L’Onu adopte une résolution contre la colonisation des territoires palestiniens Trump reporte le vote

Le Conseil de sécurité de l'ONU se prononce sur un texte demandant à Israël de cesser toute activité de colonisation Photo Amanda VOISARD. AFP

Le Conseil de sécurité de l’ONU se prononce sur un texte demandant à Israël de cesser toute activité de colonisation Photo Amanda VOISARD. AFP

Le Conseil de sécurité a adopté la mesure à la quasi-unanimité, les Etats-Unis ayant choisi de ne pas y opposer leur veto, se contentant d’une abstention. Un camouflet pour Israël et son Premier ministre.

  • Une résolution contre la colonisation des territoires palestiniens adoptée

Très gros malaise à Jérusalem après le vote, vendredi soir, par le Conseil de sécurité, d’une résolution exigeant l’«arrêt immédiat et complet des activités israéliennes de colonisation dans les territoires palestiniens occupés», y compris Jérusalem-Est. Cette résolution, la première depuis 1979, est un camouflet pour l’Etat hébreu qui se voit condamné par la communauté internationale. Et qui risque des sanctions économiques et politiques s’il poursuit l’occupation des territoires palestiniens. L’important dans cette affaire est que le texte a été voté, les Etats-Unis n’y ayant pas opposé leur veto, comme ils le faisaient régulièrement. Leur représentante s’est contentée de s’abstenir. Une nuance qui change tout.

A l’origine, un premier texte égyptien soutenu par la Ligue arabe devait être présenté jeudi soir au vote du Conseil de sécurité et les Etats-Unis avaient déjà fait savoir qu’ils ne s’y opposeraient pas. Est-ce parce que Barack Obama a des comptes à régler avec Benyamin Nétanyahou depuis que ce dernier a tenté de torpiller la signature de l’accord sur le nucléaire iranien ? Peut-être. Mais également parce la politique du président américain au Proche-Orient n’a pas convaincu grand monde pendant huit ans et que celui-ci semble avoir voulu, à trois semaines de son départ de la Maison Blanche, poser un geste majeur.

Ces dernières semaines, conscients du danger que représentait ce revirement, Nétanyahou et les principaux responsables israéliens avaient multiplié les appels du pied vers Washington afin que les Etats-Unis bloquent la résolution égyptienne. «Nous espérons que les Etats-Unis ne modifieront pas leur engagement de longue date de faire progresser la paix», avait d’ailleurs déclaré Nétanyahou au début de la semaine. Parallèlement, l’Etat hébreu a mené une offensive diplomatique visant à convaincre le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi de reporter le vote du texte. Pour cela, ses envoyés ont notamment pris langue avec Donald Trump, en lui demandant de téléphoner au leader égyptien. Ce que le président élu a fait, non sans avoir twitté son opposition au vote de la résolution.

Persuadés d’avoir écarté le danger, Nétanyahou et ses conseillers ont pavoisé trop vite. Car dans la journée de vendredi, la Nouvelle-Zélande, le Venezuela, la Malaisie et le Sénégal ont repris l’initiative en proposant, avec le soutien de la France, qu’un nouveau texte exigeant l’arrêt immédiat et complet de la colonisation soit soumis au vote à la fin de la journée. En panique ou presque, l’entourage du Premier ministre israélien a aussitôt accusé Obama et le secrétaire d’Etat John Kerry d’être derrière ce «coup bas» et «d’avoir laissé tomber Israël». «Ce n’est pas une résolution contre la colonisation, c’est un texte anti-israélien», s’est par exemple exclamé le ministre Youval Steinitz (Likoud). Quant aux émissaires de l’Etat hébreu, ils sont repartis à l’offensive en sollicitant leurs soutiens à Washington et en tentant même d’obtenir un contact avec les proches de Vladimir Poutine. Qui n’ont pas donné suite.

