Louis Renault et la “fabrication de chars pour la Wehrmacht”

Louis Renault présente un prototype à Hitler et Göring à Berlin en 1938 (sic) [...] Louis Renault fabriqua des chars pour la Wehrmacht. Renault sera nationalisé à la Libération.

Louis Renault présente un prototype à Hitler et Göring à Berlin en 1938 (sic) […] Louis Renault fabriqua des chars pour la Wehrmacht. Renault sera nationalisé à la Libération.

La justice peut-elle revoir l’histoire ? Impossible, s’insurge Annie Lacroix-Riz, spécialiste de la collaboration économique pendant la guerre, face à la tentative des héritiers Renault de réhabiliter la mémoire de leur grand-père. Décodage.

Le 13 juillet 2010, la Cour d’Appel de Limoges a condamné le Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane à payer 2 000 euros de dédommagements à deux petits-enfants de Louis Renault et exigé que fût retirée de l’exposition permanente une photo de l’industriel, entouré d’Hitler et Göring, au salon de l’auto de Berlin de 1939, avec cette légende :

Un dossier du Monde Magazine1, du JT de France 2 le 2 mars 2011, a donné un écho approbateur à cette décision judiciaire. Ainsi se précise une vaste entreprise de réhabilitation de Louis Renault, et avec lui, du haut patronat français sous l’Occupation, relancée depuis quinze ans par plusieurs historiens ou publicistes qui ont préféré les témoignages postérieurs à l’Occupation aux archives des années 1940-1944. Qu’en est-il ?

Le Renault d’avant-guerre

 

Louis Renault finança les Croix de Feu du colonel de la Rocque puis la Cagoule. Il prôna l’« entente » franco-allemande entre gens de bonne volonté, Hitler en tête, et combattit systématiquement l’effort de guerre qui l’avait tant enrichi durant la Première Guerre mondiale.

Il clamait désormais qu’on ne pouvait plus gagner d’argent qu’en fabriquant des véhicules de tourisme2: « les programmes de guerre ne correspondaient pas aux possibilités de nos usines», écrivit-il à Daladier en novembre 19393. Il s’entretint longuement avec Hitler le 21 février 1935 à la Chancellerie du Reich, et lui déclara : « Une guerre économique entre la France et l’Allemagne n’aurait d’avantages que pour l’Angleterre et l’Amérique4. »

Il le rencontra à nouveau en 1938 et en février 1939, et son enthousiasme pro-hitlérien grandit encore.

Louis Renault s’était entouré d’adjoints de confiance qui œuvrèrent directement à la liquidation de la République via la défaite :

  • le baron Charles Petiet, chef de ses aciéries (UCPMI), trésorier de la CGPF (ancêtre du MEDEF), organisateur de l’émeute fasciste du 6 février 1934
  • le cagoulard René de Peyrecave, « administrateur-directeur » depuis 1934 de la société anonyme des usines Renault (SAUR)
  • François Lehideux, neveu de Renault, administrateur directeur de la SAUR dès 1930, administrateur-délégué en 1934, spécifiquement chargé de la lutte antisyndicale et anticommuniste, qui conduisit en personne aux côtés du préfet de police Roger Langeron en novembre 1938 la répression militaire baptisée « évacuation » des grévistes de Renault-Billancourt accusés de « rébellion ».

En mars 1941, la section économique de l’administration militaire en France (Militärbefehlshaber in Frankreich, MBF), dirigée par le Dr Michel (section Wi), dans un de ses nombreux éloges de Lehideux (L.), reconnut les éminents services politiques rendus : « Pendant la guerre et aussi déjà depuis 1938 une propagande germanophile avait été conduite dans les syndicats ouvriers [traduction : jaunes] fondés par L. (sic) et surtout parmi les travailleurs des usines Renault5. »

Le Renault de l’Occupation

La réparation des chars pour la Wehrmacht acquise le 1er août 1940.

Louis Renault, discuta avec les Allemands depuis le début de juillet 1940 « sur la question de la réparation des chars ». Le 1er août, il signifia son acceptation formelle, étayée par une lettre « remise à la fin [d’une] conférence » commune, de réparer les chars pour la Wehrmacht « dès le 2 août ».

La réunion du dimanche 4 août à l’Hôtel Majestic, entre six Allemands, dont le chef de la division économique du MBF, et le trio français Lehideux, Petiet, Grandjean, fit le point. Son procès-verbal atteste de façon irréfutable qu’entre les 1er et 4 août 1940, Louis Renault et la direction de la SAUR agréèrent définitivement l’exigence allemande de réparation des chars pour usage allemand ; et que Lehideux, requit des Allemands « la direction allemande » de ces travaux6, seule apte à soustraire la direction française à ses responsabilités. Ainsi naquit la thèse de la « réquisition » allemande, née d’une demande française, astuce juridique si utile après la Libération.

Le 1er octobre 1940, Lehideux fut nommé « directeur responsable du comité d’organisation de l’industrie automobile » (COA) et Petiet « chef du comité d’organisation du cycle »7.

Lehideux resta sous l’Occupation, comme Peyrecave, membre du « conseil d’administration » de la SAUR dont « M. Renault », son président, continuait à détenir « une très grosse part majoritaire ». Peyrecave, « directeur général par délégation des usines Renault, » fut à l’été 1940 nommé à la commission d’armistice et affecté aux commandes allemandes à l’industrie française8.

Dès novembre 1940 Lehideux, administrateur de Renault et chef du COA, et le général von Schell, sous-secrétaire d’État et « plénipotentiaire chargé de l’automobile » (Generalbevollmächtigten für das Kraftfahrwesen, GBK), fondèrent à Berlin le « comité européen de l’automobile », cartel franco-germano-italien sous direction allemande. Louis Renault n’avait cessé depuis son entretien avec Hitler de 1935 d’appeler de ses vœux la constitution d’un « cartel européen ».

Renault et les « chars pour les Allemand »

 

 

e MBF se félicita dès le début de 1941 (et jusqu’au terme de l’Occupation) du succès des « négociations avec l’industrie allemande » de Lehideux et de son équipe du COA riche en hauts cadres de Renault. Au printemps 1941, les informateurs des services de renseignements gaullistes décrivaient des usines tournant à plein régime, requéraient des bombardements industriels pour paralyser l’appareil de guerre allemand et indiquaient les délais du prochain assaut (contre l’URSS) : « les commandes deva[ie]nt être prêtes pour le 15 juin ».

En mars, « Renault voitures de tourisme, camions, tanks » fut recensé en tête d’une liste d’entreprises « travaillant pour les Allemands »9. Une note sur l’« Industrie de guerre » d’avril 1941 exposa avec précision « que les Établissements Renault à Billancourt produis[ai]ent actuellement une série de petits tanks Renault ». Fin avril, « les Allemands [étaient] très contents du tank Renault ».La correspondance, abondante, est totalement antagonique avec les arrêtés de cours de justice de 2010 ou de 1949, et il en fut ainsi jusqu’à la Libération : en juin-juillet 1944, Renault s’imposait la firme championne « des usines souterraines » (pour surmonter les effets des bombardements) édifiées dans des « carrières aménagées à Carrières-sous-Bois (entre Maisons-Laffitte et Saint-Germain) ».

