Après une descente de police au siège du syndicat des journalistes, ceux-ci se mobilisent contre les violences policières.
La contestation contre le pouvoir monte au sein de la société égyptienne.
Le syndicat des journalistes égyptiens, au centre-ville du Caire, a des allures de forteresse assiégée. Toutes les rues qui y mènent sont bloquées par un impressionnant cordon de policiers.
Devant eux, quelques dizaines de partisans du régime amenés en bus brandissent des portraits du président Sissi et insultent les journalistes. Ces derniers répondent au cri de « Liberté! Liberté! ».
Deux journalistes arrêtés pour « complot »
Mercredi, à l’intérieur du bâtiment, des centaines, des milliers peut être, de journalistes se sont réunis en assemblée générale. Une réunion historique en réponse à l’arrestation dans ses locaux, le 1er mai, des deux journalistes Amr Badr et Mahmoud El Sakka, accusés de « complot » contre l’État. Des accusations fantaisistes, selon leurs proches. Une première dans l’histoire du syndicat, dernier lieu de la capitale où la contestation du régime est encore possible.
« Notre dignité a été blessée par cet événement », assure le journaliste Karem Yehia, qui collabore avec le grand journal gouvernemental Al-Ahram. Les journalistes demandent la démission du ministre de l’intérieur, Magdy Abdel Ghaffar, les excuses du président Sissi et la libération des journalistes emprisonnés – 29, selon le syndicat.
Le président Sissi déstabilisé
En s’adressant directement à l’homme fort du pays, les journalistes démontrent qu’il n’est plus intouchable. L’ex-maréchal, élu lors d’un scrutin contesté en mai 2014, a longtemps joui d’une forte popularité.
Mais la répression tous azimuts et les ratés de l’économie font monter le mécontentement. L’accord intervenu le mois dernier entre Riyad et Le Caire, par lequel le président Sissi a donné deux îles égyptiennes du Sinaï à l’Arabie saoudite – qui les revendiquent – a provoqué des critiques sans précédent.
Le 15 avril, des milliers de manifestants se sont réunis autour du syndicat des journalistes pour réclamer le retour des îles dans le giron égyptien. Des slogans anti-régime sont réapparus. Les activistes espéraient rééditer l’exploit le 25 avril, mais la police les en a empêchés. Selon l’ONG Human Rights Watch, au moins 382 personnes ont été arrêtées, dont plusieurs dizaines de journalistes.
D’autres syndicats ont apporté leur soutien aux journalistes. « Notre combat se situe au cœur du processus de démocratisation, pour toute la société égyptienne », estime Hamdine Sabbahi, leader politique nassérien qui s’était présenté face à Abdel Fattah Al Sissi, lors de la dernière élection.
D’éventuelles actions des journalistes à suivre
« Pendant la révolution de 2011, les Égyptiens réclamaient le pain, la liberté et la dignité. Aucune de ces revendications n’ont abouti. Les luttes, comme celle des journalistes, vont se multiplier. Mais à court terme, je ne suis pas optimiste?: le pouvoir ne répondra pas aux demandes des journalistes. Ce n’est pas dans la nature du président Sissi de s’excuser… », s’inquiète Mavie Maher, une réalisatrice égyptienne présente au syndicat.
Alors que le président inaugurait mercredi 4 mai un projet agricole dans le désert, il n’a pas évoqué une seule fois la crise pendant son discours.
Les journalistes annonceront mardi 10 leurs actions prochaines, si leurs demandes ne sont pas acceptées. « Ce sera très dur pour cette dictature de renvoyer son ministre de l’intérieur, estime Karem Yehia. Mais nous devons maintenir la pression. Nous espérons tous que ce n’est qu’un début. »
Les jeunes de Nuit debout sont venus occuper un parc menacé par des constructions, en soutien aux habitants en lutte. Ce poumon vert est indispensable pour l’harmonie de ce quartier de Montpellier. Les enfants apprécient : ils jouent dans le parc !
Les barrières de chantier ont été écartées pour ouvrir un passage. Un panneau coloré peint par des petites mains sur un grand morceau de carton annonce aux passants : « parc ouvert ». Au-delà, un étroit chemin s’enfonce entre les arbres pour déboucher sur une esplanade enherbée, dominée par une petite colline. De là haut, la vue embrasse les immeubles cernant l’unique espace vert du quartier. « Il faut venir au petit matin, on entend le concert des oiseaux », confie Aida Gradenigo, habitante de l’un des appartements HLM de la résidence Las Rébès à Montpellier, installée au pied de ce parc.
Depuis dix jours, l’élégante dame aux cheveux blancs n’est plus seule à les écouter le matin. Les lieux ont été investis par quelques dizaines de « jeunes » -étudiants, stagiaires, travailleurs -, venus avec leurs tentes et leurs outils au cœur de ce quartier populaire pour y installer une ZAD -comprenez « zone d’activité démocratique ». Ces nouveaux occupants ont répondu à un appel à l’aide des habitants du quartier. Ils sont une trentaine chaque soir à dormir sur place.
