Fucking Tuesday

imagesUne sélection d’articles parus dans la presse française et anglo-saxonne pour comprendre et prolonger la réflexion.

 

LEçON POLITIQUE.

Viser l’intérêt premier de l’électeur même si tout ce que vous dites est contradictoire

No, Trump voters were not irrational 

Source The Washington Post

 

 

Trump, le châtiment

Défaite du néolibéralisme « de gauche »

Commencée il y a dix-huit mois, l’élection présidentielle s’est conclue après les dizaines de scrutins des primaires, deux conventions à grand spectacle dans des États industriellement sinistrés, des dizaines de milliers de spots de publicité politique et plusieurs milliards de dollars, par un match entre deux Américains richissimes, l’un et l’autre résidents de New York et détestés par la majorité de la population. C’est finalement le candidat républicain honni par les médias, les élites de Washington et même les caciques de « son » propre parti, qui l’a emporté. Celui qui a le moins dépensé et que tout le monde donnait perdant.

Durant cette interminable campagne, l’attention des commentateurs s’est souvent portée sur les provocations racistes et sexistes du futur président des États-Unis, ses scandales, ses excès, Mme Hillary Clinton étant présentée par contraste comme la candidate formée depuis toujours pour hériter de la Maison Blanche en même temps qu’elle briserait, raisonnablement, le « plafond de verre ». Mais rassurer l’establishment et séduire les électeurs ne sont pas des exercices toujours compatibles…

D’aucuns analysent déjà les résultats d’hier comme une preuve de la régression de l’Amérique dans le nationalisme, le « populisme », le racisme, le machisme : le vote républicain serait principalement déterminé par un rejet de l’immigration, un désir de repli, une volonté de revenir sur les conquêtes progressistes des cinquante dernières années. Or si M. Trump l’a emporté, en réalisant apparemment de meilleurs scores chez les Noirs et les Latinos que son prédécesseur Willard Mitt Romney, c’est avant tout parce que les démocrates se sont révélés incapables de conserver en 2016 l’appui des électeurs que M. Barack Obama avait su convaincre en 2008 et en 2012, en Floride ou dans les États de la « Rust Belt ».

La victoire de M. Trump, c’est donc avant tout la défaite du néolibéralisme « de gauche » incarné par Mme Clinton : son culte des diplômes et des experts, sa passion pour l’innovation et les milliardaires de la Silicon Valley, sa morgue sociale et intellectuelle. L’instrument du châtiment est redoutable. Mais la leçon sera-t-elle retenue ailleurs ?

Source Le Monde Diplomatique 09/11/2016

 

 

 

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Les électeurs blancs et riches ont donné la victoire à Donald Trump

Le résultat des élections américaines est loin d’être une simple  révolte  des Blancs les plus pauvres laissés pour compte par la mondialisation. Les sondages de sortie des urnes laissent apparaître que la victoire de Trump s’appuie aussi pour bonne part sur la classe moyenne blanche instruite et la classe aisée.

White and wealthy voters gave victory to Donald Trump, exit polls show

Source The Gardian

 

 

Le New York Times le reconnaît ce matin  : ses équipes n’ont pas pris la mesure de ce qui se passai

« Les journalistes n’ont pas remis en question les chiffres des sondages quand ceux-ci confirmaient ce que leur disait leur instinct : que Trump n’arriverait jamais, jamais, à la Maison Blanche, et de loin. Ils ont décrits les partisans de Trump qui croyaient à la victoire comme totalement déconnectés de la réalité. Mais c’étaient eux qui avaient tort. »

 

Source New York Times 10/11/2016

 

 

La démocratie après les faits (divers)

Depuis le Brexit et la campagne Trump, la presse anglo-saxonne s’interroge profondément sur le statut des faits dans les démocraties contemporaines.

La campagne pro-Brexit a été menée avec des arguments factuellement faux, aussi faux qu’environ 70 % des arguments de Trump selon les fact-checkers.

De plus en plus d’analystes avancent que nous sommes entrés, en grande partie avec les réseaux sociaux, dans une ère « post-faits », où les faits ne comptent pas, la vérité est une donnée annexe, et seuls pèsent dans la balance le spectacle et l’émotion.

Cela s’explique par, entre autres,

  • la montée de populismes centrés sur des individus charismatiques jouant sur l’émotion,
  •  le rôle des réseaux sociaux et des « chambres d’écho » ce phénomène qui fait que les filtres algorithmiques ont tendance à montrer des contenus homogènes à ceux des utilisateurs. Plusieurs voix dénoncent depuis longtemps ce filtrage algorithmique qui éclate le public en « bulles », et selon certains, menace la sphère publique démocratique telle qu’on la connaît,
  • la crise du secteur des médias, qui privilégient les titres sensationnels assurés de faire cliquer, et les contenus viraux.

C’est, selon de nombreux analystes, une des clés du succès de Trump. Il a été le spécialiste des contenus qui polarisent et qu’on adore ou qu’on déteste. Dans les deux cas, ils sont partagés sur les réseaux sociaux, par ses partisans et ses adversaires, puis repris à la télé. Tout ce cycle de viralité produit énormément d’argent, et de publicité pour Trump, qui a déboursé pour sa campagne bien moins qu’un Jeb Bush, par exemple.

