Gay Pride Montpellier. Fête et réaffirmation d’un combat politique

gay saurelLa Lesbian & Gay Pride Montpellier L-R fête ses vingt ans. La parade festive des diversités s’accompagne cette année d’une appropriation historique de la lutte pour l’égalité.

Un drapeau arc-en-ciel des costumes exubérants des musiques multiples et entraînantes, des milliers de personnes qui défilent dans les rues de Montpellier, une fête, un carnaval, c’est la Gay Pride. Cette année La Lesbian & Gay Pride Montpellier Languedoc-Roussillon fêtait ses 20 ans. Le cortège qui a démarré hier en fin d’après-midi de l’esplanade du Peyrou a célébré avant l’heure son feu d’artifice culturel en partageant cet esprit de fête avec tous les Montpelliérains et les nombreux visiteurs ayant profité du décalage de la date de la manifestation pour se joindre aux réjouissances.

Gestion du succès

LGBT (Lesbien, gay, bi et trans) Montpellier qui lutte depuis sa création contre toutes les formes de discriminations a désormais pignon sur rue. Elle a aussi conscience que son combat et plus que jamais d’actualité. La retentissante célébration du premier mariage homosexuel à Montpellier donne à l’organisation une exposition importante qui l’intronise dans la sphère politique. Elle doit aujourd’hui trouver un juste positionnement entre son potentiel économique, ? le mouvement est considéré comme une filière à développer et un pôle d’attractivité pour la ville – et son engagement revendicatif.

Ainsi le décalage de la date de la Gay Pride pour permettre un plus large accès aux touristes de passage a été contesté par une partie de la communauté mais ce vingtième anniversaire a aussi été l’occasion de réaffirmer les luttes qui restent à mener, y compris en France, en recadrant le mouvement dans son histoire.

UNE dimanche MPT Gay prideVendredi à l’initiative de la LGBT Montpellier L-R, des personnalités symboliques du mouvement national et internationales étaient conviées, au Centre Rabelais, pour  évoquer l’histoire des luttes et rappeler l’importance d’affirmer sa différence pour l’avenir du monde. Une façon d’ouvrir les yeux à une partie de la nouvelle génération et de réduire les tentations consuméristes alimentées par l’image modèle que se donne Montpellier.

Retour historique

36 ans après l’assassinat de son oncle, Stuart Milk, le président de la Fondation Harvez Milk a rappelé l’histoire de son combat. Harvez Milk a été le premier conseiller municipal ouvertement gay de la ville de San Francisco. Il est mort assassiné avec le maire de San Francisco, George Moscone, le 27 novembre 1978. Leur meurtrier, Dan White, a été condamné à sept ans de prison, pour homicide involontaire et finalement libéré après cinq ans de réclusion. Le verdict, considéré comme trop clément par la communauté gay et au-delà, a provoqué des émeutes réprimées par la police de San Francisco connues sous le nom de White night riots.

« Mon oncle disait qu’il fallait être visible et ne pas se cacher. Il avait reçu des menaces de mort, il a continué conscient que les balles qu’il allait prendre dans la tête allaient aussi exploser les murs dans lesquels on s’enferme » a souligné Stuart Milk devant une assemblée soucieuse de se réapproprier son histoire.

Pour la côte Est, Alan Reiff du bureau exécutif de Queens Pride New-York est revenu sur le violent acte de naissance de la Gai Pride en relatant les émeutes de Stonewall (voir ci dessous). Hans De Meyer président de l’European Pride Organisers Association a souligné les persécutions dont sont victimes aujourd’hui les homosexuels dans le monde et en Europe. Appelant à intensifier les échanges pour renforcer la lutte.

Jean-Marie Dinh

Repère : A l’origine de la Gay Pride

sucetteLa Gay Pride est née en 1969 au lendemain d’une descente de police dans un bar de New york, le Stonewall. A cette époque il était fréquent d’être arrêté parce qu’on était noir ou homosexuel. Ce jour là pourtant, la population de Greenwich village prend la défense des clients du bar à qui l’on reproche d’être différents. Une foule se forme et bientôt se transforme en une émeute qui durera trois nuits. A l’aube du 30 juin 1969, le mouvement de libération gay et lesbien moderne est né. L’année suivante, des milliers de Ney-Yorkais défilent dans les rues pour afficher leur aversion avec les discriminations. Plus de quarante ans plus tard la Gay Pride de New-york rassemble plus d’un million de personnes. Un succès mais aussi une façon de rappeler que le combat contre l’homophobie semble devoir être un éternel recommencement.

Source : L’Hérault du Jour : 13/07/2014

Voir aussi : Rubrique Actualité Locale,  rubrique SociétéFestival contre les discriminations de Vauvert, rubrique Politique, Politique locale, Société civile,

L’Inde, un géant aux urnes Espoirs de l’« homme ordinaire »

Parfois, les courants sous-marins sont plus puissants que les vagues de surface », observe Mme Medha Patkar, énergique militante écologiste de 59 ans. C’est sa façon de relativiser la « vague Modi » annoncée par les médias indiens, alors que la campagne électorale bat son plein pour le renouvellement des cinq cent quarante-trois députés de la Chambre basse du Parlement (Lok Sabha). Favori du scrutin, M. Narendra Modi, candidat du Bharatiya Janata Party (BJP), la formation ultranationaliste hindoue, met en avant son bilan à la tête de l’Etat du Gujarat (lire « Affairisme et racisme au pays de Gandhi »).

