Amnesty International dénonce des « disparitions forcées sans précédent » en Egypte

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Adolescents suspendus par les jambes, jeunes hommes frappés et électrocutés, citoyens séquestrés pendant des mois : Amnesty International accuse le pouvoir égyptien de tortures et d’enlèvement dans un rapport publié mercredi 13 juillet. Le Caire nie régulièrement avoir recours à de telles pratiques, reconnaissant seulement des « incidents isolés ».

« Ce rapport révèle les tactiques choquantes et sans pitié que les autorités égyptiennes sont prêtes à employer pour terrifier les opposants au pouvoir et les réduire au silence », explique Philip Luther, directeur de l’ONG pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

« Les disparitions forcées sont devenues un des instruments clés de la politique d’Etat en Egypte. Toute personne qui ose exprimer des critiques est en danger », déplore l’organisation, qui note une recrudescence des disparitions depuis l’arrivée au ministère de l’intérieur de Magdi Hamid Abdel Ghaffar, ex-membre du SSI, l’ancienne police secrète du président déchu Hosni Moubarak. Amnesty estime que trois à quatre personnes sont enlevées chaque jour, le plus souvent lors de raids chez eux du NSA, l’héritier du SSI.

Entre Jérusalem et Le Caire, l'heure est à la normalisation

Entre Jérusalem et Le Caire, l’heure est à la normalisation

Un adolescent violé avec un bâton

Parmi les dix-sept cas cités par l’ONG, cinq concernent des mineurs, dont un adolescent de 14 ans, « violé à plusieurs reprises avec un bâton, afin qu’il fasse de faux aveux ». Amnesty dénonce « la collusion » entre les forces de sécurité et des autorités judiciaires, « disposées à mentir pour couvrir leurs agissements ou qui s’abstiennent d’enquêter sur les allégations de torture ».

L’organisation sise à Londres n’est pas la seule à s’alarmer. La Commission égyptienne des droits et des libertés, qui incrimine les services de sécurité, a décompté 544 cas de disparitions entre le 1er août 2015 et le 31 mars 2016.

sisi-kerry1« Tous les Etats, en particulier les Etats membres de l’Union européenne et les Etats-Unis, doivent utiliser leur influence et faire pression sur l’Egypte pour qu’elle mette fin à ces violations », réclame M. Luther. Le rapport appelle également le président Abdel Fattah Al-Sissi à mettre en place une commission d’urgence pour enquêter sur ces violences en mesure d’auditer « sans interférence » toutes les agences gouvernementales, y compris militaires.

La question des disparitions en Egypte retient l’attention des pays occidentaux depuis l’affaire Giulio Regeni, un étudiant italien enlevé le 25 janvier et retrouvé mort avec des traces de torture dans une banlieue du Caire. Selon la police, il a été victime de la violence d’un gang, une version à laquelle les autorités italiennes ne croient pas.

Source Le Monde AFP 13/07/2016

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Les remords de Blair face aux accusations de la commission d’enquête sur la guerre en Irak

4964937_6_6c99_devant-le-centre-de-conferences-ou-devait_14dfa6a3b6a525056cdefca568d7666eLe Royaume-Uni est intervenu en Irak en mars 2003 aux côtés des Etats-Unis alors que Saddam Hussein « ne présentait pas de menace imminente » et que « toutes les alternatives pacifiques (…) n’avaient pas été épuisées ». John Chilcot, le haut fonctionnaire qui préside la commission d’enquête sur les conditions de l’engagement britannique, en a dressé, mercredi 6 juillet, un bilan accablant, en particulier pour le premier ministre travailliste de l’époque, Tony Blair. « Pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, a souligné le rapporteur, le Royaume-Uni a participé à l’invasion et à l’occupation complète d’un Etat souverain. »

Peu après la publication du document, M. Blair s’est exprimé lors d’une conférence de presse : « C’était la décision la plus difficile que j’ai jamais prise, a déclaré Tony Blair. Je l’ai prise de bonne foi. J’en endosse l’entière responsabilité. J’éprouve plus de peine, de regrets et d’excuses que vous pouvez l’imaginer. »

Fort de douze volumes et de 2,6 millions de mots, le rapport Chilcot, rendu public mercredi établit que M. Blair s’est appuyé sur son propre jugement alors que les services de renseignement « n’avaient pas établi de façon incontestable » que Saddam Hussein, le dictateur qu’il s’agissait de renverser, continuait de produire des armes chimiques et biologiques. En particulier, devant la Chambre des communes, le 24 septembre 2002, Tony Blair a présenté « avec une certitude qui n’était pas justifiée [la] sévérité de la menace » posée par ces armes de destruction massive.