Face à cela, le fact-checking est de moins en moins efficace.

source Washington Post.

Dans ce monde, les sentiments comptent plus que les faits et les chiffres valent comme indicateurs de ces sentiments (que ressentent les électeurs ?) non comme marqueurs de la vérité,  « L’époque de la politique post-faits ».

Source New York Times

 

 

Dans ce contexte, comment encore s’accorder sur des faits partagés, sur l’existence de vérités communes, sociales, économiques, environnementales ?

C’est ce que se demandait cet été la rédactrice en chef du Guardian cet été dans un long article désabusé. « Le statut de la vérité chute  », écrivait-elle.

La logique des réseaux sociaux a avalé tout le reste, dit-elle, et imposé une culture de la viralité et de l’équivalence, où tout contenu s’équivaut comme potentiellement doté d’une mesure de vérité, variable selon ses opinions.

Et le secteur qui était chargé d’informer le public est moribond :

« Nous sommes en train de vivre un bouleversement fondamental dans les values du journalisme : une transition vers le consumérisme. Au lieu de renforcer les liens sociaux, ou de créer un public informé, l’idée que l’information est un bien public et une nécessité en démocratie, il suscite des gangs, qui répandent des rumeurs qui les confortent comme des traînées de poudre,renforcent les opinions prééxistantes et s’auto-entraînent dans un univers d’opinions partagées plutôt que de faits établis. »

Source Le Guardian 12/07/2016

 

 

DANS LE MONDE

 

 

L’élection de Donald Trump va être un séisme pour le monde

Le candidat républicain a fondé sa campagne sur la promesse de « rendre sa grandeur à l’Amérique ». Quelles conséquences pour le reste du monde

Si le vote pour le Brexit, le 23 juin, a été un séisme pour l’Union européenne, l’élection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, première puissance militaire, est un séisme pour le monde.

Le candidat républicain a fondé sa campagne sur la promesse de « rendre sa grandeur à l’Amérique ». Cette grandeur, cependant, ne s’entend pas par la projection de la puissance américaine à l’extérieur, mais plutôt sur une priorité donnée au retour du bien-être et de la prospérité des Américains chez eux. Le pays « est en ruines », dit M. Trump, il faut commencer par le reconstruire. Pour le reste du monde, cela donne un signal de repli et d’isolationnisme.

On sait, en réalité, assez peu de chose sur le programme concret de Donald Trump en politique étrangère car ses conseillers dans ce domaine sont peu connus ; l’establishment washingtonien et le petit monde des think tanks spécialisés dans les relations internationales, qui conseillent habituellement les candidats en politique étrangère, se sont tenus à distance de lui et de ses vues peu orthodoxes. Mais M. Trump a régulièrement émis quelques idées maîtresses qui donnent un canevas de ce que pourrait être sa diplomatie.

Vis-à-vis de l’Europe, Donald Trump, qui a soutenu le vote en faveur du Brexit en critiquant l’Union européenne, considère qu’il appartient aux Européens de se prendre en charge et surtout de financer leur défense, plutôt que de s’abriter sous le parapluie américain. Ainsi l’OTAN ne peut fonctionner, et les Etats-Unis venir au secours d’un allié dans l’éventualité d’une attaque, que si les Etats européens augmentent leurs budgets de défense.

Placer « les intérêts américains en premier »

Donald Trump est critique de l’interventionnisme américain à l’étranger et du cycle d’opérations militaires lancé par l’administration George W. Bush. Il est, dans ce sens, anti-néo-conservateur. Le président Obama lui-même avait promis de « ramener les troupes à la maison », mais la réalité du Moyen-Orient l’a contraint à maintenir ou à lancer un certain nombre d’opérations. M. Trump se veut plus radical, tout en souhaitant augmenter la taille de l’armée américaine : pour la coalition internationale (dont la France) actuellement engagée aux côtés des États-Unis, en particulier sur le théâtre irakien et syrien, c’est une nouvelle donne. Violemment hostile aux « djihadistes », qu’il accuse Hillary Clinton d’avoir engendrés, il a promis de les « mettre KO » – mais n’a pas précisé comment.

« Nous nous entendrons avec tous les pays qui veulent s’entendre avec nous » : dans son discours de victoire, mercredi matin, le président-élu Trump a voulu se montrer conciliant, tout en précisant qu’il placerait « les intérêts américains en premier ». Un grand point d’interrogation concerne les relations avec la Russie, qui se sont gravement détériorées depuis un an. Donald Trump a, à plusieurs reprises, chanté les louanges de Vladimir Poutine, qu’il considère comme « un meilleur leader que Barack Obama », et les services de renseignement américains ont accusé la Russie d’être derrière le piratage des comptes e-mail qui ont embarrassé le camp de Hillary Clinton pendant la campagne. Mais les deux hommes ne se connaissent pas personnellement, et le président russe s’est abstenu de souhaiter publiquement la victoire du candidat républicain. Comme Vladimir Poutine, Donald Trump est sensible aux rapports de force. Sa fascination pour l’homme à poigne de Moscou ira-t-elle jusqu’à accepter certaines de ses visées sur le voisinage de la Russie (Ukraine, Géorgie) et le Moyen-Orient, voire l’idée d’un deuxième Yalta auquel aspirerait M. Poutine ? Le candidat républicain est resté très évasif sur ces questions. Mais on peut parier qu’il s’entourera de vieux routiers de la guerre froide, qui vont retrouver quelques éléments familiers dans le paysage actuel et ne seront pas disposés à brader les intérêts américains en Europe.