De quoi inquiéter le Parti du Congrès (Indian National Congress, INC), en chute libre dans les sondages. Ses dix ans de pouvoir ont été marqués par une baisse de la croissance (4,4 % en 2013, contre près de 10 % il y a cinq ans) et par de gigantesques scandales de corruption : attribution frauduleuse de licences de téléphonie, allocation illégale de permis pour exploiter des mines de charbon… Sans charisme, son candidat au poste suprême, M. Rahul Gandhi, arrière-petit-fils de Jawaharlal Nehru, peine à convaincre.

Au-delà de ces deux mastodontes, existe-t-il d’autres options ? Mme Patkar le croit. Pour ses premiers pas en politique, elle a choisi les couleurs d’un nouveau-né sur la scène nationale : le Parti de l’homme ordinaire (Aam Aadmi Party, AAP). Avec pas moins de quatre cents candidats dans toute l’Inde, l’AAP, populaire et ambitieux, a fait du chemin depuis le printemps de ses origines, en 2011.

A l’époque, alors que les affaires politico-financières mettent en cause des ministres, un grand mouvement anticorruption voit le jour sous l’égide d’un septuagénaire, ancien chauffeur dans l’armée : M. Anna Hazare. Mobilisant la symbolique gandhienne avec son topi — le calot blanc de Mohandas Karamchand Gandhi —, il enchaîne les grèves de la faim médiatiques au cœur de la capitale, New Delhi. Il reçoit un soutien impressionnant, y compris au sein des couches moyennes urbaines, habituellement indolentes.

Lassés de leurs dirigeants affairistes et des pots-de-vin à verser aux fonctionnaires pour la moindre démarche, des flots d’Indiens se rallient au vieil homme. Ses positions réactionnaires sur la peine de mort, qu’il réclame pour certains coupables de corruption, ne les refroidissent guère. La mobilisation mène finalement à l’élaboration conjointe, par des membres du gouvernement et des citoyens, d’un projet de loi anticorruption qui prévoit d’établir une autorité de surveillance, le Lokpal (« médiateur de la République »). Près de trois ans plus tard, la loi, promise par le Parti du Congrès, n’a toujours pas été votée.

En novembre 2012, l’un des lieutenants de M. Hazare, M. Arvind Kejriwal, reprend le flambeau : il fonde l’AAP. Avec sa moustache et ses petites lunettes, cet ingénieur et ancien cadre de l’administration des impôts, âgé de 45 ans, a le profil parfait de « l’homme de la rue ». Il conserve comme attribut le calot blanc gandhien et choisit ingénieusement comme symbole électoral le jhaddu, le balai des valmiki, membres de la caste des dalit (intouchables) chargés de nettoyer les rues. Balayer la corruption et garantir l’accès de tous aux infrastructures publiques : l’essentiel d’un programme qui séduit autant les pauvres que la classe moyenne. Un an plus tard, en décembre 2013, l’AAP fait une entrée fracassante dans l’hémicycle du territoire de Delhi : il remporte vingt-huit sièges sur les soixante-dix que compte le Parlement régional (1).

M. Kejriwal devient ministre en chef du territoire, et renforce encore son image d’homme intègre en refusant d’emménager dans le pavillon réservé à sa nouvelle fonction. Il met en place une politique sociale et instaure notamment la gratuité de l’eau jusqu’à un certain seuil de consommation. Mais, le 14 février dernier, après quarante-neuf jours de pouvoir, il démissionne à grand fracas, en dénonçant le blocage par les autres partis du projet de loi anticorruption. L’AAP a besoin de conserver son prestige pour la campagne des élections générales.

« Nous ne sommes pas comme les autres. Nous entrons en politique dans le seul but de nettoyer le système », répètent ses militants aux profils sociaux très divers. La révélation régulière de scandales impliquant des membres de l’élite politique et industrielle alimente leur critique acerbe des grands partis. L’AAP met au jour le trucage des prix du gaz fomenté par le Parti du Congrès et l’entreprise Reliance. Il pointe aussi du doigt la responsabilité de M. Modi dans la vente de terres du Gujarat à des prix inférieurs à ceux du marché au bénéfice d’un autre fleuron du capitalisme familial indien, l’Adani Group.

Le Parti de l’homme ordinaire promet de se battre contre les trois « C » : corruption, communautarisme (communalism, tensions interreligieuses entre hindous et musulmans) et capitalisme de connivence (crony capitalism). Il ambitionne d’instaurer le swaraj : ce mot issu du vocabulaire de Gandhi renvoie simultanément à l’autonomie politique et à la décentralisation. D’où l’élaboration de programmes politiques à l’échelle de chaque circonscription. Objectif affiché : donner le pouvoir aux gouvernés afin qu’ils prennent en main collectivement la politique à l’échelon local.