Le rapport souligne la docilité du premier ministre à l’égard du président américain Georges W. Bush, et même ses pressions en faveur d’une invasion. Le 28 juillet 2002, dix mois après le 11-Septembre, le premier ministre britannique assurait par écrit le président américain : « Je serai avec vous quoiqu’il arrive. »

Cent soixante-dix-neuf soldats tués en Irak

Or, selon le rapport Chilcot, non seulement Saddam Hussein ne posait pas de menace imminente, non seulement « la stratégie de confinement [poursuivie par les Nations unies] pouvait continuer pendant un certain temps », non seulement « le Royaume-Uni a sapé l’autorité du Conseil de sécurité de l’ONU », mais en plus « les conséquences de l’invasion ont été sous-estimées ». Selon M. Chilcot, le gouvernement britannique « a échoué à prendre en compte l’ampleur de la tâche nécessaire pour stabiliser, administrer et reconstruire l’Irak et les responsabilités qui allaient incomber au Royaume-Uni ». A propos des relations anglo-américaines, le rapport estime qu’« un soutien inconditionnel n’est pas nécessaire lorsque nos intérêts ou notre appréciation diffèrent ».

C’est peu dire que les conclusions du rapport, commandé le 15 juin 2009 par Gordon Brown, successeur de M. Blair à Downing Street, étaient attendues. Les familles des 179 soldats britanniques morts en Irak menaçaient même de poursuites judiciaires en cas de nouveau report. En 2009, au moment du retour des derniers combattants, M. Brown, avait annoncé que les investigations dureraient un an.

Sept ans plus tard, l’enquête était devenue un mauvais feuilleton et son indépendance mise en doute, tant les services du premier ministre ont tenté – finalement en vain – d’empêcher la déclassification de documents, notamment la correspondance entre Tony Blair et George Bush, et tant M. Blair lui-même a multiplié les embûches et les « droits de réponse ». Dans l’intervalle, 120 personnes, dont MM. Blair et Brown ont été entendues, pour un coût de 10 millions de livres (11,7 millions d’euros), l’un des membres de la commission est mort et M. Chilcot lui-même a fêté ses 77 ans.

La publication officielle du rapport a été organisée dans un centre de conférences en face du Parlement de Westminster, en présence de familles des militaires décédés. Certaines envisagent de s’appuyer sur ses conclusions pour lancer des poursuites à l’encontre de Tony Blair. « Il a détruit nos familles. On devrait lui retirer tout ce qu’il possède, témoignait ainsi le père d’un soldat mort au front. Cette guerre était illégale. Mon fils est mort pour rien. »

Devant le centre de conférences où devait être présenté le rapport Chilcot sur l’engagement britannique dans la guerre contre le régime de Saddam Hussein, à Londres, le 6 juillet 2016. Matt Dunham / AP

Devant le centre de conférences où devait être présenté le rapport Chilcot sur l’engagement britannique dans la guerre contre le régime de Saddam Hussein, à Londres, le 6 juillet 2016. Matt Dunham / AP

« Pas d’opinion sur la légalité de l’intervention »

Alors que les Verts et l’aile gauche du Parti travailliste – dont son chef actuel Jeremy Corbyn – militent afin que M. Blair soit poursuivi pour « complicité de crimes de guerre », le rapport « n’exprime pas d’opinion sur la légalité de l’intervention militaire », renvoyant la question à la compétence d’une cour internationale.

Devant le centre de conférence, sur un podium dressé par la coalition « Stop the war », très active en 2003 et dont M. Corbyn a longtemps été le président, un personnage portant un masque de Tony Blair avait pris place entre deux faux juges perruqués. « Blair a menti. Des milliers de gens sont morts », claquait la banderole. « Blair est un criminel de guerre », a lancé Caroline Lucas, la dirigeante des Verts.

Aux Communes, un débat de deux jours sur le rapport Chilcot sera organisé mi-juillet. Mais dès mercredi après-midi, moment traditionnel des questions au gouvernement, le premier ministre démissionnaire David Cameron et le chef contesté du Labour, Jeremy Corbyn, se sont exprimés.

M. Cameron a appelé à « retenir les leçons du rapport » Chilcot. « Il serait faux d’en conclure que la Grande-Bretagne ne doit pas soutenir les Etats-Unis, a-t-il tempéré. Il serait faux d’en conclure qu’une intervention armée ne peut être couronnée de succès. » Le locataire en fin de bail de Downing Street avait reporté la publication du rapport Chilcot au-delà du référendum du 23 juin, pour ne pas perturber le Labour dans la campagne contre le Brexit, mais aussi pour l’affaiblir une fois la victoire passée. Le scénario s’est révélé différent : il a perdu le référendum et le Labour est depuis lors en état de guerre civile.