C’est le contribuable français qui dut assumer le coût des bombardements industriels – remboursés par Vichy – charge qui s’ajoutait depuis 1942 à la gigantesque contribution des frais d’occupation et du clearing10.

« La justice [n’est pas habilitée à] révise[r] les années noires »

 

Camions, tanks, moteurs d’avions, avions, bombes incendiaires, canons anti-chars, etc., toutes les pièces possibles de l’armement furent construites par Renault pour le Reich. Pour oser réduire la production de guerre à celle des tanks ou pour prétendre que Renault – comme le reste de l’industrie française – a subi, en 1940, la torture des « réquisitions » allemandes, il faut s’être dispensé de dépouiller les montagnes d’archives consultables aujourd’hui, ou avoir travesti leur sens.

Le dossier factuel des responsabilités de Louis Renault, actionnaire très majoritaire de la SAUR, et de ses collaborateurs de haut rang dans le sort de la France et dans la durée de la guerre, est accablant.

Des héritiers manifestement ulcérés que tant de pairs de Louis Renault aient pu transmettre à leurs descendants, sans encombre ou après révision judiciaire, d’énormes biens, qu’avaient encore arrondis les années 1940-1944, et les milieux économiques et politiques dirigeants, qui usent, jusqu’ici unilatéralement, de la presse écrite et audio-visuelle, prétendent faire enterrer les vérités qui se dégagent des archives, françaises et allemandes, de l’Occupation et en entraver l’accès à la population.

La Haute-Cour, comme les autres cours, traita « à chaud » les cas qui lui étaient soumis. Dès l’été 1945, elle limita à la collaboration (art. 89 et suivants du code pénal) la procédure Pétain, dont l’instruction, aujourd’hui accessible, établissait formellement la trahison (art. 75 et suivants du Code pénal), passible alors de la peine de mort. Depuis l’été 1945, les « archives [dites] de Berlin » furent, par milliers de pièces, transférées à Paris11, balayant définitivement les « mémoires de défense » et propos flatteurs des témoins à décharge.

L’appareil judiciaire français les ensevelit, lui qui avait prêté serment à Pétain (à l’exception d’un unique héros, Paul Didier) et avait été lourdement impliqué dans le soutien au régime, acceptant ou sollicitant de Vichy, parfois dès l’été 1940, des missions répressives, notamment antisémites et antiparlementaires : Me Isorni, défenseur de Pétain, le rappela avec férocité au président du tribunal, Paul Mongibeaux, et au procureur général Mornet12.

L’historien n’a pas le droit de réclamer aujourd’hui devant les tribunaux réparation pour les décisions politiques de la justice d’hier de classement des affaires de trahison et de collaboration ; mais il a celui d’établir, sur la base des sources originales consultables, les faits qu’ont largement écartés les arrêts de l’après-Libération.
Les magistrats ne sont pas habilités à se retrancher devant les arrêts pris par leurs prédécesseurs pour prohiber de facto l’exercice indépendant du « travail historique ». Ils n’ont pas à dire l’histoire ni à interdire aux historiens de la faire en toute indépendance et aux associations de résistance de la diffuser.

Le texte complet de cet article a été publié sur Politique Actu

Crédits Photo via Wikimedia Commons Raboe001 [cc-by-sa] ;

  1. du 8 janvier 2011 [?]
  2. Gilbert Hatry, Louis Renault, patron absolu, Paris, Éditions JCM, 1990, p. 352 ; l’hagiographie de Chadeau l’admettait, Louis Renault, passim, surtout chapitre 5, sur 1936-1938 [?]
  3. Archives Renault, carton 18. Lettre communiquée par  un membre de la société d’histoire du groupe Renault » à Michel Certano, qui m’en a fourni copie [?]
  4. Patrick Fridenson, « Première rencontre entre Louis Renault et Hitler », Renault-Histoire, juin 1999, pp. 8-18. [?]
  5. Note Wi II/193/41, mars 1941, AJ 40, 774, fonds du MBF dits de l’Hôtel Majestic, , AN. [?]
  6. PV de l’entretien du 4 août 1940, « Affaire Renault. Scellé 21 », 3 W 217, AN. [?]
  7. organismes créés par décret du 16 août sur le modèle allemand des Reichsgruppen, qui permirent entre autres de drainer la quasi-totalité des matières premières et des produits finis français vers le Reich [?]
  8. Note PP « sur la société des usines Renault et ses dirigeants », 6 juin 1942, BA 2135, Renault, APP, et litanie des fonds Barnaud, AN, F 37, et des fonds Lehideux de la Haute-Cour (217-234). [?]
  9. Note de X, place Maubert, Paris, 1er avril 1941, Londres 1939-1945, 300, Situation et opinion en France, dossier général, juin 1940-juillet 1941, MAE. [?]
  10. Rapport final du Wi V/2, AJ 40, 820, AN. Frais d’occupation et clearing, Industriels. [?]
  11. Correspondance entre chefs allemands en France (Paris et Vichy) et Berlin, AN, 3 W 347 à 358. [?]
  12. Lacroix-Riz, épilogues Choix et Munich, et « Les grandes banques françaises de la collaboration à l’épuration, 1940-1950 », revue d’histoire de la deuxième guerre mondiale, 1986, « I. La collaboration bancaire», n° 141, p. 3-44; « II. La non-épuration bancaire 1944-1950 », n° 142, p. 81-101. [?]

Source Owni 10/03/2011

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Histoire, rubrique Politique, Affaire, rubrique Allemagne,

Grandir sans patrie

marianne1Selon Lucía Ibáñez, psychanalyste, «Il y a des droits qui ne devraient poser question à personne, comme une évidence limpide de ce qu’une société se doit d’offrir à ses enfants (…). L’inscription d’un enfant au droit social par l’attribution de la nationalité pourrait être une des conditions fondamentales pour grandir subjectivement, mais aussi pour grandir à plusieurs en société».

Notre société s’apprête à l’initiative du gouvernement à inscrire dans la constitution une différence de traitement, basée sur la filiation, pour des personnes condamnées pour acte de terrorisme. Le projet de révision constitutionnelle envisage la déchéance de la nationalité des binationaux, c’est-à-dire des français disposant d’une autre nationalité.

Plusieurs voix se sont déjà élevées pour dénoncer l’aberration et le danger que cette proposition gouvernementale pourrait inscrire au sein de notre constitution en vidant de son sens la devise fondatrice  d’égalité qui stipule un droit égalitaire pour tous les français. Si cette mesure est adoptée, un français condamné pour terrorisme sera déchu de sa nationalité française et sera expulsé du pays. Mais tous les autres, condamnés pour les mêmes actes de terrorisme, nommés abusivement français de souche, et qui ne sont pas en nombre moindre, d’après les statistiques, resteront dans le pays et garderont leur nationalité.