A Bombay, la candidature de Mme Patkar illustre cette tentative (2). Début 2014, elle a choisi l’AAP pour relayer la lutte contre la destruction massive de maisons dans les bidonvilles et l’expulsion de leurs habitants pauvres ; un combat mené au sein du mouvement Ghar Bachao Ghar Banao (« Sauvons nos maisons, construisons nos maisons »). En 1985, déjà, elle avait pris la tête du mouvement anti-industriel le plus important de l’Inde indépendante, le Narmada Bachao Andolan, contre les barrages sur le fleuve Narmada. Elle a fondé en 1995 l’Alliance nationale des mouvements du peuple (National Alliance of People’s Movements, NAPM), constituée d’environ deux cent cinquante organisations.

« Elle ne se présente pas d’elle-même, c’est nous qui la présentons. Et si nous le faisons, c’est pour qu’elle serve notre cause ! », prévient, le jour de l’investiture, M. Santosh Thorat. Ce militant actif de Ghar Bachao Ghar Banao est dalit. Il s’est politisé grâce aux mouvements d’émancipation lancés par les héritiers du leader intouchable Bhimrao Ramji Ambedkar (1891-1956). Il y a un an encore, il jurait qu’il n’inscrirait jamais sa lutte politique dans le cadre d’un parti. Et pourtant, il vient de passer une alliance stratégique, improbable et fragile, alors même que l’AAP ne fait pas de l’égalité ou de l’oppression de caste une question centrale.

Ces rapprochements étonnants ne peuvent faire oublier les zones d’ombre de ce nouveau parti. Le 14 mars 2014, dans le quartier populaire de Rafiq Nagar 2, à Bombay, avant que le cortège ne s’élance, un poète du quartier entonne Inki Soorat ko Pehchano Bhai Mon frère, regarde donc leurs visages »). Ce chant révolutionnaire brocarde autant le système des castes que la corruption et ridiculise toutes les figures politiques, jusqu’à celle de Gandhi. Plus tard, un membre de l’AAP lance « Bharat Mata Ki Jai » (« Vive la mère patrie »), un slogan nationaliste très prisé de l’extrême droite hindoue. Ces frictions entre le registre de l’émancipation radicale et celui du patriotisme exacerbé reflètent les contradictions idéologiques de l’AAP.

Des tendances xénophobes et nationalistes ont éclaté au grand jour dans la nuit du 15 au 16 janvier 2014, lorsque le ministre de la justice du territoire de Delhi, membre de l’AAP, a ordonné à la police de ratisser un quartier de la capitale peuplé de migrants africains. Dans sa croisade contre la petite criminalité, il déclarait alors : « Les Noirs, qui ne sont pas comme vous et moi, enfreignent les lois. » Le parti l’a couvert. « Pour nombre de sympathisants progressistes, ce fut la première grosse déception et la prise de conscience de l’importance des forces rétrogrades au sein de l’AAP », commente la politologue Stéphanie Tawa Lama-Rewal.

A la même période, alors qu’une touriste danoise vient d’être violée à New Delhi, M. Kejriwal explique les viols par « la prostitution et la drogue ». Il se montre incapable d’analyser les causes structurelles et sociales des violences sexuelles et conjugales (3). De même, il accorde une grande confiance aux assemblées de village, les panchayat, porteuses, selon lui, de démocratie locale. Des instances pourtant autoritaires, masculines et contrôlées par les castes dominantes, soulignent certains intellectuels de gauche (4).

En outre, bien qu’il critique la corruption des industriels, le parti promeut une vision libérale de l’économie. Plusieurs membres de la commission chargée de réfléchir à sa politique industrielle sont des chefs d’entreprise qui militent pour une intervention a minima de l’Etat. Dans la circonscription de Bombay-Sud, Mme Meera Sanyal, ancienne présidente-directrice générale de la branche indienne de la Royal Bank of Scotland et membre du think tank LiberalsIndia, porte fièrement les couleurs de l’AAP. Pas question non plus de critiquer l’influence des Etats-Unis sur les politiques néolibérales de développement mises en place en Inde, comme le déplore l’écrivaine Arundhati Roy (5). Préférant la « bonne gouvernance » à l’anticapitalisme et à l’anti-impérialisme, l’AAP ne défend l’émancipation du travailleur que si elle s’en tient aux formes légales de mobilisation, qui sont très limitées.

Sa force n’a finalement d’égale que la faiblesse des formations marxistes, qui peinent à constituer un « troisième front » ou un « front de gauche » solide. La coalition qu’ils forment aujourd’hui avec des partis régionaux ne porte pas de vision alternative homogène pour contrer le BJP ou le Congrès. Au risque de se couper d’une grande partie de la population, le Parti communiste indien (CPI) ou le Parti communiste indien (marxiste, CPI-M), constitués en majorité de militants des castes supérieures, ne se sont ralliés qu’à reculons à la critique de la société de castes, lui préférant une vision classiste.Enfin, ces partis peinent à saisir le potentiel subversif et émancipateur des luttes actuelles : dans les villes, pour l’accès au logement ou à l’eau ; dans les campagnes, contre l’accaparement des terres par les industriels ou les projets nucléaires.

