Vauvert. Festival contre les discriminations : L’échange comme une haie brise-vent

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Le 3ème édition du Printemps de Vauvert est dédiée à Nelson Mandela. Photo dr

Société. Troisième Printemps de l’éducation contre les discriminations et le racisme à Vauvert et dans la petite Camargue .

En décembre 2013 Gilbert Collard le député  FN  de  la  2 ème circonscription  du  Gard  assiste aux  obsèques  du  général  Aussaresses propriétaire à Vauvert et chef du   sinistre escadron de la mort  en  Algérie. Une vieille connaissance, puisque l’avocat l’avait défendu en 2004 quand Aussaresses fut condamné pour apologie de la  torture. A  son  enterrement,  Collard  rend hommage à son camarade : « Il a accepté de faire le sale boulot  et c’est beaucoup plus honorable que de se défausser, je trouve ça  courageux… » André Génot initiateur du Printemps de l’éducation contre les discriminations et le racisme à Vauvert lui répond en lui rappelant qu’il y eu en Algérie des hommes courageux qui se sont opposés à la torture sous toutes les formes parce qu’ils aimaient leur pays.

Trois mois plus tard, au lendemain du second tour des élections municipales le même Génot débute la présentation du 3ème Printemps en ces termes : « Nous constatons ce beau temps qui règne sur Vauvert. Le ciel s’était assombri et nous craignions qu’un vent de tempête ne s’abatte sur les associations réunies ici aujourd’hui. Le ciel s’est dégagé mais il reste beaucoup de travail à faire.» Jean Denat (DVG) venait de perforer,  avec 41,48% des voix, la lourde chape qui embrume les esprits en empêchant le candidat Meizonnet (35,35%) d’afficher Vauvert au tableau de chasse frontiste.

A quelques battements d’ailes Eddy Valladier (UMP-UDI) devenait le nouveau maire de Saint-Gilles en barrant le passage à Gilbert Collard à 194 voix près. Dans le Gard, seule Baucaire est entrée dans l’ère grise avec l’élection du frontiste Julien Sanchez. Comme le dit André Génot : « Le combat n’est pas terminé, loin s’en faut

Pour le collectif d’association du 3ème Printemps de l’éducation contre le racisme et les discriminations, ce combat n’est pas politicien. C’est un projet citoyen qui se reconnaît dans la pensée du journaliste ex-rédac’chef du Monde, Claude Julien : « En tout premier lieu, il nous appartient de provoquer la réflexion, de stimuler l’esprit critique, d’inspirer des attitudes d’ouverture qui permettent d’aller à la rencontre de l’autre. ». Un projet qui tente de se mettre en œuvre à l’échelle de la petite Camargue, un territoire où les paradoxes soufflent parfois comme le mistral.

Interactions territoriale

Pour cette troisième édition qui se poursuit jusqu’au dernier week-end d’avril, le festival étend sa programmation aux communes voisines d’Aimargues, St-Laurent, et Lunel, et bénéficie d’une partie de la dotation parlementaire du député Christophe Cavard. L’ Education nationale,  l’Académie et le Conseil général du Gard sont partie prenante, ainsi que plusieurs communes, ce qui permet au Printemps de l’éducation de faire vivre les valeurs de l’éducation populaire, en déclinant son offre pédagogique des écoles communales à l’université nîmoise.

L’année dernière, le préfet s’était déplacé pour apporter le soutien de l’État. « Les rencontres mobilisent un réseau associatif représentatif, certains services de l’État entérinent notre vision en s’impliquant dans une démarche qui vise à favoriser le dialogue, explique Eric Krzywda le directeur de l’Espace social vauverdois, mais on ne parvient pas à toucher tout le monde.» La ségrégation s’ancre dans les dialectiques de l’intérieur et de l’extérieur, celle du privé et du public, du pur et de l’impur, de l’intégration et de l’exclusion.

Sur un territoire historiquement ouvert, disposant d’une culture forte, comme la petite Camargue, la crise et le manque de réflexion en terme d’aménagement du territoire ont laissé s’opérer une division sociale qui impacte le champ des valeurs traditionnelles en éloignant et en isolant les populations. Des modèles simplistes se sont imposés, des lignes de démarcations érigées.

La lutte menée par le Printemps de Vauvert contre le racisme qui peut aussi s’exprimer entre voisins de même appartenance culturelle, passe par l’éducation. « En sensibilisant la jeunesse nous concernons leur parents », indique Eric Krzywda. Il passera également par les livres avec l’implication résolue de la librairie Vauverroise La fontaine aux livres et l’association 1Différences qui reconduisent le festival du livre contre les discriminations.