Donald Trump veut dénoncer l’accord de Paris sur le réchauffement climatique : le fera-t-il ? Un autre axe de sa campagne a porté sur le rejet de la mondialisation et des accords de commerce international, accusés d’avoir détruit l’emploi aux États-Unis. L’une des grandes bénéficiaires de cette mondialisation, la Chine, est donc dans son viseur. Il veut instaurer des barrières tarifaires sur les produits chinois, il rejette l’accord de libre-échange avec l’Asie TPP (Partenariat Transpacifique) et a proposé de renégocier l’accord de libre-échange avec le Canada et le Mexique conclu par Bill Clinton. Il ne s’est pas prononcé sur les tensions en mer de Chine méridionale. Sur ces très gros dossiers, cruciaux pour les Etats-Unis, il va avoir affaire à un autre homme fort, le président Xi Jinping.

Autre conséquence d’une victoire Trump : elle confortera les mouvements et leaders populistes du monde entier, de l’Europe à l’Asie. Cela aura forcément un impact sur les relations internationales.

Enfin, les institutions américaines accordent plus de latitude au président en politique étrangère qu’en politique intérieure, où les « checks and balances » servent de garde-fous. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour le reste du monde. Mais on peut aussi imaginer que la réalité et le pragmatisme amèneront le président Trump à tempérer certaines de ses vues, comme cela a été le cas pour Ronald Reagan, et que les élites républicaines de politique étrangère, après leurs réticences initiales, le rejoindront une fois au pouvoir. La période de transition, au cours de laquelle il va former sa future équipe d’ici au 20 janvier, va fournir à cet égard des indications anxieusement attendues dans le monde entier.

Sylvie Kauffmann

Source Le Monde 09/11/2016

 

 

Au Proche-Orient, Donald Trump attendu sur le dossier syrien

Le républicain semble être plutôt favorable au régime de Bachar Al-Assad, tout en rejetant l’accord nucléaire iranien.

Le Proche-Orient s’est réveillé mercredi 9 novembre sous le choc de la victoire de Donald Trump. Alors qu’Hillary Clinton, forte de ses quatre années à la tête du département d’Etat, garantissait une forme de continuité diplomatique, l’inexpérience en politique étrangère du nouveau président et son penchant pour l’autoritarisme sont lourds d’incertitudes pour la région. « Les Etats-Unis ne peuvent plus se poser en champion de la morale », a tranché sur Facebook Sultan Sooud Al-Qassemi, un célèbre commentateur des Emirats arabes unis.

C’est sur le dossier syrien que le nouveau président est évidemment le plus attendu. Durant la campagne, le candidat républicain s’était signalé par des positions plutôt favorables au régime Assad, ou du moins à son allié russe, au point de contredire publiquement son colistier, Mike Pence, qui avait appelé à « l’usage de la force militaire » contre les autorités syriennes.

« Je n’aime pas Assad. Mais Assad fait la guerre à l’Etat islamique. La Russie fait la guerre à l’Etat islamique. Et l’Iran fait la guerre à l’Etat islamique », avait déclaré M. Trump, lors du second débat télévisé avec Hillary Clinton, avant de moquer l’intention de son adversaire, en cas de victoire, d’accroître le soutien de Washington à l’opposition syrienne : « Elle veut se battre pour les rebelles. Il y a seulement un problème. On ne sait même pas qui sont les rebelles. »

Mercredi matin, avant le bouclage de cette édition, Damas n’avait pas réagi au triomphe de M. Trump. Nul doute cependant que la chute d’Hillary Clinton ravit le président syrien, Bachar Al-Assad, qui voit ainsi disparaître l’une de ses bêtes noires.

  • Crainte et attentisme dans le Golfe

Dans le Golfe, une forme d’attentisme mêlée de crainte prévaut. Une vidéo du vainqueur déclarant que les Etats du Golfe ne seraient rien sans le soutien des Etats-Unis et qu’il entend les faire payer pour reconstruire la Syrie a été retweeté des milliers de fois en l’espace d’une heure.

L’inquiétude suscitée dans les palais de la péninsule par ce genre de déclarations, la rhétorique antimusulmans et l’isolationnisme revendiqué du nouveau président est cependant tempérée par un intérêt non dissimulé pour son opposition marquée à l’accord sur le nucléaire iranien conclu par Barack Obama, « l’accord le plus stupide de l’histoire », selon M. Trump.

  • Première réaction prudente en Iran

« Prévoir ce que sera sa politique étrangère au Moyen-Orient est la chose la plus difficile qui soit, affirme le journaliste saoudien Jamal Kashoggi. Il est contre l’Iran, mais il soutient Poutine en Syrie, ce qui le range du côté de l’Iran. »

La première réaction de Téhéran est prudente. « L’Iran est prêt pour tout changement », a déclaré le porte-parole de l’Organisation de l’énergie atomique, Behrouz Kamalvandi, à l’agence semi-officielle Tasnim.

