COP21 : « Annuler les manifs, c’est se déclarer vaincus face à la menace »

THOMAS SAMSON/AFP

THOMAS SAMSON/AFP

Les ONG n’ont même pas le temps d’avoir la gueule de bois. Au lendemain de l’annonce par la présidence de la COP21 de l’interdiction de toutes les marches pour le climat qui auraient dû avoir lieu, à Paris et dans d’autres villes de France, à la veille de l’ouverture des négociations, c’est un mélange de déception et de branle-bas de combat. Mathieu Orphelin, porte-parole de la Fondation Nicolas-Hulot, lâche :

«  On n’a pas le droit de baisser les bras, mais là, ce sont plusieurs mois de boulot avec toutes les associations qui tombent à l’eau. On en était à un niveau d’organisation collective colossal. »

Mardi matin, moins de quatre jours après les attentats de Paris, les organisations de la société civile étaient réunies chez Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, sous l’égide de qui se tiendra la réunion internationale sur le climat dans dix jours. Si les marches semblent alors déjà très compromises, y est évoqué un «  rassemblement statique  ». En aparté, les conseillers évoquent l’idée d’un stade où auraient pu se réunir les dizaines de milliers de personnes attendues initialement pour la marche du 29 novembre.

Choix cornéliens

Car pour les autorités françaises, assurer la sécurité de la COP21 elle-même et de tous les événements parallèles, deux semaines après les plus graves attentats qui aient jamais eu lieu sur le sol français, exige de faire des choix cornéliens. Techniquement, il y a d’un côté le site du Bourget où auront lieu les négociations, et les 22 000 personnes accréditées pour y entrer.

De l’autre, 20 000 acteurs de la société civile attendus dans la capitale en divers lieux, et initialement réunis dans une marche inaugurale. Mathieu Zagrodzki, chercheur associé au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pe?nales et spécialiste de la sécurité intérieure, analyse :

«  On a un double casse-tête  : d’un côté, un lieu confiné qu’il va falloir rendre hermétique par des détecteurs de métaux, par le contrôle des allées et venues, et de l’autre la gestion de flux et de foules, ce qui est bien plus difficile.

En France, on a l’habitude de gérer des événements sur la voie publique, même de grande ampleur, comme les Journées mondiales de la jeunesse en 1997 ou la Coupe du monde de foot en 1998, mais deux semaines après ces attentats, avec une menace terroriste qui reste forte, c’est autre chose.  »

 

Alors que l’Assemblée nationale vient de donner son feu vert à la prolongation de l’état d’urgence pour trois mois, que le Premier ministre, Manuel Valls, évoque devant les députés un risque d’attaques chimiques ou bactériologiques, que des centaines de perquisitions ont lieu, la tension reste très forte dans l’Hexagone. Et la crainte d’un nouvel attentat ne risque pas de faiblir avec l’arrivée de près de 120 chefs d’Etats étrangers, présents au Bourget le lundi 30 novembre, et de dizaines de milliers de représentants de la société civile.

 

Mathieu Zagrodzki souligne :

«  Prendre la COP21 pour cible, ce serait très fort symboliquement et aurait une résonance mondiale  : l’impact médiatique et psychologique serait gigantesque. Mais annuler toutes les manifestations pour réduire ce risque, c’est également réduire la portée symbolique de ce sommet et se déclarer vaincus face à la menace, car manifester fait partie de notre vivre-ensemble  : pour les organisateurs, il y a un dilemme et un calcul à faire entre la sécurité et la portée symbolique de leurs choix.  »

 

«  Le moral est un peu cassé  »

 

Mercredi soir, le gouvernement a donc tranché. La société civile est toujours bienvenue au Bourget dans un espace de 27 000 m² où sont attendues plus d’une centaine d’organisations. Hors du Bourget, c’est une autre affaire. Les manifestations sont maintenues si elles ont lieu «  dans les espaces fermés et aisément sécurisables  », souligne le communiqué du secrétariat de la COP21.

Exit les marches du 29 novembre et du 12 décembre, en clôture des négociations. Exit même la possibilité d’un grand rassemblement dans un stade, un hippodrome ou une place parisienne, comme des rumeurs qui circulaient des cabinets ministériels aux ONG avaient pu laisser croire.

Les ONG représentées sein de la Coalition climat 21 enchaînent réunion sur réunion, explique Marie Yared, de Avaaz :

 

«  Cela fait plusieurs jours que nous sommes dans l’attente de la décision des autorités, nous avions réfléchi à un scénario où la marche serait maintenue, avec un service d’ordre blindé et une grande coordination avec la police. Pour la centaine de bénévoles de notre organisation qui ont tout mis en œuvre pour la réussite de notre mobilisation, c’est vrai que le moral est un peu cassé. Nos sentiments sont partagés entre les problèmes réels de sécurité et la volonté de nous exprimer au moment de la COP. »

 

En janvier, des dizaines de chefs d’Etat…

 

Dans les rangs des ONG, tout le monde ne tempère pas autant sa déception. Txetx Etcheverry, fondateur du mouvement Alternatiba, tonne :

«  Cette annulation sans aucune proposition alternative de la part des autorités est inacceptable. Au lendemain de Charlie Hebdo, des dizaines de chefs d’Etat ont participé à la manifestation nationale, le risque était-il moindre  ?

 

Le marché de Noël reprend sur les Champs-Elysées, les supermarchés sont ouverts, la foule se réunit dans les lieux de la société de consommation, et nous, nous ne pourrons même pas nous réunir ne serait-ce qu’à quelques centaines de personnes dans des endroits symboliques pour dénoncer les engagements trop faibles de certains pays, par exemple  ?  »

 

Dès mardi soir, le mouvement lançait un appel, désormais signé par plus de 14 000 personnes, pour maintenir la pression sur les pouvoirs publics. A Alternatiba, on espère toujours un revirement. Txetx Etcheverry gronde :

«  L’histoire nous jugera très durement si, à un moment aussi historique, nous avons baissé les bras. Cela signifierait que nous acceptons aussi de clore ce chapitre citoyen pour la décennie à venir, car cette situation va durer. »

 

Moins tempétueuses, d’autres organisations semblent avoir déjà pris leur parti des décisions des autorités et tentent de rebondir dans le court laps de temps qu’il reste. Mathieu Orphelin concède :

 

«  Même si nous avions eu la possibilité de nous rassembler dans un stade, nous n’avions pas le temps, en dix jours, de créer une dynamique de l’ampleur de ce que nous avions mis en place pour la marche. Aujourd’hui, il faut que nous trouvions les moyens de connecter la grosse cinquantaine de marches qui vont avoir lieu dans le monde avec ceux qui auraient aimé marcher mais qui ne pourront pas le faire.  »

 

A Avaaz également, on cogite tous azimuts pour imaginer des formes de mobilisations «  visuelles, mais pas dangereuses  ». Les idées ne manquent pas. Mais c’est surtout l’élan commun qui risque d’être mis à mal. «  Il y aura des synergies entre les différentes organisations, mais sans doute pas de la même force que ce que nous avions préparé  », déplore Marie Yared. Restent dix jours pour remobiliser les troupes, une gageure pour tous ceux qui veulent faire entendre la voix de la société civile mondiale.

 

Cecile Casenave

 

Source terraeco.net : 17/11/2015

 

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Dernier cri. État de la culture techno

Ken Ishii, le Laurent Garnier japonais, samedi à l’Antirouille de 0h à 5h. dr

Ken Ishii, le Laurent Garnier japonais, samedi à l’Antirouille de 0h à 5h. dr

Festival. La première édition du Dernier cri, qui se poursuit à  Montpellier jusqu’à dimanche, attise les passions.

Non la culture techno ne se résume pas à une entreprise de décervelage à grande échelle. C’est une des raisons d’être du Dernier cri, qui se tient jusqu’au 15 novembre à Montpellier, de le démontrer.

« Avec Pascal Maurin et Jacqueline Caux on s’est dit qu’au-delà des soirées musicales, il serait intéressant de proposer une réflexion sur le mouvement culturel techno au travers de débats et projections de films. C’est une musique que tout le monde entend mais personne ne sait d’où elle vient « , explique Edith Roland un des trois fondateurs du festival.

L’idée a pris. Mercredi, le cinéma Diagonal refusait des dizaines de personnes venues découvrir l’oeuvre expérimentale de Jacqueline Caux réalisée avec le célèbre dj américain Jeff Mills. Cycles of The Mental Machine et Man From Tomorow, ont permis d’ouvrir un riche débat avec la réalisatrice sur l’aspect militant de la techno à Détroit, la ville berceaux du mouvement dans les 80’s.

« A Détroit, le mouvement revêt une dimension politique et sociale, confirme le programmateur Pascal Maurin, Dès le départ, les artistes arrivaient sur scène masqués par défiance à l’égard de l’industrie musicale. Dans cette ville victime de la crise, ils se sont beaucoup impliqués dans des actions de formation artistique en direction des jeunes. Quand le mouvement débarque en Europe dans les 90’s, on n’est plus là-dessus. Hormis la scène free que l’on a marginalisée, la post-modernité ambiante s’accompagne d’une dépolitisation, même si on observe aujourd’hui au sein des musiques actuelles, des préoccupations environnementales. »

A la Panacée on a causé de la French Touch et de Montpellier, capitale des musiques électronique…? Le festival se poursuit jusqu’à dimanche par des soirées aux quatre coins de la ville.

JMDH

Rens et programmation : Festival Dernier Cri

Source :  La Marseillaise13/11//2015

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L’AFP lance un nouveau mouvement de grève

afplogo

Dénonciation des accords, travailler plus pour gagner moins, la direction persiste:

 

GREVE DU PERSONNEL DE L’AFP DE LUNDI 9 NOVEMBRE À 14 HEURES JUSQU’A MARDI 10 14 HEURES

 

Les syndicats CGT toutes catégories, FO toutes catégories et CFE-CGC appellent à un mouvement de grève de 24 heures de lundi 9 novembre à 14 heures jusqu’à mardi 10 novembre à 14 heures.

 

Lors de la première réunion de négociation avec la direction après la suspension par la justice de la dénonciation des accords d’entreprise, la direction a maintenu sa volonté de faire table rase des acquis du personnel.

 

La direction a précisé aux organisations syndicales quelques-unes de ses intentions pour imposer au personnel de travailler plus pour gagner moins, comme la baisse, parfois considérable, des salaires d’embauche de plusieurs catégories de personnel.

 

Les syndicats ont réaffirmé qu’un nouvel accord ne pouvait pas être construit en sacrifiant les acquis sociaux du personnel: RTT, congés, horaires et conditions de travail, salaires, emploi, perspectives de carrière…

 

Les syndicats CGT toutes catégories, FO toutes catégories et CFE-CGC appellent en conséquence les personnels une nouvelle fois à la grève, apparemment le seul langage que comprend notre Pdg M. Hoog.

 

Seule la mobilisation de tous les salariés de l’AFP fera abandonner à la direction ses projets funestes.

 

Le 9 novembre 2015

CGT, FO et CFE-CGC de l’AFP

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Code du travail: les grandes lignes d’une réforme qui divise

AFP/Archives - By ERIC FEFERBERG

AFP/Archives – By ERIC FEFERBERG

Rendre le Code du travail « plus lisible » pour mieux l’adapter aux entreprises et améliorer la compétitivité de l’économie: la ministre du Travail Myriam El Khomri remet mercredi à Manuel Valls sa copie sur les grandes lignes d’une réforme qui divise tant les syndicats que le patronat.

Le chantier s’annonce gigantesque mais le gouvernement veut aller vite: après une seconde phase de concertation entre le ministère du Travail et les partenaires sociaux, un projet de loi doit être présenté dès le début de l’année prochaine, pour une adoption mi-2016.

S’inspirant du rapport de Jean-Denis Combrexelle, remis en septembre au Premier ministre, le texte visera à assouplir le Code du travail en donnant davantage la main aux entreprises et aux branches professionnelles.

« Notre législation du travail est devenue avec le temps illisible », a estimé François Hollande lors de la dernière conférence sociale. Pour le chef de l’État, « l’enjeu est de faire en sorte que le dialogue social se rapproche de l’entreprise ».

Le président comme le Premier ministre ont déjà promis de ne toucher ni à la durée légale du travail, ni au Smic, ni au contrat de travail, ni à la hiérarchie des normes – principe selon lequel les accords d’entreprise ne peuvent pas être moins favorables aux salariés que la loi et les règlements.

Quid du reste ? Le Premier ministre, à qui Myriam El Khomri remet ses orientations dans l’après-midi, devrait dévoiler dans la foulée les grandes lignes d’une nouvelle architecture du Code du travail, autour de trois piliers: un socle de droits fondamentaux garantis par la loi, auxquels on ne pourra déroger; les droits soumis à accord collectif; les droits supplétifs, qui s’appliquent en l’absence d’accord.

Ces dispositions devraient permettre d’identifier plus nettement quelles sont les marges laissées à la négociation.

Le rôle des branches professionnelles devrait être renforcé pour y rendre le dialogue plus actif, ce qui passe par une réduction drastique de leur nombre (elles sont actuellement 700 mais beaucoup sont considérées comme « mortes »). Comme le prône le rapport Combrexelle, elles pourraient se voir confier un rôle de régulateur et de soutien aux petites entreprises.

– ‘Émiettement du droit social’ –

Manuel Valls devrait également se prononcer sur les accords d’entreprise: le rapport Combrexelle préconise qu’ils soient majoritaires, signés par des organisations représentant au moins 50% des voix – contre 30% actuellement -, et que leur durée n’excède pas quatre ans. Au risque, selon certains experts, de freiner plus que d’accélérer la négociation.

Ses annonces sont attendues de pied ferme par les partenaires sociaux. Divisés sur le sujet, ils ont envoyé leurs propositions et lignes rouges au gouvernement.

Très partisan d’une réforme, le Medef a réitéré ses critiques contre un Code du travail « trop compliqué et improductif », et remis en cause, entre autres, le statut du contrat à durée indéterminée (CDI) et l’impossibilité de déroger aux 35 heures.

La CFDT, si elle réfute – comme tous les autres syndicats – l’idée que la réforme du Code du travail favoriserait la compétitivité française, accueille favorablement la volonté de donner plus de souplesse au dialogue social.

Le syndicat de Laurent Berger est en revanche « fermement opposé » à ce que des accords soient soumis à des référendums d’entreprise, car cela contournerait les représentants du personnel.

« Nous espérons que la sagesse l’emportera afin de prendre le temps de la réforme », a tweeté de son côté Carole Couvert pour la CFE-CGC.

La CGT, elle, a fait part de sa franche opposition, mettant en garde contre un « émiettement du droit social » qui « mettrait en péril le principe de l’égalité des salariés devant la loi ».

FO sera pour sa part « particulièrement attentif », et s’opposera « à toute tentative d’inversion de la hiérarchie des normes », selon son leader, Jean-Claude Mailly.

Côté patronal, la CGPME et les artisans de l’UPA ont mis en garde contre le « tout-entreprise », soulignant qu’il ne serait pas adapté à de nombreuses petites sociétés, qui ne sont souvent pas en mesure de négocier des accords.

Source : AFP 04/11/2015

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Société, Justice, Rapport Combrexelle, Travail,

« Nous préparons la plus grande action de désobéissance pour le climat »

arton8311-8fdd3La Coalition Climat 21, « l’un des plus grands regroupements pour la justice climatique qui aient été mis en place », a prépare des mobilisations pendant la COP21. L’artiste et activiste John Jordan dévoile les grandes lignes des actions visant à « avoir le dernier mot ».

Figure des milieux alternatifs depuis une vingtaine d’années, John Jordan fait la jonction entre le monde de la création et celui de l’activisme. Après un parcours dans l’art et le théâtre, il a impulsé le mouvement altermondialiste Reclaim the streets en Angleterre, avant de cofonder puis de déserter l’armée des clowns, dont les brigades de joyeux activistes ont essaimé dans le monde. Depuis quelques années, il est installé en Bretagne, et pilote avec Isabelle Frémeaux le Laboratoire d’imagination insurrectionnelle (Labofii), une sorte d’incubateur d’idées mêlant activisme politique et création artistique. Rencontre avec un personnage hors cadre et hors norme, au cœur du bocage de Notre-Dame-des-Landes.

John Jordan, Notre-Dame-des-Landes, 13 octobre 2015.

Reporterre – Pourquoi mêler art et activisme ?

John Jordan – Je pense qu’on doit toujours renouveler les formes que prennent les luttes. L’État et la police s’adaptent souvent ; il faut sans cesse nous réinventer. L’armée des clowns est née de cette réflexion. Le personnage du clown est désobéissant, il questionne toujours le pouvoir. Et il est un être hypersensible. Pour moi, le militantisme commence avec la sensibilité, aux injustices par exemple. Par ailleurs, le temps militant et le temps artistique sont très différents. Dans le militantisme, tout va vite car il y a urgence à agir. Il en va autrement pour le temps artistique : tu peux passer des années sur une recherche. Depuis 20 ans je tente de mêler art et activisme, d’appliquer le côté créatif et artistique à l’action directe et à la désobéissance civile. Aujourd’hui, avec le Labofii, on essaye de créer des formes d’actions belles, inattendues, nouvelles. Et efficaces.

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Quelle différence fais-tu entre action directe et désobéissance ?

L’action directe, c’est le fait d’agir directement sur un problème : si tu vois des gens à la rue, tu n’écris pas une lettre à ton élu, tu agis toi-même et tu ouvres un squat. La désobéissance civile est souvent plus symbolique. Par exemple, lors de la lutte pour les droits civiques aux États Unis, le boycott des bus était de l’action directe alors que les marches de Selma étaient, selon moi, de la désobéissance. Dans le cadre de la conférence sur le climat en décembre à Paris, on utilise le terme de désobéissance civile, car les actions vont entrer plutôt dans ce cadre .

Sur la COP justement, quels sont les objectifs de la Coalition Climat 21 ?

La Coalition Climat 21 est un des plus grands regroupements pour la justice climatique qui aient été mis en place, avec environ 150 organisations, ONG, syndicats ainsi que des groupes plus radicaux, comme Climate Justice Action (CJA). Trois moments sont prévus : une grande marche le 29 novembre, un week-end de présentation des alternatives les 5 et 6 décembre, et une journée d’actions le 12 décembre. Dès à présent, il est clair que les gouvernements sont en train de négocier un accord au rabais : il n’aura pas pour objectif de plafonner le réchauffement planétaire à 2°C, comme c’est nécessaire, mais probablement plus. L’objectif de la Coalition est d’avoir le dernier mot, car c’est le peuple qui a les solutions, et sûrement pas les gouvernements, achetés par les multinationales du pétrole, de la croissance, etc. Rappelons que la COP est financée par 35 sponsors dont Engie, Nissan, EDF, Suez…

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Qui compose Climate Justice Action ?

CJA est un réseau de mouvements écologiques radicaux. Il y a des gens issus des Camps climat, de Blockupy, des personnes et des mouvements qui luttent contre des grands projets inutiles et imposés… C’est vraiment la base anticapitaliste du mouvement.

Concrètement, qu’est ce qui se prépare ?

Tout simplement la plus grande action de désobéissance menée pour le climat !
Au-delà de la marche appelée par la Coalition le 29 novembre, des groupes comme CJA, Attac, 350.org, ou la Confédération paysanne ont pris en main des actions prévues à la fin de la COP. Le pire serait que le 12 décembre, François Hollande parade dans les médias en disant qu’il est l’homme qui a sauvé la planète, alors qu’en 20 ans, les émissions de CO2 ont augmenté de 63 %. Le 12 décembre va matérialiser notre refus par une action autour des Red lines (télécharger à droite le document de présentation, en anglais), ainsi qu’avec un autre outil, les Climates Games.

Qu’est-ce que les Red Lines ?

Les Red Lines, c’est l’idée des « lignes rouges » qu’on ne peut pas franchir, qui définissent les limites nécessaires et minimales pour une planète juste et vivable. Chacun au sein du mouvement vient avec ses propres lignes, comme par exemple, « pas de marché carbone », ou encore « ne peut pas dépasser 1,5 °C de réchauffement »… Concrètement, le projet est de faire exister ces lignes avec des structures gonflables. On va encercler la COP avec des milliers de corps désobéissants, bloquer les routes et le transport pendant la dernière plénière. Nous voulons détourner l’attention médiatique des négociations vers les mouvements. Car la COP va être la grande fausse solution.

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Et les Climates Games ?

Il s’agit d’un outil ludique développé il y a deux ans à Amsterdam par un groupe qui s’appelle Groen Front. Cet outil mélange l’Internet et la rue, et l’un de ses buts est d’amener de nouvelles personnes à la désobéissance et l’action directe. En amont, nous avons regroupé des artistes, des activistes, des hackers, des codeurs et des designers pour améliorer l’outil lors de trois sessions. Il y aura des équipes constituées en groupes affinitaires, et une carte sur le Web mise à jour par les joueurs. Et il y a des cibles. Chaque équipe définit sa cible et son action, puis en fait mention sur la carte. En face, il y a l’équipe bleue (la police), et les joueurs sont invités à indiquer les positions des bleus sur la carte. On a aussi imaginé des prix pour l’action la plus drôle, celle la plus inattendue, ou la plus efficace. C’est le côté pédagogique pour montrer comment élaborer une action efficace.

Des limites ont-elles été posées pour ces actions ?

Le mode d’action choisi, c’est la désobéissance créative, et il doit respecter la vie. Pour la journée du 12 décembre, il y a un consensus d’action, écrit et validé collectivement par 150 organisations, qui propose un cadre de désobéissance déterminée mais non-violente. Pour les Climate Games, il y a une équipe modératrice, et on sera un peu obligés de poser des règles. Tout dépend de la façon dont sont imaginées les actions : si elles sont ludiques et créatives, elles seront mises en lignes. Il ne s’agit pas d’une question morale, mais pour nous protéger, afin d’être encore en capacité de continuer dans les années à venir.

« Conscientiser les gens ne suffit pas, il faut créer des leviers qui influent sur les profits »

Quelle perspective ce mouvement a-t-il après la COP ?

La COP n’est qu’une étape. En 2016, nous avons prévu de mener une série d’actions de masse contre les infrastructures des énergies fossiles et les grands projets inutiles. Il y aura des grandes journées de blocages massifs prévues au printemps.

Pour être efficace, l’action directe doit toucher à l’argent : cela coûte beaucoup d’argent de militariser une zone pour protéger des projets imposés. C’est ainsi qu’en Angleterre, on a réussi à faire capoter 700 projets d’autoroutes. Conscientiser les gens ne suffit pas, il faut créer des leviers qui influent directement sur les profits. Et créer une culture de résistance qui soutienne ces actions de désobéissance, pour montrer que c’est possible.

Quelles sont les revendication politiques portées par les Climate Games ?

Les Climate Games sont juste un outil. Mais on peut penser que ce sont la désobéissance et l’action qui changent le monde et non pas les partis politiques ou les gouvernements. Si on revendique quelque chose, c’est : « Nous sommes la Nature qui se défend. » L’important, c’est d’avoir ces deux pôles complémentaires et indispensables que sont la création d’alternatives et la résistance. En ça, l’idée de ZAD, qui incarne la réunion de ces deux aspects, est un exemple parfait.

Pour toi, comment être plus efficaces dans les luttes ?

En créant des liens, des bordures entre les espaces de lutte. Les endroits les plus forts sont les lisières. Les haies, le littoral, les frontières entre forêts et prairies, là où il y a la plus grande biodiversité. Il y a, dans ces espaces, une force révolutionnaire et créative : c’est dense, solide et résilient. La beauté d’un lieu et d’une lutte comme Notre-Dame-des-Landes, c’est d’être une lisière entre agriculteurs, squatteurs, militants… À nous d’adapter nos stratégies aux situations, sans tomber dans les automatisme, afin de créer et maintenir le rapport de force.

- Propos recueillis par Isabelle Rimbert

 

Source Reporterre 22/10/2015 / Entretien avec John Jordan

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