Nissim Behar à Tel-Aviv

Source Libération : 23/12/2016

Israël: Trump et Sissi bloquent un vote à l’ONU sur les colonies en Cisjordanie

 Donald Trump s'adressant à l'AIPAC, le principal lobby israélien aux Etats-Unis, le 21 mars 2016, alors qu'il n'est encore que candidat. © SAUL LOEB/AFP


Donald Trump s’adressant à l’AIPAC, le principal lobby israélien aux Etats-Unis, le 21 mars 2016, alors qu’il n’est encore que candidat. © SAUL LOEB/AFP

Sans attendre son intronisation, le successeur de Barack Obama a déjà pris en main l’épineux dossier israélo-palestinien. A la demande du Premier ministre israélien, Donald Trump a fait reporter un vote à l’ONU sur la colonisation en territoire palestinien. Une démarche suivie par l’Egypte, à l’origine de la résolution, en gage d’alignement du président Sissi sur le nouveau pouvoir américain.
Dans une démarche qui en dit long sur la nouvelle gouvernance américaine, Donald Trump, élu mais pas encore officiellement en exercice, a fait une irruption personnelle et prématurée dans le jeu proche-oriental.

Appelant à un veto américain lors d’un vote du conseil de sécurité de l’ONU sur les colonies israéliennes en Cisjordanie, initialement prévu le 22 décembre, Donald Trump a obtenu le report de la consultation.

Le projet de résolution présenté par l’Egypte devait exhorter Israël à «cesser immédiatement et complètement toute activité de colonisation en territoire palestinien occupé, dont Jérusalem Est».

L’Etat Hébreu s’est aussitôt mobilisé pour faire échec à l’opération. «Quand ils ont eu connaissance du fait que l’administration actuelle ne mettrait pas son veto à cette résolution, des responsables israéliens ont pris contact avec l’équipe de transition de Trump pour demander son aide», a indiqué à l’Agence France Presse une source israélienne sous couvert d’anonymat.

 

Donald Trump et Benjamin Netanyahu sur la même longueur d’ondes
Le successeur élu de Barack Obama a alors appelé le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, à l’origine du projet de résolution contestée, obtenant rapidement gain de cause.

L’Egypte a demandé le report du vote, tandis que la présidence publiait un communiqué justifiant la décision: «Les deux dirigeants se sont mis d’accord sur l’importance de donner à la nouvelle administration américaine une chance de gérer tous les aspects de la cause palestinienne pour arriver à un accord complet» sur le dossier.

Donald Trump, qui a nommé comme ambassadeur en Israël David Friedman, un homme favorable au développement des colonies, s’est lui aussi expliqué sur son choix.

«Comme les Etats-Unis le disent depuis longtemps, la paix entre Israéliens et Palestiniens ne peut venir que de négociations directes entre les deux parties, et non à travers des conditions imposées par les Nations Unies», dit le nouvel élu dans son communiqué, reprenant une formule de Benjamin Netanyahu lui-même.

Ce qui a fait dire à l’ambassadeur palestinien, Riyad Mansour, à l’issu d’une réunion des ambassadeurs arabes à l’ONU, que Trump «agissait au nom de Netanyahu»

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Abdel Fattah al-Sissi donne des gages à Trump
Pas un mot, en revanche, sur le retournement improvisé du président Sissi. Ce dernier, en désaccord ouvert avec les pétromonarchies du Golfe et surtout l’Arabie Saoudite, en raison de son ralliement au régime de Bachar al-Assad, fait de son alliance avec Washington une priorité.

Le président égyptien est le premier dirigeant arabe à avoir rencontré le candidat Trump, avec lequel il s’est entretenu en septembre 2016, en marge de l’assemblée générale de l’ONU. Avant même le scrutin, il ne cachait pas son admiration pour le dirigeant républicain. «Je n’ai aucun doute sur le fait qu’il sera un bon dirigeant», disait-il.

En froid avec l’administration Obama pour avoir destitué, en 2013, son prédécesseur le président Mohamed Morsi, issu des Frères Musulmans, et pour le peu de respect dont il fait preuve pour les droits de l’Homme, Abdel Fattah al-Sissi donne ainsi des gages à la nouvelle administration Trump.