Lire aussi :   En Iran, Hillary Clinton est perçue comme « la candidate la moins pire »

  • Sentiments mêlés en Israël

Israël, de son côté, accueille la victoire de Donald Trump avec des sentiments mêlés. Son entourage est connu pour être très pro-israélien, mais le candidat a charrié dans son sillage des forces suprémacistes et antisémites. Il s’est constamment opposé à l’accord sur le nucléaire iranien, mais sans expliquer ce qu’il en ferait, une fois élu. En outre, va-t-il marquer une rupture explosive en déménageant l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem ? Il en a fait la promesse, à plusieurs reprises.

Mais auparavant, Donald Trump avait envoyé des signaux incohérents. En février, par exemple, il avait expliqué qu’il voulait être « une sorte de gars neutre » dans la recherche d’une solution au conflit israélo-palestinien. Une expression qui avait inquiété les officiels israéliens.

En mars, il avait dit qu’Israël, comme d’autres pays, « payera » pour l’aide militaire américaine, alors qu’un nouvel accord sur dix ans, d’un montant de 38 milliards de dollars, vient d’être conclu entre les deux partenaires. Depuis, il a multiplié les signaux amicaux à l’égard d’Israël. En mai, Sheldon Adelson, magnat des casinos aux Etats-Unis et soutien indéfectible de Benyamin Nétanyahou, s’était décidé à appuyer sa candidature.

Par Ghazal Golshiri (Téhéran, correspondance), Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant) et Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant)

Source : Le Monde 09/11/2016

 

LES APPUIS

 

Le phénomène Trump s’explique aussi par l’histoire du parti républicain, indique un article du Times Literary Supplement. Il est l’aboutissement d’un long conflit entre deux tendances, qui remontent à sa formation  :

  • d’un côté les «  Yankees  », anciens aristocrates et barons industriels militants de l’abolition de l’esclavage et plutôt internationalistes,
  • et de l’autre «  les cowboys  », les nouveaux riches ayant fait fortune dans l’industrie du pétrole, l’aérospatiale et la défense, et le commerce, largement plus conservateurs.

La radicalité de Trump s’explique aussi par le changement de composition du parti démocrate. Celui-ci s’est opéré dans les années 1960. Auparavant, une partie des Démocrates du Sud ne votaient ainsi parce que c’était un Républicain, Abraham Lincoln, qui avait aboli l’esclavage. Cet électorat a basculé lorsque les Démocrates ont signé le Civil Rights Act, qui mettait fin à la ségrégation de fait dans les Etats du Sud.

« Quand la droite et la gauche étaient présents dans les deux partis, l’art du compromis était l’essence même de la politique. »

Mais une fois que tous les tenants d’une droite dure (radicaux, religieux et très largement Blancs) se sont retrouvés dans le même parti, « le fait de coopérer avec les Démocrates est devenu impensable ».

C’est cette histoire là qui a rendu possible l’émergence, puis la victoire, d’un candidat comme Trump

Source : Times Literary Supplement

 

 

Guerres culturelles et alt-right

Outre le rejet des élites (telle la ploutocratie incarnée par Clinton, comme l’écrit Slate) et de la mondialisation financière, comme l’explique La Tribune, le candidat Trump répondait aussi à de puissantes tendances culturelles chez tout une partie du peuple américain.

Sur la Vie des Idées, un autre article décrit les partisans évangélistes de Trump d’une petite ville du Midwest, Pleasant Fields. Là, le secteur industriel ne s’est pas effondré, au contraire et des emplois ont récemment été créé.

« De nombreux évangélistes soutenant Trump parmi ceux que j’ai interviewés font partie de classes sociales plutôt aisées », écrit l’auteur.

Persuadés que s’est engagée une guerre pour la sauvegarde de la civilisation chrétienne, ils votent Trump contre l’Islam et les LGBT. Pour eux, rapporte l’auteur, les musulmans sont des gens d’une autre civilisation, qui maltraitent leurs femmes et veulent partout faire régner la charia. Quant aux LGBT, ils incarnent un relativisme moral qui est la fin de l’Amérique.

« Tandis que la proportion de chrétiens évangéliques blancs dans la population américaine décroît, leur sentiment d’appartenance et leur attachement à la nation demeurent très fort.

Ils continueront ainsi de se battre pour leurs croyances et leurs valeurs en dépit du résultat de l’élection. »

 

source La vie des Idées

 

 

 

 

 

 

 

 

La pensée Trump l’extrême droite

Voici une enquête (en version abonnés) sur «  l’alt-right  », l’extrême-droite extrêmement active sur le Net (où, comme le rappelle le Monde, les partisans de Trump ont été particulièrement actifs) qui soutient Trump.

Ceux-ci partagent un rejet de ce qu’ils appellent

« le mensonge égalitaire, aussi bien comme fait que comme valeur, un goût pour l’ordre hiérarchique, ainsi qu’une grille de lecture raciale de la société. »

Dans cette mouvance, certains sont des «  néoréactionnaires  », libertariens purs et durs échappés de la Silicon Valley, autoritaristes convaincus que les libertés du peuple doivent être encadrés. D’autres – la plupart – sont des nationalistes blancs, qui «  rêvent tous de restaurer la grandeur de la civilisation occidentale, aujourd’hui engluée dans la médiocrité égalitariste, consumériste et multiculturelle  ». Ils sont obsédés par la question de l’identité blanche et militent pour limiter l’immigration et expulser tous les étrangers en situation illégale. Deux points qui figurent dans le programme de campagne de Trum

Source Mediapart

 

Pourquoi l’Amérique hait les intellos

Ce court article de la revue Books rappelle quelques-unes des raisons historiques et culturelles pour lesquelles l’anti-intellectualisme, sur lequel a tant surfé Donald Trump, est si fort aux Etats-Unis.