Le gouvernement reconnaît que cette mesure n’aura pas d’incidence sur la lutte contre le terrorisme, mais qu’il s’agit d’un message symbolique. Mais ce message symbolique n’a pas été formulé, quel est-il et à qui s’adresse t-il ?

A une société apeurée et émue marquée par le deuil et la violence ? A notre jeunesse ? Avec quelle perspective ou celle de la désagréger davantage ? A nos enfants ? Comment soutenir devant leurs interrogations que désormais notre société fera une distinction, par la punition, entre des Français qui ont un père ou une mère d’une autre nationalité ? Quel enfant pourrait comprendre une telle inégalité de la justice ?

S’il est attendu, étant donné le contexte, que le gouvernement propose des mesures sécuritaires, il est incompréhensible qu’il ne propose pas à la société les moyens pour penser les questions de fond soulevées par la radicalisation et permettre d’élaborer des mesures qui nous aident, avec la participation de tous les citoyens, à soigner nos blessures et à dépasser nos difficultés ensemble.

C’est de notre responsabilité de penser aux conséquences d’une telle mesure instaurée comme inégalité constitutionnelle. Tout d’abord, elle permettra l’expulsion du condamné dans le pays de parents ou de grands parents où il n’a pas grandi. Mais pourquoi irait-il dans un pays qui lui est étranger alors qu’une des terres du « califat » pourrait l’accueillir, avec encore plus de facilité dans son programme de désubjectivation, tout en l’aidant à nourrir  la haine pour le pays de sa naissance qui l’aura expulsé ?

Une société qui refuse d’interroger ce qu’elle engendre, encourt à fortiori le risque que cela lui fasse retour, d’une manière ou d’une autre.

L’insistance du gouvernement à faire voter une telle mesure est d’autant plus incompréhensible qu’il est impossible de supposer qu’elle provienne de son ignorance sur la complexité du problème auquel il dit vouloir s’attaquer. Au lendemain de l’attentat sur Charlie, le gouvernement commandait à Malek Boutih, député de l’Essonne, une étude approfondie sur « L’analyse et la prévention des phénomènes de radicalisation et du djihadisme en particulier ». Mr. Boutih a rendu son rapport fin juin 2015. Cette étude rigoureuse qui porte le titre: « Génération radicale » a sollicité la participation des hommes et des femmes de terrain du milieu socio-éducatif et pénitentiaire travaillant avec des enfants et des jeunes. Ce document mériterait de  devenir une base de travail sérieuse pour l’élaboration des propositions  qui pourraient répondre aux difficultés soulevées. A l’inverse, ce document semble être resté dans un tiroir sans que le gouvernement s’en soit servi au moins, pour offrir largement à la population l’information richissime qu’il contient et qui aiderait chaque citoyen et chaque citoyenne à prendre conscience de la complexité de la question de la radicalisation qui s’étend dans notre société.

Le rapport fait le portrait « d’une génération au bord de la rupture » qui trouve dans l’offre djihadiste une réponse, certes illusoire et mortifère, au désespoir subjectif de jeunes fragilisés et en rupture avec la société dans laquelle ils vivent.

Le phénomène touche toutes les catégories sociales. Certes il y a les jeunes marginalisés habitants des banlieues mais il a aussi tous ces autres jeunes appartenant à des classes moyennes ou supérieures. « On compte une majorité de moins de 25 ans (65%). La tranche d’âge des 18-25 ans est la plus concerné et s’y ajoute 5% de mineurs ».

Le rapport s’attarde à avertir sur le danger de basculer dans un phénomène de masse étant donné « l’ampleur du phénomène et sa pénétration dans tous les milieux, avec la radicalisation de jeunes étudiants et de jeunes filles en particulier » qui constituent, avec des jeunes diplômés,  des cibles privilégiées pour la stratégie de recrutement djihadiste. Certaines compétences les intéressent davantage : « infirmières, artificiers, sportifs, ingénieurs ».

Ne nous trompons pas, nos jeunes qui basculent dans le terrorisme ne sont pas tous des religieux avec des grands parents maghrébins. Ils constituent dans leur diversité, notre jeunesse française. Ils sont nés sur le sol français, ils ont grandis sous nos lois, sous nos programmes d’éducation, sous nos projets territoriaux, sous nos principes et valeurs culturelles et sur nos choix de société adoptés par tous et devant lesquels chacun est responsable.

A qui donc voudrions-nous faire porter la responsabilité de nos déceptions et de nos défaillances ? (1)

Je voudrais contribuer au débat actuel sur la question de la nationalité en déployant une problématique soulevée par l’application de la règle du droit du sol qui reste largement méconnue des français et qui mérite, me semble t-il, de trouver place dans le débat.

Si nous avons des jeunes dits binationaux, c’est surtout parce que la France impose aux enfants issus de l’immigration la double nationalité.

En effet l’idée socialement répandue que chaque enfant né en France même de parents étrangers serait automatiquement Français grâce à l’application du droit du sol, n’est pas juste. Il n’y a pas d’affectation immédiate de ce droit et de ce fait les parents sont contraints de donner leur propre nationalité à l’enfant. Je vais m’employer dans les lignes qui suivent à déployer cette affirmation et la problématique qu’elle soulève.

Que dit la règle du droit du sol?

Le texte en vigueur sur la nationalité différencie l’attribution de la nationalité française de l’acquisition de celle-ci.

L’attribution est fondée sur le droit du sang en reconnaissance de la filiation : « Est français l’enfant, dont l’un des parents au moins est français au moment de sa naissance » et cela même si l’enfant naît à l’étranger.

Quant à l’acquisition, elle implique une procédure. Il est possible de devenir Français, par mariage, par adoption, et par la demande volontaire de naturalisation. Je ne m’arrêterai pas sur ces situations qui n’intéressent pas mon propos et je vais reprendre ce que dit la loi plus précisément quant au droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers.

Le droit du sol (jus soli)  a été introduit dans le droit français en 1515 par un arrêt du parlement de Paris qui stipulait : « est français celui qui est né en France, même de parents étrangers, s’il demeure dans le royaume.» (2)

En 1804, le code civil conserve le droit du sol, tout en privilégiant  la filiation du sang. Il apparaît déjà l’obligation pour l’individu né d’un étranger, de réclamer la nationalité française dans l’année suivant sa majorité. Ce délai sera supprimé par la suite, pour qu’à partir de 1851 le droit du sol soit progressivement rétabli pour répondre aux besoins croissants de travailleurs ou de soldats en 1889. Il est intéressant de remarquer que durant cette période de préoccupation militaire, la faculté de répudier la nationalité française avait été interdite (3) pour pouvoir assujettir au service militaire les enfants d’étrangers nés en France.

« En 1993, la loi n°93-933 du 22 juillet, dite loi Pasqua-Méhaignerie, restreint l’accès à la nationalité par le droit du sol pour les jeunes d’origine étrangère. Pour devenir Français, ces derniers doivent désormais, selon les termes de la loi, en manifester clairement la volonté entre 16 et 21 ans». (4)

La législation actuelle qui date de 1998 (loi du 16 mars nº 98-170), dite loi Guigou, a modifié certaines dispositions de la loi Pasqua, en  retirant notamment l’obligation pour le mineur de faire une demande officielle de volonté pour devenir Français.