Le jour même où ce dernier réaffirmait, après l’attentat de Berlin, «avoir raison à 100%» dans son projet d’interdire l’entrée des musulmans aux Etats-Unis.

Alain Chémali avec AFP

Source : Géopolis 23/12/2016

Adonis : « Le problème, c’est la tyrannie théocratique »

Photo : Patrick Kovarik/AFP

Adonis prend fait et cause pour le poète dont la vie est menacée. Il fournit des explications sur la situation de la pensée dans certains pays arabes et voit dans leurs peuples la seule raison d’espérer à long terme.

Quelle est donc cette société, ce pays où l’on peut condamner à mort un poète ?

Adonis Il n’y a pas que les poètes qui soient condamnés. Il y a aussi les penseurs, les peintres, les hommes tout court. Dans le wahhabisme, l’homme n’est pas défini par son humanité mais par sa croyance. S’il est musulman, et qui plus est  wahhabite, il est du côté du bien. Sinon… la mort guette le musulman qui tente de quitter cet islam-là. Le problème gît dans les structures culturelles et religieuses qui gèrent le pays. Modifier un régime arabe, remplacer un tyran par un autre, ne résoudra rien. Ce qu’on appelle révolution et opposition dans le monde arabe n’est que l’autre face du régime. Cette soi-disant opposition n’a aucun projet ni pour la laïcité, ni pour la libération de la femme, ni pour les droits de l’homme.

Pensez-vous que la protestation internationale soit assez forte ?

Adonis Les poètes doivent réagir. Cela pourrait aussi encourager les forces progressistes en Arabie saoudite. Je connais beaucoup de gens contre le régime saoudien qui écrivent sur leur blog mais tout est censuré.

Le fait qu’Ashraf Fayad soit palestinien a-t-il influencé la sévérité de la condamnation ?

Adonis Non, au contraire. Cela va peut-être aider à sa libération. Ce serait une façon pour l’Arabie saoudite de dire aux Palestiniens : « Nous ne sommes pas contre la Palestine. » La cause palestinienne, bien qu’elle soit délaissée par les Arabes, reste symboliquement présente, au moins dans le cœur et dans l’imaginaire. Cette cause n’est pas morte.

Pensez-vous qu’en s’en prenant à un poète qu’on accuse d’athéisme, on veuille faire un exemple terrifiant ?

Adonis Pour la France, pays des droits de l’homme, l’individu, qu’il soit ou non croyant, doit avant tout être libre. Or, pour nous, Arabes, la question religieuse est première. J’attends des intellectuels français qu’ils interviennent, qu’ils réfléchissent aussi à ce que nous sommes dans cette perspective. Les Français doivent sentir qu’ils ne sont pas tout à fait libres si un autre peuple ne l’est pas. Un régime qui peut tuer au nom d’une idéologie relève de la tyrannie mais un régime qui tue au nom de Dieu est plus tyrannique encore. Notre problème actuel, c’est la tyrannie théocratique.

Vous dites que l’islam est la négation de la poésie, laquelle participe toujours d’une subjectivité et d’une remise en doute de toute vérité préétablie ?

Adonis À l’époque préislamique, les poètes croyaient exprimer la vérité. Avec l’arrivée de l’islam, ils ont subi le sort que Platon leur réservait dans la cité grecque. L’exil. Par bonheur, les poètes n’ont pas écouté l’injonction du texte coranique. Ils ont continué à écrire. La plupart d’entre eux étaient contre la religion. D’ailleurs, dans toute l’histoire de la poésie arabe, on ne trouve pas un seul grand poète dont on ait pu dire qu’il était aussi un croyant, comme ce fut le cas, en France, avec un homme comme Claudel, poète et catholique.

Pensez-vous qu’une protestation internationale à l’échelle des chefs d’État pourrait avoir une quelconque influence sur ce jugement ? Et iront-ils jusque-là, compte tenu des rapports financiers et autres qui les lient ?

