’aucun journaliste n’a demandé de précision à ce sujet et que l’intéressé s’est gardé d’en parler.

Les clients de la société 2F Conseil

François Fillon a nommé trois clients de sa société de conseil, 2F Conseil, activité qu’il assure avoir exercée « en toute légalité » : l’assureur Axa, la société Fimalac et la banque Oddo, et a affirmé n’avoir travaillé avec « aucune entreprise russe ni aucun organisme de ce pays ».

Faute de questions sur le sujet, il n’a pas précisé les missions réalisées auprès d’Axa, dont l’ancien PDG Henri de Castrie est l’inspirateur du volet économique très libéral du programme de François Fillon. Ni surtout son rôle auprès de la société Fimalac, alors que son PDG Marc Ladreit de Lacharrière est directement impliqué dans l’un des volets de l’affaire d’emplois présumés fictifs de Penelope Fillon.

Penelope Fillon et la revue des deux fiches

Pas un mais plus de dix comptes en banque

François Fillon avait assuré lors du meeting de La Villette qu’il n’avait qu’un seul compte commun, au Crédit Agricole de Sablé-sur-Sarthe. Le mercredi suivant, le « Canard enchaîné » avait montré que ce n’était pas un mais 15 comptes que le couple possédait dans cette banque, obligeant le candidat à rectifier les propos qu’il avait tenus en meeting : il n’a en fait « qu’une seule banque, mais plusieurs comptes ».

Lors de la conférence de presse, le compte unique d’il y a 10 jours s’est transformé en liste à la Prévert : « Deux PEA, deux comptes titre, deux assurances vies, deux comptes épargne logement, trois comptes communs, un livret Développement durable, un livret A… »

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Sur la mission précise de ses enfants comme assistants parlementaires

Sur TF1, au lendemain des premières révélations du « Canard enchaîné » François Fillon avait tenté de prendre les devants sur les futures révélations de l’hebdomadaire en expliquant avoir employé ses enfants « qui étaient avocats » lorsqu’il était au Sénat.

« Lorsque j’étais sénateur, il m’est arrivé de rémunérer, pour des missions précises, deux de mes enfants qui étaient avocats, en raison de leurs compétences », avait-il déclaré.

Pourtant, ses enfants n’étaient pas encore avocats. Le candidat ne s’est pas expliqué sur ce point.

Or d’après les extraits de son audition révélés ce lundi par « Le Monde », François Fillon a affirmé face aux policiers que son fils Charles l' »a aidé en travaillant au programme du candidat à l’élection présidentielle [Nicolas Sarkozy, NDLR] sur des sujets institutionnels ».

Quant à sa fille Marie, il a déclaré en audition qu’elle l’avait aidé à écrire son livre, « La France peut supporter la vérité », toujours d’après « Le Monde ».

Mais lors de la conférence de presse, François Fillon a affirmé : « Mon fils n’a jamais participé à la campagne présidentielle. » Et quid de sa fille ? « Ma fille avait tout à fait la possibilité de travailler à une base de documentation qui m’a permis de faire un livre politique”, répond-il. Est-ce vraiment le travail d’un assistant parlementaire ?

La journaliste britannique qui a interviewé Penelope Fillon n’est pas « choquée »

François Fillon affirme que la journaliste qui a interviewé Penelope Fillon en 2007 pour le « Sunday Telegraph » a été « choquée » par la diffusion d’extraits vidéos de cet entretien par Envoyé spécial jeudi dernier. On y voit l’épouse du candidat de la droite affirmer n’avoir « jamais été l’assistante » de son mari. Contactée par « Libération », la journaliste Kim Willsher, qui a réalisé l’interview, dément « fermement » ces propos.

« Je tiens à le dire très nettement : je n’ai jamais dénoncé l’enquête d’Envoyé Spécial. Ils ont fait leur boulot. Il y a une fausse rumeur, qui part de faux tweets. Si je suis choquée, c’est par cette fausse rumeur », dit-elle. A-t-elle appelé Penelope Fillon pour se dire « choquée », comme le dit l’ex-Premier ministre ? Non, elle « n’a pas son numéro de téléphone », répond-elle à Libé. Elle lui aurait simplement envoyé un mail pour lui dire qu’elle était désolée des conséquences de cette interview, sans remettre en question le travail d’Envoyé spécial. Ce qu’elle réitère sur Twitter :

Non M. #Fillon ! Les propos d’Envoyé Special n’ont pas été sortis de leur contexte. Le reportage ne m’a pas choqué. SVP. Cessez …(1/2)

— Kim Willsher (@kimwillsher1) 6 février 2017

…de m’attribuer ces propos. L’interview et le film sont dans le domain publique. LES FAITS. SVP. (2/2).

— Kim Willsher (@kimwillsher1) 6 février 2017

Sur les missions de Penelope Fillon

Selon François Fillon, son épouse Penelope assumait en tant que collaboratrice des « tâches simples mais essentielles ». Il a détaillé des missions comme la tenue de son agenda, la gestion de son courrier ou la représentation du député à des événements locaux.

Pourtant, comme on peut le lire dans la biographie de François Fillon écrite par Christine Kelly, le candidat a dans son « premier cercle » une « secrétaire particulière et conseillère », Sylvie Fourmont, chargée notamment de « gérer son agenda » et de « régler chaque détail de ses rendez-vous »…

Que faisait Sylvie Fourmont, sa secrétaire particulière historique, si c’est sa femme qui tenait son agenda? #Fillon (bio de Kelly) pic.twitter.com/u0Ld54wfAS

— Luc Peillon (@l_peillon) 6 février 2017

Et en bonus : un timing bien choisi

« Collaborer avec sa famille en politique c’est une pratique désormais rejetée par les Français. Ce qui était acceptable hier ne l’est plus aujourd’hui », a déclaré François Fillon.

Le candidat a expliqué en avoir « tiré les conclusions » en cessant de faire travailler des membres de sa famille il y a trois ans. Il oublie de préciser que c’est à cette date que remonte la promulgation de la loi pour la transparence de la vie publique… à laquelle il était lui-même opposé. Le vote de cette loi a-t-elle fait perdre sa rémunération d’attachée parlementaire à Penelope ?

M. B., A. R. et L. T.

Source : L’Obs 06/02/2017

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