Jean-Marie Dinh Renseignements www.fives.asso.fr

  Dans le contexte La Marseillaise partenaire de toutes les cultures

Vu de loin, la petite Camargue peut être perçue comme un point noir. Une terre de liberté passée dans le camp réactionnaire. La fédération d’acteurs que nous avons rencontrée autour du 3ème Printemps de l’éducation contre les discriminations et le racisme nuance ce regard. Issus du milieu associatif, de services publics ou du secteur privé, tous défendent l’ouverture d’esprit et la diversité. Tous se sont engagés, et agissent concrètement dans leur discipline, autrement dit combattent en s’appuyant sur l’évolution des esprits et des représentations que développe l’éducation. Nous avions largement relayé l’an passé le festival in/différences initié par les éditions au Diable Vauvert et la librairie La fontaine. Nous l’accompagnons cette année en tant que partenaire média. Il est temps que la presse prenne sa part pour sortir de la névrose nationale et donner du sens…  Qu’elle contribue à sortir d’un temps aveugle qui éblouit. Le thème de cette année : Révolution sexuelle !

Ayerdhal. L’auteur de Rainbow Warriors  invité du festival à Vauvert

La SF, puissant outil pédagogique

 Rainbow-Warrior-Ayerdhal Ayerdhal est né à Lyon dans le quartier de la Croix-Rousse. Il commence par écrire de la science-fiction (SF) avant de se lancer dans le thriller.  Auteur d’une vingtaine de romans, il a entre autres obtenu deux grands prix de l’Imaginaire, deux prix Ozone, et le prix Cyrano pour l’ensemble de son œuvre. Ayerdhal considère la science-fiction comme un puissant outil pédagogique, un véhicule idéologique non négligeable et la plus riche expression de l’imagination créatrice…

Il sera à Vauvert pour en débattre les 11 et 12 avril prochains. Si vous n’êtes pas déjà fans, on vous conseille Rainbow warriors (éditions Au diable Vauvert, 2013). Un thriller dédié à celles et ceux qui, sous prétexte de leurs préférences sexuelles ou de leur genre, sont privés du droit premier de la déclaration des droits de l’homme.

Rainbow warriors a tout d’un bon livre de guerre, avec l’originalité et l’humour en plus. Un général à la retraite se voit proposer de diriger une armée privée pour intervenir militairement, dans un pays d’Afrique, le Mambési. La mission non officielle consiste à renverser la dictature en place, pour y instaurer la démocratie.

L’armée privée qui intervient doit être nombreuse et motivée : cette dictature étant à l’origine d’une des politiques de répression les plus féroces envers les personnes ayant des orientations sexuelles différentes. L’opération Rainbow sera menée par des troupes composées essentiellement de lesbiennes, de gays, de bisexuels et de transgenres regroupées sous l’acronyme LGBT.

Zoom sur les acteurs du festival Marion mazauric Marion Mazauric Fondatrice des éditions du Diable

Pour cette seconde édition, Au diable Vauvert et la librairie La fontaine aux livres organisent, le festival 1Differences du livre pour la fraternité et contre les discriminations. Il s’agit d’apporter par le livre et les rencontres avec des auteurs, des réponses pour comprendre les victimes de discriminations, dans un esprit fraternel de partage, de découverte et d’ouverture à l’autre. Il s’agit aussi de soutenir l’action de la librairie en petite Camargue. Le livre crée du lien social, il favorise l’ouverture à l’autre. Car la diversité est l’essence même du livre, ce dont il se nourrit au quotidien, via tous ses acteurs. Décidé au printemps 2013, ce thème incarné par le mouvement LGBT, a confirmé depuis qu’il était d’une actualité incontournable. Le rapport Teychenné remis en juin 2013 au ministre de l’Éducation nationale a fait apparaître combien est nécessaire, dès l’école et la formation de l’identité sexuelle, un travail de pédagogie et de sensibilisation à l’homophobie et à la lutte contre les discriminations ordinaires liées à l’orientation sexuelle et l’identité des genres.

 Jérémy Patinier : Touche-à-tout sans choisir

P3 patinierJérémy Patinier est un journaliste et éditeur de 30 ans, originaire de Dunkerque mais Lillois d’adoption. Parce qu’il ne voulait pas attendre en vain qu’on s’intéresse à ses poèmes d’ado, il crée un atelier d’écriture en 2004, un festival littéraire sur les sexualités en 2005, puis une compagnie de théâtre contemporain fin 2005. Il rédige et met en scène « Mon corps avec un –e à la fin », écrit, joue et met aussi en scène le two-man-lecture-show-musical « Les Hommes aussi parlent d’amour ». Il en est de même pour « Parano », une pièce-chorale. Journaliste, danseur, auteur et comédien, « ne pas choisir » entre les disciplines, c’est un choix. Jérémy travaille pour un magazine féminin en ligne, et comme correspondant pour Tetu. Il préside la compagnie Des ailes sur un tracteur et crée les éditions du même nom en 2011 pour publier essais, BD, et ouvrages de référence sur les cultures LGBT.  Le créneau de Jérémy Patinier : traquer la poésie dans la bêtise et proposer une politique du divertissement. Il participera aux tables rondes et sera l’éditeur invité du stand SOS Homophobie.

Coralie Trinh Thi : Le sexe rebel et assumé

P4 Coralie trinhFille d’un hells angel qu’elle a très peu connu, élevée par sa mère, Coralie Trinh Thi grandit en banlieue parisienne. Elle a des origines vietnamiennes par sa grand-mère maternelle dont elle emprunte le nom de jeune fille. Elle se fait baptiser à l’âge de onze ans. Elle reparle de son rapport à la religion vu par les yeux d’enfant à travers l’héroïne de son premier roman Betty Monde (2002) qui sera suivi de La voie humide en 2007 tous deux publiés au Diable Vauvert. Adolescente, elle fréquente assidûment les soirée gothiques en arborant un style batcave (tendance punk chez les ghotiques). Actrice, elle a tourné sous le nom de Coralie une soixantaine de films pornographiques pour lesquels elle a notamment reçu l’Award de la meilleure actrice française de X, et le prestigieux Hot d’or. Coralie Trinh Thi est co-auteur avec Virginie Despentes du film Baise-moi, censuré en France. À la différence de Virginie Despentes, elle rejette le terme « féministe » et préfère se dire « antisexiste ». Auteur invité du festival, elle participera aux tables rondes.

Stéphanie Nicot Présidente de la fédé LGBT

OLYMPUS DIGITAL CAMERALicenciée en lettres modernes et en information-communication, Stéphanie Nicot – qui n’aime guère rappeler qu’elle est née en 1952 – a autrefois exercé divers petits métiers (ouvrière intérimaire, fonctionnaire au ministère des Finances, attachée parlementaire) avant d’enseigner les lettres et l’histoire en lycée professionnel puis de se consacrer à la littérature. Spécialiste incontestée des littératures de l’imaginaire, elle participe et anime, quand elle en a le temps, débats, conférences et formations, ce sera le cas à Vauvert. Critique littéraire, essayiste, formatrice, anthologiste, rédactrice en chef de la revue Galaxies de 1996 à 2007, Stéphanie Nicot compte parmi les meilleurs spécialistes des littératures de l’imaginaire. Elle assure depuis sa création, en 2002, à Épinal, la direction artistique du festival Imaginales, grand rendez-vous de tous les amateurs de fantasy. Transgenre, lesbienne, féministe, elle a fait sa  transition tardivement, en 1984-1985, et a découvert à cette occasion la violence de la transphobie d’État. Elle vient d’être élue  présidente de la fédération LGBT.

Concert : Deborah. Dégoûts, M. Marlène, Manuel

P6 d dégoûtsUn concert hot qui décoiffe pour clôturer le festival samedi soir en présence de Déborah Dégoûts, chanteuse de punk rock, une diva post-tout avec des textes qui chantent l’amour, le crime, la folie, la beauté des ports, sur une musique nerveuse et accrocheuse. En attendant la sortie de son premier opus, Déborah se donne sur scène en power trio pour que son public adoré puisse dévisser pendant les concerts. Sous ses airs nonchalants elle aborde des thèmes universels tels que la corruption avec son tube Je couche. Déborah Dégouts, égérie underground parisienne, se décide maintenant à quitter les ordres pour débarquer en Camargue. Dans un autre genre, on pourra voir aussi le groupe Merci Marlène, dont les chansons françaises sont teintées d’humour et de dandysme. Et on ne passe pas sur Manuel, accompagné de Géraldine Masson au piano, qui donne dans un répertoire cabaret expressionniste mêlant farce et mélancolie. Après s’être retourné les méninges, on ne résistera pas à faire bouger les corps. Samedi 12 avril 21h à la Salle Bizet rue Louise Désir à Vauvert.

Source : La Marseillaise 11/04/2014

Voir aussi : Rubrique Actualité France, rubrique Festival, rubrique Livre, rubrique Edition, rubrique Société, Montpellier Gay Pride 2014 rubrique Politique, Politique locale, Société civile,

Réduire le nombre de régions, pour rembourser les banques

 

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La question n’est pas nouvelle, la réponse non plus : Pierre-Joseph Proudhon proposait 12 provinces (1846), Auguste Comte 17 intendances (1854), Frédéric Le Play 13 provinces (1864), Ferdinand Lepelletier 27 provinces (1896), Pierre Foncin 32 régions (1898), si on s’en tient au seul XIXe siècle…

Se focaliser sur le nombre est malheureusement un moyen d’esquiver la problématique de fond : des régions pourquoi faire ? La régionalisation en France est historiquement liée à la question du territoire politique mais aussi économique. C’est cette seconde fonction qui l’emporte de nos jours, mais sous des modalités nouvelles. En outre, la question des régions passe par celle des départements (et des communes). En septembre 1789, l’abbé Sieyès propose à l’Assemblée nationale de nommer un comité pour préparer « un plan de municipalités et de provinces tel qu’on puisse espérer de ne pas voir le royaume se déchirer en une multitude de petits États sous forme républicaine ».

Défendre l’unité et l’indivisibilité de la République avec des lois identiques pour tous, tel est le projet. Il s’agit aussi de créer les territoires qui doivent être attribués aux Préfets, bras droit de l’État central, et des circonscriptions électorales qui doivent permettre aux citoyens de désigner leurs représentants. À la logique de contrôle administratif, judiciaire et policier se superpose donc une question plus politique : le mandaté doit-il représenter les seuls mandataires d’une circonscription, ou bien doit-il représenter l’ensemble de la nation française à travers une couleur politique ? Et cette circonscription, quelle doit-elle être ?

81 «carrés uniformes» Au sein du comité et à l’Assemblée nationale, le débat oppose Thouret, qui veut reprendre le modèle, déjà proposé en 1771 par le géographe Robert de Hesseln, de 81 « carrés uniformes » pour tracer les nouveaux départements, et Mirabeau qui cherche à faire respecter « les anciennes limites des provinces […] toutes les fois qu’il n’y aurait pas utilité réelle ou nécessité absolue de les détruire ».

Ce débat provoque une mobilisation générale du peuple français ; plus d’un millier de députés extraordinaires assaillent les membres du comité, dix mille pétitions affluent, sans compter les rapports, les notes… La loi du 22 décembre 1789, instituée le 4 mars 1790, crée 83 départements. C’est le modèle Mirabeau qui l’a emporté, non sans accommodements comme le révèlent encore le tracé géométrique — rectangulaire — de certains départements, surtout en zone de plaine, comme l’Oise, l’Aisne, la Mayenne, les Deux-Sèvres ou la Loire.

Le chef-lieu est attribué à une ville située au centre, par commodité géographique mais aussi pour assurer l’aller-retour en une journée d’une gendarmerie à cheval. Les aléas historiques et locaux compliqueront cette carte, avec l’ajout de nouveaux départements (les deux Savoies et les Alpes-Maritimes en 1860) ou la reconfiguration d’autres comme : le partage du Rhône-et-Loire (1793), la création de la Meurthe-et-Moselle et du Territoire de Belfort (1871), et le démembrement de l’ancienne Seine-et-Oise qui donne six nouveaux départements autour de Paris (1964). On compte désormais quatre-vingt dix département métropolitains, soit un chiffre proche de celui de 1790. Sur deux siècles et deux décennies, la carte n’a donc que peu changé, preuve d’une territorialisation profonde.

les régions

La régionalisation contre la macrocéphalie

Le module départemental est spatial, et non démographique. Il est relativement égal d’un département à l’autre, la grande majorité ayant entre 5000 et 7000 kilomètre carré. C’est l’égalité par la superficie. Mais ce principe d’égalité par la superficie et le quadrillage qui en résulte n’est pas adapté aux changements induits par les Révolutions industrielles successives : exodes ruraux mais inégaux, formation de régions économiquement spécialisées (manufactures, agriculture, tourisme), nouveaux réseaux de transport (train, puis autoroutes, puis TGV et lignes aériennes donc aéroports…), urbanisation en métropoles avec zones péri-urbaines et même rurbaines.

La régionalisation en France naît alors d’un double objectif : diminuer la macrocéphalie parisienne, adapter le territoire national aux nouvelles fonctions économiques, voire socio-culturelles. Sur un siècle et demi, elle oscille entre les deux. Le projet fédéraliste proudhonien vise la double combinaison d’une fédération de producteurs (les coopératives) et d’une fédération de citoyens (les communes puis les régions) du bas vers le haut, et sur la base du mutuellisme.

Il est torpillé par l’échec des communes insurrectionnelles et par les massacres de la « Semaine sanglante » suite à la Commune de Paris (1871, entre 6 000 et 20 000 morts). Il ressurgit parfois en Occitanie.   La régionalisation en France s’oriente désormais du haut vers le bas. Elle devient de plus en plus l’affaire de l’État central passant d’une logique jacobine à une logique girondine. Celle-ci est formalisée par le régime de Pétain puis consacrée par le fédéralisme européen et le principe de subsidiarité, social-chrétien puis social-démocrate, triomphant après la Seconde guerre mondiale.

De la création de la Fédération Régionaliste Française (F.R.F.) en 1900 jusqu’à l’adoption des 22 régions en 1965, on recense des dizaines de projets de régionalisation, dont on peut extraire les plus emblématiques. La proposition de loi déposée par le député Jean Hennessy le 29 avril 1915 s’inspire des idées du géographe Vidal de la Blache, également membre de la F.R.F. Elle prône 17 régions organisées autour de grandes villes (les futures « métropoles »).

Alors ministre, le député auvergnat Étienne Clémentel instaure en 1919 dix-sept « groupements d’intérêts régionaux » organisés d’après le territoire des chambres de commerce. Vichy  invente 19 régions Sous le régime de Pétain, la loi du 4 avril 1941 institutionnalise pour la première fois des régions en France, soit dix-neuf régions-provinces dirigés par des préfets régionaux et des chambres régionales cooptés. À trois exceptions près (l’Auxerrois, l’Yssingelais, le Viganais) et contrairement à la quasi-totalité des projets précédents, le découpage régional ne touche pas les départements.

Il les regroupe en effet, un procédé que l’on retrouve jusqu’à nos jours. Sa logique prend en compte les fonctions économiques, mais aussi la dimension culturelle de concert avec les mouvements régionalistes (Bretagne, Corse, Occitanie et Provence notamment) et la réactivation du folklore. Avec la circulaire Ripert (octobre 1940) et l’arrêté Carcopino (décembre 1941), il autorise pour la première fois à l’école des « cours de langue dialectale ».

Le découpage régional du régime de Pétain applique des idées remontant à Charles Maurras ou à Maurice Barrès, lequel est l’inventeur du terme « régionalisme » en 1899, et notamment véhiculées par la F.R.F. dont la figure emblématique, Jean Charles-Brun (1870-1946), devient membre du Conseil national sous Vichy. Cette régionalisation, provisoirement arrêtée avec la fin de la Seconde Guerre mondiale, n’est pas enterrée pour autant. On observe en fait une continuité tant dans le personnel politique que dans les idées entre le régime de Vichy, le Conseil national de la Résistance, les IVe et Ve Républiques.

L’un des meilleurs exemples de cette continuité — discrète mais efficace — est incarné par Jean-François Gravier (1915-2005), dont des générations d’étudiants en géographie ont entendu parler avec son livre-choc : Paris et le désert français (1947). Celui-ci dénonce la centralisation parisienne et jacobine, sur un ton radical mais déjà catastrophiste (rien que le titre !) , en faveur d’une régionalisation enfin salvatrice.

Une vision maurassienne

Avant 1940, Jean-François Gravier, géographe, membre des étudiants royalistes de l’Action française, écrit des articles violents dans des journaux d’extrême droite (Combat, La Gerbe). Après la débâcle contre l’Allemagne nazie, il édite le journal Idées (1941-1944), mensuel publié à Vichy pour propager la doctrine pétainiste. Il exprime souvent son admiration pour Walter Darré, ministre de l’agriculture dans le gouvernement nazi.

Il tonne contre la démocratie et l’individualisme. Dans son livre Régions et Nation (1942), il prône une représentation non élective des notables (curés, instituteurs…). En novembre 1942, il est engagé par François Perroux (1903-1987) dans la Fondation française pour l’étude des problèmes humains que celui-ci préside. La même année, il devient directeur du département de bio-sociologie du Centre Alexis Carrel dans lequel il occupe la direction du Centre d’études régionales.

À la Libération, Gravier est protégé par le père Lebret, dominicain fondateur de l’Association Économie et Humanisme. Il est ensuite employé par le Ministère de la Reconstruction et par le Commissariat général au Plan (1950-1965). Il collabore à la revue XXe siècle fédéraliste éditée par La Fédération, où l’on retrouve trois anciens des anciens non-conformistes de L’Ordre Nouveau : Robert Aron, Alexandre Marc et Denis de Rougemont (1). L’heure n’est plus au « rejet de la civilisation », comme le proclamaient les non-conformistes des années précédentes, mais à « l’aménagement de la civilisation ». Gravier, qui obtient au milieu des années 1960 la chaire d’Économie et d’Organisation Régionale au C.N.A.M., siège au Conseil économique et social (1959-1964).