Adonis Je ne crois pas que les politiques américaine et européenne puissent reculer. Elles sont coincées. Elles disent une chose et en pratiquent une autre. Combien de pays sont dans la coalition contre Daech ? Quarante ? Plus ? Tout le monde  ! Et personne n’en vient à bout ? C’est stupéfiant. Cela dit, si l’on ne peut qu’être pessimiste au sujet des pays arabes, il faut être du côté du peuple et garder confiance en lui.

 

Entretien réalisé par Muriel Steinmetz
Derniers livres parus?: Violence et islam, le livre III (al-Kitâb) au Seuil
à paraître en janvier?: Soufisme et surréalisme, éditions de La Différence
Source L’Humanité : 10/12/2016

En quoi consiste le référendum italien ?

Le parti démocrate italien convoquerait des élections anticipées à l’été 2017 si Matteo Renzi perd le référendum

Le parti démocrate italien convoquerait des élections anticipées à l’été 2017 si Matteo Renzi perd le référendum

Le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, entend réformer la Constitution pour en finir avec l’instabilité politique et accélérer le travail législatif. Les Italiens se prononcent dimanche.

C’était une promesse de Matteo Renzi à son arrivée au pouvoir, en février 2014 : conduire une réforme en profondeur de la Constitution italienne, rédigée au sortir de la seconde guerre mondiale, afin de la rendre plus efficace et plus rapide, bref plus moderne. Quels sont les objectifs concrets de ce projet ?

  • Mettre fin au bicamérisme « parfait »

C’est une singularité en Europe : la Chambre des députés et le Sénat italien ont le même poids dans l’élaboration des lois, et ont tous les deux le pouvoir de voter la confiance – autrement dit de faire tomber les gouvernements. Cette réforme de la Constitution italienne vise à modifier la composition et le rôle de la Chambre haute, l’autre nom du Sénat.

Celui-ci deviendrait une assemblée de 100 membres – 74 conseillers régionaux, 21 maires et 5 personnes désignées par le président de la République pour une durée de sept ans – contre 315 actuellement, qui siégeraient pendant un mandat de cinq ans non renouvelable.

Les conseillers régionaux et maires seraient répartis, selon les régions, en fonction du poids démographique de celles-ci. Le Sénat n’aurait plus qu’un rôle secondaire dans l’élaboration des lois et ne voterait plus la confiance au gouvernement. Il serait toutefois encore consulté sur d’éventuelles modifications de la Constitution et pourrait ratifier l’essentiel des traités internationaux. Il se prononcerait aussi sur les référendums d’initiative populaire et pourrait donner son avis sur la loi de finances, et lui apporter quelques modifications.

La Chambre des députés, elle, ne change pas. Elle reste composée de 630 élus, conserverait seule le pouvoir de voter la confiance au gouvernement et la majorité des lois.

  • En finir avec l’instabilité politique

Depuis 2014, Matteo Renzi s’est engagé à conduire trois grandes réformes : celle du marché du travail (c’est fait depuis l’adoption des différents textes du Jobs Act, en 2014-2015), la loi électorale (elle a été votée mais n’entrera sans doute jamais en vigueur) et enfin la réforme de la Constitution, votée définitivement par le Parlement mais qui devait être soumise à référendum.

L’objectif est d’accélérer le travail parlementaire, et de mettre un terme définitif à l’instabilité gouvernementale. Soixante-deux gouvernements se sont succédé depuis 1945 (soit une durée de vie moyenne de trois cent soixante et un jours), ainsi que vingt-cinq présidents du Conseil.

Il s’agit aussi d’en finir avec la charge financière que représentent les 315 onorevole (les « honorables », comme il est d’usage d’appeler les sénateurs) qui sont parmi les parlementaires les mieux payés de l’Union européenne – ils touchent une indemnité nette mensuelle de 15 000 euros. Avec la réforme, les cent membres du Sénat ne toucheraient plus d’indemnité spécifique mais ils conserveraient le droit à des dédommagements pour leurs déplacements à Rome et pour l’exercice de leur mandat.