Crise des médias et le monde « post-faits »

Au lendemain d’une victoire que la plupart des grands médias et des instituts de sondage avaient déclarée impossible, les grands médias ont commencé à faire leur examen de conscience.

Source Books

 

 

Le président Trump pourra s’appuyer sur une majorité républicaine au Congrès

 

Les républicains conservent le pouvoir à la chambre des représentants du Congrès américain (« House of representatives« , ndlr), selon les projections électorale d’Associated Press.

Les républicains ont également remporté le Sénat et continueront ainsi de contrôler l’ensemble du Congrès des États-Unis, fournissant une majorité parlementaire sur laquelle le président élu Donald Trump pourra s’appuyer, selon plusieurs médias.

En contrôlant la Maison Blanche et le pouvoir législatif, les républicains auront la capacité de défaire les réformes du président Barack Obama et notamment sa controversée réforme de l’assurance-maladie baptisée « Obamacare« .

Majorité plus courte à la House of representatives

Bien que les républicains perdent un peu de poids, ils ont remporté suffisamment de sièges pour prolonger les six années consécutives dans la majorité de la chambre des représentants.

Le Grand Old Party a recueilli au moins 222 sièges, soit plus que le seuil de 218 requis pour contrôler la chambre basse, selon le New York Times. Les démocrates en comptabilisaient au moins 158 lors des dépouillements toujours en cours peu après minuit aux USA.

Les républicains disposaient de 247 sièges durant le mandat qui se termine. Ils devraient donc bénéficier d’une plus courte majorité. L’homme fort des républicains restera Paul Ryan qui a également été reconduit.

Le Sénat aux mains des républicains

La mainmise sur le Sénat, qui vient s’ajouter à celle de la Chambre des représentants, leur permettra par ailleurs d’avoir la haute main sur le processus de nomination des plus hauts responsables gouvernementaux et des juges de la Cour suprême.

La chambre haute du Congrès, qui était renouvelée mardi à un tiers (34 membres), avait basculé dans le camp républicain en 2014, restreignant considérablement la marge de manœuvre du président Obama.

Récemment, les sénateurs républicains ont ainsi bloqué le processus de confirmation d’un juge de la Cour suprême nommé par Barack Obama après le décès d’un de ses neuf membres.

Le nouveau rapport de forces au Sénat n’était pas encore connu dans l’immédiat. Jusqu’à présent, les républicains détenaient 54 sièges et les démocrates 46.

Source RTBF 09/11/2016

 

France. Un budget aux allures de fin de règne

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Dans un climat de déliquescence de la majorité, le gouvernement a été mis en minorité à plusieurs reprises.

Il flotte une drôle d’ambiance autour de la discussion de ce dernier projet de loi de finances du quinquennat, dont la première partie (les recettes) doit être votée mardi 25 octobre à l’Assemblée nationale. La droite s’est efforcée de démontrer que le gouvernement actuel allait laisser à son successeur « quantité de factures impayées dans son armoire », comme l’a dénoncé le président (LR) de la commission des finances, Gilles Carrez. « La marque de fabrique de ce projet de budget pour 2017 : on gonfle les recettes à encaisser en 2017 et on reporte au maximum les dépenses sur 2018 et au-delà », a-t-il expliqué.

L’attaque était attendue. Ce qui l’était moins, c’est cet étrange climat de déliquescence, ou à tout le moins de désaffection, de la majorité gouvernementale qui a imprégné cette première semaine de débat budgétaire. Et qui a permis à une alliance de l’aile gauche du groupe socialiste, au sens large, de députés écologistes et communistes, à laquelle se sont même parfois mêlées quelques voix de droite, de mettre en minorité sur plusieurs votes le gouvernement et son dernier carré de fidèles, quitte à aggraver le solde budgétaire.

« C’était une semaine très surprenante, confie Karine Berger (PS, Hautes-Alpes), qui a défendu plusieurs amendements adoptés malgré l’avis défavorable du gouvernement. On savait qu’il y aurait des choses qui passeraient, on ne pensait pas que tout ou presque passerait, même si l’affectation du solde budgétaire ne sera pas supérieure à 1 milliard d’euros. » « Nous avons fait voter des mesures de gauche et ça ne s’est pas passé comme prévu », renchérit la rapporteure générale du budget, Valérie Rabault, qui à plusieurs reprises a résisté aux pressions du gouvernement. Ainsi, sur l’amendement défaisant partiellement la fiscalité très avantageuse dont bénéficient les attributions gratuites d’actions depuis la loi Macron de 2015, le gouvernement a essayé de la dissuader de le défendre jusqu’au bout. Elle a refusé.