Aujourd’hui, la nationalité française est déclarée de plein droit en raison de la naissance et de la résidence, mais octroyée sous certaines conditions. Trois possibilités sont envisagées :

  • Lorsque l’enfant a 13 ans, ses parents peuvent la réclamer pour lui, et avec son consentement.  Ils doivent faire une déclaration,  et fournir des documents qui attestent que l’enfant réside en France depuis l’âge de 8 ans et pendant une période consécutive de cinq ans.
  • Dès l’âge de seize ans, le jeune peut réclamer la nationalité par déclaration et sans l’accord des parents. (Article 21-11 du code civil)
  • A 18 ans le jeune devient Français de plein droit, sauf s’il décline cette possibilité. (Article 21-7 du code civil)

Dans les deux derniers cas, l’accès à la nationalité reste dépendant de deux conditions : le jeune devra prouver 5 années de résidence consécutives à partir de l’âge de 11 ans et ne pas avoir été condamné à une peine égale ou supérieure à six mois d’emprisonnement, non assortie d’une mesure de sursis.

Avant la loi Guigou, l’enfant n’avait droit à aucun document attestant de sa futurenationalité française. Il portait nécessairement, comme encore aujourd’hui, la nationalité du père ou de la mère.

Depuis 1998 (Décret n° 98-721 du 20 août) l’enfant a droit à  un Titre d’Identité Républicain (TIR) pour pouvoir voyager à l’étranger et être dispensé de visa à son retour en France. Le TIR est délivré sur demande et doit être accompagné, de toute façon,  d’une carte d’identité ou d’un passeport, documents que la France ne peut pas délivrer à l’enfant, puisqu’il n’est pas assimilé encore Français.

De ce survol historique de l’évolution de la loi jusqu’au texte en vigueur, je tiens à relever qu’il y a eu une époque où le droit du sol s’appliquait dès la naissance, pour évoluer ensuite, en fonction des intérêts ou des positions idéologiques des partis au pouvoir, vers une exigence de déclaration de volonté ou de réclamation souhaitée d’un droit par le jeune.

Ce qu’il faut retenir de l’application de la législation actuelle et qui intéresse mon questionnement, c’est que durant toute son enfance et jusqu’à ses 13, 16 ou 18 ans, l’enfant aura affaire à ce statut bizarre d’être considéré potentiellement Français. Ceci semble une aberration qui me permet d’affirmer qu’en France le statut d’étranger se transmet de père à enfant. Cette situation qui crée une sorte d’entre deux est assez problématique. D’abord parce qu’elle n’offre pas à l’enfant un point d’appui solide sur lequel s’appuyer pour construire sa propre historialité en la dégageant de l’histoire de migration des parents. Et ensuite parce que la définition de la loi semble méconnaître, et donc ne pas tenir compte, des besoins psychiques de l’enfant impliqués dans le processus de construction et de différenciation identitaire et dont le besoin d’appartenance au milieu social qui l’entoure est un point d’ancrage essentiel.

Et puis, comment ignorer que l’amour pour la patrie et pour la terre germe durant l’enfance ?

Et comment espérer d’un jeune adolescent la « déclaration d’une volonté » affirmée pour devenir membre à part entière d’une société qui l’aura considéré étranger durant toute son enfance en créant ainsi avec lui un lien teinté d’ambigüité ?

Pour avancer dans le développement de cette problématique, je dois rappeler brièvement les prémisses impliquées dans la construction de la subjectivité et de l’espace identitaire où se fabrique et s’organise sans cesse pour quelqu’un, l’appréhension de sa réalité interne et du monde qui l’entoure. Le petit enfant baigne dès sa naissance, et même avant, dans les eaux langagières et culturelles des parents. Dans ce lieu familial, il entendra les premiers signes qui lui feront appréhender le monde externe avec curiosité et envie, ou bien, avec crainte et méfiance.

La construction, par l’enfant, d’un reflet de mêmeté (5) identitaire dépend de sa rencontre avec l’amour des parents, ce qui passe par la langue et par la manière dont ils ont pris soin de son corps. La langue est le lieu d’ancrage singulier qui signe, en même temps, l’ancrage dans le monde.

A l’école, l’enfant aura l’opportunité de rencontrer d’autres enfants, et pour certains, elle sera le lieu de rencontre avec une autre langue, la langue sociale qui lui permettra d’accéder à un monde bien plus grand que celui de la famille. L’école est aussi le lieu où, par les jeux de miroir que facilite la langue, les enfants approchent avec conscience les marques de leurs différences. La curiosité pour l’autre semblable les amène à se comparer et à se mesurer, ce qui est évidemment structurant. C’est la langue qui fera lien, un lieu d’habitation commun, même si  chacun l’habitera à sa façon. La langue devient patrie, riche de son pouvoir d’enracinement identitaire à une culture. Et lorsque les enfants grandissent dans un bilinguisme culturel, cela est sans doute une richesse mais parfois aussi une confrontation bouleversante et conflictuelle.

Pour certains d’entre eux, le pays d’origine des parents sera source d’un imaginaire imprégné de nostalgie pour la terre perdue et qui sera, d’autant plus idéalisée, que les parents ne reviendront pas au pays natal, mais garderont présente la perspective rêvée d’un retour. Ce rapport ambivalent des parents affecte leur relation avec le nouveau monde social qui les entoure et la façon dont ils vont le présenter à l’enfant.

Une des premières tâches psychiques à accomplir pour l’enfant sera celle de créer sa propre possibilité, (ce qui peut être celle d’une création symptomatique)  pour faire avec la fragilité des parents, pris dans la douleur du déracinement et par leurs propres conflits subjectifs.

C’est bien pourquoi, à partir de sa circonstance familiale, mais aussi pour répondre à la pression psychique d’appartenance sociale, l’enfant cherche, dans le meilleur des cas, d’autres lieux d’adresse, des espaces qui lui fournissent d’autres figures d’identification.

La société, à la place de tiers est celle qui peut assurer pour l’enfant une fonction structurante de coupure séparatrice que je nommerai la fonction  paternelle du social. Cette fonction est porteuse du symbolique par l’écart qu’elle peut signifier avec la condition, quelle qu’elle soit, des parents et par la reconnaissance de l’histoire qui serait celle de l’enfant, en lien et en rupture avec celle des parents. Le message symbolique pourrait se traduire ainsi : tu viens d’un père et d’une mère (reconnaissance de la filiation ancestrale) mais tu es né parmi d’autres qui t’accueillent dans la terre et la langue que nous parlons.

Si cette fonction fait défaut à l’enfant, un lien souffrant s’établit entre lui et les pays de son histoire, ceux des parents et le sien, sans vraiment se sentir appartenir ni à l’un ni à l’autre.

Le conflit identitaire est terrible : « je ne suis pas de là bas » la terre des parents, mais « je ne suis pas des vôtres » non plus.  Il reste être de nulle part. Mais pour un enfant, être de nulle part est foncièrement déstructurant. En manque d’ancrage identitaire à la société dans laquelle il est né, l’enfant grandit dans sa communauté, en marge des autres, portant un vide identitaire.