  • La nouvelle loi électorale

Une autre réforme politique, qui n’est pas soumise à référendum mais qui a été présentée par Matteo Renzi comme intrinsèquement liée au projet, a levé dans le pays, ces derniers mois, de très fortes oppositions : c’est la nouvelle loi électorale, « l’Italicum », adoptée le 6 mai 2015.

La nouvelle loi divise le pays en une centaine de circonscriptions. Si un parti dépasse 40 % des suffrages au niveau national, il raflera 340 des 630 sièges de la Chambre, le reste étant distribué entre les formations politiques ayant dépassé 3 %. Si aucune d’elles n’obtient 40 % des voix, un deuxième tour sera organisé entre les deux partis arrivés en tête.

La loi électorale utilisée en 2013, écrite en 2015 par le ministre Roberto Calderoni, qui l’avait lui-même qualifiée de « porcellum » (« cochonnerie »), contenait un système de prime majoritaire qui favorise la coalition arrivée en tête, en lui garantissant 340 des 630 sièges, tandis que le Sénat actuel est élu sur une base régionale, à la proportionnelle avec une prime majoritaire, par les Italiens de plus de 25 ans. Résultat : souvent la majorité à l’Assemblée n’est pas la même qu’au Sénat. D’où le blocage aux élections de 2013, lorsque le Parti démocrate avait obtenu la majorité absolue à la Chambre des députés mais pas au Sénat.

En privilégiant les partis aux dépens des coalitions, la nouvelle loi doit, selon ses concepteurs, favoriser la bipolarisation et condamner à la disparition ou à la reddition les petites formations qui jusqu’alors faisaient et défaisaient les majorités.

  • Les arguments des opposants

On trouve des opposants au projet sur la quasi-totalité de l’échiquier politique italien : la Ligue du Nord (Matteo Salvini), Forza Italia (Silvio Berlusconi), le Mouvement 5 étoiles (Beppe Grillo), l’extrême gauche ainsi qu’une minorité de frondeurs au sein du Parti démocrate, pour une multitude de raisons parfois contradictoires entre elles.

Le référendum a aussi pris des allures de plébiscite. La responsabilité en revient à M. Renzi, qui a reconnu avoir fait une erreur en annonçant qu’il démissionnerait si le « non » l’emportait au référendum. De quoi donner des ailes à l’opposition.

Source Le Monde 04/12/2016Voir aussi : Actualité internationale, rubrique Italie, rubrique Politique, rubrique UE,

L’enclave rebelle d’Alep-Est sur le point de s’effondrer

Dans les rues d'Alep, un homme porte sur son dos un blessé, après une frappe aérienne.• Crédits : Mamun Ebu Omer / ANADOLU AGENCY

Dans les rues d’Alep, un homme porte sur son dos un blessé, après une frappe aérienne.• Crédits : Mamun Ebu Omer / ANADOLU AGENCY

Les rebelles ont perdu le tiers d’Alep-Est face aux forces du régime syrien, lesquelles espère faire rapidement tomber cette partie de la ville que fuit désormais la population en proie à la faim et au froid.

Elle se prénomme Bana. Elle a 7 ans. Et depuis plus de deux mois, rappelle le site de la chaîne américaine CNN, elle raconte via le compte Twitter de sa mère son quotidien à Alep. Dimanche matin, sous un déluge de feu et tandis que les troupes du régime de Bachar el-Assad resserraient un peu plus encore leur étau autour de la zone tenue par les rebelles, elle a posté ces mots : « L’armée est entrée, c’est peut-être sincèrement le dernier jour où nous pouvons nous parler. S’il vous plaît, s’il vous plaît, priez pour nous ». Une heure plus tard, Bana lancera encore un nouveau message, qu’elle imagine alors être le dernier : « nous sommes sous des bombardements nourris, dit-elle, nous ne pourrons pas rester en vie. Quand nous serons morts, continuez à parler pour les 200 000 personnes qui sont toujours à l’intérieur. » Plus tard, sa mère diffusera finalement une photo de sa fille, recouverte de poussière, manifestement sortie de justesse de chez elle en plein bombardement. Viendront ensuite ces derniers mots : « Ce soir, nous n’avons plus de maison. Elle a été bombardée. Et je me suis retrouvée dans les décombres. J’ai vu des morts. Et j’ai failli mourir. »

Interrogé au début du mois par THE SUNDAY TIMES sur le sort des enfants syriens, le président Bachar el-Assad avait rejeté la faute sur les « terroristes » qui, disait-il, « utilisent des civils comme boucliers humains ». Avant de préciser que lui-même « dormait bien ». Et depuis, hier, on imagine que le bourreau de Damas non seulement dort toujours aussi bien mais qu’il a même le sourire. En quelques heures, la bataille d’Alep s’est en effet accélérée. Et pour les partisans du régime syrien, c’est désormais une quasi certitude : la chute des quartiers rebelles se rapproche.

L’offensive a été menée simultanément des deux côtés de l’enclave, précise LE TEMPS, la sectionnant au nord de la vieille ville d’Alep, comme l’aurait fait une tenaille. Une fois les premiers verrous levés, les assaillants se sont répandus dans toute la partie nord de l’enclave, tombée comme un fruit mûr, à en croire la télévision d’État syrienne. Aux côtés des unités d’élite de l’armée, les alliés du président syrien Bachar el-Assad avaient pour cela regroupé des milliers de combattants chiites pro-iraniens, notamment du Hezbollah libanais, mais aussi des milices composées d’Irakiens, d’Afghans ou de factions palestiniennes établies en Syrie.

En 48 heures, les rebelles ont ainsi perdu le tiers d’Alep-Est, peut-on lire dans les colonnes du journal de Beyrouth L’ORIENT LE JOUR. Et face à la violence de ces combats, d’importants mouvements de civils ont lieu désormais à l’intérieur de la zone assiégée. Depuis samedi, on estime que près de 10 000 personnes ont fui, soit vers les quartiers kurdes, soit vers les zones gouvernementales. Sur la chaîne du Hezbollah libanais AL-MANAR, notamment, on peut voir ces habitants par dizaines (infirmes, femmes, enfants) en train de quitter certaines zones sous l’escorte de soldats, tandis que le bruit des canons rappelle la proximité des combats. Les médias d’État syriens, eux aussi, ne manquent pas de donner à voir ces habitants dirigés par des militaires tout en précisant, sans plus de détails, qu’ils sont conduits vers « des lieux sûrs ». On y voit l’accueil impeccable réservé à ces civils, une fois arrivés à Alep-Ouest. En réalité, la plupart des Aleppins désireux aujourd’hui d’échapper à l’enfer des bombardements savent qu’ils n’ont aucune garantie du régime. Et en particulier qu’ils seront, très certainement, soumis à un interrogatoire des services de renseignement militaires. Des informations, non confirmées, évoquent déjà une séparation immédiate des hommes âgés de plus de 15 ans au sein de ces groupes conduits en zone gouvernementale.

Désormais, tout le monde s’attend à ce que les forces du régime lancent une ultime offensive près de la citadelle, pour couper de nouveau la zone en deux, précise un expert au Washington Institute. Ce qui signifie qu’au terme de ces mouvements de cisaille, il ne restera plus qu’une dernière poche d’insurgés. Les hommes armés devront alors se rendre ou « accepter la réconciliation nationale », selon les termes fixés par l’État syrien. Ce qui, à lire les messages inscrits sur les tracts lancés à destinations des rebelles, a une toute autre signification, beaucoup plus radicale. Sur l’une de ces brochures, raconte ce matin THE NEW YORK TIMES, on peut lire notamment : « Ne soyez pas stupide, pensez à vous et à vos familles. Mais pensez vite, car le temps passe et il n’est pas de votre côté. Rendez-vous. Ou affrontez la mort. »

Et face à l’évolution des combats ces derniers jours, la communauté internationale, elle, ne dit mot. A l’exception hier du ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, lequel a réclamé un « cessez-le feu-immédiat » à Alep, le silence de la communauté internationale est assourdissant. De sorte qu’à Alep, aujourd’hui, règne la certitude que tout espoir s’est évanoui. Personne ne viendra à l’aide des Syriens d’Alep. Et c’est, d’ailleurs, très probablement cette certitude-là qui explique pourquoi l’enclave assiégée est aujourd’hui en train de tomber comme un château de cartes, presque sans résistance. Et pourtant, note LE TEMPS, on pourra tourner l’affaire dans tous les sens, en laissant de côté les assassins directs, le régime syrien, la Russie et l’Iran, ou bien encore leurs acolytes-ennemis sunnites, pays du Golfe en tête, c’est bien l’Occident qui a laissé cette situation devenir ce qu’elle est.

Et le journal d’en conclure : il y avait le fracas des bombes. Cette angoisse intenable. Cette frayeur, qui n’a aucune sorte d’équivalent possible : celle de voir les siens emportés. D’être le prochain à assister au déblaiement des décombres, d’où l’on voit émerger un pied, puis la tête bleuie de son enfant mort. Il y a désormais l’élection d’un certain Donald Trump aux Etats-Unis et peut-être, demain, celle de François Fillon ou de Marine Le Pen en France. Il y a, maintenant, cette peur paranoïaque de l’Occident à l’égard de tout ce qui ressemble à un Musulman, inventorié comme djihadiste potentiel, fut-il en détresse au milieu de la Méditerranée ou mourant sous les bombes dans les quartiers de l’Est d’Alep.

Par Thomas CLUZEL

Source France Culture, 29/11/2016

Voir aussi : Actualité Internationale, rubrique /Méditerranée, rubrique Moyen Orient, Syrie, rubrique Rencontre, Hala Mohammad,

Exil l’impossible sujet

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Camp de Frakaport, près de Thessalonique

Comment décrire le dénuement ?

Aujourd’hui, quand on part à la pêche aux infos qui viennent du monde, on tombe aussi sur celles des personnes. En naviguant sur la toile ce matin, m’est apparue cette photo du camp de réfugiés de Frakaport en Grèce. La photo publiée sur le blog de Cathy Garcia est accompagnée d’un témoignage poignant mais je ne sais pas pourquoi cette image bouleversante de vérité s’est gravée dans mon esprit.  J’ai cherché quelques mots pour dire ce long parcours de souffrance qui ne s’achève pas. Je n’ai rien trouver.  Je me suis alors réfugié dans une mini fiction comme si cela était plus efficace pour m’inciter à réfléchir, pour exprimer le sentiment de n’être rien devant cet océan d’indifférence.

Voie fictionnelle

C’était une gentille fille pleine de vie. A son arrivée, ne tenant pas en place, elle pressait sa mère de questions, sur ce qu’ils allaient faire dans cette nouvelle région, combien de temps ils y resteraient, où serait sa nouvelle école, comment seraient ses copines… Et puis, face aux demi-réponses de sa mère, le doute s’était installé. Le jour elle la voyait parfois fondre en larme.  Maintenant, elle avait l’impression qu’on la guettait depuis le carré obscure qu’elle voyait de la fenêtre, mais elle ne posait plus de question.

Elle se réveille souvent au milieu de la nuit avec une sensation d’étouffement. Elle voit des flammes courir le long de la tente et ses dessins qui tombent en cendre.

JMDH

Ce qu’ils disent

 » Nous sommes ici
depuis trois mois. –
Avant nous étions à Idomeni,
sous des tentes en plein vent. –
Les tentes ici sont installées
dans un ancien entrepôt. –
Nous regrettons Idomeni. –
Ici nous sommes totalement isolés,
sans contact avec le monde extérieur. –
Les Grecs sont aussi pauvres que nous. –
Il n’y a pas de travail, rien à faire. –
En face il y a une usine d’épuration d’eau
et l’air est irrespirable…« 

 Source témoignage : Blog de Cathy Garcia 14/09/2016

Voir aussi. Rubrique Lecture, rubrique Société, Citoyenneté, rubrique Politique, Politique de l’immigration,