Etrange passivité

Perte d’autorité du gouvernement, faible mobilisation des députés socialistes dits légitimistes, sentiment répandu dans une partie du groupe d’être allé trop loin dans une orientation sociale-libérale, lassitude de devoir répondre aux accusations de « trahison »… tous les ingrédients se mêlent pour expliquer que les digues aient cédé. S’y ajoute l’effet ravageur des propos tenus par François Hollande dans le livre des journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme, « Un président ne devrait pas dire ça…  »(Stock). « Ce qu’on sentait déjà implicitement dans le groupe depuis un certain temps s’est accentué avec la sortie du bouquin, relève Pierre-Alain Muet (PS, Rhône). Ce qui s’est passé sur les actions gratuites montre bien que la majorité du groupe ne souhaitait pas, au fond, la loi Macron. »

Il n’est pas inhabituel que, en séance, le gouvernement puisse se retrouver en posture délicate, faute de soutiens en nombre suffisant. Dans ces cas-là, on voit généralement les émissaires du gouvernement et du groupe majoritaire s’exciter pour rameuter au plus vite des troupes supplémentaires. Bizarrement, cette fois, rien de tel, aucune fébrilité, une étrange passivité. Et le président du groupe socialiste lui-même, Bruno Le Roux, s’il a fait acte de présence, notamment dans la soirée de mercredi, n’est jamais intervenu.

« Les difficultés essentielles étaient identifiées, on n’y a pas coupé, analyse M. Le Roux. Les frondeurs étaient en séance, mais moins vindicatifs qu’ils n’ont pu l’être à d’autres moments. Le problème, c’est que la majorité est difficile à faire venir. Je vois bien qu’il y a un effet bouquin. La forme la plus sympathique de mécontentement, c’est “débrouillez-vous”. Pour la première fois, ils n’arrivent pas à trouver des réponses à leurs questionnements. Et on n’y arrive pas plus. »

« Climat de fin de législature »

Ce scénario du désabusement, le ministre de l’économie et des finances, Michel Sapin, le réfute. « Vous avez écrit l’histoire que beaucoup avaient envie d’écrire, assure-t-il au Monde. Le livre [de Gérard Davet et Fabrice Lhomme] a été déflagratoire, le gouvernement n’a plus aucune autorité, il ne contrôle plus rien… Tout ceci est faux. Tous les ans, nous avons un débat sur la taxe sur les transactions financières. Tous les ans, les mêmes se mobilisent sous la pression des ONG. Cette fois-ci, ça passe, on verra ce qu’on en fait mais cela n’a pas grande importance puisque ça ne pourra pas être mis en place au 1er janvier 2017. Quant à la rapporteure générale, chaque année, elle arrive avec ses propositions. Des fois, on arrive à un compromis, d’autres non. Tout ça n’est pas en soi des phénomènes nouveaux. »

« La vérité, c’est que depuis 2013 il y a quarante députés frondeurs qui sont capables de se mobiliser, cela n’a pas changé. Ce qui est nouveau, c’est que les opposants se mobilisent facilement et que les loyalistes qui auraient dû être là mercredi ne l’étaient pas. C’est là que l’ambiance post-livre a pesé », insiste M. Sapin, avant de lâcher dans un soupir : « C’est vrai que l’ambiance globale au groupe n’était pas bonne. » Ce que Dominique Lefebvre, le très vallsiste porte-parole du groupe socialiste à la commission des finances, résume d’une formule : « Un climat de fin de législature. »

De ce dernier projet de loi de finances, le gouvernement souhaitait que l’on retienne prioritairement la mise en œuvre de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés, dernier legs d’une réorientation de sa politique économique pro-entreprise. Ce qui en ressort en définitive, c’est l’égarement d’une majorité qui ne sait plus à qui ni à quoi se raccrocher.

Patrick Roger

Source Le Monde 25/10/2016

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Politique, Politique Economique , On Line, Budget 2017 : le gouvernement perd sa majorité,

Manuel Valls et Justin Trudeau plaident à l’unisson pour le traité de libre-échange Canada-UE

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Le CETA est l’enjeu principal de la première visite officielle du premier ministre au Canada.

Ils semblent s’entendre comme deux larrons en foire, se donnent du Justin par ci, du Manuel par là, en pleine conférence de presse à Ottawa, dans le grand « foyer » de la Chambre des communes. Jeudi 13 octobre, pour le début de sa première visite officielle au Canada – avant de poursuivre jusqu’à vendredi à Montréal et Québec –, le ton est donné : pas de zone d’ombre entre la France et le Canada, non plus qu’entre le premier ministre français et son homologue Justin Trudeau, à la tête du gouvernement fédéral depuis tout juste un an. Entre les deux hommes, le courant passe très bien, apparemment. Ils se sourient, s’écoutent, se renvoient gentiment la balle mais surtout abondent dans le même sens sur des sujets comme le libre-échange, la lutte au terrorisme ou les questions climatiques.

Malgré leur bonne différence d’âge – l’un a 54 ans et l’autre dix ans de moins – et de taille, Manuel Valls et Justin Trudeau ont l’air de deux gamins efflanqués sortis d’une cour d’école. S’ils sont sérieux comme des papes à l’extérieur du Parlement pour les traditionnels honneurs militaires au petit matin, avec fanfare et coups de canon, la suite est plus joyeuse. Avec Justin Trudeau à ses côtés, Manuel Valls signe les livres d’or du Sénat et de la Chambre des communes, y inscrivant ces mots : « Merci de la chaleur de votre accueil et vive notre amitié » dans l’un, « Le Canada et la France, deux grandes démocraties qui partagent les mêmes valeurs », dans l’autre.