Rhétorique non violente, absence de vocabulaire marxiste, légalisme : c’est justement ce mélange qui semble avoir conquis une bonne partie de l’élite intellectuelle et militante, des écologistes anti-industriels aux professeurs de gauche en passant par les militants des droits civiques. Ils espèrent pouvoir contrer les tendances conservatrices et rétrogrades au sein du parti. « Le programme est beaucoup plus progressiste qu’on n’aurait pu le penser, estime Tawa Lama-Rewal. Entre autres promesses figure la mise en place d’une couverture santé universelle et d’un système d’éducation pour tous. Alors que, jusqu’ici, il restait vague sur la question des quotas réservés aux castes inférieures et aux femmes, le parti prend position en leur faveur. Il a affirmé qu’il défendrait la décriminalisation de l’homosexualité. »

La place accordée dans le programme à la réappropriation des ressources naturelles témoigne également de l’influence des militants écologistes. On y insiste sur le droit des communautés locales et minoritaires à décider de ce qu’elles font de leur terre et de ses ressources. Le parti propose des solutions décentralisées en termes d’énergies renouvelables, se démarquant ainsi du programme centralisé d’énergies solaire et éolienne développé par le Congrès. Alors que l’Etat indien, au nom de la croissance industrielle et des besoins de la population, compte faire passer sa part d’énergie nucléaire de 3 à 25 % d’ici 2050, M. Kejriwal s’est positionné contre le recours à cette énergie. Quel que soit le nombre de ses élus, l’AAP a déjà réussi à bousculer le paysage politique.

Naïké Desquesnes

Journaliste. Avec la collaboration de Javed Iqbal à Bombay.

(1) Le BJP en a obtenu trente et un ; le Parti du Congrès, huit ; le parti sikh Shiromani Akali Dal, un ; le Janata Dal, un ; un « parti indépendant », un.

(2) Lire Javed Iqbal, « A lady amist the Aam Aadmi », Outlook, New Delhi, 28 avril 2014.

(3) Lire Bénédicte Manier, « L’Inde nouvelle s’impatiente », Le Monde diplomatique, février 2013.

(4) Rohini Hensman, « 2014 elections, a secular united front and the Aam Aadmi Party », Economic & Political Weekly, Bombay, 22 février 2014.

(5) Arundhati Roy, « Those who’ve tried to change the system via elections have ended up being changed by it », Outlook, 26 novembre 2012.

Source Le Monde Diplomatique. Mai 2014

Réforme territoriale : Hollande brusque la droite… et le PS

AFP/Patrick Kovarik

AFP/Patrick Kovarik

Manoeuvres. Malgré les critiques dans son propre camp, le chef de l’Etat veut accélérer le calendrier de la réforme territoriale, ce qui implique de reporter les élections cantonales et régionales prévues en 2015.

La prédiction émane d’un vieux copain du président : « Ça ne va pas être facile pour Valls de vivre avec Hollande, qui lui dit : à toi la rigueur, à moi la redistribution ! » De fait, alors que le Premier ministre doit faire passer les 50 milliards d’économies, le président entend porter en personne la réforme, populaire dans les sondages, du mille-feuille territorial : elle prévoit de ramener à 11 ou 12 le nombre de régions et de supprimer les conseils généraux d’ici à mars 2016.

Sauf surprise, c’est François Hollande, et lui seul, qui recevra dès le 14 mai à l’Elysée les chefs de parti pour les consulter sur le projet, et le report d’un an qu’il implique des élections régionales et cantonales prévues en mars 2015.

« Il a choisi de mener ça, lui-même », confirme un ami. Car Hollande, qui n’a plus guère de marge de manoeuvre sur la baisse du chômage ou le « retournement » économique, pense tenir là la grande réforme — « un marqueur », dit l’Elysée — de la fin de son mandat. Conscient que le temps presse s’il veut inverser la courbe des sondages, il assume avancer à la hussarde en se donnant vingt-deux mois pour tout dynamiter. Le 8 avril, Manuel Valls avait annoncé la division par deux du nombre de régions d’ici à 2017, mais n’avait parlé que de 2021 pour la fin des conseils généraux. Le président a choisi d’accélérer, pied au plancher.

Hollande le sait, il y a là de quoi braquer les baronnies du PS, qui dirigent la majorité des exécutifs locaux, après leur avoir déjà fait avaler la fin du cumul des mandats.Parti à la reconquête des Français, il n’a cure des critiques de son camp : il joue l’opinion contre l’establishement. « Il dit qu’il n’a rien à perdre. Y compris ses propres amis », constate Claudy Lebreton, président PS de l’Assemblée des départements, qui s’inquiète d’un « vrai coup d’arrêt à la décentralisation ».

Il joue sur les mots

Le bal de consultations prévues à l’Elysée n’est pas non plus dénué d’arrière-pensées politiques avant les européennes. En consultant les partis dès la semaine prochaine, le président veut mettre l’UMP face à ses contradictions. « Jean-François Copé a dit trois fois qu’il fallait supprimer les départements ! » relève le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll. « On verra qui sont les réformateurs et les conservateurs », a défié Hollande mardi. « Soyez courageux », a appuyé Manuel Valls hier à l’Assemblée, en se tournant vers les bancs de la droite.

Autre objectif non avoué du pouvoir : enfoncer un coin entre l’UMP, dont le chef dénonce une « magouille électorale », et les centristes, dont certains sont tentés de dire oui. « On réclame tous cette réforme depuis vingt ans », a ainsi fait valoir Marielle de Sarnez, proche de François Bayrou.