« Pour nous c’est un ballon d’oxygène », assure Hachème Amirpour, retraité de 73 ans. La vue depuis chez lui donne sur le parc. Un bâtiment pourrait être construit à dix mètres seulement de ses fenêtres. Cela fait un peu plus d’un an que les habitués de « la colline », comme on l’appelle ici, ont découvert un jour de début février un permis de construire affiché à l’entrée. Ils comprennent que 63 logements sociaux répartis en trois immeubles vont bientôt s’ériger sur cet hectare de verdure. Très vite, des habitants se réunissent et se mobilisent.
Hacheme, Aida, et Jean-Michel
« Depuis que la résidence Las Rébès a été racheté par l’office public HLM de la mairie, en 1999, les logements comme le square sont moins bien entretenus. Il y a déjà 68 % de logements sociaux dans notre résidence. Le quartier est saturé, la mixité sociale est en train de disparaître, ça suffit », estime Hachème. Mais après un an de réunions de voisinage, d’actions dans le parc et autour, de protestations auprès de la mairie ou dans les consultations de quartier, et de recours juridiques, toujours pas de réponse. Un matin, une première pelleteuse est arrivée, quelques habitants l’ont empêché de commencer. Une dizaine d’entre eux se sont retrouvés assignés en justice pour « entrave à la liberté du travail », en même temps que les deux associations qui défendent cet espace boisé. « On a eu 100 euros par personne d’astreinte, plus 100 autres euros à chaque fois que l’on empêchera les travaux, et les frais de justice sont à notre charge, détaille Hachème, qui fait partie des assignés. Cela fait beaucoup, parmi nous certains ne vivent qu’avec 460 euros pas mois. » Pour éviter de nouvelles sanctions financières, son association, Poumon Vert-Las Rébès, s’est dissoute. Les Enfants de la colline, eux, ont lancé une souscription pour payer les frais de justice : 1.000 euros d’huissier plus 4.000 euros d’avocat.
Un parc au milieu des immeubles, menacé par la construction de trois nouveaux immeubles
Certains commençaient à désespérer, quand le mouvement Nuit Debout de Montpellier leur a donné un nouveau souffle. L’un des opposants a eu l’idée d’aller y raconter l’histoire du square menacé lors de l’assemblée générale. Un appel a été lancé à participer à un grand pique-nique le dimanche 17 avril. Le soir, certains plantaient leurs tentes, l’occupation était lancée.
Un centre aéré à ciel ouvert
Moins de deux semaines plus tard, on pourrait croire qu’ils sont là depuis plusieurs mois. Les bâches tendues entre les branches d’un grand peuplier abritent la cuisine. Une yourte fait office de salon-dortoir-lieu de réunion. Les eaux de la douche ruissellent vers le petit jardin en permaculture où les premières pousses pointent déjà. Le bois des arbres coupés laissé sur place a permis de construire des tipis au sol et des cabanes dans les arbres. Un peu à l’écart, un espace bureau pour les nombreux étudiants qui occupent le site a été aménagé. « On envisage aussi d’y faire du soutien scolaire », espère Jules, l’un de ceux qui a planté sa tente sous les arbres. En bordure de l’esplanade, une aire d’herbes hautes est protégée par des barrières, pour ne pas déranger les hérissons. Ils sont réputés nombreux sur la zone. Plusieurs espèces de chauve-souris ont également été repérées.
Salon, dortoir et salle de réunion : la yourte est bien utile
Camille affiche une liste des règles sur la zad. « La règle n°1, c’est l’autogestion ! », explique-t-elle. On compte sur chacun pour participer à la vie collective. Mais l’enjeu, c’est aussi de préserver le lieu -notamment en évitant des déchets – et surtout de ne pas déranger les habitants. L’alcool fort est interdit, musique, bière et vin sont proscrits après 22 heures en semaine, 23 heures le week-end. « Et tous les matins, on essaye de se lever vers sept heures pour que tout le monde soit prêt quand les gens arrivent », ajoute Camille.
La première régle est l’autogestion
Vers quatorze heures, le jardin s’anime de cris d’enfants. Le square est devenu le lieu de rendez-vous des gamins du coin. Sous la yourte, un cours de percussions s’organise. Vers le tipi des enfants, se tient un atelier peinture. Un match de foot s’installe sur l’esplanade tandis qu’une partie de balle au prisonnier commence en contrebas. Les « zadistes » font office de moniteurs de centre aéré. Pas besoin d’expliquer aux petits pourquoi une journaliste vient les voir. « Je ne veux pas qu’ils construisent parce que j’aime bien venir ici, on s’amuse », lance Bayane. « On est là pour jouer, avoir des nouvelles copines, pour profiter de la nature. C’est trop bien cet endroit, on rencontre des gens qu’on ne connaît pas ! » approuve Cherine.
Les enfants jouent entre les tentes
Certains viennent seuls, d’autres avec leurs mères. Elles, pour la plupart, se tiennent un peu à l’écart, installées sur des chaises de jardin en plastique. La majorité sont voilées. Un groupe d’ados en baskets et jogging tient conseil un peu plus près du campement. Anne, jeune maman voilée, vient avec ses deux enfants et n’hésite pas à se mêler à la bande d’occupants et d’habitants mobilisés qui fait vivre le campement : « Avant, j’avais l’habitude de traverser le parc tous les jours pour emmener les enfants à l’école. Mais on y restait peu. Depuis que c’est occupé, c’est du bonheur, on est dans la nature, les gamins ils se régalent, ils font autre chose que de regarder la télé, ils dorment mieux le soir. Et nous on rencontre des gens, des voisins. On a pris conscience de l’importance de garder ce bout de vert et on n’a plus envie de le laisser au béton. »
Tristan : « On nous rabâche qu’il faut casser les ghettos »
Tristan, la trentaine, rentre du boulot et vient promener son chien qui chahute avec les gamins. « Je viens tous les jours, raconte-t-il. J’habite ici depuis quatre ans et c’est au parc que j’ai rencontré mes voisins. Je ne comprends pas ce projet. Toute l’année, on nous rabâche qu’il faut casser les ghettos, faire de la mixité sociale, et un matin on nous dit qu’on va planter encore plus de logements sociaux dans un quartier où il y en a déjà plus de 500 ! »
Hacheme Aida Jean-michel_
« Dans un quartier avec espace vert, la criminalité baisse de 60 % »
En fin d’après-midi, deux animatrices improvisées ramènent trois petites filles qui habitent quelques centaines de mètres plus loin, dans la cité des Cévennes. Là, les immeubles sont deux fois plus haut qu’à Las Rébès. Au pied de la dizaine d’étages, se succèdent boulangerie, boucherie hallal, épicerie et tabac aux devantures délavées. La mosquée s’est installée dans un ancien supermarché. En face, entre deux barres, une dalle de béton est colonisée par une nuée d’enfants en rollers, surveillés depuis les balcons colorés de linge. On nous fait comprendre qu’il faut ranger l’appareil photo. « Il y a aussi des espaces verts chez nous », lâche une des fillettes en désignant quelques mètres carrés accueillant deux pins qui surmontent quelques buissons. « Mais c’est vrai qu’ici on tourne en rond, alors qu’au parc on fait de nouvelles activités », ajoute-t-elle.
« Le quartier s’est paupérisé ces cinq dernières années, la résidence des Cévennes est en voie de ghettoïsation et de paupérisation », affirme Jean-Michel Vidal. Ce fonctionnaire vit à Las Rébès depuis dix-sept ans. « On vient d’être classé Zone urbaine sensible. Derrière la préservation du parc il y a aussi un enjeu social. Pourquoi des gens plus démunis n’auraient-ils pas droit à un espace vert ? Ce sont justement ceux qui n’ont ni jardin, ni résidence secondaire ! Il y a une étude qui dit que dans un quartier avec des espaces verts, la criminalité baisse de 60 %. Les jeunes ont besoin d’un endroit où se détendre, où jouer au ballon, courir, au lieu d’être en bas de l’immeuble. Toute personne sensée sait ça ! »
En face, le porteur du projet de construction est ACM Habitat, l’office public de l’habitat de la métropole de Montpellier. Son président n’est autre que le maire de la ville, le divers gauche Philippe Saurel, qui rappelle que l’office a reçu 16.000 demandes de logements sociaux en 2015… Il explique également ne pouvoir arrêter un projet déjà bien avancé. Son adjointe à l’urbanisme, Stéphanie Jannin, a reçu les habitants et leur a indiqué qu’il resterait environ 7.000 mètres carrés de parc autour des futurs immeubles, à aménager en concertation.
« Mais ces espaces seront dédiés à de la voirie », craint Hachème. « Et pourquoi ne va-t-on pas mettre des logements sociaux dans les quartiers du sud-est, où ils construisent des appartements de luxe de deux cent mètres carrés ? », interroge Jean-Michel.
« Avec l’association Anticor, nous avons donc porté plainte contre X auprès du procureur de la République pour prise illégale d’intérêt. Stéphanie Jannin aurait dû se désinvestir du dossier, or elle a reçu les habitants en concertation et a fait de nombreuses prises de parole sur le sujet », explique Sébastien Lenoir, président des Enfants de la Colline. Autre espoir du côté de la voie juridique, l’association entame un recours contre le permis de construire, car le bâtiment 11 du quartier Las Rébès, juste en bordure du parc, est déjà fragilisé. La crainte est que les nouvelles constructions précipitent son effondrement.
Afin de débloquer l’affaire, les membres du conseil citoyen du quartier des Cévennes (qui contient Las Rébès et la cité des Cévennes) appelle la mairie à la concertation. Pour les occupants, cette journée de lundi risque d’être décisive : les vacances scolaires finies, les enfants seront moins présents et la police pourrait ne plus hésiter à intervenir. « Avec l’état d’urgence j’ai peur que ça se finisse en matraque et gazage », avoue Tristan. « Mais on est préparés, répond Jules. On a des listes de personnes à appeler en cas d’intervention, on peut ramener du monde. Et on a la vigie », lâche-t-il en désignant une cabane en haut du grand peuplier. Les policiers mettraient alors du temps à en déloger les occupants, suffisamment pour faire venir du renfort. Cet arbre, le seul que le projet de construction a prévu de garder, serait alors le meilleur allié des défenseurs du square.
L’historienne et psychanalyste s’exprime sur la situation politique française et sur la vie intellectuelle de notre pays, passée en trente ans des maîtres-penseurs aux essayistes ultradroitiers.
Elisabeth Roudinesco. Je crois que l’échec du communisme réel a joué un rôle décisif dans cette affaire. Dans le débat d’idées, on a entamé alors une grande révision de l’histoire de la Révolution française. François Furet nous avait expliqué que 1917 était déjà dans 1793, et que 1793 était déjà dans 1789. Mais avec les «nouveaux philosophes», on a commencé à nous dire que le goulag était déjà dans Marx. Certes, ils étaient beaux, brillants, par ailleurs très différents les uns des autres, certains sérieux, d’autres pas du tout. Mais enfin, il y avait cette thèse qui leur était commune, qu’a fort bien dénoncée Pierre Vidal-Naquet, et qui reposait sur l’illusion rétrospective et l’anachronisme: le goulag est déjà dans Marx, voire dans Hegel ! Or il n’y a pas de goulag dans Marx.
A partir de ce moment-là, on s’est mis à rejeter l’idéal révolutionnaire qui avait été porté pendant la seconde moitié du XXe siècle autant par Sartre que par des philosophes comme Foucault, qui était pourtant anticommuniste. Les médias se sont mis à émettre un doute sur la totalité des rébellions possibles puis à rejeter tout un savoir qui avait nourri ma génération. J’avais été l’élève de Deleuze, suivi les cours de Foucault et de Barthes, j’admirais profondément Lévi-Strauss. La position de la «nouvelle philosophie», c’était l’opinion contre le savoir, déjà. C’était bien visible dès ce moment-là.
Et aujourd’hui, donc, nous récoltons les fruits de ce travail de destruction ?
A partir du moment où, en quelque sorte, la Révolution française devient l’équivalent du totalitarisme, la révolution russe étant, elle, pire encore que le nazisme, alors c’est une cacophonie qui s’installe, on ne sait plus de quoi on parle. Tout cela s’est instauré tranquillement, escorté par le triomphe du libéralisme économique, des idées toutes faites, et nous avons assisté à la grande inversion de tout. Chacun s’est mis à brandir des slogans : «Sartre s’est trompé entièrement» ! Chacun s’est mis à expliquer que tout ce qui avait porté l’idéal progressiste des masses populaires était à bannir.
Or, moi, à l’époque, j’étais capable de lire Aron autant que Sartre, de penser qu’Aron avait raison à propos de Machiavel, et en même temps que Sartre avait raison d’être ce qu’il était. La pensée complexe s’est littéralement effondrée. Et, aujourd’hui, on atteint littéralement des records.
Les plus grands penseurs post-sartriens se voient insultés tous les jours. Regardez la façon dont un Zemmour attaque Foucault dans ses best-sellers, sans parler de Derrida, présenté comme un obscurantiste. Le signifiant «goulag» est partout: en 2005, dans «le Livre noir de la psychanalyse», Freud a été accusé d’avoir orchestré un goulag clinique sous prétexte qu’il n’avait pas guéri ses patients.
Tout ça est apparu depuis les années 1980, avec le risque d’une droitisation radicale de la France. Et cela parce que dans notre pays jacobin, si l’on tue l’espoir du peuple, il part vers l’extrême droite. Il faut le savoir : nous avons des démons, en France. Nous avons eu l’affaire Dreyfus, nous avons eu depuis Drumont un antisémitisme virulent, mais on a aussi l’antithèse de cela, un élan d’émancipation : Valmy ou Vichy. Je crains qu’on ne soit entré dans une période qui n’est rien d’autre que le retour des idées de l’extrême droite.
Vous pensez ainsi que nous pourrions n’être qu’au début d’un processus historique puissamment réactionnaire ?
C’est possible. Intellectuellement, je pense toutefois que tous ces polémistes réactionnaires sont déjà battus. Leurs livres n’ont aucune reconnaissance académique, ni en France ni à l’étranger. Zemmour, Onfray, Finkielkraut existent plus par leur personne et leurs opinions que par leurs travaux. C’est pour ça qu’ils sont furieux du succès de Badiou dans les universités américaines.
Mais au lieu de se mettre en colère, il faut comprendre la raison pour laquelle aujourd’hui Bruno Latour, Jacques Rancière, Tzvetan Todorov et bien d’autres sont les auteurs français vivants les plus traduits. Même chose pour la psychanalyse : les travaux d’histoire ou de critique de la culture, comme ceux de Fethi Benslama ou les miens, ont le vent en poupe, alors qu’en France, la pratique de la psychanalyse décline. Ses représentants sont, hélas, trop centrés sur le passé.
Du reste, à l’étranger, personne ne comprend pourquoi la France connaît une telle paralysie intellectuelle. Vous qui avez été proche de Lacan et de Derrida, qu’est-ce que ça vous fait de vivre au temps d’Eric Zemmour ?
Je trouve déplorable une telle apologie de la France de Vichy. Je suis fille de résistants, j’ai un récit national qui m’accompagne depuis ma naissance, en septembre 1944. Mes parents étaient gaullistes, ma mère a travaillé avec des réseaux communistes. Je ne supporte pas que l’on mette sur le même plan la Résistance et la collaboration. Ni cette apologie des écrivains collaborationnistes à laquelle on assiste. Il est de bon ton désormais de trouver que Rebatet, c’était mieux qu’Aragon ! Eh bien non. Je considère, pour les avoir lus, que Rebatet, Brasillach et Drieu La Rochelle ne sont justement pas de grands écrivains.
Certes, on a le droit de tout publier, y compris «Mein Kampf». Mais la revalorisation de Vichy accompagnée de la haine du PCF qui, bien que stalinien, a été un grand parti de la Résistance, ça ce sont des choses que je ne peux pas accepter. Je ne tolère pas davantage qu’on commence à me demander si mon nom est roumain ou pas, si je suis juive ou pas. Oui, certainement, mais je ne veux pas être assignée à résidence. On assiste aujourd’hui à une hystérisation des identités. Ce n’est pas cette France-là que j’aime, ni celle qu’on aime dans le monde, mais celle qui est porteuse de notre singularité, la France des intellectuels universalistes, celle des droits de l’homme, de Diderot à Hugo. Là, nous bafouons notre propre tradition. C’est terrible à dire, mais je sens un désir inconscient de fascisme dans ce pays.
Notre pays a aussi dû affronter l’année dernière des attentats djihadistes sans précédent. Que pensez-vous de la réponse qui a été apportée à ce climat par le gouvernement socialiste actuel ? Cette espèce d’exhortation permanente à l’union nationale, cette demande faite par le président de la République de « pavoiser » de bleu-blanc-rouge les appartements particuliers, ou encore le fameux projet de loi avorté sur la déchéance de nationalité, tout cela était-il adapté ?
Je suis une patriote, «la Marseillaise» me fait vibrer. Si c’était de Gaulle ou même Mitterrand qui nous avaient exhortés à cela, nous aurions tous vibré, d’ailleurs. Et il est tout aussi vrai que, dans les périodes comme celles-là, nous devons dire clairement qui est l’ennemi principal, à savoir l’islamisme radical, qui est contraire à nos valeurs. Oui, nous sommes en guerre, d’autant que cet islamisme nourrit les thèses détestables du Front national.
Ce troisième monothéisme est théologico-politique, il veut instaurer le califat dans le monde entier. Mais raison de plus pour ne pas renoncer à nos principes fondateurs. Je n’ai pas du tout apprécié à cet égard le projet sur la déchéance de nationalité. On peut être très ferme sur la question de l’islamisme, sur celle du voile, comme c’est mon cas, et en même temps ne pas supporter cette façon pernicieuse de diviser la gauche. Toute volonté de liquider le socialisme et de recréer une social-démocratie sans contours est de toute façon un projet voué à l’échec. Je ne peux pas accepter davantage qu’un Premier ministre se mêle de savoir qui est un bon philosophe et qui ne l’est pas, s’il faut préférer BHL ou Onfray. Ou encore ce qu’il faut penser de Houellebecq et de Todd. Laissons les intellectuels débattre entre eux.
Il n’est pas davantage acceptable d’entretenir une confusion entre antisémitisme et antisionisme. Freud n’était pas pour la création d’un Etat des Juifs, il n’était pas pour le retour à une terre promise. Cela en fait-il un antisémite ? A l’inverse, des sionistes historiques comme Zeev Sternhell critiquent férocement le gouvernement israélien, et cela n’en fait ni des antisémites ni des antisionistes. Les concepts grossiers, les caricatures de la position adverse, tout cela détruit l’esprit public. Nous devons combattre les antisémites et non pas tourner autour du pot avec des mots fourre-tout.
De la même façon, le terme «islamophobie» vous semble particulièrement inapproprié aux différentes luttes à mener aujourd’hui.
Il est source d’extrêmes confusions. Cela a été une erreur monumentale de l’extrême gauche de le mettre ainsi en avant. La seule chose contre laquelle on doive lutter, c’est le racisme antiarabe. Quant au reste, dans les pays laïques occidentaux, on a le droit d’insulter Dieu et d’être absolument intransigeant sur la question de la liberté d’expression.
Je respecte Emmanuel Todd pour la valeur de ses analyses, mais je ne suis pas d’accord avec sa présentation de l’islam comme religion des faibles qui devrait être protégée. Il faut défendre notre modèle laïque. On nous vante tous les jours le modèle anglais qui a de grandes qualités. Pourtant, à Londres, on croise dans la rue des petites filles avec des niqabs. L’ultralibéralisme, c’est aussi ça : chacun dans sa communauté. Ce n’est pas la France dont nous voulons, et nous devons lutter pour que ce communautarisme-là ne s’impose pas.
Un haut gradé français disait récemment de façon assez mélancolique : cette guerre contre Daech, nous allons la gagner, et cependant nous n’aurons pas la paix. Que pensez-vous des réponses actuelles que notre pays apporte au terrorisme ?
Je suis surtout frappée quand je vois des responsables publics se présenter au 20-heures devant les Français pour dire : il va y avoir d’autres attentats, surtout restez chez vous, on vous protège. Je crois que là, ce qui s’imposerait, plutôt que des cellules psychologiques et des anxiolytiques, c’est un discours churchillien : sortez, prenez des risques, nous sommes en guerre, oui, mais nous allons nous mobiliser, tous ensemble, contre cette forme d’atteinte à nos idéaux. C’est là où l’on voit resurgir une forme d’inconscient français issu de Vichy. Nous avons collaboré pour ne pas avoir la guerre. Résultat, nous avons eu le déshonneur et la guerre. La leçon à tirer de ces errances, c’est qu’il ne faut pas faire peur aux gens mais plutôt les pousser à adopter un esprit de résistance. J’aime décidément mieux qu’on dise «debout» que «couché». «La Marseillaise», c’est debout que ça se chante.
Certains signaux, comme Nuit debout justement, montrent que des forces contraires à l’ultradroite intellectuelle que vous dénonciez tout à l’heure sont aujourd’hui à l’œuvre en France. Quels sentiments vous inspire ce mouvement ?
Nuit debout, c’est le spectre de la révolution qui vient hanter les nuits de ce capitalisme financier arrogant et mondialisé, en crise depuis 2008, et qui crée de nouveaux misérables, version Victor Hugo. Le choix de ce lieu [la place de la République, NDLR] n’est pas anodin. C’est celui des tourmentes révolutionnaires parisiennes (dont les dates sont inscrites au pied de la statue). Mais c’est aussi là que se sont réunis, le 11 janvier 2015, des millions de gens qui, comme moi, venaient soutenir «Charlie» contre l’obscurantisme religieux. Lieu de recueillement, de révolte joyeuse et d’imprévisibilité : c’est l’abolition des tranquillisants au profit de l’insomnie. Nuit debout, c’est le signe avant-coureur de quelque chose qui se prépare et qui n’a pas fini de venir déranger les nuits tranquilles de l’ordre établi. Quels que soient les débordements, j’y vois en soi un signe positif.
J’ai notamment trouvé magnifique ce soir où des musiciens ont joué le quatrième mouvement de la «Symphonie du Nouveau Monde» de Dvorak. La nuit, c’est à la fois le rêve d’un monde meilleur et le retour du refoulé: le cauchemar de ceux qui croyaient avoir enterré définitivement 1789 et Mai-68. C’est enfin la meilleure réponse à une récente couverture du «Figaro Magazine» où l’on nous présente la même cohorte de polémistes (Zemmour, Finkielkraut, Houellebecq) qui, sous la houlette de Michel Onfray, seraient les seuls à s’engager courageusement contre l’islamisme meurtrier. Eh bien non ! On peut défendre fermement la laïcité républicaine et tout autant l’idée de révolution. Entre les deux, il n’y a pas à choisir.
Propos recueillis par Aude Lancelin
Elisabeth Roudinesco est historienne de la psychanalyse, et chercheur associée au département d’histoire de l’université Paris-VII. Dernier ouvrage paru : «Sigmund Freud en son temps et dans le nôtre» (Seuil, 2014), prix Décembre et prix des Prix. A signaler, la rééditionen «Points poche» de son «Retour sur la question juive» (Albin Michel, 2009), avec une postface inédite.
Les deux parties ont trouvé un accord dans la nuit de mercredi à jeudi sur le régime d’assurance chômage spécifique aux intermittents, une première.
Un accord a été trouvé dans la nuit de mercredi à jeudi par les organisations de salariés et d’employeurs du spectacle sur le régime d’assurance chômage spécifique aux intermittents, une première au sein du secteur. Selon une source patronale, il s’agit d’un « accord acceptable pour les parties » (…) avec de nettes améliorations pour la protection des travailleurs avec des efforts réciproques », conclu au terme de près de dix heures de négociations. « L’accord prévoit une hausse des cotisations patronales et aussi un effort côté salariés », précise-t-on de même source.
Ce que prévoit l’accord. Parmi les principaux points actés dans cet accord figurent, selon la CGT, l’ouverture des droits à l’indemnisation aussi bien pour les artistes que pour les techniciens, à partir de 507 heures travaillées sur 12 mois. L’accord prévoit aussi un retour à une date anniversaire pour le calcul des droits des intermittents, un système plus avantageux que l’actuel dispositif « glissant », instauré en 2003. Sont aussi prévus « la neutralisation des baisses d’indemnisation après un congé maternité » ou encore « un début de prise en compte des arrêts maladie concernant les affections de longue durée ».
« Tout n’est pas résolu ». « C’est un accord important mais en même temps tout n’est pas résolu car c’est un accord de branche et il faudra encore qu’il franchisse l’étape interprofessionnelle de l’Unedic », a expliqué une source proche du dossier. « Le risque existe d’un blocage à l’Unedic, qui gère l’assurance chômage, et que l’Etat reprenne la main sur le dossier », a ajouté cette même source. Une option que les intermittents ne souhaitent pas car ils redoutent que la participation de l’Etat n’ouvre la voie à une « caisse autonome », qui les sortirait alors de la solidarité interprofessionnelle.
Le mouvement continue. L’accord intervient après plusieurs semaines d’âpres discussions entre les partenaires sociaux qui négociaient, pour la première fois au sein du secteur, leurs règles spécifiques d’indemnisation d’assurance chômage. Les intermittents poursuivaient mercredi soir leur mouvement de protestation en occupant des théâtres à Paris et dans plusieurs grandes villes comme à Strasbourg, Bordeaux, Lille, Montpellier, sans perturber forcément des spectacles. Le théâtre de l’Odéon, occupé depuis dimanche soir, a dû annuler pour la seconde soirée consécutive la représentation de « Phèdre(s) » avec Isabelle Huppert.
Source E1 AFP 28/04/2016
Communique de la CGT spectacle (29/04/2016)
Cet accord rétablit des droits et en ouvre des nouveaux :
§ un champ identique pour les artistes et les techniciens (mais désormais fondé sur les conventions collectives pour ces derniers et non plus sur les codes NAF) ;
§ 507 heures sur 12 mois pour tous, artistes et techniciens ;
§ date anniversaire ;
§ une clause de rattrapage sur 2 ans permettant d’ouvrir les droits en cas d’accident de parcours;
§ la généralisation du cachet à 12h pour les artistes et réalisateurs ;
§ un élargissement de la prise en compte des heures d’enseignement données, y compris pour les techniciens, et dans un champ d’établissements beaucoup plus important ;
§ la neutralisation des baisses d’indemnisation après un congé maternité ;
§ un début de prise en compte des arrêts maladie concernant les affections de longue durée ;
§ une amélioration de la clause de maintien de droit jusqu’à l’âge de la retraite ;
§ la mise en place d’une commission de suivi et de recours pour les problèmes à la fois collectifs et individuels.
Nous n’avons pas tout obtenu mais l’accord est équilibré. La lutte continue pour le faire valoir, contre le cadrage Medef du 24 mars.
Nous refusons notamment le financement par l’Etat du régime des intermittents.
TOUTES LES RAISONS DE POURSUIVRE LA MOBILISATION SONT REMPLIES
Ø pour le retrait de la loi Travail ; Ø contre le travail gratuit institué par l’article 11A dans la loi LCAP ; Ø pour le respect de l’accord signé sur le régime des artistes et des techniciens.
C’est sous le regard de ses trois prédécesseurs – Thierry Lepaon, Bernard Thibault et Louis Viannet – que Philippe Martinez va donner le coup d’envoi, lundi 18 avril, au 51e congrès de la CGT, qui va réunir 1 000 délégués à Marseille jusqu’au 22 avril. Une image symbolique de la « crise sans précédent », selon M. Viannet, que traverse la centrale depuis quatre ans.
Le premier choc a eu lieu en mai 2012, quand M. Thibault avait été mis en échec dans sa volonté d’imposer Nadine Prigent pour lui succéder. Le second a pris l’allure d’un séisme quand M. Lepaon, successeur par défaut, a été contraint de démissionner, le 7 janvier 2015, à la suite d’affaires mettant en cause son train de vie, avec notamment les travaux effectués dans son logement de fonction, à Vincennes (Val-de-Marne). Une première depuis 1909. Elu secrétaire général, le 3 février 2015, M. Martinez, 55 ans, va tenter de surmonter cette crise en campant sur une ligne radicale.
Tout au long du congrès, la bataille contre la loi El Khomri sur la réforme du code du travail, dont la CGT exige le retrait, servira d’étendard à cette radicalité. Théâtre de ces assises, l’union départementale (UD) des Bouches-du-Rhône sera le réceptacle idéal. En février, à la suite d’une révolution de palais qui a conduit à « l’éjection », selon l’expression du groupuscule orthodoxe « Où va la CGT ? », du secrétaire général, Thierry Pettavino, jugé trop proche de la confédération et pas assez combatif, c’est un sympathisant de l’association d’extrême gauche Rouges vifs, Olivier Mateu, qui a été porté à la tête de l’UD. En décembre 2014, M. Mateu avait signé une pétition demandant le départ de M. Lepaon et déplorant « l’abandon du syndicalisme de lutte des classes » par la CGT. Dans le numéro d’avril d’Ensemble, le mensuel de la CGT, il voit dans le congrès de Marseille « l’occasion de conforter notre organisation de classe, de masse, démocratique et unitaire ».
« Le travail contre le capital »
M. Martinez aurait pu jouer sur du velours à Marseille, s’il n’y avait plus l’ombre de « l’affaire Lepaon », une bombe à déflagrations successives. Le rapport d’activité évoque une « situation difficile », en rappelant que M. Lepaon a été blanchi pour les travaux dans son logement et dans son bureau, même si « l’enquête se poursuit ». Mais l’ancien secrétaire général, qui attend toujours d’être nommé par le gouvernement à la tête de la nouvelle Agence de la langue française pour la cohésion sociale (Le Monde du 8 avril), est toujours payé par la CGT (4 200 euros net par mois). Depuis sa démission, il a coûté à la centrale, selon Les Echos, 150 000 euros. Et il n’a quitté son logement de Vincennes qu’en février. Une douloureuse qui passe mal à la base.
M. Martinez doit aussi faire oublier les conditions controversées de son élection. Le 13 janvier 2015, il n’avait pas obtenu la majorité des deux tiers requise pour être élu secrétaire général par le comité confédéral national (CCN), le parlement cégétiste qui réunit ses 33 fédérations et ses 96 UD. Et le vote avait été entaché de graves irrégularités. La fédération de la santé, dirigée par Nathalie Gamiochipi, la compagne de M. Martinez, n’avait pas respecté son mandat et avait voté pour au lieu de voter contre. L’UD du Nord avait agi de même. Les dirigeants de ces deux organisations ont ensuite été limogés. Mais M. Martinez, tout en occupant de facto la fonction, a dû patienter pour être confirmé.
A Marseille, M. Martinez, qui se vante d’avoir rencontré « 10 000 syndiqués », ne court aucun risque. Pour être réélu, il va défendre la radicalité qu’il incarne depuis quatorze mois. Le document d’orientation – la feuille de route pour les trois années à venir – affiche une stratégie de « contestation des choix patronaux et de la politique gouvernementale ». L’ancien métallo de Renault ne voit plus de différence entre François Hollande et Nicolas Sarkozy. Pour la CGT, « l’affrontement de classe, le travail contre le capital » est « le marqueur de toutes les lois prises par le gouvernement, à l’écoute du Medef ».
« Convergence d’intérêts »
Si, en 2015, les journées d’action à répétition, illustrant cette opposition frontale, ont été des échecs – au point que le rapport d’activité se demande pourquoi « nous ne parvenons pas à bouger le rapport de forces » –, le combat contre le projet de « loi travail » a donné un nouvel élan. Il va électriser les débats, comme la demande de relaxe pour les huit ex-salariés de Goodyear condamnés à de la prison ferme. M. Martinez ne nourrit pas d’illusions sur un retrait du projet de loi El Khomri, mais il met les reculs du gouvernement à son actif.
A Marseille, il sera aussi question du « syndicalisme rassemblé » cher à M. Viannet. La CGT écarte tout rapprochement avec Force ouvrière, sa compagne de manifs contre le projet de « loi travail », mais exclut de « se fondre dans un syndicalisme où tout le monde serait dans le même moule ». Si M. Martinez a évité d’attaquer la CFDT, qui sera la cible des congressistes, il a durci le ton dans L’HumanitéDimanche du 14 avril : « Il existe un syndicalisme d’accompagnement qui considère qu’il vaut mieux aménager la casse et un syndicalisme dont se revendique la CGT qui refused’accompagner les politiques d’austérité. » La CGT va aussi réaffirmer son indépendance tout en réhabilitant le concept de « convergence d’intérêts » avec des « composantesprogressistes » comme le Parti communiste. Pour autant, M. Martinez a refusé de cautionner l’initiative de Gilbert Garrel, le patron des cheminots, qui a demandé, le 22 mars, que toutes les bases syndicales de la CGT prennent des abonnements à L’Humanité, en difficulté financière.
L’ultime bataille de Marseille concernera les instances. M. Martinez voulait ramener la commission exécutive (CE) – la direction élargie – de 56 à 44 membres, avec une stricte parité. Mais il a été battu : la CE comptera 50 membres. Il y a eu 85 candidatures et la liste adoptée, qui peut encore être modifiée par le CCN, a retenu des « réformistes », comme Eric Aubin, Sophie Binet, Mohammed Oussedik, mais a écarté les fédérations du commerce et de la santé. La pénurie de candidates a permis de « repêcher » certaines femmes, comme Marie-José Kotlicki (UGICT). Pour le bureau confédéral de dix membres, trois sortants sont annoncés : Colette Duynslaeger, la trésorière, Pascal Joly, membre du conseil national du PCF, et Denis Lalys, qui a été écarté des candidatures à la CE. Fabrice Angei devrait rester numéro deux et Catherine Perret devrait faire son entrée. Elle avait imposé, en 2014, la non-signature par la CGT d’un accord sur la formation. Bien dans la ligne.