De l’entretien privé que M. Valls aura ensuite avec M. Trudeau, on apprendra qu’ils sont sur la même longueur d’ondes sur les sujets de l’heure. A un mois de l’anniversaire de la tragédie du Bataclan, le premier évoque le terrorisme qui a durement frappé la France, en soulignant que les deux pays sont « déterminés à renforcer la coopération antiterroriste et à réfléchir ensemble aux moyens de prévenir la radicalisation ».

« Esprit d’ouverture »

Le Canada ne peut que se réjouir aussi du formidable coup de pouce qu’a donné Manuel Valls à l’Accord économique et commercial global (CETA), conclu entre le Canada et l’Union européenne. Il doit être officiellement signé à Bruxelles le 27 octobre mais continue à susciter des réserves dans certains pays européens. Ottawa fait des pieds et des mains pour que cet accord de libre-échange soit enfin mis en œuvre en 2017. M. Valls l’appuie sans équivoque : « C’est un bon accord, exemplaire, qui n’a rien à voir avec celui dans lequel s’embourbe l’Union européenne avec les Etats-Unis et qu’il faut mettre en œuvre rapidement. » Et d’ajouter que « l’un est équilibré, gagnant-gagnant, mutuellement bénéfique aux deux parties » ; l’autre est « déséquilibré », autant dire voué selon lui à l’échec.

M. Valls en profite pour saluer « l’esprit d’ouverture » du Canada qui a fait beaucoup d’efforts par exemple pour ouvrir tous ses marchés publics à la concurrence européenne et accepter le principe d’une cour de justice publique qui préservera la souveraineté des Etats en cas de différends commerciaux. Il serait dommage, insiste-il, que cet accord qui offre un énorme potentiel d’accroissement des échanges canado-européens reste « pris dans le tourbillon de la contestation entourant le TAFTA ».

Un baume que ces paroles pour le premier ministre canadien qui rappelle pour sa part que le CETA est « un accord ambitieux avec un pays progressiste », qui jette les bases d’une nouvelle approche de libre-échange et dont la mise en œuvre, ou l’échec éventuel, aura valeur de test sur la capacité d’ouverture de l’Europe, voire sur son « utilité ». La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a aussi offert l’occasion à M. Valls de dire à M. Trudeau que « la France veut désormais être le partenaire européen de référence pour le Canada ».

Dans ce jeu de ping-pong amical, M. Trudeau a encore salué le « leadership exemplaire » dont la France a fait preuve en matière de lutte aux changements climatiques, tandis que M. Valls applaudissait la signature de l’Accord de Paris par Ottawa et la récente annonce de M. Trudeau d’introduire une taxe carbone nationale en 2018.

Sur la scène internationale, « le Canada est de retour », est l’une des phrases préférées de Justin Trudeau que Manuel Valls aime à répéter. « Nous avons besoin de vous au Moyen-Orient, en Afrique, aux Nations Unies », a-t-il dit à son vis-à-vis, tout en appelant à un renforcement de la coopération franco-canadienne à l’échelle de la planète, notamment dans les pays francophones du Sahel et la lutte contre Boko Haram.

Anne Pélouas

Source Le Monde AFP 13/10/2016

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Le rejet wallon du traité commercial CETA avec le Canada plonge l’UE dans le désarroi

Défilé à Bruxelles contre le traité commercial avec le Canada. | AFP

Défilé à Bruxelles contre le traité commercial avec le Canada. | AFP

Le gouvernement de la région belge a maintenu son opposition au projet d’accord de libre-échange, et bloque ainsi la ratification.

Pour l’Union européenne (UE), la négociation sur le traité de libre-échange avec le Canada (CETA) s’apparente décidément à un long chemin de croix, à l’issue toujours incertaine. Jeudi soir 20 octobre, la Wallonie, hostile au texte en son état actuel, a rejeté une nouvelle proposition de la Commission de Bruxelles, suscitant visiblement le désarroi de celle-ci, qui espérait pouvoir confirmer la signature du traité le 27 octobre.

« Il y a des progrès, mais ils ne sont pas suffisants », a expliqué Paul Magnette, ministre-président socialiste de la région, qui a indiqué qu’il rencontrerait, vendredi, la ministre canadienne du commerce international et son négociateur.

« Le Canada considère qu’il reste des marges pour une négociation ; je suis au regret de constater qu’il est plus ouvert que l’UE », a poursuivi M. Magnette. Ce dernier devait, ensuite, informer son Parlement, ainsi que le Conseil européen et la Commission « pour explorer s’il reste encore une chance de trouver un accord ».

Le dossier du CETA a, du coup, focalisé toute l’attention du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, qui s’ouvrait à Bruxelles jeudi après-midi. A l’ouverture, le président du Conseil, le Polonais Donald Tusk, avait accentué la pression sur la Wallonie, estimant qu’un échec pourrait signifier la fin des accords de libre-échange négociés par l’UE. « J’espère que la Belgique prouvera une fois encore qu’elle est une vraie championne en matière de compromis », ajoutait le président.

Avancées insuffisantes

Le premier ministre fédéral belge, Charles Michel, favorable à l’accord mais contraint de décrocher l’approbation de tous les Parlements de son royaume pour l’entériner, disait, lui, regretter que la Wallonie soit « le dernier endroit en Europe où l’on s’oppose à ce qui est sur la table ».

Le dernier ? Pas tout à fait. Car la Roumanie et la Bulgarie, dissimulées derrière le refus des Wallons, continuaient, elles, d’exiger du Canada qu’il exempte ses citoyens de visas. Une requête totalement opportuniste : l’accord commercial sur la table n’aborde pas ces sujets. Une réunion extraordinaire des ambassadeurs a, en tout cas, été convoquée dans la soirée pour tenter de dégager des solutions.

Campant sur son refus, le ministre-président wallon juge que des progrès ont été accomplis au cours des derniers jours. Dans un entretien avec Le Monde, jeudi après-midi, il évoquait des « avancées » sur divers points (clauses sociales et environnementales, principe de précaution, droits de l’homme) mais les jugeait insuffisantes dans le domaine agricole, les services publics, ou les mécanismes d’arbitrage en cas de conflit entre les Etats et des multinationales.

« Cheval de Troie »

M. Magnette exige, par ailleurs, que la « déclaration interprétative » du texte initial soit « incluse dans le traité et possède une valeur juridique pleine et entière ». Il détaille un autre point très sensible à ses yeux : « Comment s’assurer que le CETA ne sera pas le cheval de Troie du TTIP [ou Tafta], l’éventuel traité de libre-échange avec les Etats-Unis ? Comment faire en sorte que des multinationales ayant un siège au Canada n’utilisent pas le CETA pour bénéficier de tous les avantages qu’offrirait celui-ci et anticiper le TTIP ? »

« Il n’y a pas de calendrier formel, les échéances ne sont que politiques et la question est de savoir si l’on veut prendre, ou non, le temps de discuter avec nous. Or, on ne peut qu’avoir l’impression que l’on a tenté de nous forcer la main », poursuit le ministre-président.

« La particularité wallonne, c’est que notre Parlement a voulu utiliser ses prérogatives. Et que cela plaise ou non, cette assemblée a le même pouvoir constitutionnel qu’un Etat membre », poursuit le ministre-président, soulignant que « ce qui alimente aujourd’hui la crise de l’Europe, c’est la manière de négocier des textes d’une telle importance ».

Les francophones belges n’ont-ils pas trop tardé à exprimer leurs griefs ? « Non, affirme l’intéressé. Nous avons reçu la version définitive il y a moins d’un an et j’ai alerté la commissaire sur tous les problèmes qu’il nous posait dès le 2 octobre 2015. La première réaction m’est parvenue le 4 octobre… 2016, à vingt-trois jours du sommet avec le Canada. »

« Nous ne sommes pas contre le libre-échange ou les traités commerciaux, insiste M. Magnette. Mais notre niveau d’exigence est élevé. S’il est illégitime, il ne fallait pas nous donner un pouvoir de ratification nationale. On ne peut pas nous dire : Ce traité est parfait, vous ne comprenez rien, vous avez le choix entre oui et oui. »

Incompréhension

« Jusqu’où va aller M. Magnette ? Il a obtenu à peu près tout ce qu’il demandait dans la note interprétative », se demandaient des diplomates, jeudi, surpris par la « résistance » du patron de l’exécutif wallon. Et d’espérer qu’il « cède » durant le week-end. Le premier ministre canadien, Justin Trudeau – très favorable au CETA –, a indiqué, selon plusieurs sources, qu’il pourrait attendre jusqu’au lundi 24 octobre avant de prendre la décision de venir (ou pas) pour signer l’accord à Bruxelles, comme prévu de longue date.

La résistance wallonne, si elle cristallise une partie de la société civile, notamment en France, en Espagne et en Belgique, suscite largement l’incompréhension des membres « libre-échangistes » de l’UE : Suède, Finlande, Danemark, etc. « Chez nous, tout le monde est pour le CETA, et même pour le TTIP [l’accord, plus controversé, avec les Etats-Unis], même les syndicats », assurait le diplomate d’un de ces pays, jeudi.

Cécile Ducourtieux et Jean-Pierre Stroobants

Source Le Monde 20/10/2016

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En état d’urgence, l’Ethiopie accueille Merkel, préoccupée par les flux migratoires

Le 2 octobre, à Bishoftu , lors du festival Irrecha, principale manifestation culturelle annuelle pour les Oromo, une bousculade aurait fait au moins 52 morts. © Tiksa Negeri / Reuters

Le 2 octobre, à Bishoftu , lors du festival Irrecha, principale manifestation culturelle annuelle pour les Oromo, une bousculade aurait fait au moins 52 morts. © Tiksa Negeri / Reuters

La visite ne pouvait tomber plus mal : la tournée d’Angela Merkel en Afrique s’achève ce mardi par Addis Abeba, alors que le pays affronte une contestation inédite et violemment réprimée.

«Du bien être de l’Afrique dépendra la façon dont nous allons vivre en Allemagne», avait martelé vendredi Angela Merkel, à la veille d’une tournée africaine censée lui permettre de s’attaquer aux causes de la crise migratoire. