Arthur Nauzyciel met en scène « Jan Karski mon nom est une fiction ». La création interpelle le rôle des alliés face au génocide des juifs.
Karski a des vertiges. Ses nuits sont blanches. Sa vie a basculé un jour de 1942, lorsqu’il est entré clandestinement dans le ghetto de Varsovie. Résistant polonais, il était chargé de fournir au gouvernement polonais en exil, un compte-rendu de la situation en Pologne. En deux mois, les Allemands ont déporté 300 000 Juifs du ghetto vers les camps de la mort. A Varsovie les 100 000 Juifs qui sont restés sur place sont livrés à eux-mêmes et à la barbarie de leurs gardiens.
« C’était une sorte d’enfer, les rues étaient sales, crasseuses, et pleines de gens squelettiques, la puanteur vous suffoquait, il régnait de la tension, de la folie dans ce lieu. Des mères allaitaient leurs bébés dans la rue, alors qu’elles n’avaient pas de seins. Les dépouilles étaient déposées, nues, à même le sol, car les familles n’avaient pas les moyens pour leur payer une sépulture… »
Les chefs de la résistance juive demandent que les alliés mènent une action pour informer le peuple allemand de ce qui se passe. Profondément choqué par ce qu’il constate sur place, Karski n’aura de cesse de porter ce message ainsi que son témoignage personnel mais à Londres et à Washington, il se heurte à une fin de non recevoir.
Le metteur en scène Arthur Nauzyciel se saisit des faits historiques en s’appuyant sur les paroles de Karsky recueillies par Claude Lanzmann* dans son film Shoah. Il s’inspire également du livre du diplomate polonais « Story of a Secret State » publié dès 1944 et prolonge son approche par une fiction qui explore les pensées du témoin.
Karski dénonce la perte d’humanité qui signe la victoire du mensonge
Cette démarche structure la pièce en trois parties. Dans le premier acte, on retrouve un Karski hésitant face à la caméra. Dans la seconde partie les faits sont répétés et enrichis par une voix off accompagnée par une vidéo de Miroslaw Balka qui se borne longuement sur les frontières urbaines du ghetto de Varsovie dont la surface occupait un quart de la ville. La méthode use d’une certaine radicalité qui trouble le confort du spectateur autant qu’elle l’imprègne de la réalité des faits. Le cœur de la pièce, arrive avec le dernier acte qui marque le retour de la théâtralité et du vrai questionnement. Ici l’inqualifiable réalité factuelle développée précédemment ne se limite pas comme lors du procès de Nuremberg à considérer les victimes juives et les bourreaux nazis. Il interroge l’abandon des juifs d’Europe par les alliés de la démocratie.
Assis dans le couloir d’un opéra, Karski, qui ne trouve plus le sommeil, dénonce la perte d’humanité qui signe la victoire du mensonge. Le témoin du massacre et aussi celui de l’inaction calculée. Les alliés ne voulaient pas accueillir les Juifs d’Europe, c’est une chance pour eux qu’Hitler ait décidé de les anéantir plutôt que de leur envoyer, dit en substance l’homme qui ne peut plus fermer les yeux. Il est seul dans l’antichambre à deux pas de lui se joue toujours le spectacle du monde.
La fiction dépasse la réalité et le propos résonne, au-delà de la Shoah, aux quatre coins de la planète.
Jean-Marie Dinh
« Jan Karski Mon nom est une fiction », Festival d’Avignon Opéra Théâtre jusqu’au 16 juillet.
La menace de la « contre-révolution silencieuse » de la nouvelle gouvernance économique et du Pacte pour l’euro, et les plans d’austérité à répétition représentent un défi majeur pour les mouvements sociaux en Europe. Si l’émergence des mobilisations spontanées en Espagne et en Grèce questionne les échecs et impuissances des organisations traditionnelles, elles pourraient contribuer à presser à la radicalisation des luttes syndicales et sociales. Le tout sous fond d’un enterrement sans gloire de la « troisième voie » et du blairisme, dont la crise de la social-démocratie en Europe est une des résultantes…
Dans un article précédent, nous proposions deux enjeux à prendre en compte autour de la question de l’adoption de la nouvelle gouvernance économique et du Pacte pour l’euro.
Le premier concernait le positionnement des partis sociaux-démocrates et verts vis-à-vis de ce nouveau renforcement de l’intégration européenne – au prix d’une généralisation de mesures d’austérité injustes et inefficaces. Jusqu’à présent, le « plus d’Europe » avait toujours justifié toutes les compromissions pour le centre-gauche ; et ce au motif d’une incantatoire « Europe sociale » dont on attendait sans doute qu’elle descende miraculeusement des bureaux des fonctionnaires de la Commission européenne. La radicalité de cette nouvelle « révolution silencieuse » va-t-elle contribuer à faire « bouger les lignes » selon le vocabulaire préféré des apparatchiks ? Nous le verrons plus loin.
Le second enjeu concernait le mouvement social européen, et l’émergence d’une véritable mobilisation populaire dans les pays européens. Sur ce point, difficile de s’avouer déçu : le 15 mai débutaient en Espagne les mobilisations des indignados, et qui ont essaimées entre autres en Grèce et au Portugal. Revendiquant une vraie démocratie contre les plans d’austérité dictés par des instances non élues, Union européenne, FMI, les manifestants fustigeaient la corruption et le suivisme du « PPSOE », mélange des initiales des deux principaux partis espagnols.
Par leur ampleur et leur nature sont tout à fait particulières, ces mobilisations sont riches en questionnements pour les organisations « traditionnelles » du mouvement social. Les syndicats ont particulièrement brillé par leur incapacité à proposer un débouché pour la contestation sociale. Pourtant les impostures de la « sortie de crise » à la sauce UE/FMI (qui se résumerait à peu près par : « les peuples doivent payer, pas les banquiers ») ont porté à ses limites l’« indignation » populaire.
Faiblesses des mouvements sociaux en Europe
En France, la frilosité des syndicats s’est traduite en 2009, puis en 2010, à des moments où l’opinion était pourtant particulièrement favorable comme ce fut le cas lors des mobilisations contre la réforme des retraites, par l’invention d’une nouvelle « norme » : la « journée d’action », avec à la clé de sympathiques promenades dans les rues des villes françaises. Qui contrastaient notamment avec les actions menées en Guadeloupe par le LKP, sur la base d’un syndicalisme de terrain… et de lutte [1].
En Grèce et en Espagne, les syndicats et organisations politiques traditionnelles sont tout simplement absentes des mobilisations récentes. Non que leurs militants n’y participent pas à titre individuel. Mais le discrédit est tel à leur égard – en raison de leur incapacité à s’opposer aux politiques d’austérité, leur corruption ou encore leur proximité vis-à-vis des partis politiques – que la plupart des mouvements spontanés s’accordent pour ne pas s’adresser à eux.
En ce qui concerne le mouvement altermondialiste, il semble pour lui que le bilan soit double : d’une part, à l’échelle européenne, le forum social européen, dont le processus a débuté en 2002 à Florence, n’a pas vraiment dépassé le statut de forum d’échange informel entre organisations, ni permis de jeter les bases d’un véritable mouvement social européen. D’années en années, les grandes manifestations du mouvement altermondialiste semblent perdre leur assise populaire. D’autre part, les manifestants, en Espagne et en Grèce, se sont largement emparés de ses slogans et revendications. Ainsi le 15 mai, le mot d’ordre de la mobilisation en Espagne était-il « nous ne sommes pas des marchandises aux mains des banquiers et des politiciens ».
Une nouvelle donne ?
Il semble que les récents développements autour de la nouvelle gouvernance économique, et la généralisation programmée des mesures d’austérité en Europe, soient cependant suffisamment critiques pour contribuer à changer cette donne. Les gouvernements européens, à travers le « Pacte pour l’euro », initialement « Pacte de compétitivité », ont en effet offert aux mouvements sociaux en Europe un symbole fort. « Ce n’est pas une crise, c’est une escroquerie » pouvait-on lire sur les pancartes à Madrid.
Le Pacte pour l’euro symbolise de manière idéale cette escroquerie à la fois sur le plan démocratique et social, qui impose pour seule et unique solution à la crise aux peuples européens la mise en œuvre de plans d’ajustement violents. Des plans tout droit sortis de la vieille boîte à outil du FMI, lequel s’efforce depuis les années 80 – au nom du droit des créanciers à toucher leurs plus-values – à couler des pays entiers et sacrifier leurs populations.
Qu’il s’agisse des mouvements spontanés, altermondialistes ou syndicaux, le Pacte pour l’euro fait l’unanimité contre lui. Ainsi le mouvement des « indignés » espagnols a-t-il choisi de placer la journée de mobilisation nationale du 19 juin sous le signe de la contestation de ce pacte [2]. Les organisations du forum social européen se sont quant à elles accordées le 31 mai, à l’occasion d’une conférence dédiée à la question de la crise en Europe, à travailler de manière prioritaire sur la question.
Enfin, last but not least, les plans des gouvernements européens et de la commission ont-ils même réussi à réveiller la Confédération Européenne des Syndicats (qui n’est pas précisément le tenant d’en syndicalisme de lutte). Son secrétaire général John Monks, qui fut un temps proche de Tony Blair, n’a pas hésité pour qualifier les conditionnalités imposées dans le cadre de la future gouvernance économique de « quasi-coloniales », et pour indiquer que le futur mécanisme de sanction ressemblait aux dispositions du Traité de Versailles [3]. Lors de son dernier congrès le 19 mai à Athènes, la CES s’est accordée pour se mobiliser contre la gouvernance économique du Pacte pour l’euro, en proposant la journée du 21 juin, en amont du Conseil européen du 24 juin, comme « journée d’action nationale ».
Il serait bien sûr tout à fait hasardeux d’imaginer qu’un tel faisceau d’initiatives soit synonyme d’une réelle convergence à venir pour les mouvements sociaux européens et nationaux autour de la question de l’austérité et de la gouvernance économique. Il est néanmoins clair que les choses semblent évoluer rapidement. Et ce même… au sein des formations politiques européennes de gauche d’ordinaire peu enclines à la critique de l’eurolibéralisme.
Enterrement sans gloire pour la « troisième-voie »
Il était peut-être temps de s’en rendre compte ; « La social-démocratie est en crise. Nous sommes dans une situation catastrophique [4] » reconnait à bon compte Martin Schulz, président du Parti Socialiste européen. Pour lui, les socialistes européens se trouvent dans une situation doublement problématique. D’une, l’héritage de la « troisième voie » promue par Tony Blair, rend les socialistes en partie responsables de la situation actuelle en Europe. De l’autre, les gouvernements qui appliquent les plans d’austérité en Grèce, au Portugal, en Espagne, sont des gouvernements socialistes.
Il indique qu’une reconstruction de la crédibilité des sociaux-démocrates pourrait passer par une rupture forte avec cet héritage, et la mise en avant de nouvelles perspectives communes pour la gauche en Europe. Le rejet du « paquet gouvernance », actuellement discuté au parlement européen, et la mise en avant d’un ensemble d’alternatives pour « sortir de la crise » pourrait y contribuer. Les Verts et le Parti Socialiste européen ont récemment publié un appel, « changeons l’Europe », qui va dans le sens d’une rupture – que l’on pourrait certes bien difficilement qualifier de radicale. A noter que parmi les alternatives proposées, la restructuration, ou même l’audit des dettes souveraines fait figure de grande absente…
Réelle ou non, la volonté affichée de mettre en place d’une fiscalité qui fasse payer les salaires élevés et le capital, ou encore de s’attaquer aux excédents budgétaires autant qu’aux déficits, pourrait par ailleurs rester longtemps sans conséquences, au vu des équilibres politiques actuels au Conseil et au Parlement. Un vœu pieux qui porte néanmoins le germe d’une critique d’un des piliers essentiels de la domination des grands groupes sur l’agenda politique européen : le culte de la sacro-sainte « compétitivité »…
Dans la nuit de dimanche à lundi, la coalition libérale-conservatrice allemande s’est entendue sur une sortie du nucléaire. D’ici 2022 au plus tard, la dernière des 17 centrales nucléaires allemandes devra avoir fermé ses portes. Une initiative visionnaire qui profitera à l’économie allemande pour certains commentateurs, une mise en péril de l’approvisionnement énergétique européen pour d’autres.
En décidant de sortir du nucléaire, l’Allemagne assume au moins dans le domaine de l’énergie la position de précurseur qui lui échoit en Europe, salue le journal à sensation de gauche Aftonbladet : « L’Allemagne est la quatrième nation industrialisée de la planète, la première économie européenne et vient de décider de prendre les devants. La décision d’hier constitue une avancée inédite pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Le Financial Times écrit que la liquidation du nucléaire allemand déclenchera un boom en Europe pour l’utilisation des énergies renouvelables et la réalisation d’économies d’énergie. … Ce changement nécessite des investissements massifs mais générera aussi des coûts d’électricité plus élevés. L’efficacité énergétique revêt donc une importance primordiale. Les études montrent que l’Allemagne pourrait réduire ses coûts énergétiques de 10 à 20 pour cent en améliorant son efficacité. … Ces derniers temps, l’Allemagne n’a cessé de temporiser et de refuser à assumer le rôle de leader que l’Europe attend de son meilleur représentant. C’est précisément ce que fait le pays aujourd’hui dans le domaine de l’énergie. » (31.05.2011)
Sortir du nucléaire en Allemagne d’ici 2022 est véritablement audacieux mais faisable du fait de l’économie innovante du pays, estime l’édition en ligne du magazine d’information Polityka : « L’Allemagne s’est donc décidée à mettre fin à l’ère du nucléaire sur son territoire et ce bien qu’elle ait construit 17 centrales qui couvrent 23 pour cent des besoins en électricité du pays. Ils ont eu le courage de prendre cette grande initiative mais on ignore encore comment les choses se poursuivront. L’objectif est clair et décrit du reste précisément depuis longtemps : miser sur les énergies vertes. Cela est-il possible ? Dans le cas de l’Allemagne, il semble que oui. L’Allemagne est aujourd’hui déjà le leader incontesté du marché en Europe dans l’exploitation des sources d’énergie renouvelables. » (31.05.2011)
La décision de l’Allemagne de sortir du nucléaire est légitime mais constitue aussi un défi pour l’économie, estime le journal économique De Tijd : « L’accident de Fukushima a montré que l’énergie nucléaire n’est pas fiable à 100 pour cent. Les tests de résistance peuvent au mieux réduire les risques de catastrophe nucléaire sans toutefois complètement les exclure. Si la population allemande n’est pas prête à prendre ce risque, elle est dans son bon droit. Mais le pays doit alors accepter toutes les conséquences. Ce sera un défi important de garantir l’approvisionnement énergétique à un prix acceptable sans affaiblir la position concurrentielle des entreprises allemandes. La décision de sortir du nucléaire d’ici 2022 a le mérite d’être claire. Cela pourrait constituer une formidable impulsion pour le secteur des énergies renouvelables et pour la recherche de techniques permettant de rendre les centrales conventionnelles plus écologiques. Si l’Allemagne y parvient, elle aura une longueur d’avance sur les autres pays. » (31.05.2011)
La sortie du nucléaire en Allemagne est une initiative électoraliste et hypocrite qui affaiblira l’Europe, estime Pierre Rousselin dans son blog Géopolitique : « Face à l’effondrement de ses alliés libéraux du FDP, Angela Merkel parie sur une alliance avec les Verts. Cette équation politique a des répercussions pour toute l’Europe. Notre continent renonce pour longtemps à toute indépendance énergétique. Sa dépendance à l’égard de la Russie et de son gaz va s’aggraver. La France, elle, exportera davantage de son électricité. Comble de l’hypocrisie?: ce sont nos centrales qui éclaireront et chaufferont les écolos allemands. Quant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce n’est déjà plus une priorité. » (31.05.2011)
Deux mois après l’accident de Fukushima, le gouvernement allemand a décidé de sortir définitivement du nucléaire. Le quotidien conservateur Die Welt s’irrite d’un rythme décisionnel qui nuira selon lui à la démocratie : « Hans-Jürgen Papier, ex-président de la Cour constitutionnelle, juge ‘illégal’ le moratoire que la magicienne Angela Merkel a sorti de son chapeau quelques jours après Fukushima. … Et cela ne semble choquer personne que l’instance établie par Merkel pour imposer la sortie du nucléaire ait été effrontément nommée ‘Commission d’éthique’. … Si un membre fondateur de l’UE aussi puissant que la République fédérale d’Allemagne souhaite autant une nouvelle voie énergétique pour l’Europe et la planète, il aurait été indispensable de mener cette entreprise au niveau européen. … Il se forme déjà une alliance impie entre ceux qui veulent enfin pouvoir gouverner comme ils l’entendent et ceux qui souhaitent occulter le Parlement et l’opinion publique en exerçant une pression écologique ‘morale’. » (31.05.2011)
L’été européen sera chaud, mais orageux, Le Monde 24 mai 2011
Le printemps arabe sera-t-il suivi d’un été européen ? La question revient à nous demander si l’ingrédient qui a mis le feu aux poudres en Tunisie pourrait exploser à la Puerta del Sol à Madrid et dans d’autres villes ibériques. « Nous ne sommes pas des marchandises dans les mains des politiciens et des banquiers » clame la banderole de cette photo.
Le problème de l’emploi des jeunes était l’un des premiers slogans tunisiens, et est au cœur de la réalité européenne. Depuis des années, les jeunes, même éduqués et diplômés, ne trouvent plus de travail dans la plupart des pays européens. Ils expriment un ras le bol face a l’egoisme de leurs aînés.
Des systèmes provisoires ont été mis en place pour organiser des formules contractuelles à court terme qui leur permettent de travailler. Les entreprises en ont fait un usage abondant, sans nécessairement se sentir la moindre obligation d’engager à la suite de ces « stages ». Il semblerait que les statistiques soient désastreuses et que les entreprises se soient contentées de « consommer » une main d’oeuvre à court terme. La demande classique « Venez nous revoir lorsque vous aurez eu un premier emploi » est un déni : quelles sont les entreprises qui offrent ces premiers emplois d’une manière qui permette d’envisager une carrière ?
Après l’Espagne, le mouvement des Indignés fera-t-il tâche d’huile en région ?
Jeunesse indignée à Madid
Le midi Libre le 24/05/2011 à 00h00 C. GREUET (avec AFP) 25/05/2011
D’inspiration espagnole, le mouvement « Réelle démocratie, maintenant ! » organise plusieurs rassemblements dans plusieurs régions de France, dont le Languedoc-Roussillon. (AFP) Le mouvement des « indignés » continue à faire rage en Espagne, alors que des sympathisants français commencent à se réunir, via internet, dans de nombreuses grandes villes françaises. Dans la région, des campements sont d’ores et déjà organisés à Perpignan, Nîmes et à Montpellier. Une foule de jeunes et de sympathisants a de nouveau envahi mardi soir le village alternatif de la Puerta del Sol, dans le centre de Madrid, où se poursuit le mouvement de protestation des jeunes « indignés » contre le chômage, la crise et la classe politique « corrompue ». Des centaines de personnes participaient aux interminables assemblées qui émaillent les journées du campement, pendant que d’autres travaillaient à l’organisation du village, qui ne cesse de s’étendre et de se structurer depuis une semaine. « Il y a toujours une importante participation citoyenne », assurait Nerea, une des porte-parole. Les grands rassemblements de la semaine dernière, qui ont réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes à la Puerta del Sol et tout autour, ont laissé place à une mobilisation moindre, une fois passées les élections locales qui avaient constitué le premier objectif du mouvement.
En France, le collectif « Belle démocratie maintenant ! », calqué sur le « Democracia real, ya ! » des jeunes espagnols, appelle (sur le web et les réseaux) les citoyens à se réunir sur les places des grandes villes, pour la « régénération démocratique du système politique et défense d’une politique sociale ». Après la Place de la Bastille à Paris, des rassemblements sont organisés ce mercredi dans une vingtaine de villes françaises. Après que les forces de l’ordre aient prié lundi à une cinquantaine d' »indignés » de libérer la place de la République de Perpignan, de nouveaux rassemblements sont annoncés. Aujourd’hui, le mouvement appelle à rejoindre ce « campement permanent ». Des rassemblement similaire est également organisé aujourd’hui et demain à Montpellier, à l’Esplanade (18 h) et demain à Nîmes à la Maison carrée (19 h).
Les « indignés » se mobilisent , Le progrès de Lyon, le 26/05/2011 à 00:00
Ils sont une bonne centaine désormais à se regrouper sous la statue de Louis XIV au soleil couchant. Espagnols et Français qui veulent prendre part et relayer le printemps démocratique né sur la place Puerta del Sol à Madrid et qui progresse via les réseaux sociaux internet. Hier c’est à Athènes que des milliers de protestataires se sont retrouvés place Syntagma au cœur de la capitale grecque. Comme en Espagne, ils protestent contre les mesures d’austérité qui frappent le pays, englué dans la récession.
En France aussi des rassemblements fleurissent à Paris, à Lyon ou encore à Bayonne où a eu lieu hier un premier meeting. Ces personnes « courantes et ordinaires » réclament des « droits basiques » concernant le logement, le travail, la santé, l’éducation, l’égalité… Le droit au bonheur aussi. Parmi eux, Ophélie, petite brunette de 22 ans. « Je suis danseuse et je galère. Il n’y a pas de place pour les jeunes, pas de place pour la culture. On est à la veille d’élections et on se rend compte qu’aucun parti ne nous satisfait », déplore celle qui se dit « oppressée dans cette société qui manque d’humanité ».
Désenchantement et désir de changer les choses résument cette mobilisation citoyenne qui parle de révolution. « Je me retrouve dans ce qui se passe ici car l’état des lieux n’est pas acceptable. S’il y a un ailleurs pour sortir du désert dans lequel nous sommes, il faut y aller », développe de son côté un jeune qui après avoir enseigné deux ans à Marseille, a choisi de prendre une année sabbatique. Même constat de la part d’un étudiant en anthropologie. « Je suis en dernière année. On peut dire que ça va bien pour moi mais j’attends autre chose. » « Expliquer simplement la gravité de la situation actuelle », c’est ce que propose un peu plus tard dans la soirée, un plus âgé revendiquant des connaissances en économie. « Car il faut s’entendre et défendre les mêmes idées, les mêmes valeurs pour avancer et être toujours plus nombreux », défend à son tour au micro une jeune femme.
« Pour l’instant c’est le bordel, mais on va trouver une organisation », reconnaissait mardi soir un modérateur des débats. Chaque soir, des règles de fonctionnement sont prises ou rappelées. Et un nouvel ordre du jour est débattu. L’expulsion du site par la police risque de faire partie du rituel, même si le « yes we camp » exprimé ailleurs n’a pas encore gagné Lyon. Place Bellecour, des membres du campement libertaire monté en avril à la Croix-Rousse, poussent pour qu’un nouveau voit le jour. Leurs tipis et yourtes sont prêts à être acheminés. Pas forcément le genre des étudiants espagnols Erasmus du collectif lyonnais Democracia Real Ya ! (Démocratie réelle maintenant) à l’origine du mouvement lyonnais. Alors qu’en Espagne la jeunesse précaire, ceux que l’on appelle « los Indignados » (« Les indignés »), défie toujours les politiques après plus d’une semaine, à Lyon les citoyens indignés s’organisent pour durer. Un degré supplémentaire dans la mobilisation est attendue en fin de semaine.
« YES WE CAMP »: en France aussi les jeunes en ont ras-le-bol !
Le 24/05/2011 à 14h19 sur (Boursier.com) —
A l’image de ce qui se passe actuellement à Madrid, Génération Précaire relaie l’appel lancé par le mouvement « reelledemocratie.com » pour un rassemblement devant les marches de l’opéra Bastille à Paris tous les soirs à 19 heures « afin de faire entendre sa voix et rassembler de plus en plus d’ici dimanche 14H30 ». L’organisation commente : « Nous sommes des millions. Le mouvement est suivi dans toute l’Europe avec des manifestations en Grande-Bretagne ou encore en Grèce sous le slogan « People of Europe Rise Up » (Peuples d’Europe, soulevez-vous !). Solidaires de ces jeunes Espagnols qui ont eu le courage de se lever pour dire « stop », nous sommes à leurs côtés, et nous refusons le bizutage social actuel, tout en revendiquant une société ouverte à son avenir ». « Premiers touchés par la crise, les jeunes se révèlent une véritable variable d’ajustement et revendiquent un droit au travail qu’on leur refuse sous prétexte de crise économique mondiale » poursuit Génération Précaire qui « soutient les mouvements de protestations spontanés de cette jeunesse européenne et appelle à la mobilisation pour que l’on cesse de brader la jeunesse tout en consolidant un système qui a été sauvé sans contrepartie sociale ».
Rassemblements de solidarité avec les jeunes espagnols
(AFP) – le 24/O5/2011
Jeunesse indignée à Paris
PARIS — Inspirés par les manifestations espagnoles et les révolutions arabes, des centaines de jeunes se réunissent depuis quelques jours en France contre l’austérité et pour une « démocratie réelle », et prévoient un grand rassemblement dimanche place de la Bastille à Paris.
Si les protagonistes du printemps arabe luttaient chacun contre un ennemi physique explicitement féroce à déloger – leurs dictateurs respectifs -, les indignados européens luttent contre un ennemi autrement plus caché : un système que contrôle le pouvoir politico-financier, pouvoir sans tête, latent et invisible par principe. Seulement armés de leur indignation inspirée de Stéphane Hessel, leur problème est complexe : critiquant la main mise des marchés financiers sur les décisions économiques des états, ils contestent des institutions échappant en large partie (FMI, Commission Européenne) ou totalement (les marchés financiers, les banques) à la souveraineté des peuples. C’est sans doute ce qui explique leur programme de revendications inégales mais pourtant pas inintéressantes. Passage en revue de ce que veulent les contestataires.
1. Une « réforme de la Loi Electorale pour que toutes les voix aient la même valeur »
Ce qu’ils dénoncent : en apparence mystérieuse (les voix n’ont-elles pas déjà toute la même valeur qu’on soit un homme ou une femme, puissant ou misérable ?), cette revendication tend en fait à faire disparaître le bipartisme, en allant vers des élections aux résultats proportionnels, qui garantiraient ainsi l’expression de toutes les opinions. Les manifestent exigent aussi en toile de fond que les partis retirent de leurs listes les candidats les plus compromis dans des scandales de corruption.
Ce qui existe : en France, le scrutin est uninominal à deux tours. Les citoyens votent pour un candidat qui doit être un des deux « meilleurs » pour accéder au second tour où il doit alors obtenir la majorité absolue pour être élu. Ce mode de scrutin conduit a des alliances entre les deux tours qui lissent les dissensions politiques. Ceux qui n’en font pas sont privés de représentation. Le vote proportionnel permettrait à chaque parti (même les micro-partis) d’être représentés ; c’est un système où il s’agit moins de voter pour un homme que pour un parti ou un programme. Seulement sa mise en place reste extrêmement compliquée pour des raisons de calcul de la proportionnalité justement. Qui le propose ? Certainement pas le think tank Terra Nova qui cherche à renforcer le bipartisme en supprimant toutes les candidatures « hors système », pas plus qu’un micro parti comme Debout la République de Nicolas Dupont-Aignan, qui pourrait pourtant trouver son compte dans la proportionnelle. En revanche, Marine Le Pen rappelle que le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple exige le respect et la juste représentation dans les institutions politiques de tous les Français et des formations politiques qui les représentent et considère que cette exigence de démocratie passe par l’instauration de la proportionnelle intégrale.
2. « L’établissement de mécanismes de démocratie directe, tant à l’échelle nationale qu’européenne »
Ce qu’ils dénoncent : la perte de la souveraineté du peuple citoyen. Ils constatent en effet que ni les dirigeants du FMI, de la Banque mondiale, ni ceux de l’OCDE, de l’OMC ou encore des banques centrales, dont les décisions ont pourtant un fort impact sur la vie des populations, ne sont élus par elles. Ainsi les citoyens ne voteraient plus que pour des représentants sans pouvoir.
Ce qui existe : à l’échelle nationale, ça, c’est-à-dire un système en grande partie représentatif. A l’échelle européenne, les citoyens votent seulement pour le Parlement, qui partage ses pouvoirs législatifs avec le Conseil de l’Union Européenne.
Qui le propose ? Ceux qui pensent que la démocratie représentative dépolitise le citoyen, c’est-à-dire essentiellement des intellectuels. Le site d’Alain Soral Egalité et Réconciliation et l’association Attac arrivent aux mêmes conclusions sans proposer de moyens pour récupérer la souveraineté. Quelques socialistes arrivent aussi au même constat, mais se contentent d’en accuser la politique de Nicolas Sarkozy, tout en prévenant du danger d' »une démocratie directe ou d’une captation aristocratique des décisions. » Cette prise de position est symptomatique du paysage politique qui dénonce l’abstention, sans toutefois oser tenter de nouveaux modes électoraux. Le Front National se démarque de la classe politique en proposant « un grand référendum par an pourrait être organisé sur les orientations essentielles pour l’avenir de notre pays et de notre peuple » (réponse à Helder, dans l’article en lien).
3. La « création d’une Loi de Responsabilité Politique »
Ce qu’ils dénoncent : la corruption des politiques, particulièrement mise en valeur par les conflits d’intérêt de l’Affaire Woerth-Bettencourt. Ce qui existe : La loi (n°2007-1598) du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption. Cette mise à jour de 2007 permet de réprimer « le trafic d’influence », c’est-à-dire le fait de monnayer l’influence d’un intermédiaire, pour obtenir un avantage d’un agent public exerçant dans une organisation internationale. La loi sanctionne aussi bien la tentative de corruption ou de trafic d’influence que sa réussite, et prévoit des peines spécifiques envers les commanditaires comme les bénéficiaires. Elle prévoit des peines spécifiques pour les actes de corruption commis dans le monde du travail. Seulement rien n’est prévu particulièrement contre la corruption politique et l’action de lobbying n’est toujours pas reconnu législativement. Qui le propose ? Les partis de la « droite des valeurs », c’est-à-dire Debout la République et le Fn qui oeuvrent pour une politique des mains propres et proposeraient l’inéligibilité en cas d’affaire de corruption.
4. Une « augmentation de la transparence au sein de l’Administration, publicité de toute information sur les dépenses publiques »
Ce qui existe : les rapports de la Cour des Comptes, une juridiction financière qui avertit le gouvernement, le Parlement et l’opinion publique sur l’état des comptes de l’Etat. Pour 2010, la Cour estime que le compte général de l’Etat en 2010 « est régulier et sincère et donne une image fidèle de la situation financière et du patrimoine de l’Etat « , même si elle enregistre un déficit historique. Le problème de ces rapports c’est qu’ils sont peu accessibles et nécessitent des médiateurs neutres qui décryptent et dégagent les points essentiels. Qui le propose ? Les Maquizards, un groupe émergent de hauts fonctionnaires anonymes, qui veulent « mettre sur la place publique ce que les gens du Siècle se disent entre eux, mais qu’ils n’oseront jamais écrire dans leurs papiers, ou dire dans leurs communications. »
5. La « défense de services publics et de qualité »
Ce qu’ils dénoncent : le sabotage des services publics pour justifier leur privatisation. Le Pr André Grimaldi l’expliquait déjà, indépendamment de la french revolution, au niveau du milieu hospitalier : l’Etat a fait entrer le service public dans « une logique gestionnaire », ce’st-à-dire de rentabilité. Il diminue son soutien financier aux services publics, sans que la demande baisse, ce qui entraîne une chute progressive de la qualité qui conduit, à terme, à se tourner vers le privé. Cet extrait du « Cahier de politique économique » n°13 de l’OCDE explicite bien cette logique : « Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles et aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement. » Ce qui existe : un démantèlement progressif des services publics en déficit. Voilà ce que ça donne si on fait un petit état des lieux. Justice : un tribunal sur trois en instance de fermeture, suppression programmée des juges d’instruction ; santé : baisse du remboursement des médicaments à vignette bleue, fermeture d’hopitaux et de services pas assez rentables décidée par la loi « Hôpital, Patients, Santé et Territoires » ; éducation : 16 000 postes d’enseignants supprimés, tandis que le nombre d’élèves augmente. Qui le propose ? La défense du service public est un combat de gauche (du PS au Front de Gauche) mais aussi désormais d’extrême droite.
6. L' »introduction d’une taxe sur les transactions financières internationales »
Ce qu’ils dénoncent : la spéculation et l’hypocrisie de la fiscalisation censée maintenir les grandes entreprises en France. Ce régime fiscal privilégié déjà dénoncé avec l’Affaire Bettencourt s’explique de la manière suivante : en démantelant les frontières, la mondialisation permet aux entreprises de jouer sur deux tableaux. En effet, elles peuvent réclamer un allègement des impôts auxquels elles sont assujetties dans leur pays d’origine, en mettant en avant les faveurs fiscales que des pays moins développés leur offrent. La France a donc créé des niches fiscales qui permettent aux entreprises du CAC 40 d’être taxées aux alentours des 8%. Seulement, selon l’économiste Frédéric Lordon, ces entreprises ne joueraient pas le jeu et engageraient économistes et juristes pour profiter des deux systèmes. Elles échapperaient ainsi au fisc, tout en bénéficiant d’un environnement (infrastructures, formation, etc.) financé par les impôts des autres contribuables. Qui le propose ? Le PCF et le Front de Gauche qui propose la « suppression des exonérations et aides aux entreprises » et l’association Attac qui propose « trois taxes pour maîtriser la spéculation ».
Tout comme en Espagne, la french revolution ne propose aucune plate-forme revendicative claire (même si des débats se déroulent sur le site Réelle Démocratie) et pourrait bien prôner pour les élections de 2012, soit l’alternance politique soit l’abstentionnisme, alors qu’elle les disqualifie dans ses revendications. Les manifestants iront-ils au bout de leurs idées, tandis que leurs revendications entrent en résonnance avec des idées politiques issues des deux extrêmes -gauche et droite-, qui ont tous les deux en commun de réclamer un retour à une nation souveraine, y compris dans le domaine économique ?
Les jeunes Espagnols commencent à essaimer en France
PARIS (Reuters)
Plusieurs dizaines de jeunes français regroupés tous les soirs depuis quelques jours place de la Bastille par solidarité avec les « indignés » espagnols appellent à un vaste rassemblement à Paris dimanche prochain. Des rassemblements sont prévus d’ici à là un peu partout en France mardi et mercredi, notamment à Lyon, Toulouse, Lille, Nantes, Strasbourg, Nantes ou Bordeaux. Le mouvement « Démocratie réelle, maintenant ! » estime que la mobilisation citoyenne des jeunes Espagnols, qui occupent depuis le 15 mai des places jour et nuit, concerne tous les Européens, qui doivent devenir « acteurs de cette dynamique de changement. ». « La révolte des pays arabes a traversé la Méditerranée. Le réveil du peuple espagnol envoie un message clair à tous les Européens, à nous de saisir cette opportunité », écrit-il sur son site internet. « Nous sommes pris à la gorge par les plans d’austérité qui se multiplient partout en Europe », ajoute-t-il, estimant que la crise économique et financière « touche tout le monde ».
« Démocratie réelle, maintenant ! » estime qu’en France, où les profits du CAC 40 ont doublé, le chômage des jeunes atteint 25 %. « En Espagne, c’est 40 % des moins de 35 ans qui sont sans emploi. »
Le mouvement a reçu le soutien de Génération précaire, qui souligne qu’en France aussi, « les jeunes en ont ras-le-bol ». « Nous sommes des millions. Le mouvement est suivi dans toute l’Europe avec des manifestations en Grande-Bretagne ou encore en Grèce sous le slogan » People of Europe Rise Up » (Peuples d’Europe, soulevez-vous !), écrit le mouvement dans un communiqué. Pour l’association, les jeunes, premiers touchés par la crise, « se révèlent une véritable variable d’ajustement et revendiquent un droit au travail qu’on leur refuse sous prétexte de crise économique mondiale. »
Gérard Bon, édité par Patrick Vignal
La « révolution » virtuelle deviendra-t-elle réelle ?,
Place de la Bastille, à Paris, mardi 24 mai. Copyright : Benjamin SEZE, témoignage chrétien
Le mouvement de protestation qui secoue l’Espagne depuis le 15 mai gagne la toile française. Néanmoins la mobilisation dans les principales villes de France reste réduite. Depuis vendredi, le souffle démocratique qui agite l’Espagne ces dernières semaines essaie de gagner la France via Internet. « Democratia Real Ya », disent-ils là-bas. « Une démocratie réelle maintenant », l’idée a séduit des internautes français. Sur Twitter, les messages pullulent. A travers le mot clé #frenchrevolution, des appels aux rassemblements dans les principales villes de France sont lancés quotidiennement. Des pages facebook sont nées et un site dédié au mouvement a été créé : Reelledemocratie.com. Plusieurs dizaines de personnes à Nantes, Marseille et Perpignan, entre 100 et 200 à Grenoble, Lyon, Montpellier et Toulouse, une centaine de plus à Paris… Peu relayé par les médias, l’engouement peine à se concrétiser sur le terrain. Et pour cause : se définissant comme « une mobilisation citoyenne totalement indépendante et autogérée », le mouvement ne bénéficie pas des relais et du soutien logistique des organismes politiques, syndicaux et associatifs. « Il y a une méfiance, voire une certaine défiance, de la part de ces jeunes vis-à-vis de tout type d’organisation politique, et même syndicale », constate Françoise, 55 ans, qui participe aux rassemblements place du Capitole, à Toulouse. « On sent bien que certains viennent de courants de gauche. Mais personne ne le revendique. Pour eux, si une tendance gagnait, ce serait perdu. »
Apolitique
Rester apolitique est un moyen de toucher un maximum de monde. « Il y a évidemment des jeunes militants d’extrême gauche, pourtant, nous voulons avant tout porter un discours citoyen », insiste Pablo, 26 ans, présent place de la Bastille, à Paris, mardi soir. Ce jeune Espagnol, qui travaille depuis quatre mois en France, était Plaza Catalunya à Barcelone ce week-end. « Cela n’a rien à voir, nous étions 15 000. Mais ici, c’est une bonne manière de commencer. » À quelques pas, assis sur le trottoir ou sur les marches de l’Opéra, les 200 participants français et espagnols sont regroupés en commissions. Quelques pancartes appellent les passants à se joindre à eux : « Venez donner vos idées, on a besoin de vous, de tous ». « Le mot révolution n’est qu’une métaphore de ce qui est en train de se passer », explique Pablo. « Nous savons que ce n’est pas une révolution classique, mais une mobilisation pacifique et modérée. » Le but : échanger des idées, et faire émerger des propositions qui seront ensuite adoptées en Assemblée générale. Pour l’instant, le discours n’est pas encore structuré et les revendications peu concrètes, néanmoins cela devrait venir. « Le monde ne se refait pas en cinq jours », justifie Françoise. Un premier manifeste, voté dimanche 22 mai par les 150 participants de Bastille, explique : « Depuis le début de la crise financière en 2008, nos gouvernants ont décidé de mettre à genoux les peuples au lieu de faire payer les banques. » Il annonce donc deux axes de revendications : « Régénération démocratique du système politique et défense d’une politique sociale ».
Test
La mobilisation a-t-elle des chances de décoller ? « Je ne sais pas, répond Françoise. Je sais toutefois que ce mouvement fait suite à de nombreuses mobilisations de la jeunesse (CPE, réforme Fillon, réforme Darcos, loi LRU…) et qu’il est une pierre de plus apportée à la prise de conscience de la réalité du monde injuste dans lequel nous vivons. » Pablo explique le succès espagnol : « En Espagne, il y a effectivement un très fort taux de chômage, mais nous avions surtout un discours connecté au citoyen. Nous avons repris des sujets qui reviennent dans les conversations – le chômage, la précarité, les inégalités, la corruption – et nous avons dit « il y a un problème, nous devons réfléchir à des solutions ». » Concernant la France, « tout dépend de l’organisation à venir du mouvement et de notre capacité à avoir un discours qui peut concerner le citoyen classique », conclut-il. Premier test, dimanche 29 mai, dans plusieurs grandes villes où sont programmés des « grands rassemblements populaires en solidarité avec la révolte en Espagne ».
A Marseille aussi, une poignée d’ « indignados » essaient de se faire connaître et ont organisé plusieurs manifestations ces derniers jours.
Depuis le début de la crise financière en 2008, nos gouvernants ont décidé de mettre à genoux les peuples au lieu de faire payer les banques. Les démocraties européennes ont été séquestrées par les marchés financiers internationaux. Nous sommes pris à la gorge par les plans d’austérité qui se multiplient partout en Europe. Le chômage a explosé et plonge dans la précarité et la misère des millions de personnes. La crise touche tout le monde. En France, alors que les profits du CAC 40 ont doublé, le chômage des jeunes atteint 25 %. En Espagne, c’est 40 % des moins de 35 ans qui sont sans travail. Solidarité avec les indignés Barcelonais violemment réprimés vendredi 27 avril 2011 matin (121 blessés)
Démocratie réelle… Maintenant ! La Spanish Revolution débarque à Marseille
25 Mai 2011 par Philippe Leger
Samedi 21 mai à Marseille, vers 20 h 30, cours Julien, les terrasses des restaurants sont bondées, on tchatche, on galéje, on flirte, on regarde le foot sur les écrans en plein air et, tout à coup, irruption de plus d’une centaine de manifestants, scandant des slogans en espagnol, brandissant des pancartes polyglottes: «Democratia real Ya!»… «Marsella – Frenchrevolution»… «Spanishrevolution»… «People of Europe Rise up!» Je me maudis d’avoir laissé à la maison mon appareil photo. Je pars aux renseignements. Une Espagnole, la trentaine (comme beaucoup de manifestants) m’apprend que « dans toutes les grandes villes du monde, Berlin, New York… des membres de sa communauté se rassemblent et défilent pour clamer leur indignation contre un système démocratique dévoyé, aux ordres des banquiers et de la puissance financière, d’une oligarchie qui ne défend que ses intérêts et oublie le peuple. » Nous échangeons nos adresses mail. Elle m’informe « qu’un rassemblement aura lieu demain, devant la préfecture ». Le soir-même, Raquel me précise dans un courriel* l’heure du rendez-vous et me fournit des informations, des adresses de sites pour approfondir ma connaissance du mouvement en cours. Dimanche, à l’heure dite, petit attroupement très pacifique d’une quinzaine de personnes, 20-30 ans devant la préfecture… et sans autorisation administrative ! Ces jeunes ont été informés de cette réunion d’information grâce aux réseaux sociaux, Facebook est le plus cité. Il y a des Marseillais pur sucre, une Allemande, des Espagnols…
A Marseille aussi, on manifeste (très timidement) pour une « Democracia real ya »
Par Esther Griffe le 24 mai 2011
A Marseille aussi, une poignée d’ « indignados » essaient de se faire connaître et ont organisé plusieurs manifestations ces derniers jours. L’évènement a été très peu relayé par les médias et pourtant, depuis plusieurs jours maintenant, un mouvement de protestation s’élève auprès des jeunes espagnols qui réclament de profonds changements sociétaux, comme l’explique le site Réelle Démocratie, version française du site espagnol Democracia Real Ya. Depuis le 15 mai, ils occupent la Puerta del Sol à Madrid. Et dans plusieurs villes de France aussi, le mouvement essaie de décoller comme à Nantes, Toulouse, Lyon ou encore Paris, où ils étaient près de 400 samedi dernier. Ce mouvement de protestation reste encore très discret dans les médias nationaux, ce qui peut expliquer la très faible mobilisation en France. Pourtant, à l’image des dernières révolution arabes, des jeunes français voudraient eux aussi mener leur French Revolution. A grand renfort de réseaux sociaux, on tente par tous les moyens de faire passer l’information. Pas sûr que ça prenne. La France n’est pas l’Espagne, et encore moins la Tunisie. Malgré plusieurs manifestations prévues sur l’ensemble du pays pour les prochains jours. Dimanche, ils n’étaient qu’une vingtaine en début de soirée mais gardent pourtant bon espoir. Alors feu de paille où début d’un grand mouvement ?
Les jeunes Européens sont solidaires. Ils veulent être écoutés. Respectés. Et représentés !
Si les élections régionales espagnoles des 15 et 22 mai constituent le détonateur, il est évident que le mouvement ne s’arrêtera pas avec la proclamation des résultats électoraux, la déculottée du parti de Zapatero et le triomphe des partis de droite. Il est clair que Sheila, comme toutes les hirondelles hispaniques, souhaite un printemps des peuples pour chasser, comme en Islande, les « partis majoritaires et leurs politiciens corrompus, pour juguler banquiers et financiers internationaux, réorganiser les priorités économiques et sociales, la vie démocratique… » Mais peut-on faire de la politique en dehors des réalités institutionnelles ? Probablement pas. À tout le moins, pas plus plus que les « institutionnels » ne peuvent continuer à faire de la politique en dehors des réalités véritables, celles que les personnes vivent dans leur chair et dans leur sang, faites de chômage, de difficultés financières, de difficultés à trouver un logement décent etc. L’année 2011, une année conviviale, sympathique, avant la grosse tempête… en 2012 ?
Vers un printemps européen ?
Il faudra davantage, croyons-nous, que des « mots d’ordre » relayés par une « presse vénale » et des médias trop souvent déconsidérés, pour démobiliser une jeunesse européenne diplômée et au chômage, à la puissance décuplée par les outils technologiques et l’internet (sa force et son talon d’Achille). Une jeunesse qui fédère d’autres catégories de la population, dans toutes les tranches d’âge. Et qui n’a plus rien à perdre ! Mais il y a plus important : grâce à la jeunesse d’Espagne, les jeunes d’Islande, de France, d’Allemagne et probablement de toute l’Union européenne commencent à croire qu’ils peuvent changer le monde. Ça, c’est nouveau ! Et réjouissant !
Nous sommes des personnes courantes et ordinaires. Nous sommes comme toi : des gens qui se lèvent tous les matins pour étudier, pour travailler ou pour chercher un boulot, des gens qui ont famille et amis. Des gens qui travaillent dur tous les jours pour vivre et donner un futur meilleur à celles et ceux qui les entourent.
Parmi nous, certain-e-s se considèrent plus progressistes, d’autres plus conservateurs. Quelques un-e-s croyants, d’autres pas du tout. Quelques un-e-s ont des idéologies très définies, d’autres se considèrent apolitiques. Mais nous sommes tous très préoccupé-e-s et indigné-es par la situation politique, économique et sociale autour de nous. Par la corruption des politiciens, entrepreneurs, banquiers, … . Par le manque de défense des hommes et femmes de la rue. Cette situation nous fait du mal quotidiennement ; mais, tous ensemble, nous pouvons la renverser. Le moment est venu de nous mettre au travail, le moment de bâtir entre tous une société meilleure. Dans ce but, nous soutenons fermement les affirmations suivantes :
* L’égalité, le progrès, la solidarité, le libre accès à la culture, le développement écologique durable, le bien-être et le bonheur des personnes doivent être les priorités de chaque société avancée.
* des droits basiques doivent être garantis au sein de ces sociétés : le droit au logement, au travail, à la culture, à la santé, à l’éducation, à la participation, au libre développement personnel et le droit à la consommation des biens nécessaires pour une vie saine et heureuse.
* Le fonctionnement actuel de notre système politique et gouvernemental ne répond pas à ces priorités et il devient un obstacle pour le progrès de l’humanité.
* La démocratie part du peuple, par conséquent le gouvernement doit appartenir au peuple. Cependant, dans ce pays, la plupart de la classe politique ne nous écoute même pas. Ses fonctions devraient être de porter nos voix aux institutions, en facilitant la participation politique des citoyens grâce à des voies directes de démocratie et aussi, procurant le plus de bienfait possible à la majorité de la société, et pas celle de s’enrichir et de prospérer à nos dépens, en suivant les ordres des pouvoirs économiques et en s’accrochant au pouvoir grâce à une dictature partitocratique.
* La soif de pouvoir et son accumulation entre les mains de quelques-uns crée inégalités, crispations et injustices, ce qui mène à la violence, que nous refusons. Le modèle économique en vigueur, obsolète et antinaturel, coince le système social dans une spirale, qui se consomme par elle-même, enrichissant une minorité et le reste tombant dans la pauvreté. Jusqu’au malaise.
* La volonté et le but du système est l’accumulation d’argent, tout en la plaçant au-dessus de l’efficience et le bien-être de la société ; gaspillant nos ressources, détruisant la planète, générant du chômage et des consommateurs malheureux.
Nous, citoyens, faisons parti de l’engrenage d’une machine destinée à enrichir cette minorité qui ne connait même pas nos besoins. Nous sommes anonymes, mais, sans nous, rien de cela n’existerait, car nous faisons bouger le monde.
* Si, en tant que société nous apprenons à ne pas confier notre avenir à une abstraite rentabilité économique qui ne tourne jamais à notre avantage, nous pourrons effacer les abus et les manques que nous endurons tous. Nous avons besoin d’une révolution éthique. On a placé l’argent au-dessus de l’Etre Humain, alors qu’il faut le mettre à notre service. Nous sommes des personnes, pas des produits du marché. Je ne suis pas que ce que j’achète, pourquoi je l’achète ou à qui je l’achète.
A la vue de cela, je suis indigné/e. Je crois que je peux le changer. Je crois que je peux aider. Je sais que, tous ensemble, on le peut. Sors avec nous. C’est ton droit.
MARSEILLE – Lieu : Cours Estienne d’Orves
14 h – Dimanche 29 mai 2011 – Appel national aux citoyens
Nous sommes des personnes venues de manière libre et volontairement, et qui avons décidé après la manifestation de continuer à nous réunir pour revendiquer la dignité et la conscience politique et sociale. Nous ne représentons aucun parti ni association.
Ce qui nous unit, c’est une vocation de changement. Nous sommes ici par dignité et solidarité avec ceux qui ne peuvent pas être présents. Pourquoi sommes-nous ici ? Nous sommes ici car nous voulons une société nouvelle qui donne la priorité à la vie au-delà des intérêts économiques et politiques. Nous plaidons pour un changement de la société et de la conscience sociale. Démontrer que la société ne s’est pas endormie et que nous continuerons à lutter de manière pacifique pour ce que nous méritons. Nous soutenons nos compagnons arrêtés après la manifestation et nous demandons leur mise en liberté sans charge. Nous voulons tout, nous le voulons maintenant, si tu es d’accord avec nous: REJOINS-NOUS! “C’est mieux prendre des risques et perdre que perdre sans avoir rien risqué”
Voici quelques unes des mesures que, en tant que citoyens, nous considérons essentielles pour régénérer notre système politique et économique. Tu peux donner ton avis et proposer tes propres mesures dans le forum.
1.- SUPPRESSION DES PRIVILÈGES DE LA CLASSE POLITIQUE:
Contrôle rigoureux de l’absentéisme des élus dans leurs fonctions. Sanctions spécifiques à l’abandon de fonctions. · Suppression des privilèges par rapport aux charges fiscales, aux années cotisées et au montant des pensions. Égalité du salaire des élus au salaire espagnol moyen plus les frais nécessaires indispensables pour l’exercise de leurs fonctions. · Suppression de l’immunité accordée aux responsables politiques. Imprescriptibilité des délits de corruption. · Publication obligatoire du patrimoine de tous les titulaires de fonctions publiques. · Réduction des postes à nomination discrétionnaire.
2.- CONTRE LE CHÔMAGE: · Une répartition du travail qui favorise la réduction du temps de travail quotidien et la conciliation de la vie professionnelle et la vie privée jusqu’à la disparition du chômage structurel (c’est à dire, jusqu’à ce que le chômage atteigne moins de 5%). · Retraite à 65 ans et aucune augmentation de l’âge de retraite tant que le chômage des jeunes n’ait pas disparu. · Prîmes pour les entreprises qui emploient moins de 10% de leur personnel en intérim. · Sécurité de l’emploi: interdiction de licenciements collectifs o pour des causes objectives dans les grandes entreprises tant qu’il y a de bénéfices, contrôle des grands entreprises afin de garantir qu’elles n’ont pas recours à l’intérim pour occuper des postes permanents. · Rétablissement de l’aide de 426 € pour tous les chômeurs de longue durée.
3.- DROIT AU LOGEMENT: · Expropriation par l’État des logements bâtis et non vendus afin de les placer dans le marché en tant qu’habitations à loyer modéré (HLM). · Aides au logement pour les jeunes est pour les personnes aux revenus modestes. · Possibilité d’hypothéquer sa maison pour rembourser son prêt immobilier.
4.- SERVICES PUBLICS DE QUALITÉ: · Suppression des dépenses inutiles dans les Administrations Publiques et mise en place d’un contrôle indépendant des budgets et des dépenses. · Embauche de personnel médical tant qu’il y a des listes d’attente de patients. · Embauche de personnel enseignant afin de garantir le ratio d’éleves para cours, les groupes de soutien scolaire et de rattrapage. · Réduction des frais d’inscription dans tous les établissements d’enseignement universitaire et mise à égalité du prix des licences et des masters. · Financement public de la recherche afin de garantir son indépendance. · Transport public à bas prix, de qualité et durable: rétablissement des trains qui sont en train d’être remplacés para les lignes de grand vitesse (AVE) à leurs prix initiaux, réduction du coût des abonnements de transport en commun, restriction de la circulation automobile privée dans les centres villes, aménagement de pistes cyclables. · Ressources sociales locales: application effective de la Loi de Dépendance, réseaux d’aides- soignant municipaux, services locaux de médiation et de garde.
5.- CONTRÔLE DES BANQUES: · Interdiction de toute sorte de sauvetage ou injection de capital aux banques: les banques en difficulté doivent faire faillite ou être nationalisés afin de créer une banque publique sous contrôle social. · Augmentation d’impôts pour les banques au prorata du coût social généré par la crise occasionnée par leur mauvaise gestion. · Remboursement à la caisse de l’état par les banques de tout le capital publique qui leur a été apporté. · Interdiction aux banques d’investir dans des paradis fiscaux. · Réglementation des sanctions aux opérations spéculatives et à la mauvaise pratique bancaire.
6.- FISCALITÉ: · Augmentation du taux d’impôt su la fortune et de l’imposition pour les banques. · Suppression des SICAV. · Rétablissement de l’impôt sur le patrimoine. · Contrôle réel et efficace de la fraude fiscale et de la fuite de capitaux vers les paradis fiscaux. · Promotion international de la adoption d’une taxe aux opérations internationales (taxe Tobin).
7.- LIBERTÉS CITOYENNES ET DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE: · Non au contrôle d’Internet. Abolition de la Loi Sinde. · Protection de la liberté d’information et du journalisme de recherche. · Référendums obligatoires et contraignants pour les sujets d’ampleur qui modifient profondément les conditions de vie de tous les citoyens. · Référendums obligatoires pour toute mise en place des mesures dictées para l’Union Européenne. · Modification de la Loi Électoral afin de garantir un système représentatif et proportionnel réel, qui ne discrimine aucune force politique ou volonté social, où le vote blanc et le vote nul soient aussi représentés au sein du législatif. · Indépendance du Pouvoir Judiciaire: reforme du Ministère Public afin de garantir son indépendance; non à la nomination de membres du Conseil Constitutionnel et du Conseil Supérieur de la Magistrature par le Pouvoir Exécutif. · Mise en place des mécanismes effectifs afin de garantir la démocratie interne au sein des partis politiques.
La crise politique portugaise s’est payée cash: hier soir, le premier ministre démissionnaire a dû se résoudre à appeler à l’aide la zone euro, son pays étant incapable de se financer à des taux supportables.
A la veille d’un Conseil européen consacré à la crise de la dette, le Parlement portugais rejetait, le 23 mars, un plan destiné à réduire le déficit en rognant sur les dépenses sociales. Inébranlables, les gouvernements de la zone euro continuent à prescrire la pilule amère de la rigueur.
Comme dans un rêve de Naomi Klein qui rattraperait les malfaçons de sa thèse initiale, le néolibéralisme européen met un soin particulier à se conformer à la « stratégie du choc » — mais d’un choc qu’il a lui-même largement contribué à produire.
On croyait déjà avoir vu du pays avec la « réponse » à la crise (financière privée) sous la forme de plans d’austérité (publique) sans précédent. Mais le prolongement du « pacte de compétitivité » nous emmène pour un autre voyage dont on ne voit même plus le terme. Jusqu’où le paradoxe de l’acharnement néolibéral en réponse à la crise néolibérale peut-il aller ?, c’est une question dont la profondeur devient insondable.
Dans cet invraisemblable enchaînement où un choc séculaire n’entraîne aucune révision doctrinale mais bien la réaffirmation étendue de ce qui a si parfaitement échoué, la case « réduction des déficits » a logiquement donné lieu à une de ces « déductions » bizarres conduisant de l’échec prévisible des politiques d’austérité à l’impérieuse nécessité de les constitutionnaliser.
En dépit du matraquage qui répète ad nauseam que la rigueur est une stratégie de retour à la croissance et quoiqu’il nous ait valu quelques épisodes savoureux comme la « rilance » de Mme Christine Lagarde, on voit mal comment les politiques économiques européennes — coordonnées pour la première fois, mais hélas pour le pire — pourraient ne pas produire l’exact contraire de ce qu’elles prétendent rechercher.
Car si des épisodes d’ajustement budgétaire, dans le passé, ont pu rencontrer quelque succès, c’était à la condition impérative d’être accompagnés d’une baisse de taux d’intérêt, d’une dévaluation ou d’un environnement en croissance, toutes choses dont on est d’ores et déjà bien certain qu’elles feront défaut. Reste la terrible synergie négative qui conjugue des efforts de restriction budgétaire d’une intensité inédite à une extension (l’Europe entière) jamais vue — et promet plutôt la « richute ».
Frédéric Lordon (Le Monde Diplo)
Frédéric Lordon économiste, auteur de La Crise de trop. Reconstruction d’un monde failli, éditions Fayard, 2009.
Pourquoi seuls certains pays de la zone euro sont-ils touchés par la crise de la dette souveraine ?
Existe-t-il un lien entre cette crise et le fait que la dette publique soit possédée par des investisseurs « non résidents » ? Il est en effet curieux que la Grèce, l’Espagne et le Portugal soient sous pression des marchés et absolument pas l’Italie, le Royaume-Uni, l’Irlande ou encore, hors Union européenne, les États-Unis ou le Japon.
Reprenons, à partir des chiffres de 2009 d’Eurostat (publiés le 5 mai) : si la dette grecque représente 115,1 % du PIB, ce qui peut expliquer la défiance des investisseurs, en revanche celles de l’Espagne et du Portugal, ne dépassent pas respectivement 53,2 % et 76,8 %. Soit, en dessous de la moyenne de la zone euro qui est pour l’instant de 78,7 %. Certes le poids des dettes publiques augmente, mais c’est le cas partout dans le monde.
Prenons maintenant le cas de l’Italie : sa dette est de 115,8 % du PIB, soit au même niveau que la Grèce. De même, l’Irlande (64 %) est plus endettée que l’Espagne (sans compter le Nama, structure de défaisance des actifs toxiques des banques irlandaises qui pèse plus d’un quart du PIB irlandais). La France, elle, se situe au niveau du Portugal avec 77,6 % du PIB. Hors UE, la dette américaine représente 80 % et celle du Japon… 200 % de son PIB.
Pourtant, seuls, dans le monde, trois pays du sud de l’Union sont sous la menace des marchés. Certes, dira-t-on, la Grèce est un cas particulier, ce pays ayant dissimulé deux fois l’ampleur de son déficit, brisant ainsi la confiance des marchés. Mais elle a des capacités de rebonds (marine marchande, services, économie souterraine, etc.). Quoi qu’il en soit, l’Espagne et même le Portugal ne sont absolument pas dans le même cas qu’Athènes et sont pourtant bousculés par les marchés. Et si on juge ces pays fragiles, c’est aussi le cas de l’Irlande, de l’Italie, du Royaume-Uni et bien sûr de la France.
C’est là que les choses deviennent intéressantes. Si l’on regarde la proportion de la dette souveraine (celle des États par opposition à la dette privée, celle des ménages) détenue par des « non-résidents » (c’est-à-dire des personnes physiques ou morales domiciliées hors du pays) on constate que ce sont les pays qui ont le plus diversifié leur dette sur les marchés internationaux qui sont les plus attaqués ou, à tout le moins, menacés. Ainsi, la dette grecque est possédée à 75 % par des non-résidents, la dette portugaise à 72 %, la dette espagnole, à 60 %. Il y a, pour l’instant, des exceptions : ainsi, la dette irlandaise est possédée par des non-résidents à hauteur de 86 % et la dette française à hauteur de 68 % et ces deux pays ne sont pas – encore ? — attaqués.
En revanche, on peut noter que la dette britannique n’est possédée par des non-résidents qu’à hauteur de 28 %, la dette allemande, à moins de 50 %, la dette italienne à moins de 55 %, la dette américaine à 50 % et la dette japonaise à moins de 5 %… Et là, curieusement, pas de mouvements, ou si peu. Pourquoi ? Car la dette reste d’abord sous contrôle étatique. Ainsi, « la dette italienne est massivement possédée par des banques italiennes qui, par l’intermédiaire de fondations, sont contrôlées par l’État. Elles font donc ce qu’on leur dit de faire d’où la tranquillité du gouvernement italien », m’expliquait récemment le patron italien d’une entreprise de télécommunications.
La France, il y a quinze ans, était dans le même cas. Mais les autorités publiques ont fait le choix délibéré de diversifier la dette et d’emprunter d’abord sur les marchés internationaux. Interloqué par ce choix, j’ai plusieurs fois interrogé des responsables français qui m’ont répondu avec une
arrogance pas croyable que 1/je n’y comprenais rien (ce qui est possible) et 2/une diversification montre la confiance du monde dans l’économie française. C’était avant la crise de la dette souveraine et ce choix apparaît aujourd’hui pour ce qu’il est : catastrophique puisqu’un pays qui a massivement externalisé sa dette renonce de facto à la contrôler. Si le gouvernement français peut faire pression sur BNP-Paribas, il n’a aucun levier sur Lehman Brothers, par exemple.
Ce n’est pas un hasard si, en avril 2006, le Danemark a fièrement annoncé avoir soldé sa dette extérieure. Sa dette – désormais uniquement possédée par des intérêts danois – n’était plus que de 30 % (41,6 % en 2009). Un choix malin, très malin qui montre que Copenhague a vu venir le coup et compris que l’indépendance a un prix.
Reste à savoir qui sont ces fameux « non-résidents ». Il n’est pas facile de le savoir, les obligations d’État changeant souvent de mains. Mais, selon des estimations fiables, cette dette est massivement possédée par des banques et des assurances de l’Union européenne et non par des banques d’investissement et des Hedge funds américains, japonais ou chinois… Autrement dit, ceux qui ont amplifié la crise de la dette souveraine grecque et déstabilisé la zone euro sont sans aucun doute des banques françaises ou allemandes, qui possèdent à elles seules un bon tiers de cette dette. Je ne dis pas qu’elles sont à l’origine de la crise, mais ce sont elles qui, en étant incapables de contrôler leurs nerfs, ont suivi comme des moutons ce qui ont déclenché la panique par intérêt bien compris.
Autant dire qu’il faut rapidement inverser la tendance afin que l’État emprunte d’abord en interne. Une méthode qui présente un autre avantage : elle permet une restructuration (rééchelonnement des remboursements ou annulation partielle) entre soi, sans vague. On pourrait aussi mettre en place, solution plus européenne, une « agence européenne de la dette » qui gérerait la plus grande partie des dettes nationales des pays de la zone euro et pourrait émettre des emprunts. Ainsi, la spéculation contre la dette souveraine de la zone euro deviendrait impossible. Mais, cette seconde solution, qui a ma préférence, n’est pas à l’ordre du jour. Pour l’instant.