Pour une protection européenne des lanceurs d’alerte : signez la pétition

Crédit photo : Bruno Mariani

Crédit photo : Bruno Mariani

Le 17 octobre, une plateforme initiée par Eurocadres (le conseil des cadres européens) appelant l’Union Européenne à protéger les lanceurs d’alerte a été lancée par les 48 premiers signataires, dont la Fédération européenne des journalistes (FEJ), lors d’une conférence de presse. La FEJ encourage ses partenaires, ses membres ainsi que tout citoyen ou organisation à signer la pétition. Des représentants d’Eurocadres, de la Confédération européenne des syndicats (CES), de la Fédération syndicale européenne des services publics (EPSU), de Transparency International et de la FEJ ont rappelé l’importance de s’unir sur ce sujet.

A la suite du débat sur la directive sur le secret des affaires et du procès LuxLeaks, le manque de protection des lanceurs d’alerte au niveau européen a été dénoncé à plusieurs reprises. Ils risquent souvent de payer le plus haut prix pour révéler des informations d’intérêt public – par exemple des activités illégales, qui menacent la santé, la sécurité publiques ou des faits de corruption.

Le Parlement européen est majoritairement favorable à la mise en place d’une législation européenne sur les lanceurs d’alerte. Le député européen (Verts) Benedek Javor soutient cette action : “Ce n’est pas une campagne pour les lanceurs d’alerte, mais une campagne pour nous, pour le public » a-t-il affirmé lors de la conférence de presse. Le groupe des Socialistes et Démocrates (S&D) organise par ailleurs une conférence ce jeudi 20 octobre. Mais la Commission européenne est toujours en train d’étudier la base légale la plus appropriée pour légiférer.

Renate Schroeder, directrice de la FEJ, a fait le lien entre protection des lanceurs d’alerte et liberté de la presse, et a réaffirmé que cette question va de pair avec la protection des sources journalistiques. “Nous sommes fiers des récents scandales, LuxLeaks et les Panama Papers, car ils ont montré l’importance du journalisme d’investigation et de la coopération transfrontalière. Cela n’aurait pas été possible sans lanceurs d’alerte.” Renate Schroeder a également mentionné l’étude du Centre pour le pluralisme et la liberté des médias (CMPF) sur les lois protégeant les lanceurs d’alerte dans les différents pays européens. Elle montre que seuls quelques pays ont mis en place une législation spécifique.

Antoine Deltour, le lanceur d’alerte condamné dans l’affaire LuxLeaks a également rappelé dans un message vidéo pourquoi il est important que cette protection soit européenne. Pour voir ou revoir la vidéo, cliquez ci-dessous.

Watch live on #periscope #whistleEU https://t.co/aHlKVV89Sq

Source FEJ Eurocadres 17/10/2016

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Et pendant ce temps, les lanceurs d’alerte crèvent tout doucement

Quand on fait ce métier, il y a des coups de fil qui te foutent le moral en l’air. Mais alors bien comme il faut.

Lundi dernier, ton amie journaliste passait une journée relativement pourrie, bloquée que j’étais sur la première phrase d’un article (« C’est une histoire à dormir debout qui est arrivée à Patrick »/ « Patrick ne s’attendait vraiment pas à ça« / »Depuis toujours, Patrick boit du café au lait le matin« ). Vers 18H, j’avais un rendez-vous téléphonique. J’espérais me changer les idées ; je n’ai pas été déçue.

Ami lecteur, il s’agissait de Stéphanie Gibaud. Une femme que je suis depuis deux ans, quand j’avais réalisé pour Marianne une longue enquête sur les lanceurs d’alerte.

Ça fait maintenant 8 ans que cette tout juste quinquagénaire a une vie de merde. Ancienne employée de la banque suisse UBS, elle a mis à jour un vaste système d’évasion fiscale internationale.

Depuis, elle court les plateaux télé, elle explique la nécessité de protéger les lanceurs d’alerte sur toutes les ondes, elle s’est même retrouvée face au ministre des Finances, Michel Sapin, au cours de l’émission Cash investigation sur le scandale des Panama Papers. En plus d’avoir permis à la France de récupérer 12 milliards d’euros cachés au Fisc (DOUZE MILLIARDS), ce qui en fait d’emblée une héroïne de la nation, Stéphanie Gibaud est devenue une figure médiatique.

Mais voilà. Notre époque n’étant pas avare d’obscénité, elle survit avec 400€ par mois. Elle n’a jamais retrouvé de boulot, les employeurs potentiels estimant sans doute que l’honnêteté est un vilain défaut. La patrie reconnaissante a encaissé les thunes et l’a plantée là, sa moralité en bandoulière.

Et pendant ce temps, le parlement européen vient de voter la directive sur « le secret des affaires », qui risque fort d’empêcher les journalistes de faire leur boulot, et de neutraliser définitivement les lanceurs d’alerte.

De quoi devenir fou ? Se jeter sous un train ? Oui oui. C’est d’ailleurs la menace qu’esquisse Stéphanie Gibaud lorsqu’elle déroule son calvaire pour la énième fois. Voici, ami lecteur, ce qu’elle m’a raconté.

 STÉPHANIE GIBAUD :

« Je suis en urgence vitale. Je vis avec 400€ par mois depuis juillet 2014. La banque refuse mes chèques, et je vais devoir quitter mon appartement si je ne veux pas que mes biens soient saisis.

A la suite de l’émission Cash investigation, il y a une pétition qui a circulé, et une cagnotte a été lancée sur un site de crowdfunding. Je suis touchée, mais je ne sais pas si vous vous rendez compte de l’humiliation que je subis. Ce sont les citoyens, choqués, qui viennent suppléer l’État.

On a un ministre des Finances qui dit se battre contre l’évasion fiscale, il reconnaît que j’ai aidé à rapporter 12 milliards d’euros dans les caisses de l’État, mais il dit qu’il ne peut pas m’aider. Qu’est-ce que ça veut dire ? Dans le pays des droits de l’Homme ? Quand les gens sont en état de survie, on ne peut rien faire ? Sapin me propose de venir témoigner à l’Assemblée Nationale. Mais il faut que je trouve à m’habiller, il faut que je me paye un ticket de métro pour ça ! Comment on fait ? Au bout d’un moment, vous avez des envies de vous supprimer, parce que ce n’est plus possible.

Je sais que je présente bien. Je parle correctement, je donne l’impression d’être une femme forte. Je ne sais pas si les gens s’imaginent que j’ai un mari qui gagne bien sa vie à mes côtés, mais je n’ai plus rien. Je me retrouve à mettre en avant des aspects très personnels de ma vie, comme dans un reality show, alors que c’est à l’inverse de mon éducation. Sapin gère sa carrière, moi je gère ma survie ».

Source MAJ

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«Panama Papers» : la France se réjouit à bon compte

Francois Hollande et le ministre des Finances Michel Sapin, le 22 janvier 2016, à l'Elysée. Photo Jacques Demarthon. AFP

Francois Hollande et le ministre des Finances Michel Sapin, le 22 janvier 2016, à l’Elysée. Photo Jacques Demarthon. AFP

François Hollande a promis des sanctions pour les fraudeurs et réitéré sa volonté de protéger les lanceurs d’alerte. Façon de faire oublier que le gouvernement n’est plus à la pointe du combat en matière de lutte contre l’évasion fiscale.

Un millier de Français pris dans les rets du nouveau et vaste scandale d’évasion fiscale, voilà qui ne pouvait pas laisser l’exécutif indifférent. François Hollande, qui avait fait de la «République exemplaire» un marqueur de sa campagne, n’a d’ailleurs laissé planer aucun doute sur ses intentions vis-à-vis des fraudeurs avérés. «Je peux vous assurer qu’à mesure que les informations seront connues, toutes les enquêtes seront diligentées, toutes les procédures seront instruites et les procès auront éventuellement lieu», a insisté le chef de l’Etat. Et de se féliciter de ces révélations, synonymes de futures «nouvelles rentrées fiscales» pour l’Etat.

 Une manne inespérée

C’est un fait. Depuis l’éclatement en 2012 du scandale UBS, banque suisse convaincue d’abriter des comptes bancaires non déclarés en pagaille, les autorités françaises ont durci le ton. En juin 2014, la signature d’une révision de la convention franco-suisse contre la double imposition a ainsi facilité le travail d’enquête du fisc français sur toutes les opérations à compter du 1er janvier 2010. De quoi semer la panique chez les contribuables indélicats et initier un ample mouvement de rapatriement de fonds. D’autant qu’une circulaire de 2013 permet de régulariser sans poursuite pénale les rapatriements volontaires. A la clé, une manne inespérée pour les finances publiques. En 2016, le rapatriement des avoirs détenus par des Français à l’étranger devrait ainsi rapporter 2,4 milliards d’euros à l’Etat, après 2,65 milliards d’euros en 2015 et 1,9 milliard d’euros en 2014… On comprend mieux que François Hollande qualifie de «bonne nouvelle» le scandale panaméen, adressant au passage ses «remerciements» aux lanceurs d’alerte. Un geste élyséen qui ne va pas sans arrière-pensée. Pour le chef de l’Etat, c’était en effet l’occasion de rappeler qu’en la matière le gouvernement ne se payait pas de mots : la loi Sapin sur la lutte anticorruption présenté fin mars en conseil des ministres organise en effet une meilleure protection de ces «lanceurs d’alerte».

Toutefois, la France pratique en la matière le deux poids, deux mesures. Inflexible avec les écarts des particuliers, elle semble beaucoup plus accommodante avec ceux des grandes entreprises. Fin 2014, le scandale LuxLeaks avait pourtant révélé l’importance du dumping fiscal pratiqué par certains membres de l’UE, à commencer par le Luxembourg, au détriment de ses voisins. En toute impunité, faute de transparence sur l’importance et la localisation des profits des entreprises, pays par pays.

Clair-obscur

Première à avoir réclamé et mis en œuvre la transparence sur la localisation des profits des banques, la France s’est cette fois faite discrète. Ainsi, le gouvernement ne s’est pas montré très allant sur l’extension de la mesure aux sociétés non financières, comme sur son approfondissement, refusant, par exemple, la transparence totale sur la localisation des profits pays par pays. Pour Bercy, pas question de prendre une initiative isolée risquant de porter atteinte à la compétitivité des entreprises françaises. «A moins d’une réciprocité très large, la publication de telles informations pourraient mettre nos sociétés en difficulté vis-à-vis de leurs concurrentes», avait ainsi fait valoir mi-décembre le ministre des Finances, Michel Sapin.

Les avancées, quand il y en a, se négocient donc désormais au niveau international ou européen. C’est notamment le cas du projet de directive, inspiré par l’OCDE, et présenté fin janvier par le commissaire européen Pierre Moscovici. Toutefois, même une fois votée, cette directive n’instaure de transparence sur les données des grandes entreprises qu’entre administrations fiscales des membres de l’Union. Un clair-obscur qui pourrait autoriser encore pas mal de dérives.

Nathalie Raulin

Source Libération 04/04/2016

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