Reste que l’exécutif joue un peu sur les mots. Car les départements ne seront pas supprimés. Ils figureront toujours par exemple sur les plaques d’immatriculation. Ce sont les conseils généraux qui disparaîtront, d’abord dans les zones urbaines. « Il y aura toujours un échelon départemental », confirme une source gouvernementale.

La nuance est de taille. Supprimer les départements, qui figurent dans la Constitution, supposerait une réforme constitutionnelle, donc les trois cinquièmes des voix du Parlement réuni en Congrès. Périlleux, voire impossible. Pas question non plus, pour un Hollande impopulaire, de risquer un référendum, comme l’exigent l’UMP, Bayrou ou Pierrre Laurent (PCF). L’Elysée évacue : « Ce n’est pas du tout à l’ordre du jour. »

Nathalie Schuck avec Rosalie Lucas

Source Le Parisien : 08.05.2014

Voir aussi : Rubrique Actualité France, rubrique Politique, La décentralisation, nouveau chantier de Hollande ? Politique économique, Réduire le nombre de régions pour rembourser les banques, Politique locale, rubrique Géographie,

Guérini lance son propre parti politique, »La Force du 13″

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Par Benjamin Bonneau avec AFP

RENÉGAT – Le président du conseil général des Bouches-du-Rhône, expulsé du PS, veut continuer à peser sur la scène locale.

L’INFO. Le Parti socialiste n’en a pas fini avec Jean-Noël Guérini. Le président du conseil général des Bouches-du-Rhône avait devancé son exclusion du PS en annonçant son départ du parti, le 7 avril dernier. Vendredi, il a annoncé la création de son association politique « La Force du 13 », car après l’échec cuisant de la gauche aux municipales à Marseille, « il y a un espace politique qui s’ouvre à nous », as-t-il estimé lors d’une conférence de presse.

« A 95% des personnalités de la société civile ». La « Force du 13 » dont les statuts ont été déposés vendredi matin à la préfecture des Bouches-du-Rhône est une association régie par loi de 1901 dont les « cotisations seront le seul mode de financement » et qui « fonctionnera sans faire appel à l’argent public », a annoncé celui qui est mis en examen dans des dossiers de marchés publics et de détournement de fonds publics. Son objectif : réunir « 1.000 adhérents d’ici à la fin de la semaine prochaine ». Il s’agira « d’élus, de maires, de responsables politiques », a indiqué l’élu citant « des adhérents de l’ancienne liste de Pape Diouf », candidat aux municipales, « des membres de la majorité municipale, du PS, du PCF » mais surtout, « à 95% des personnalités de la société civile ».

Le mouvement, que Jean-Noël Guérini présidera « le temps de le lancer dans le paysage départemental » n’est pas destiné à « distribuer les investitures » pour les élections. « La double appartenance », entre son association et un parti politique « est possible sauf avec les extrêmes », a-t-il précisé. Ses premiers rendez-vous : « les élections cantonales et les régionales ».

Source Europe 1  25/04/2014

Voir aussi : Rubrique Politique, Politique locale,

Un plan d’austérité injuste, dangereux et illégitime

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par Laurent Mauduit.

Blocage des rémunérations des fonctionnaires, gel des retraites et des prestations sociales, mesures d’économies sur les pauvres : Manuel Valls détaille un plan d’austérité de 50 milliards d’euros d’une violence à laquelle même la droite n’a pas eu recours. À croire que la France a été placée sous la tutelle de la Troïka européenne.

La rupture de François Hollande avec la gauche est décidément consommée ! Après avoir décidé d’organiser un plan d’allègements fiscaux et sociaux d’une ampleur historique en faveur des entreprises sans leur demander la moindre contrepartie ; après avoir nommé à Matignon le premier ministre le plus à même de mettre en œuvre cette politique néolibérale, en l’occurrence Manuel Valls, il a donné son imprimatur, mercredi 16 avril, au cours du conseil des ministres, à l’un des plans d’austérité les plus violents que la France ait connus depuis la Libération, de même nature que ceux de 1982 ou 1983.

Ce plan d’austérité, dont Manuel Valls a décliné les grandes lignes en milieu de journée, présente la triple caractéristique d’être économiquement dangereux, socialement injuste et démocratiquement illégitime.

Voici ci-dessous les deux documents qui permettent de découvrir les détails de ce plan d’austérité. Le premier document est l’allocution que Manuel Valls a prononcée à l’issue du conseil des ministres, pour présenter ces mesures. Le second document a été publié dans la foulée par ses services pour présenter le détail des dispositions.

* Un plan d’austérité injuste

À l’examen de ce plan, qui n’est encore guère détaillé, le premier constat qui saute aux yeux est, de fait, son caractère socialement injuste. Portant sur 50 milliards d’euros d’économies qui devront être réalisées en 2015, 2016 et 2017, à hauteur de 18 milliards sur le budget de l’État, 11 milliards sur les collectivités locales, 10 milliards sur l’assurance maladie et 11 milliards sur les autres dépenses de protection sociale, il vise en somme à faire financer par les salariés modestes, les fonctionnaires, ou encore les retraités les cadeaux de plus de 36 milliards d’euros (30 au titre du « pacte de responsabilité », auxquels s’ajoutent d’autres baisses d’impôt) qui viennent d’être annoncés en faveur des entreprises.

C’est cela, la principale injustice de ce plan : il vise à organiser le plus gigantesque transfert de revenus qui ait jamais eu lieu en France des ménages, notamment les plus pauvres, vers les entreprises, y compris les plus riches.

Ce plan, qui ressemble strictement en tous points à celui qu’aurait pu présenter en des circonstances identiques un François Fillon sous la présidence de Nicolas Sarkozy, comporte, ensuite, quand on l’examine poste par poste, de nombreuses autres injustices.

– 18 milliards d’euros d’économies sur l’État. Ce premier volet du plan d’austérité, ce sont les 5,2 millions de fonctionnaires qui vont en faire les frais puisque leurs rémunérations de base vont continuer à être bloquées. « Nous confirmons le gel du point d’indice », a en effet déclaré Manuel Valls. Ce gel a commencé en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy et devrait donc se poursuivre. Jusqu’à quand ? Jusqu’en 2017 ? La formulation utilisée par le premier ministre est assez ambiguë pour le suggérer.

Cette disposition sera socialement très lourde de conséquences, puisque les rémunérations de base des trois fonctions publiques sont bloquées continûment depuis plus de quatre ans. Ce gel va contribuer à un effondrement du pouvoir d’achat de catégories sociales dont les revenus sont souvent faibles. À titre d’indication, l’Insee vient de publier une étude (<a>elle est ici</a>) qui révèle que les salaires net moyens des trois fonctions publiques ont baissé en euros constants en 2012.

Explication de l’institut : « Dans la fonction publique de l’État (FPE), ministères et établissements publics confondus, le salaire net moyen en équivalent-temps plein (EQTP) a augmenté de 1,1 % en euros courants entre 2011 et 2012. Compte tenu de l’inflation, il a baissé de 0,8 % en euros constants. Il atteint en moyenne 2 460 euros net par mois en 2012.  Dans la fonction publique territoriale (FPT), l’évolution entre 2011 et 2012 est de + 1,4 % en euros courants, soit – 0,5 % en euros constants. Le salaire net moyen en EQTP est de 1 850 euros par mois en 2012. Dans le secteur hospitalier public (SHP), le salaire net moyen croît de 1,3 % en euros courants entre 2011 et 2012  et baisse de 0,6 % en euros constants. Le salaire net moyen en EQTP est de 2 240 euros par mois en 2012. »

Les fonctionnaires, qui ont très majoritairement voté pour François Hollande au second tour de l’élection présidentielle, vont donc payer un lourd tribut au plan d’austérité. L’Élysée et Matignon n’ont, toutefois, pas osé aller au-delà, en mettant en application une autre mesure sulfureuse qui avait été aussi mise à l’étude dans le groupe de réflexion constitué autour de François Hollande : un blocage des mesures de promotion ou d’avancement dans la fonction publique.

Pour ce qui concerne l’État, les autres dispositions évoquées par Manuel Valls lors de son allocution, ou dans le document publié par Matignon, restent particulièrement imprécises. Si imprécises qu’il ne faut pas exclure d’autres très mauvaises surprises lorsque le véritable détail du dispositif sera transmis au Parlement et ne pourra plus être entouré de fortes zones d’ombre.

Dans le cas des effectifs de la fonction publique, les 60 000 créations de postes dans l’éducation nationale, qui constituaient la promesse phare du candidat François Hollande, sont-elles ainsi toujours d’actualité ? Ou, comme y a réfléchi secrètement ces dernières semaines l’Élysée, ces créations pourraient-elles être légèrement revues à la baisse, d’environ 15 000 postes ?

Dans son allocution, Manuel Valls est resté très évasif, sans mentionner le moindre chiffre : « Les effectifs des ministères, hors éducation nationale, sécurité et justice continueront de diminuer. Ces diminutions s’accompagneront toutefois de redéploiements afin de préserver nos services publics. » Le communiqué de Matignon est, lui, un tout petit peu plus précis : « Les créations d’emplois prévues dans l’Éducation nationale, la sécurité et la justice seront maintenues, dans le cadre de la priorité donnée à la jeunesse, et à la sécurité des Français. »

 

Toujours au titre de l’État, le document de Matignon fait cette mention qui n’a pas été remarquée parce qu’elle est très elliptique : « Les interventions de l’État seront également recentrées pour être plus efficaces. » Énoncée de la sorte, la formule passe, effectivement, inaperçue. Mais c’est un tort car il faut avoir à l’esprit que ce que les têtes d’œuf de Bercy, dans leur jargon, appellent « dépenses d’intervention » constitue une immense enveloppe budgétaire de plus de 60 milliards d’euros, soit plus que les recettes de l’impôt sur le revenu, et dans ce montant sont compris de nombreux crédit sociaux. Dans le lot, il y a ainsi ce que l’on appelle les interventions de guichet (minima sociaux, aides au logement, prestations versées aux anciens combattants, bourses scolaires ou universitaires…), mais aussi les subventions d’équilibre aux régimes spéciaux de retraite ou transferts aux collectivités locales…

Même si le gouvernement a démenti depuis plusieurs jours toute suppression des aides au logement pour les étudiants non boursiers, il faudra donc encore attendre pour savoir qui d’autre sera visé par les coupes claires dans ces crédits.