De Gaulle et Mitterrand reprennent le chantier

Comme nombre d’idées ou de mesures lancées au cours de ces « années souterraines » (1937-1947) (2), combinant désormais démocratie chrétienne fédéraliste européenne et gaullisme planificateur et moderniste, la régionalisation refait rapidement surface au cours des IVe et Ve Républiques. Elle opère en deux temps forts : en 1955-1956 avec les vingt et une « régions de programmes », qui correspondent à celles de nos jours (22 avec la région corse créée en 1970), puis en 1982 avec les lois sur la décentralisation sous la présidence Mitterrand.

Son principe dominant est d’adapter le territoire à l’économie métropolisée, quitte à être barbouillé d’un vernis culturaliste. Son découpage reprend celui des départements, qu’il assemble, contrairement aux anciennes propositions (celle de Charles-Brun en 1912, celle de Hennessy-Vidal en 1915, par exemple), et conformément à ce qui s’est passé sous Pétain.

Le nombre est d’ailleurs à peu près le même : 19 en 1941, 21 en 1955. Le regroupement s’effectue par le haut, de façon totalement technocratique, par quelques grands commis de l’État comme Serge Antoine (1927-2006), énarque et futur membre du Club de Rome (1969). Quelques pressions politiques aboutissent à des compromis : on retire sa région à Grenoble pour la donner à Lyon, on en donne une à Nantes pour la retirer à Rennes, on donne le Gard à Montpellier pour rédimer Marseille.

Les Révolutions industrielles font sentir leurs derniers effets dans le cadre de la flexibilité post-fordiste — recomposition des campagnes, certaines devenant très industrielles avec la dissémination des PME, extension des métropoles, touristification — ce qui fait émerger de nouvelles régions géographiques correspondant à l’aire de vie quotidienne de leurs habitants. Or le module départemental y est largement inadapté, et celui de la région institutionnelle parfois bancal. Les inter-communalités sont alors accélérées (lois de 1999 et de 2000).

Elles tentent d’adapter les cadres institutionnels à la « vraie vie », mais elles rajoutent une couche au mille-feuille administratif et politique. Le citoyen continue de voter, de plus en plus, mais il ne sait plus qui le représente vraiment, et pour quoi. Le mélange de représentation à la proportionnelle et à l’arrondissement — le système de la commune ou de la région n’étant pas celui de la nation — ainsi que l’élection au suffrage indirect des conseils intercommunaux l’éloigne de ses mandatés, tandis qu’est conforté un système de plus en plus technobureaucratique. Mais la fonction des corps élus reste identique : voter des lois, voter des budgets.

Le dégrè zéro de la géographie

La donne change depuis le krach de l’économie financière en 2008. Les banques nationales, européennes et internationales flouées par leur spéculation financière réclament le paiement de leur monumentale ardoise auprès des États, donc des contribuables-citoyens.

Les grandes infrastructures utiles au capital étant désormais réalisées, il faut désormais « faire-des-économies » et « rembourser-la-dette ». Pour l’État, le moyen le plus simple est de couper dans les budgets des services publics et de taper dans le mille-feuilles politico-administratif : les départements et les régions en font logiquement les frais. C’est le seul sens que comporte l’actuel projet du gouvernement Valls, le seul.

Foin d’imagination, fichtre d’adapter les collectivités locales et régionales aux bassins de vie et d’emploi, au diable un redécoupage des départements, bref adieu l’innovation. Non, le plus simple pour la technobureaucratie soutenue par des politiques en panne d’inspiration, c’est de jouer à nouveau au mécano territorial : on ajoute des régions les unes aux autres pour faire de grandes institutions, on les fait passer de 22 à 11. Autrement dit, on divise par deux, comme une poire. C’est le degré zéro de la géographie.

 Philippe Pelletier

(1) « Les relais politiques : Jacques Chaban-Delmas, Antoine Pinay, René Coty, François Mitterrand, Raymond Marcellin, Jean Lecanuet, Roger Gondon, Maurice Schumann et Roger Duchet comptent parmi les membres du Mouvement fédéraliste français. Orienté à droite, le mouvement se veut ouvert à tous, exception faite des communistes ». Guyader Antonin (2006) : La revue Idées 1941-1944 : des non-conformistes en révolution nationale. Paris, L’Harmattan, p. 318.   (2) Lindenberg Daniel (1990) : Les Années souterraines, 1937-1947. Paris, La Découverte, 414 p.

Source Libération : 11/04/2014

Voir aussi : Rubrique  Actualité France, rubrique Géographie, rubrique Politique,  Politique locale, On Line Redécoupage des régions, les cartes de «Libération»,,

Dans le Gard, victoire du FN à Beaucaire, défaite à Saint-Gilles

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Saint-Gilles et Beaucaire sont distantes de 25 kilomètres et émargent à la région camarguaise, entre terre et mer, entre vignobles et marais. Situées dans l’orbite nîmoise jusqu’à en être devenues les dortoirs, les deux villes gardoises ont sensiblement la même taille (environ 15 000 habitants), la même sociologie, un même taux de chômage flirtant avec les 20 %, le même goût pour la tranquillité et la même défiance envers Paris.

Non négligeable, elles ont encore en commun un solide tropisme pour le Front national, portant de longue date ce parti autour de 40 %. Mais, dimanche 30 mars, le destin des deux communes a divergé : Beaucaire aura désormais un maire FN, pas Saint-Gilles.

Gilbert Collard a été privé d’une victoire qui lui était plus que promise, quasiment acquise. L’avocat et député du Gard avait recueilli plus de 52 % des voix à Saint-Gilles, lors des élections législatives de 2012. Il était arrivé très largement en tête au premier tour des municipales, le 23 mars, avec 42,57 % des voix. Dimanche, il a totalisé 48,5 % des suffrages, perdant de 194 voix face à Eddy Valadier (UMP). La faute à une mobilisation importante de l’électorat (plus de 75 % de participation) et à un front républicain qui s’est mis en place entre les deux tours.

Le maire sortant socialiste, Alain Gaido, et le candidat UDI, Samuel Serre, s’étaient désistés. « Je ne pouvais laisser Collard l’emporter et me remplacer », justifie Alain Gaido

Benoît Hopquin

Le Monde 31/03/2014

Dans le Gard, le Front national a gagné dimanche au second tour des municipales à Beaucaire avec Julien Sanchez mais perdu à Saint-Gilles où Gilbert Collard a dénoncé le Front Républicain.

Le sénateur maire-sortant de Nîmes, l’UMP Jean-Paul Fournier, a décroché sans surprise son troisième mandat avec 46,80% devançant largement le FN, Yoann Gilet (24,42%) Âgé de 30 ans, cadre du FN à Nanterre et responsable du département du Gard, Julien Sanchez avait hésité à se présenter à Beaucaire, une petite ville de 16.000 habitants, à 20 kilomètres à l’est de Nîmes.

Avec 39,82 % des suffrages, il a bénéficié de l’incapacité de la droite de s’unir, le maire sortant Jacques Bourbousson (DVD) recueillant 29,01 %, devant le DVD Christophe André (24,32%). Le DVG Claude Dubois (6,86%) s’était aussi maintenu.

Le Front républicain voulu par Solférino avec le retrait du maire sortant, le PS Alain Gaudy (25,36%) à Saint-Gilles a empêché, en revanche, le député Rassemblement Bleu Marine de la 2e circonscription du Gard d’être élu à Saint-Gilles.

Arrivé en tête avec 42,57% dimanche dernier à Saint-Gilles – première ville à avoir élu un maire FN (1989) – devant l’UMP Eddy Valadier (25,36%), Gilbert Collard n’a obtenu que 48,5 % des suffrages, soit 194 voix de retard.

Pour M. Collard, qui avait obtenu 53 % des suffrages dans cette commune aux législatives, cette différence va l’amener à « un déposer un recours ». Et de dénoncer dans le même temps, « l’association de malfaiteurs qui fait barrage » à savoir « l’UMPS » qui forme un « couple sadomasochiste fonctionnant un peu mais de moins en moins ».

Gilbert Collard a également vu dans cette défaite le vote d’une cité de Saint-Gilles. « Mes adversaires ont énormément travaillé la communauté maghrébine en lui racontant des histoires », a déploré Me Collard.

L’autre commune, où le FN était en mesure de gagner lui a échappée. Il s’agit de Vauvert, également dans la circonscription de Collard. Le PS et ami de Manuel Valls, Jean Denat y a remporté une triangulaire (41,5%) devant le FN Jean-Louis Meizonnet (35,35 %) et le DVD Gérard Gayaud (23,16 %).

Quant à Nîmes, Jean-Paul Fournier, élu en 2008 avec 54,31 % des suffrages devant la liste de gauche du PCF Alain Clary a profité de l’incapacité des deux candidates de la gauche à s’entendre.

La Front de gauche Sylvette Fayet (14,83%) et la député socialiste Françoise Dumas (13,94%) avaient déposé leur liste mardi à la toute dernière seconde après deux jours de discussion.