Et lors du passage adolescent, qui n’est pas linéaire, et que d’ailleurs certains n’arriveront à traverser qu’en y laissant leur peau, le jeune se trouve dans le besoin structurant de contester la loi des parents pour affirmer, souvent par opposition, son droit à la singularité. C’est une époque éminemment sensible et fragile où la question de l’origine se repose avec puissance et dangerosité.

Confus et perdus par le brouillement de miroirs déchus ou idéalisés et n’ayant parfois que le désespoir pour survivre, certains jeunes vont chercher un peu de structure en appartenant à une communauté sectaire pour suppléer à leur manque d’assise identitaire. Ils succombent à un discours qui fait appel à l’obéissance et à la soumission, au nom d’un Dieu-Maîtrequi sait et qui prescrit les commandements pour guérir du mal de vivre. Nous avons à nous interroger sur la défaillance de certaines réponses sociétales qui tombent à côté de l’appel que ces jeunes nous adressent.

De plus, l’adolescent qui se vit en marge de la société trouvera dans le discours ambiant de quoi nourrir un sentiment d’exclusion. Des slogans comme : « Être Français, ça se mérite », ou « la carte d’identité n’est pas la carte orange » imprègnent la langue du rejet de l’autre sans que cela ne cesse de réveiller le démon de la haine. (6)

Toni Gatliff dans son dernier film « Geronimo », met bien en scène la problématique du vide identitaire. Il filme des jeunes issus de l’immigration turque et gitane résidant dans une banlieue du sud de la France, entourés par le trafic de drogue, pris par la violence et surtout plongés dans l’ennui et l’oisiveté sans espoir. La troisième génération, les adolescents, sont prêts à mourir et à tuer pour sauver l’honneur de la tradition, une tradition qu’ils n’ont connue que par la voix des grands parents. Et alors que les parents  avaient tenté de s’en dégager, elle fait retour, avec plus de puissance, chez les jeunes qui se sont saisis d’elle pour l’ériger en patrie. Faute de lien solidaire à une société qui ne les reconnaît que dans leur marginalité, la tradition exacerbée devient pour eux le pater : la patrie des pères.

Le malaise subjectif et social des jeunes interpelle la société, par le biais du politique, dans sa capacité à garantir, pour eux, sa fonction de tiers social. Notre société française l’assume en reconnaissant à chaque enfant le droit à l’école et le droit à la santé, deux lieux qui lui assurent une inscription et une protection sociale. Mais chaque société devrait pouvoir assumer la responsabilité d’accueillir tout enfant qui naît sur sa terre en le reconnaissant comme un sujet social à part entière et cela dès la naissance. Légitimer cette reconnaissance  par le droit serait bien un message symbolique de cohésion sociale adressée à toute la société. Evidemment cela ne saurait suffire pour protéger les enfants du malaise, il y a bien d’autres circonstances qui y participent, la ségrégation territoriale, la pauvreté et « l’apartheid scolaire » (7) qui reproduit les inégalités et la désolidarisation des jeunesses qui grandissent en parallèle sans perspective sociale à construire et à partager.

Il y a des droits qui ne devraient poser question à personne, comme une évidence limpide de ce qu’une société se doit d’offrir à ses enfants, les conditions  suffisamment bonnespour que chacun puisse devenir citoyen en cultivant la tolérance et la curiosité pour l’inconnu. L’inscription d’un enfant au droit social par l’attribution de la nationalité pourrait être une des conditions fondamentales pour grandir subjectivement, mais aussi pour grandir à plusieurs en société, en créant du lien qui ne se fonde pas sur la stigmatisation de l’étranger, mais qui reconnaisse d’emblée la valeur du partage de la vie et de la langue au sein de nos différences.

Les mythes originaires construits autour de la question : « d’où je viens ? » se fondent sur les liens d’appartenance à une famille et à une société. Ceux-ci sont pour l’enfant des points d’ancrage, des bords, pour qu’un jour il puisse les lâcher et partir pour construire sa propre famille et parvenir à se trouver un bout de terre quelque part dans le monde.

En adoptant des lois qui créent des inégalités, nous nourrissons le rejet et la violence sociale et cela porte à conséquence sur l’ensemble de la société. 

 

(1) Cela me fait penser à une personne qui voulait renvoyer sa fille adoptée à son pays d’origine, parce qu’elle s’est aperçue qu’elle ne répondait pas à son idéal d’enfant qu’elle attendait.

(2) In Droit du sol, Wikipedia

(3) Christophe Vimbert, La tradition républicaine en droit publique français, P.U.R., p34

(4) Melting-post.fr, publication de Génériques, association spécialisée dans l’histoire et la mémoire de l’immigration, la sauvegarde, la préservation et l’inventaire des archives de l’immigration en France et en Europe.

(5) Françoise Dolto emploi ce terme pour définir le narcissisme comme un lieu où s’entrecroisent les premières relations langagières, l’image inconscient du corps et le désir.

(6) Lors d’un discours à Grenoble en 2010, Nicolas Sarkozy avait déjà différencié les Français d’origine étrangère du reste de la nation et proposait de retirer la nationalité française à toute personne d’origine étrangère qui porterait atteinte à la vie d’une personne dépositaire de l’autorité publique.

(7) « L’apartheid scolaire, Enquête sur la ségrégation ethnique dans les collèges », Seuil, 2005, Titre du livre du Georges Felouzis, sociologue, son travail sur les inégalités à l’école dénonce l’éclatement du système éducatif sur une base de ségrégation ethnique.

Lucía Ibáñez

Source Invités de Médiapart 12/01/2016

Un produit dangereux dans les foyers : la télé.

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Un livre, nourri de centaines d’études scientifiques, décrit l’impact de la télé sur la société et sur les capacités intellectuelles. Affligeant. La télévision est un fléau, c’est scientifique ! Un chercheur en neurosciences a eu la bonne idée de compiler dans un livre les centaines d’études prouvant les effets toxiques du petit écran, mettant fin au mythe de « la télé, bouc émissaire ».

A la lecture du livre de Michel Desmurget, « TV lobotomie », on se demande comment on peut laisser faire ça. Le constat est tellement accablant que l’on se demande un moment si l’auteur n’est pas de mauvaise foi. Mais au fil des pages, il faut se rendre à l’évidence : l’impact de la télévision est tellement nocif pour la société qu’on se demande pourquoi il n’existe pas un bandeau quand on appuie sur le bouton, du type « la télévision que vous venez d’allumer est dangereuse pour votre santé ».

Des preuves à l’appui du discours, il y en a des centaines dans « TV lobotomie ». C’est justement l’idée de l’auteur, docteur en neurosciences à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) : faire la synthèse des différentes études portant sur la toxicité de la télévision. « Depuis 15 ans, il ne s’est pas passé une semaine sans que j’extraie au moins un ou deux papiers relatifs aux effets délétères de la télévision sur la santé », explique-t-il. Avant d’exposer ces effets, l’auteur veut battre en brèche le mythe de la télévision supplantée par Internet : l’usage des nouvelles technologies ne remplace pas la télé, il s’y additionne. « Un spectateur « typique » de plus de 15 ans passe chaque jour 3h 40 devant son poste de télévision », soit 75 % de son temps libre ! Quant aux enfants, « un écolier du primaire passe, tous les ans, plus de temps devant le tube cathodique que face à son instituteur », soit plus de 2 heures par jour. Pour quelles conséquences ?

Troubles de l’attention

D’abord, l’impact de la petite lucarne sur le développement des enfants et des adolescents. Une « marque » indélébile : « Tous les champs sont touchés, de l’intelligence à l’imagination, en passant par le langage, la lecture, l’attention et la motricité », résume l’auteur (lire ci-dessous). Ces effets s’expliquent notamment par ce que les chercheurs appellent « le déficit vidéo » : passif devant un écran, un enfant pourra apprendre quelque chose, « mais ce quelque chose sera toujours notablement inférieur à ce qu’il aurait appris d’une interaction effective avec son environnement ». Pourquoi ? Parce que l’on ne se construit pas en restant spectateur. « Le cerveau ne s’organise pas en observant le réel, mais en agissant sur lui », rappelle le neurologue. Ainsi, regarder la télévision apparaît comme un moment dépourvu de toute interactivité concrète.

Les effets dévastateurs de la télé se prolongent une fois qu’elle est éteinte. L’enfant prend en effet l’habitude de maintenir son attention par des sollicitations extérieures. Son cerveau, exposé à des séquences courtes, s’habitue à passer du coq à l’âne. Résultat ? Les chercheurs expliquent que le système attentionnel « automatique exogène » (suscité par l’extérieur) s’hypertrophie, au détriment du système « volontaire endogène ». Or, c’est l’attention « volontaire endogène » qui est nécessaire au processus d’apprentissage et de mémorisation.

Sentiment d’insécurité

La télé prescrit aussi, à notre insu, une certaine forme de pensée et d’agir via la publicité, qui est au fondement de son système économique. Et alors ? Elle a des impacts scientifiquement avérés sur les problèmes d’obésité, d’alcoolisme, de dépendance au tabac… Mais pas seulement : l’auteur rappelle qu’elle acculture aussi par les programmes entre les pubs, destinés à retenir l’attention des téléspectateurs coûte que coûte, à « le détendre pour le préparer entre deux messages » publicitaires, selon la célèbre expression de Patrick Le Lay, l’ancien PDG de TF1.

En particulier, Michel Desmurget rappelle que « l’on sait aujourd’hui qu’un individu soumis à des tensions émotionnelles enregistre mieux les messages qui lui sont imposés et s’avère plus aisément conditionnable. S’il s’avère nécessaire, pour favoriser ce dessein, de farcir l’antenne d’un monceau de violence, alors peu importe », écrit-il. Sexe, violence, société de consommation… la télévision ne serait-elle que le reflet de la société ?

Assurément pas, selon l’auteur, qui remarque que la violence et le sexe sont sur-représentées à la télévision par rapport à la réalité. Cela pourrait d’ailleurs expliquer le lien établi par des études entre exposition télévisuelle, et grossesse précoce non désirée par exemple. Le petit écran « travaille » aussi les représentations sur les genres sexuels, plus stéréotypés et inégalitaires à travers son prisme que dans la réalité. Quant au lien entre violence et télévision, Michel Desmurget rappelle qu’il ne fait désormais plus de doute au sein de la communauté scientifique : la télévision rend agressif, c’est presque aussi certain que le lien entre tabac et cancer du poumon.

Caricatural, Michel Desmurget ? 

Aucun chercheur respectable ne suggère que la violence médiatique est « la » cause des comportements violents. La seule chose qu’osent affirmer les scientifiques, c’est que la télévision représente un facteur de violence significatif, et qu’il serait dommage de ne pas agir sur ce levier, relativement accessible en comparaison d’autres déterminants sociaux plus profonds (pauvreté, éducation, cadre de vie, etc.). Michel Desmurget

Non, la télévision n’est pas responsable de tous les maux. Non, la télévision n’est pas seule responsable de l’obésité, ou de la violence. Mais en multipliant les références violentes et anxiogènes pour favoriser l’audience, la télévision rend la société encore plus obèse, encore plus violente. Et parfois, l’influence de la fiction « dépasse la réalité » : le fameux sentiment d’insécurité, qui n’a aucun rapport avec l’évolution des agressions constatées, a par contre un lien avéré avec l’exposition télévisuelle…

Comment la télé éteint l’imaginaire des enfants

Différentes études prouvent que la télévision bride les capacités intellectuelles des enfants, en particulier leur imagination.

La télévision, un média comme un autre qui stimule l’imagination et la créativité ? Si ce discours est tenu, en particulier à la télévision, la réalité est toute autre : différentes recherches, présentées dans le livre de Michel Desmurget (ci-dessus), accréditent la thèse contraire, exprimée en termes simples : la télévision abrutit nos enfants !

Une étude retient particulièrement l’attention du lecteur. Elle a été conduite par deux médecins allemands en 2006, sur une population de près de 2 000 élèves, âgés de 5 et 6 ans. Les médecins ont demandé aux bambins de dessiner un bonhomme. Ils se sont alors aperçu que plus les enfants regardaient la télévision, plus le bonhomme qu’ils dessinaient était simpliste : pas de cheveux, pas d’oreilles, jambes représentées par un trait, etc.

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Les dessins ci-contre, tirés de l’étude, illustrent la différence des représentations imaginaires entre des enfants soumis à la télévision plus de trois heures par jour, et des enfants dont l’exposition est égale ou inférieure à une heure… pas besoin de faire un dessin !

Pour cette étude, Michel Desmurget ne précise pas si les auteurs ont pris en compte d’autres variables : les enfants regardant la télévision ne seraient-il pas aussi ceux qui vivent dans un environnement socio-éducatif moins stimulant ? La différence de richesse de représentation de l’imaginaire pourrait ainsi s’expliquer principalement par des facteurs socio-éducatifs. La télévision ne serait alors qu’une « variable écran ».

1973 au Canada : avant et après l’arrivée de la télé

Mais le doute n’est pas permis pour un autre travail présenté dans « TV lobotomie », dans lequel des chercheurs, dès 1973, ont analysé l’impact de l’arrivée de la télévision (avant, après) dans une ville canadienne de taille moyenne. Ils ont complété leur étude en confrontant les résultats avec des villes comparables ayant déjà la télévision.

L’un des travaux consistait à demander à des jeunes de 9 à 12 ans d’imaginer les différents usages possibles de 5 objets (couteau, chaussure, bouton…). Les résultats montrèrent que les enfants de la ville où la télévision était encore absente (NoTel) mentionnaient 40 % d’usages supplémentaires possibles des objets, par rapport aux jeunes de la ville où la télévision était déjà présente. « Et lorsque l’expérience fut reproduite, sur des sujets d’âge similaire, 2 ans après l’arrivée de la petite lucarne dans les foyers NoTel, plus aucune différence ne fut observée entre les différentes villes » souligne Michel Desmurget, qui conclut, un peu plus loin dans le livre :

La petite lucarne ne rend pas les enfants débiles ou visiblement crétins, mais elle empêche assurément le déploiement optimal des fonctions cérébrales. La vox populi aura évidemment beau jeu de nier l’existence du moindre détriment : voyez, nous dira-t-elle, ils ont regardé la télé et ils ne s’en sont pas mal sortis, ils ne sont pas débiles. Personne cependant ne demandera : cet écran qu’ils ont tant regardé, que leur a-t-il volé ? Michel Desmurget

Fabien Ginisty

Source n°91 de L’âge de faire.

TV lobotomie Michel Desmurget  editions J’ai lu

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Un maître de conférence d’Avignon poursuivi après avoir ironisé sur les « blancos » de Manuel Valls

Il est temps de restreindre les déplacements de Valls en Arabie Saoudite (même pour les gros contrats) sinon c'est le retour assuré des décapitations en 2016

Il est temps de restreindre les déplacements de Valls en Arabie Saoudite (même pour les gros contrats) sinon c’est le retour assuré des décapitations en 2016

Un maître de conférences de l’université d’Avignon (UAPV) est convoqué devant le tribunal correctionnel le 27 janvier pour avoir, dans des mails internes à son établissement, ironisé et repris des déclarations de Manuel Valls sur les « blancos ».

Un maître de conférence d’Avignon poursuivi après avoir ironisé sur les « blancos » de Manuel Valls

Un maître de conférences de l’université d’Avignon (UAPV) est convoqué devant le tribunal correctionnel le 27 janvier pour avoir, dans des mails internes à son établissement, ironisé et repris des déclarations de Manuel Valls sur les « blancos ».

Bernard Mezzadri, 55 ans, comparaîtra pour provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race, selon la citation à comparaître consultée par l’AFP.

Manuel Valls de « chasseur de Roms »

Il lui est reproché, dans un échange de messages, d’avoir notamment déclaré, évoquant une rencontre à venir entre la direction de son établissement et le Premier ministre Manuel Valls: « J’espère qu’en cette grande occasion la délégation de l’UAPV comptera suffisamment de +blancos+ (et pas trop de basanés) ». Il qualifiait également dans son message Manuel Valls de « chasseur de Roms ».

Ces propos faisaient notamment écho à des images de Manuel Valls datant de 2009, dans lesquelles celui qui était alors député-maire d’Evry (Essonne) demandait à ses équipes de rajouter des « whites » et des « blancos » dans le décor.

« Message ironique »

Ce « message ironique » avait été signalé par l’ancienne équipe de direction de l’université d’Avignon et des Pays de Vaucluse au recteur et au procureur, qui avait décidé de poursuivre M. Mezzadri, rappelle le Snesup-FSU de l’établissement dans un communiqué.

« Il est manifeste que notre collègue entendait dénoncer des propos et une politique qu’il estimait xénophobes et que, par conséquent, il ne saurait être lui-même suspecté de xénophobie », poursuit le syndicat.

Une pétition de soutien à l’enseignant-chercheur avait recueilli mardi en fin de journée plus de 3.300 signatures, dont celles du philosophe Etienne Balibar, de l’essayiste Susan George, de la comédienne Marianne Dénicourt et de nombreux professeurs d’université.

Tous demandent la relaxe de M. Mezzadri et « condamnent les propos de M. Valls auxquels Bernard Mezzadri faisait ironiquement référence ».
Contactée par l’AFP, l’université n’avait pas réagi mardi en fin d’après-midi. – avec AFP –

Anne Le Hars
Source AFP  06/01/2016
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Giorgio Agamben : « De l’Etat de droit à l’Etat de sécurité »

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L’état d’urgence n’est pas un bouclier qui protège la démocratie. Au contraire il  a toujours accompagné les dictatures et a même fourni le cadre légal aux exactions de l’Allemagne nazie. La France doit résister à cette politique de la peur.



On ne comprend pas l’enjeu véritable de la prolongation de l’état d’urgence [jusqu’à la fin février] en France, si on ne le situe pas dans le contexte d’une transformation radicale du modèle étatique qui nous est familier. Il faut avant tout démentir le propos des femmes et hommes politiques irresponsables, selon lesquels l’état d’urgence serait un bouclier pour la démocratie.

Les historiens savent parfaitement que c’est le contraire qui est vrai. L’état d’urgence est justement le dispositif par lequel les pouvoirs totalitaires se sont installés en Europe. Ainsi, dans les années qui ont précédé la prise du pouvoir par Hitler, les gouvernements sociaux-démocrates de Weimar avaient eu si souvent recours à l’état d’urgence (état d’exception, comme on le nomme en allemand), qu’on a pu dire que l’Allemagne avait déjà cessé, avant 1933, d’être une démocratie parlementaire.

Or le premier acte d’Hitler, après sa nomination, a été de proclamer un état d’urgence, qui n’a jamais été révoqué. Lorsqu’on s’étonne des crimes qui ont pu être commis impunément en Allemagne par les nazis, on oublie que ces actes étaient parfaitement légaux, car le pays était soumis à l’état d’exception et que les libertés individuelles étaient suspendues.

On ne voit pas pourquoi un pareil scénario ne pourrait pas se répéter en France? : on imagine sans difficulté un gouvernement d’extrême droite se servir à ses fins d’un état d’urgence auquel les gouvernements socialistes ont désormais habitué les citoyens. Dans un pays qui vit dans un état d’urgence prolongé, et dans lequel les opérations de police se substituent progressivement au pouvoir judiciaire, il faut s’attendre à une dégradation rapide et irréversible des institutions publiques.


Entretenir la peur

Cela est d’autant plus vrai que l’état d’urgence s’inscrit, aujourd’hui, dans le processus qui est en train de faire évoluer les démocraties occidentales vers quelque chose qu’il faut, d’ores et déjà, appeler Etat de sécurité (« Security State », comme disent les politologues américains). Le mot « sécurité » est tellement entré dans le discours politique que l’on peut dire, sans crainte de se tromper, que les « raisons de sécurité » ont pris la place de ce qu’on appelait, autrefois, la « raison d’Etat ». Une analyse de cette nouvelle forme de gouvernement fait, cependant, défaut. Comme l’Etat de sécurité ne relève ni de l’Etat de droit ni de ce que Michel Foucault appelait les « sociétés de discipline », il convient de poser ici quelques jalons en vue d’une possible définition.

Dans le modèle du Britannique Thomas Hobbes, qui a si profondément influencé notre philosophie politique, le contrat qui transfère les pouvoirs au souverain présuppose la peur réciproque et la guerre de tous contre tous : l’Etat est ce qui vient justement mettre fin à la peur. Dans l’Etat de sécurité, ce schéma se renverse : l’Etat se fonde durablement sur la peur et doit, à tout prix, l’entretenir, car il tire d’elle sa fonction essentielle et sa légitimité.

Foucault avait déjà montré que, lorsque le mot « sécurité » apparaît pour la première fois en France dans le discours politique avec les gouvernements physiocrates avant la Révolution, il ne s’agissait pas de prévenir les catastrophes et les famines, mais de les laisser advenir pour pouvoir ensuite les gouverner et les orienter dans une direction qu’on estimait profitable.


Aucun sens juridique

De même, la sécurité dont il est question aujourd’hui ne vise pas à prévenir les actes de terrorisme (ce qui est d’ailleurs extrêmement difficile, sinon impossible, puisque les mesures de sécurité ne sont efficaces qu’après coup, et que le terrorisme est, par définition, une série des premiers coups), mais à établir une nouvelle relation avec les hommes, qui est celle d’un contrôle généralisé et sans limites – d’où l’insistance particulière sur les dispositifs qui permettent le contrôle total des données informatiques et communicationnelles des citoyens, y compris le prélèvement intégral du contenu des ordinateurs.

Le risque, le premier que nous relevons, est la dérive vers la création d’une relation systémique entre terrorisme et Etat de sécurité : si l’Etat a besoin de la peur pour se légitimer, il faut alors, à la limite, produire la terreur ou, au moins, ne pas empêcher qu’elle se produise. On voit ainsi les pays poursuivre une politique étrangère qui alimente le terrorisme qu’on doit combattre à l’intérieur et entretenir des relations cordiales et même vendre des armes à des Etats dont on sait qu’ils financent les organisations terroristes.

Un deuxième point, qu’il est important de saisir, est le changement du statut politique des citoyens et du peuple, qui était censé être le titulaire de la souveraineté. Dans l’Etat de sécurité, on voit se produire une tendance irrépressible vers ce qu’il faut bien appeler une dépolitisation progressive des citoyens, dont la participation à la vie politique se réduit aux sondages électoraux. Cette tendance est d’autant plus inquiétante qu’elle avait été théorisée par les juristes nazis, qui définissent le peuple comme un élément essentiellement impolitique, dont l’Etat doit assurer la protection et la croissance.

Or, selon ces juristes, il y a une seule façon de rendre politique cet élément impolitique : par l’égalité de souche et de race, qui va le distinguer de l’étranger et de l’ennemi. Il ne s’agit pas ici de confondre l’Etat nazi et l’Etat de sécurité contemporain : ce qu’il faut comprendre, c’est que, si on dépolitise les citoyens, ils ne peuvent sortir de leur passivité que si on les mobilise par la peur contre un ennemi étranger qui ne leur soit pas seulement extérieur (c’étaient les juifs en Allemagne, ce sont les musulmans en France aujourd’hui).


Incertitude et terreur

C’est dans ce cadre qu’il faut considérer le sinistre projet de déchéance de la nationalité pour les citoyens binationaux, qui rappelle la loi fasciste de 1926 sur la dénationalisation des « citoyens indignes de la citoyenneté italienne » et les lois nazies sur la dénationalisation des juifs.

Un troisième point, dont il ne faut pas sous-évaluer l’importance, est la transformation radicale des critères qui établissent la vérité et la certitude dans la sphère publique. Ce qui frappe avant tout un observateur attentif dans les comptes rendus des crimes terroristes, c’est le renoncement intégral à l’établissement de la certitude judiciaire.

Alors qu’il est entendu dans un Etat de droit qu’un crime ne peut être certifié que par une enquête judiciaire, sous le paradigme sécuritaire, on doit se contenter de ce qu’en disent la police et les médias qui en dépendent – c’est-à-dire deux instances qui ont toujours été considérées comme peu fiables. D’où le vague incroyable et les contradictions patentes dans les reconstructions hâtives des événements, qui éludent sciemment toute possibilité de vérification et de falsification et qui ressemblent davantage à des commérages qu’à des enquêtes. Cela signifie que l’Etat de sécurité a intérêt à ce que les citoyens – dont il doit assurer la protection – restent dans l’incertitude sur ce qui les menace, car l’incertitude et la terreur vont de pair.

C’est la même incertitude que l’on retrouve dans le texte de la loi du 20 novembre sur l’état d’urgence, qui se réfère à « toute personne à l’égard de laquelle il existe de sérieuses raisons de penser que son comportement constitue une menace pour l’ordre public et la sécurité ». Il est tout à fait évident que la formule « sérieuses raisons de penser » n’a aucun sens juridique et, en tant qu’elle renvoie à l’arbitraire de celui qui « pense », peut s’appliquer à tout moment à n’importe qui. Or, dans l’Etat de sécurité, ces formules indéterminées, qui ont toujours été considérées par les juristes comme contraires au principe de la certitude du droit, deviennent la norme.


Dépolitisation des citoyens

La même imprécision et les mêmes équivoques reviennent dans les déclarations des femmes et hommes politiques, selon lesquelles la France serait en guerre contre le terrorisme. Une guerre contre le terrorisme est une contradiction dans les termes, car l’état de guerre se définit précisément par la possibilité d’identifier de façon certaine l’ennemi qu’on doit combattre. Dans la perspective sécuritaire, l’ennemi doit – au contraire – rester dans le vague, pour que n’importe qui – à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur – puisse être identifié en tant que tel.

Maintien d’un état de peur généralisé, dépolitisation des citoyens, renoncement à toute certitude du droit : voilà trois caractères de l’Etat de sécurité, qui ont de quoi troubler les esprits. Car cela signifie, d’une part, que l’Etat de sécurité dans lequel nous sommes en train de glisser fait le contraire de ce qu’il promet, puisque – si sécurité veut dire absence de souci (sine cura) – il entretient, en revanche, la peur et la terreur. L’Etat de sécurité est, d’autre part, un Etat policier, car, par l’éclipse du pouvoir judiciaire, il généralise la marge discrétionnaire de la police qui, dans un état d’urgence devenu normal, agit de plus en plus en souverain.

Par la dépolitisation progressive du citoyen, devenu en quelque sorte un terroriste en puissance, l’Etat de sécurité sort enfin du domaine connu de la politique, pour se diriger vers une zone incertaine, où le public et le privé se confondent, et dont on a du mal à définir les frontières.


Giorgio Agamben


Giorgio Agamben est né en 1942 à Rome (Italie). Philosophe italien, spécialiste de la pensée de Walter Benjamin, de Heidegger, de Carl Schmitt et d’Aby Warburg, il est l’auteur d’une œuvre théorique reconnue et traduite dans le monde entier, il vient de publier La Guerre civile. Pour une théorie politique de la Stasi, traduit par Joël Gayraud (Points, 96 pages, 6,50 euros) et L’Usage des corps. Homo Sacer, IV, 2, traduit par Joël Gayraud (Seuil, 396 pages, 26 euros).

Source : Le Monde | 23.12.2015

Voir aussi : Rubrique Politique, Ci-git le hollandisme, Comment Hollande prépare sa réélection face au FNPolitique de l’immigration, rubrique Société, Vertus et vices de la comédie sécuritaireCitoyenneté , Rubrique JusticeLa France déroge à la convention européenne des Droits de l’Homme, On Line Recensement des joies de l’Etat d’urgence,