Enfin, dans ce chapitre, une dernière formulation évasive peut susciter une légitime inquiétude et inviter à penser que quelques mauvais coups sont en gestation : « Les opérateurs et autres agences de l’État verront leurs dépenses de fonctionnement et leurs interventions revues à la baisse », peut-on lire dans le document. Dit de la sorte, cela passe aussi inaperçu. Mais il faut avoir à l’esprit que les opérateurs de l’État sont au nombre de 550 et jouent un rôle économique et social souvent décisif.

Un plan avec beaucoup de zones d’ombre

– 11 milliards d’euros d’économies sur les collectivités locales. Ce second volet est encore plus évasif et imprécis que le premier. Lors de son intervention, Manuel Valls n’a guère donné de détails. Et le document de Matignon se cantonne, lui aussi, à des généralités, du genre : « La Dotation Globale de Fonctionnement sera reformée dans le projet de loi de finances (PLF 2015), pour encourager les comportements vertueux et renforcer les mécanismes de solidarité financière entre collectivités riches et défavorisées. »

 

Mais il est fort probable que dans les semaines et les mois qui viennent, lorsque l’on aura une idée plus concrète de ce qui se trame, on découvrira des mesures lourdes de conséquences. Soit parce qu’elles contribuent à l’asphyxie financière de certaines collectivités, soit parce qu’elles poussent à des dispositions impopulaires.

– 10 milliards d’euros d’économies sur l’assurance maladie. Ce troisième volet du plan d’austérité entretient, lui aussi, de grandes zones d’ombre sur ce que veut réellement faire le gouvernement. Le document de Matignon indique en effet trois pistes pour réaliser ces économies – mais trois pistes singulièrement floues : « – mieux organiser les parcours de soins, en renforçant les soins de premier recours, en développant la chirurgie ambulatoire, en facilitant le retour à domicile après une hospitalisation, en améliorant le suivi des personnes âgées en risque de perte d’autonomie ; – agir sur la pertinence médicale pour réduire le nombre d’actes et améliorer notre dépense de médicaments, grâce à une consommation plus raisonnée, à un plus grand recours aux génériques et à des prix davantage en adéquation avec l’innovation thérapeutique ; d’interventions inutiles ou évitables. »

Là encore, il faut donc attendre pour savoir ce que cachent ces formulations langue de bois.

– 11 milliards d’euros d’économies sur l’assurance maladie. Ce quatrième paquet du plan d’austérité est, lui, dès à présent un peu plus précis et comprend des mesures qui auront aussi des conséquences sociales graves.

D’abord, les prestations sociales ne seront pas revalorisées pendant un anExplication du document de Bercy : « Cette stabilité concernera les pensions du régime de retraite de base (1,3 milliard d’euros). Le même effort pourrait être réalisé s’agissant des retraites complémentaires qui relèvent des partenaires sociaux (2 milliards d’euros). Cet effort temporaire épargnera les retraités dont les pensions sont les plus modestes puisque le minimum vieillesse continuera, lui, d’être revalorisé. Le niveau des autres prestations sociales (logement, famille, invalidité) sera également stable jusqu’en octobre 2015 (0,7 milliard d’euros). Cette mesure ne touchera pas les minima sociaux (RSA, ASS, AAH, minimum vieillesse), dont la revalorisation sera garantie. »

 

Cette décision va donc avoir de très graves répercussions sur les 15 millions de Français qui sont retraités, dont le pouvoir d’achat, de l’avis de tous les spécialistes, risque de s’effondrer, car cette disposition de gel des retraites de base va venir se cumuler avec l’accord survenu entre les partenaires sociaux, prévoyant que les retraites complémentaires (Agirc-Arrco) soient revalorisées d’un point de moins que l’inflation en 2013, 2014 et 2015 (lire <a>L’accord sur les retraites rogne le pouvoir d’achat</a>).

Sus donc aux retraités ! Mais sus aussi aux pauvres… Ne prenant visiblement soin de n’épargner aucune catégorie de Français, même les plus pauvres, François Hollande et Manuel Valls ont décidé que les bénéficiaires du RSA apporteront aussi leur quote-part au plan d’austérité. « Décidés dans le plan pauvreté de janvier 2013, les engagements de revalorisation exceptionnelle pour le RSA, le complément familial et l’allocation de soutien familial sont confirmés. Mais elles seront décalées d’une année », a dit le premier ministre.

Décryptons, pour que cela soit plus clair. Lors de sa campagne, le candidat socialiste avait pris des engagements énergiques pour faire reculer la pauvreté. Et en application de ces promesses, une conférence nationale de lutte contre la pauvreté s’est tenue à Paris les 11 et 12 décembre 2012. C’est à cette occasion qu’un plan avait été présenté, prévoyant toute une série de mesures comme la revalorisation de 10 % du RSA (Revenu de solidarité active) sur cinq ans et la création de 8 000 places d’hébergement d’urgence. Dans la vidéo ci-dessous, on peut visionner Jean-Marc Ayrault résumant les décisions de cette conférence pour le RSA.

En clair, la hausse de 1,3 % du Revenu de solidarité active (RSA) « socle » (revenu minimum pour personnes sans ressources) intervenue au 1er janvier 2014 aurait dû être complétée par une augmentation exceptionnelle de 2 % le 1er septembre 2014. Dans le cadre de ce plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le gouvernement avait en effet décidé une augmentation de 10 % d’ici à la fin du quinquennat.

Au terme du plan d’austérité, c’est donc cette hausse de 2 % qui est finalement annulée. Et du même coup, le plan pauvreté est gravement remis en cause.

Usant toujours de la langue de bois, le document de Matignon apporte aussi cette autre précision, un tantinet elliptique : « La modernisation de la politique familiale engagée en 2013 sera poursuivie, en renforçant l’équité des aides aux familles, et en orientant davantage les prestations vers l’emploi des femmes (0,8 milliard d’euros). » Traduction : cette mesure qui vise à renforcer « l’équité » – il faut être gonflé pour oser écrire cela ! – permettra de dégager 800 millions d’euros d’économies. Mais la formule est encore trop tordue pour que l’on puisse comprendre quelle disposition de la politique familiale va être rabotée…

* Un plan d’austérité dangereux

Socialement explosif, ce plan d’austérité est aussi économiquement dangereux, pour de multiples raisons.

D’abord, le gouvernement soumet les fonctionnaires, les retraités ou encore les pauvres à un violent plan d’austérité dans un seul but : trouver les financements nécessaires pour apporter les 36 milliards d’euros de cadeaux annoncés aux entreprises. Sans ces cadeaux, il n’aurait pas eu besoin de soumettre le pays à une telle purge. En clair, le plan d’austérité ne vise en rien à réduire les déficits publics, pour être en conformité avec les engagements pris auprès de Bruxelles.

Or, le gouvernement va offrir ces 36 milliards d’euros aux entreprises sans la moindre contrepartie. Sans obtenir des entreprises des engagements en termes d’emploi ou d’investissement. Il est donc probable que ces cadeaux provoquent surtout des effets d’aubaine et viennent gonfler profits et dividendes au profit des actionnaires. C’est ce que suggérait une étude récente de l’Insee (lire <a>Le choc de compétitivité stimulera d’abord… les profits !</a>).

En clair, le plan d’austérité n’a aucune justification économique. À l’inverse, il risque d’avoir de nombreux effets pervers. Poussant à la baisse le pouvoir d’achat des Français, qui a subi depuis deux ans une chute sans précédent depuis 1984, il risque de replonger le pays dans l’anémie, alors que les signes de reprises sont encore extrêmement ténus.

Il y a donc une forme de dogmatisme de la part du gouvernement, dans la décision qu’il a prise de mettre en œuvre ce plan d’austérité, et dans les modalités. Car, à bien des égards, on sent la patte de la « Troïka » dans ce plan d’austérité : il est très proche de ces fameuses réformes dites structurelles dont raffolent le FMI, Bruxelles et la Banque centrale européenne. Voici donc, en somme, la France en train de suivre une voie assez proche de celle de l’Espagne. Une sorte de cercle vicieux : davantage d’austérité qui conduira à moins de croissance qui conduira à plus de déficits, qui conduira à plus d’austérité…

Ce cercle vicieux, c’est le prix Nobel d’économie Paul Krugman qui l’a le mieux décrit dans <a>l’une de ses chroniques récentes du New York Times</a> : « François Hollande a cessé de m’intéresser dès que j’ai compris qu’il n’allait pas rompre avec l’orthodoxie destructrice de l’Europe et son parti pris d’austérité. Mais maintenant, il a fait quelque chose de vraiment scandaleux. Ce qui me choque, c’est qu’il souscrive désormais aux doctrines économiques de droite, pourtant discréditées. (…) Quand François Hollande est arrivé à la tête de la deuxième économie de la zone euro, nous sommes quelques-uns à avoir espéré qu’il se dresse contre cette tendance. Mais comme les autres, il s’est soumis, soumission qui vire désormais à la faillite intellectuelle. L’Europe n’est pas près de sortir de sa deuxième “grande dépression”. »

 

* Un plan d’austérité illégitime

 

C’est la dernière réflexion à laquelle invite ce plan d’austérité : s’il apparaît stupéfiant, c’est aussi parce qu’il est mis en œuvre, comme dans une folle fuite en avant, par un pouvoir qui vient d’être gravement sanctionné, précisément pour avoir ébauché cette politique d’austérité.

Ce plan prend donc des allures de provocation. Alors que la gauche est fracturée comme elle ne l’a jamais été ; alors que la majorité présidentielle vient d’imploser et que les Verts viennent de sortir du gouvernement ; alors que la fronde a gagné jusqu’aux rangs socialistes, avec des députés de l’aile gauche qui refusent de voter la confiance au nouveau gouvernement, François Hollande, plus isolé que jamais, continue, tête baissée, dans son impasse. Pas un geste social en direction des pauvres, pas un geste en direction des députés de son propre parti, il use des pouvoirs exorbitants que lui confèrent les institutions de la Ve République pour faire l’exact contraire de ce que semble vouloir le pays.

Cet entêtement-là, où conduira-t-il ? Depuis de longs mois, François Hollande attise contre lui une colère qu’il fait mine de ne pas entendre. Une colère qui va encore grossir…

Laurent Mauduit

Source : Médiapart 17/04/2014

Voir aussi : Rubrique PolitiqueFin de l’indétermination démocratique, Politique locale, Réduire le nombre de régions pour rembourser les banques, rubrique  Economie Dette publique , rubrique Société, 40% des SDF sont  des CDI, rubrique Mouvement sociaux,