Une « catastrophe » selon le chef du Labour

Son chef, Jeremy Corbyn, a mis en cause les dirigeants de l’époque pour « tromperie dans l’engagement de la guerre ». « Tous ceux qui ont pris les décisions mises en évidence dans le rapport Chilcot doivent subir les conséquences de leurs actes quelles qu’elles soient », a-t-il ajouté, visant implicitement Tony Blair. « L’invasion et l’occupation de l’Irak ont été une catastrophe, a poursuivi M. Corbyn. Elles ont conduit à casser la confiance dans la politique et dans les institutions. »

Rappelant l’énorme manifestation anti-guerre organisée en février 2003 au Royaume-Uni et dans d’autres pays, le chef du Labour a ajouté : « Pendant que la classe gouvernante se trompait si cruellement, une large partie de notre peuple a eu raison. » Une remarque qui renvoie directement à sa situation actuelle. Jeremy Corbyn, appelé à la démission par 80 % des députés travaillistes en raison de son faible engagement pro-européen dans la campagne contre le Brexit, se maintient en poste en se prévalant du mandat (59,5 %) qu’il a reçu de la base du parti.

Philippe Bernard

Source Le Monde 06/07/2016

 

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Le cinéaste iranien Abbas Kiarostami est mort à l’âge de 76 ans

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C’est une perte majeure, celle d’un immense artiste – par ailleurs photographe, poète et peintre – qui aura marqué d’une empreinte indélébile l’histoire du cinéma mondial. Le réalisateur iranien Abbas Kiarostami est mort à 76 ans, a-t-on appris lundi 4 juillet, des suites d’un cancer. Selon l’agence de presse ISNA, le réalisateur, dont l’état de santé s’était dégradé, avait quitté Téhéran la semaine dernière pour subir un traitement en France, après avoir été opéré à la mi-mars dans la capitale iranienne.

La vie s’arrête donc, y compris pour l’auteur de Et la vie continue. Dans ce film magnifique de 1992, un cinéaste de Téhéran, double de l’auteur, revenait en compagnie de son fils sur les lieux du tournage d’un film précédent, où venait de se produire un tremblement de terre meurtrier, à la recherche de survivants parmi les enfants qui y avaient participé.

Cette quête de la vie dans un paysage de mort, cette aspiration humaniste sous le carcan qui oppresse, fut en vérité l’admirable constante de l’œuvre d’Abbas Kiarostami. Une œuvre menée avec courage sous les fourches caudines de la censure islamique, jusqu’à épuisement de l’auteur, parti tourner sous d’autres cieux lorsque le régime durcit son autorité.

L’instigateur d’un nouveau cinéma iranien

Né à Téhéran le 22 juin 1940, formé aux Beaux-Arts, réalisateur de films publicitaires, Abbas Kiarostami participe en 1969 à la création du département cinéma de l’Institut pour le développement intellectuel des enfants et des jeunes adultes (le Kanoun), dans le cadre duquel il va réaliser de nombreux courts-métrages. Ce sont des films à vocation civique et pédagogique, d’emblée sublimés par le sens effarant de la mise en scène qui s’y exprime.

Le tout premier, réalisé en 1970 et intitulé Le Pain et la Rue, annonce le génie de Kiarostami à transformer un scénario de trois lignes en un monument de comédie humaine, ipso facto en morceau d’anthologie du cinéma. Ici, l’histoire d’un garçonnet cheminant par les ruelles pour ramener le pain du déjeuner à la maison, quand un chien menaçant, soudain, lui barre la route.

En 1979, commencé sous le régime du Chah, il réalise Cas n° 1, cas n° 2. Un exemple de dilemme moral comme il les affectionne (des élèves exclus de la classe pour chahut, puis la dénonciation par l’un d’eux du coupable) qu’il soumet à l’appréciation de diverses personnalités, dans ce qui est devenu, durant le tournage, la République islamique d’Iran. Beau panel utopique, qui réunit un communiste, un rabbin, des artistes, ainsi que l’ayatollah Sadeq Khalkhali, homme affable qui se montre l’un des plus libéraux envers les enfants. C’est le même qui, au titre de chef du Tribunal révolutionnaire, fera pendre haut et court des centaines d’opposants au régime. Le film disparaît rapidement de la circulation.

Le Kanoun n’en devient pas moins, sous l’impulsion de Kiarostami, le havre d’une relative liberté artistique, en même temps que le laboratoire d’un nouveau cinéma iranien qui émerge sur la scène internationale. L’Asie, en effet, prend à cette époque le relais des nouvelles vagues qui refluent partout ailleurs. De Taïwan (Hou Hsiao-hsien), de Hongkong (Wong Kar-waï) et donc aussi d’Iran, renaissent des propositions esthétiques stimulantes. Etonnamment, sous un régime autoritaire et iconoclaste, que tout semble vouer à devenir un no man’s land cinéphilique, apparaît un courant qui, se fortifiant des interdits de représentation qu’on fait peser sur lui, requalifie à nouveaux frais, par son mode opératoire et sa vive préoccupation sociale, le néoréalisme italien.

L’enfance comme motif central

Avant que les cinéphiles ne découvrent sur la scène des plus grands festivals cette silhouette qui leur deviendra familière – lunettes fumées, élégance discrète, humour fin, sourire désarmant –, on peut dater le moment de sa découverte en France. C’était en mars 1990, avec la sortie en salles de son quatrième long-métrage, Où est la maison de mon ami ? (1987). L’histoire simple, et néanmoins épique, d’un garçonnet qui a chipé le cahier de son ami, et cherche, de village en village, à le lui rendre, faute de quoi il pourrait se faire renvoyer de l’école. Le film, remarquable, tend vers le conte et condense l’esprit du cinéma de Kiarostami : l’enfance comme motif central, la fraîcheur revigorante du regard porté sur le monde, le dépouillement de l’argument allant de pair avec la complexité de la structure narrative.

Mais à peine découvert, le cinéaste change déjà de braquet. Il signe en 1990, avec Close up, le premier d’une série de chefs-d’œuvre qui le consacre comme l’un des plus grands cinéastes du monde. L’utilisation du document comme source d’une fiction indécidable est renforcée, le vertige baroque creusé. Le film reconstitue la trame d’un fait divers, avec dans son propre rôle le principal protagoniste : Hossein Sabzian, un imposteur cinéphile qui se fait passer pour le célèbre réalisateur Mohsen Makhmalbaf. Kiarostami a également eu la possibilité de filmer le vrai procès de Sabzian, dont le verdict est infléchi par la présence des caméras. Ici donc, l’entremêlement entre la réalité et la fiction, la réflexion sur la passion du cinéma et son rapport à la vraie vie atteignent un point de fusion et de jouissance étourdissant.

A 50 ans, le cinéaste va vivre la décennie la plus fertile de sa carrière. Et la vie continue (1992) et Au Travers des oliviers (1994) suivent Où est la maison de mon ami ?, chacun renvoyant à un élément, réel ou fictionnel, qui touche au précédent, la trilogie tissant une trame fascinante où la figure du cinéaste et le processus du tournage se trouvent chaque fois remis en abyme selon le principe des poupées russes. Le miracle en l’espèce est que cette construction retorse est conçue pour redonner droit à l’accident, à la pure présence, à la vie débarrassée des scories de l’apprêt.

Un « code » Kiarostami

En 1997, arrive ce qui devait arriver : Le Goût de la cerise (1997) remporte la Palme d’or au Festival de Cannes. L’histoire d’un type nommé « monsieur Badii », dont l’idée fixe est de se suicider, et donc de trouver une main charitable pour jeter de la terre dans la fosse où il escompte terminer ses jours. Sillonnant les environs de Téhéran dans un antique 4 × 4, ce singulier pionnier du covoiturage propose le marché à chaque passager qu’il embarque. Deux ans plus tard, effleurant avec toujours autant de grâce la dialectique de la mort et de la vie, Kiarostami donne Et le vent nous emportera (1999), une sorte d’En attendant Godot installé dans un village du Kurdistan, où un anthropologue qui attend de pouvoir observer les rites funéraires locaux finit par sauver la vie d’un ouvrier prisonnier d’un trou.

A cette date, un « code » Kiarostami s’est imposé à tous les cinéphiles. Routes serpentines accrochées aux vallons, paysages somptueux traversés de voitures-caméras, panoramiques amples et langoureux, récits tragiques et drôles, délibérément indéterminés. Une croyance s’en dégage : un film ne sera jamais que le début d’un chemin qui s’achève dans l’esprit du spectateur. Artiste de la dépossession, comme Kafka avait imaginé un artiste du jeûne, Kiarostami crée en un mot un cinéma qui est une épreuve de la liberté dans un système qui n’a de cesse de la contraindre.

Cette inclination le conduira plus loin dans la remise en cause des prérogatives de l’auteur et de la mise en scène. Une nouvelle période va ainsi s’ouvrir, plus expérimentale, qui privilégie le dispositif, manière de laisser le monde entrer à plein dans le cadre plutôt que de le subjuguer. Force est de constater que cette inflexion a lieu au moment où, en Iran, la lutte entre les forces réformatrices et conservatrices est en train de tourner à l’avantage des secondes. Après vingt ans de régime islamique, dont dix consacrées à attaquer et à interdire l’artiste célébré en Occident, une possible lassitude a peut-être gagné Kiarostami, dont les deux derniers films n’évoquent sans doute pas pour rien le motif de l’enterrement vivant.

Ten (2002) inaugure donc une série de films, dont le minimalisme va aller s’accentuant (Five, Shirin…), estompant de fait la présence de ce maître du cinéma sur la scène internationale. Le premier titre reste le plus exaltant : une séduisante conductrice dans la circulation de Téhéran, deux caméras installées sur le tableau de bord, dix séquences numérotées de 10 à 1, correspondant chacune à un personnage qui monte à bord. Une société réelle, ayant soif de démocratie, y bout d’impatience. On connaît la suite. Election de Mahmoud Ahmadinejad comme président en 2005, répression sanglante des manifestants lors de sa réélection en 2009.

« Je ne renoncerai jamais à mon métier »

Kiarostami change alors de cap : le tournage à l’étranger, possiblement avec vedette. Au fond de lui-même, y croît-il vraiment, lui qui avait naguère défendu la nécessité pour le cinéaste de demeurer sur son terreau ? Copie conforme (2010), variation rossellinienne avec Juliette Binoche, puis Like Someone in Love (2012), respectivement tournés en Italie et au Japon, confirmeraient ce doute, sans le moindre déshonneur. Son ultime tournage, resté inachevé en raison de la déclaration brutale de sa maladie, aura eu lieu en Chine. Kiarostami aurait d’ailleurs pu, de longue date, s’installer à l’étranger. Il s’y est toujours refusé, car il lui importait de tourner dans son pays, auquel le rattachait, spirituellement et plastiquement, toute la tradition poétique et picturale persane, très sensible dans ses films.

Ce souci justifiait le refus courtois qu’il opposait aux sollicitations politiques des journalistes occidentaux. Mais en juillet 2009, dans les jours les plus noirs de la répression, il n’y tint plus. Déclarant, alors qu’on le retrouvait en Toscane sur le tournage de Copie conforme :

« La situation politique est telle que la possibilité même d’y travailler paraît très compromise. Et je ne sais pas, franchement, si ça sera possible à l’avenir. Nous sommes ici informés tous les jours, par Internet, des événements qui ont lieu en Iran. Ce qui nous parvient de la violence de la répression donne l’impression qu’une page vient d’être tournée, sans retour. Pour ce qui me concerne, tout ce que je sais, c’est que je veux retourner à Téhéran, que mon désir est de tourner des films dans mon pays. J’ai été jusqu’à présent un citoyen très conciliant, dans la mesure où l’on ne montre plus mes films en Iran depuis douze ans. Si la situation devait encore empirer, si l’on me privait de mes droits, une chose est certaine, c’est que je ne renoncerai jamais à mon métier. »

Poignante déclaration d’un créateur épuisé par le combat contre l’obscurantisme. Comment, s’agissant de sa propre mort, ne pas songer à l’épilogue sublime, une des plus belles fins de l’histoire du cinéma, du Goût de la cerise ? A ce monsieur Badii, allongé dans sa fosse par une nuit orageuse, à sa solitude infinie et silencieuse sous le ciel sombre et déchiré, à l’écran noir qui le fait durablement disparaître, avant ce retour inopiné du jour et du mort dans une prise vidéo d’amateur et phosphorescente de la fin du tournage.

On y voit Badii fumer une cigarette avec Kiarostami, on y accueille la lumière frémissante d’une aube nouvelle, on y suit des soldats jouer comme des enfants, on y entend s’élever un bouleversant instrumental du funèbre Saint James Infirmary. Ebloui, sonné, on n’y comprend plus rien : « twist » conceptuel ? Résurrection de Badii ? Pied de nez à la censure religieuse qui proscrit le suicide ? Du moins voit-on que la vie, bel et bien, continue.

Jacques Mandelbaum

Source Le Monde 04/07/2016

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Etats-unis : Hillary Clinton et Donald Trump face au casse-tête du Proche-orient

Hillary-Clinton-candidate-d-mocrate-pr-sidentielle-am-ricaineLa fusillade meurtrière d’Orlando aux États-Unis a atteint de plein fouet la campagne des deux candidats à la présidence qui doivent s’affronter dans les urnes le 8 novembre 2016. Elle ne sera pas sans conséquences sur leur attitude face à des dossiers aussi brûlants que l’islam et le Moyen-Orient, en proie à des bouleversements politiques, communautaires et militaires exceptionnels. Outre le front ukrainien et la tension en mer de Chine, les crises syrienne et irakienne et leur corollaire Daech, les suites de l’accord sur le nucléaire iranien et le conflit israélo-palestinien sont les dossiers de politique étrangère les plus brûlants que Barack Obama s’apprête à léguer à son successeur.

Quelle sera l’attitude d’Hillary Clinton et Donald Trump face à ces casse-têtes?  Seule l’évolution de ces foyers de tension le dira, même s’il existe un début de réponse pour chacun.

Hillary Cliton affiche une tendance interventioniste
Forte de son expérience d’ex-première dame des Etats-Unis et d’ex-secrétaire d’Etat sous la présidence Obama, Hillary Clinton est solidement rodée à ces terrains friables.

La candidate démocrate à la Maison Blanche a clairement affiché dans sa campagne une tendance interventionniste dans les zones de crises, par opposition au président sortant qui lui apporte désormais son soutien.

Dans le conflit qui oppose Israéliens et Palestiniens depuis plus de soixante-dix ans, l’épouse de Bill Clinton, l’homme qui a accueilli la première poignée de mains entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, donne la priorité à la sécurité de l’Etat hébreu tout en restant partisane d’une solution à deux Etats.

Lors de l’incontournable passage devant l’American Israel Public Affaires Committe (AIPAC), le principal lobby américain pro-israélien, elle a ironisé sur son rival républicain. «Oui, nous avons besoin de constance, a-t-elle assuré, pas d’un président qui dit qu’il est neutre le lundi, pro-Israël le mardi et on ne sait quoi d’autre le mercredi, parce que tout est négociable. La sécurité d’Israël n’est pas négociable».

Donald Trump veut «redonner à l’Amérique sa grandeur» 
De son côté, le candidat républicain Donald Trump a construit sa campagne sur le mot d’ordre «redonner à l’Amérique sa grandeur», tout en laissant croire qu’il se désintéressait des questions internationales ou encore qu’il prônait un isolationnisme pour mettre le pays à l’abri des tumultes du monde.

Donald-Trump-candidat-r-publicain-pr-sidentielle-am-ricaineMais, «quand je serai président, a-t-il déclaré à son tour devant l’AIPAC, il en sera fini des jours où l’on traitait Israël comme un citoyen de seconde zone». Il s’est même engagé «à reconnaître Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreu et à transférer l’ambassade américaine de la Tel Aviv à la Ville sainte», tout en se disant, lui aussi, favorable à la solution des deux Etats.

Et comme il ne tergiverse pas non plus sur la sécurité d’Israël, il a juré de «démanteler l’accord catastrophique signé entre les grandes puissances et l’Iran sur son programme nucléaire», ajoutant : «Obama est peut-être la pire chose qui soit jamais arrivée à Israël».

Sur ce dossier, Hillary Clinton a soutenu l’accord avec l’Iran, en dépit de son amitié avec le Premier ministre israélien. Elle se dit toutefois prête à rétablir les sanctions unilatérales contre Téhéran en cas de non respect des engagements, voire à engager des actions militaires si besoin.

Des positions fluctuantes sur la Syrie, l’Irak et Daech
Concernant les crises syrienne et irakienne et l’apparition du phénomène Daech, les deux candidats ont des positions qui fluctuent au rythme des événements.

Dans un email daté de décembre 2012 et révélé par Wikileaks en mai 2016, celle qui n’était encore que secrétaire d’Etat avait écrit : «la meilleure manière d’aider Israël à gérer la capacité nucléaire grandissante de l’Iran est d’aider à renverser le régime de Bachar al-Assad».

On ne s’étonnera donc pas qu’elle soit favorable à une intervention en Syrie, comme elle l’avait été pour la Libye. Ralliée bon gré mal gré à la politique résolument pacifiste de Barack Obama, elle pourrait renouer avec son choix premier pour redonner aux Etats-Unis son rang de «gendarme du monde» comme elle le souhaite.

Quant à Daech, elle estime que «la création de l’Etat islamique est principalement et avant tout le résultat d’une situation désastreuse en Syrie causée par Bachar al-Assad qui est appuyé par l’Iran et la Russie».

Des perceptions opposées de Vladimir Poutine
Une manière de souligner la relation exécrable qu’elle entretient avec Vladimir Poutine. En mars 2014, elle avait dit à son propos : «si vous avez l’impression d’avoir déjà vu ce qui se passe en Ukraine, c’est parce que c’est ce qu’a fait Hitler dans les années 30».

Donald Trump, qui respecte Vladimir Poutine parce qu’il est «un homme respecté», préconise de laisser au Président russe et à son protégé Bachar al-Assad le soin de régler leur compte aux combattants de l’organisation de l’Etat islamique.

Plus globalement, le candidat à la coiffure coiffure excentrique regrette le temps de Moammar Kadhafi et de Saddam Hussein. «Le monde était meilleur avec eux» dit-il, parce qu’ils ne laissaient pas le choix aux terroristes, «ils les tuaient immédiatement».

Des rapports orageux avec les pétromonarchies du Golfe
Enfin, en ce qui concerne les relations avec les pétromonarchies du Golfe, les deux candidats entretiennent les mêmes rapports orageux avec des pays pourtant alliés.

«Il est plus que temps que les Saoudiens, les Qataris, les Koweitiens et d’autres empêchent leurs ressortissants  de financer des organisations extrémistes», a déclaré Hillary Clinton après le massacre homophobe d’Orlando.

Quant à Donald Trump, qui veut purement et simplement interdire l’entrée des musulmans sur le territoire américain, il estime que les Etats-Unis «protègent les Saoudiens en échange de presque rien. Et sans notre protection, ajoute-t-il, ils ne survivraient pas plus d’une semaine».

Alain Chémali

Source : Geopolis15/06/2016

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L’Unicef dénonce l’exploitation des migrants mineurs dans les « jungles » françaises

 Dans la « jungle » de Calais, les 6 et 7 avril. Sarah AlcalayL pour Le Monde

Dans la « jungle » de Calais, les 6 et 7 avril. Sarah AlcalayL pour Le Monde

Violés, contraints de se prostituer, de voler, d’accomplir des corvées quotidiennes dans les camps ou d’aider à faire monter des migrants dans les camions… Les mineurs non accompagnés qui campent à Calais (Pas-de-Calais), Grande-Synthe (Nord) et dans cinq petites jungles voisines sont la proie des passeurs. Signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant, la France leur doit pourtant assistance et protection.

Trois sociologues ont passé quatre mois sur le littoral de la Manche et dans le Calaisis, explorant les campements jusqu’à Cherbourg (Manche). Ils y ont réalisé des entretiens approfondis avec 61 jeunes venus seuls d’Afghanistan, d’Afrique subsaharienne, d’Egypte, de Syrie ou du Kurdistan.

Commandé par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), leur travail permet de comprendre qui sont ces quelque 500 enfants et adolescents (dont douze ont moins de 14 ans et même trois moins de 12 ans), comment ils sont arrivés et dans quelles conditions ils survivent.

Cinq euros la passe

Sur le littoral du nord de la France, la situation est extrêmement difficile. « Pour trouver une place à Norrent-Fontes [Pas-de-Calais] ou Stenvoorde dans le département du Nord [deux des petits campements plus « humains » que Calais], le droit d’entrée est de 500 euros », dit Alexandre Le Clève, un des auteurs de l’enquête. A Calais, certains jeunes Afghans paieraient aussi 100 euros comme droit d’entrée pour obtenir une place et la protection d’un passeur.

Les chercheurs ont mis à jour le système qui permet aux mineurs désargentés de s’installer malgré tout dans un campement et de passer au Royaume-Uni. « Les entretiens avec les jeunes filles éthiopiennes, érythréennes ou kurdes ont permis d’identifier un échange de services sexuels contre la promesse d’un passage outre-Manche ou en vue d’accéder à certains terrains », rapporte Olivier Peyroux, coauteur de l’enquête.

« A Norrent-Fontes ou à Steenvoorde, des hommes et quelques filles ont abordé le sujet », insiste le sociologue. C’est le cas de Yohanna, citée comme une « jeune de 16 ans qui cache son âge » parce qu’elle craint de se retrouver placée dans un foyer pour mineurs loin de la côte. « On est trente sous les tentes, a-t-elle expliqué. Quand on n’a plus d’argent, on s’arrange. »

Le travail des sociologues révèle que des femmes sont conduites des jungles des Hauts-de-France à Paris pour se prostituer avant d’être ramenées vers la côte et remplacées par d’autres la semaine suivante. Une vingtaine d’entre elles se prostitueraient aussi dans les bars de la jungle pour cinq euros la passe.

Travailler pour rembourser

Pour les garçons, ultra-majoritaires, la situation n’est pas plus enviable. Dans les jungles où l’on manque de tout, les corvées qui leur échoient sont nombreuses. Aller chercher l’eau, attendre aux douches pour le compte d’une tierce personne, faire la lessive, jouer le guetteur sur les aires contrôlées par les passeurs, faire monter les migrants dans les camions vers le Royaume-Uni… Les auteurs de l’enquête ont listé au fil de leurs entretiens toutes ces tâches auxquels certains sont contraints pour espérer un passage à leur tour.

Les chercheurs notent que d’autres empruntent de l’argent pour payer leur passage, « ce qui fait craindre une exploitation économique une fois qu’ils sont passés outre-Manche », rappelle Olivier Peyroux, qui a souvent entendu ces adolescents expliquer qu’ils travailleront pour rembourser.

C’est le cas d’Akar, un jeune Kurde irakien qui doit 9 000 euros à son frère coiffeur, qui vit au Royaume-Uni, ou de Zoran, kurde lui aussi, qui a une dette de 5 000 euros envers son père, resté en Iran.

Commanditaire de cette étude, le directeur de l’Unicef France, Sébastien Lyon, s’alarme de cette situation et demande en urgence « la création de lieux de protection spécifique pour mineurs, où ils seraient accueillis de manière inconditionnelle. Parce qu’il est grave que ces adolescents n’aient aucune idée de leurs droits en France », insiste-t-il.

Les foyers ne répondent pas aux besoins des adolescents

Ces lieux de « protection » ne peuvent selon lui qu’être installés sur place, sécurisés et réellement dédiés aux mineurs non accompagnés du Pas-de-Calais, du Nord, de la Manche et même au sein du futur campement humanitaire envisagé à Paris.

Les efforts faits par France Terre d’Asile, dont les maraudes ont permis de mettre à l’abri 1 403 jeunes en 2015, se sont soldés dans 84 % des cas par des fugues. Trop éloignés de la jungle de Calais, les foyers ne répondent pas aux besoins des adolescents. Et, dans les autres départements étudiés par les deux chercheurs, qui sont allés jusqu’à Cherbourg, l’offre est encore moindre.

La France ne respecte donc pas la Convention des droits de l’enfant. Pas plus qu’elle n’a réellement donné suite au jugement du Conseil d’Etat du 23 novembre 2015, qui l’enjoignait « de procéder au recensement des mineurs isolés en situation de détresse et de se rapprocher du département du Pas-de-Calais en vue de leur placement ».

Pas plus qu’elle n’a entendu le dernier avis du Défenseur des droits, le 20 avril, demandant une mise à l’abri des mineurs sur le site. Autant de prises de paroles qui rappellent que la simple présence d’un enfant dans la « jungle » justifie sa protection et sa mise à l’abri.

Mercredi 15 juin, les dix associations les plus présentes sur les jungles ont signé un communiqué commun s’inquiétant que « l’Etat et le Conseil départemental du Pas-de-Calais ne semblent pas du tout avoir pris la mesure de la gravité et de l’urgence de la situation et ne peuvent abandonner ces enfants qui ont fui la guerre et l’horreur ». Eux aussi demandent la mise en place de structures adaptées en urgence.

Assurer un revenu à la famille

L’Etat a préféré mettre l’accent sur la procédure de regroupement familial, autorisant quelques dizaines de mineurs dont la famille très proche vit outre-Manche à gagner légalement le Royaume-Uni. Plusieurs dizaines de dossiers sont ouverts, quelques jeunes ont rejoint leur famille, mais le processus est très lent et les sociologues sont convaincus que ces cas portés par la France ne feront pas avancer la cause de la majorité de jeunes échoués là.

Ils évaluent leur nombre à 500 au moment où ils ont enquêté. Compte tenu des passages outre-Manche, plus d’un millier d’adolescents séjournent dans le nord de la France au cours d’une année.

Conçu comme un outil pour les pouvoirs publics, qui méconnaissent ces jeunes migrants, le travail de l’Unicef s’intéresse aussi à leur histoire. « Si je prends l’exemple des jeunes Afghans, les plus nombreux sur les sites, puisqu’ils seraient entre 100 et 200 à Calais, ils sont souvent envoyés par le père pour rejoindre, au Royaume-Uni, un oncle qu’ils connaissent à peine. Il s’agit de les mettre à l’abri de l’enrôlement et d’assurer un revenu à la famille restée au pays », rappelle Olivier Peyroux.

Les deux universitaires ont observé que beaucoup d’entre eux n’arrivent pas à sortir de cette mission qui leur est confiée. Aussi, ils vivent les violences de Calais, après celles qu’ils ont souvent déjà connues sur la route, comme une sorte de fatalité.

L’enquête permet aussi de comprendre que Paris fonctionne comme une base arrière où ces migrants mineurs reviennent, soit pour repartir vers un autre port transmanche, soit pour aller vers le nord de l’Europe via l’Allemagne et le Danemark, soit simplement pour gagner de l’argent. Autant d’informations que Sébastien Lyon livre aujourd’hui aux autorités en espérant qu’elles contribuent à améliorer la prise en charge des mineurs isolés par la France.

Maryline Baumard

Source : Le Monde 16/06/2016

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