« On a joué l’union et on a gagné. Le socialisme a touché le fond, ici dans le Gard », a déclaré M. Fournier, rappelant qu’il avait décidé de céder sa place de président de l’agglomération à son numéro deux, l’ex-député UDI Yvan Lachaud. « Cette décision a joué », a-t-il estimé.

 AFP 31/03/2014

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UMP Montpellier J Domergue : « Saurel a joué au poker, il a gagné, je le félicite »

Jacques Domergue. Photo ML

Jacques Domergue. Photo ML

UMP. Avec 25,88%, J. Domergue s’incline en prônant l’ouverture.

Les jeux n’étaient pas faits et la roue a tourné. A l’issue du premier tour, le candidat UMP Jacques Domergue talonnait le dissident socialiste Philippe Saurel avec 22,72% des suffrages. Devant lui Saurel à quelques dixième de voix près a très bien senti la trajectoire qui s’ouvrait à lui. En pôle position, donné largement favori après s’être allié avec EELV (autre grand perdant de la fable) et une petite partie des communistes, Jean-Pierre Moure ne totalisait que 25,27%.

Le retournement de situation qui s’est opéré propulsant Saurel à 37,54% laissant sur place Moure à 27,4 sans faire décoller Domergue (25,88%) s’explique en partie par un report des voix de l’UMP sur Philippe Saurel. Ce que résume un militant UMP s’adressant à Domergue « C’est la mentalité de droite. Du fait que tu étais troisième, ils ont pris le ticket Saurel. »  La relative distance que le candidat UMP entretient avec l’appareil de son parti a fait le reste. Paradoxalement Domergue récupère des voix du FN qui perd près de 4 points entre les deux tours.

Hier soir, J. Domergue qui a déjà connu des défaites était détendu « Honnêtement, j’ai un boulot, ça va pas changer ma vie. Si j’avais été élu, ça l’aurait changé. Il n’y a rien de grave, rassure le candidat en s’adressant aux militants qui viennent à sa rencontre la mine déconfite. Maintenant il faut laisser décanter. J’espère que cela va permettre de l’ouverture. »

L’UMP devrait disposer de 8 élus municipaux et 4 ou 5 à l’Agglo. « On est prêt à collaborer avec la nouvelle équipe municipale. » Cette question d’une alliance avec Saurel ne s’est-elle pas déjà posée entre les deux tours ? « Ceux qui ont gagné ce soir ce sont les anti-système. Si j’avais fait deux points de plus au premier tour, on aurait fait un deal. Mais là Saurel pouvait tenter sa chance, il a pris le risque. Il a bien joué et il a gagné. » La composition de la nouvelle majorité va-t-elle se jouer au poker ?

JMDH

Source L’Hérault du Jour 31/03/2014

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FN Montpellier. Entre deux vagues en attendant la prochaine

Dans le local du FN

Dans le local du FN

FN. Erosion des voix de France Jamet qui passe de 13,81% au premier tour  à 9,18% hier soir.

21h, sur les berges du Lez. Il n’y a pas foule à la permanence du Front national. Le QG inauguré par Jean-Marie Le Pen s’est rapproché de la mairie bleue. Le bleu marine, ce ne sera pas pour cette fois. Avec un score de 9,18% sur Montpellier contre 13,81% au premier tour,  le tsunami espéré s’est transformé en vaguelette mais comme le savent les Méditerranéens, les nageurs imprudents sont souvent surpris par la houle.

Laurent Pithon candidat FN à Fabègues (21%), reste optimiste : « A 41 ans, je fais partie de la génération 2 du FN. Ma satisfaction c’est que nous avons beaucoup de conseillers municipaux qui intègrent les communes. Le FN est désormais considéré comme un vrai parti démocratique. Nous allons vite apprendre le fonctionnement de la République. »  Le jeune frontiste rêve d’une alliance avec l’UMP pour peser lourd dans l’Agglo. « Nous n’avons pas eu de discussion avec Saurel » précise-t-il.

Un peu plus tard, France Jamet, la candidate FN sur Montpellier analyse le recul de son parti : « Il est évident que Domergue a siphonné une partie de notre électorat. Alors qu’il n’a jamais été question d’une alliance. Il nous a tourné le dos. » Avec 9,18% des suffrages, le FN devrait disposer de trois élus au conseil municipal, France Jamet, Djamel Boumaaz et Audrey Lledo. « Notre trio va répondre aux attentes. C’est un vote d’adhésion pas de protestation », appuie France Jamet. La candidature Saurel présentée comme dissidente de l’« establishment » PS a sans doute limité la protestation.

JMDH

Source L’Hérault du Jour 31/03/2014

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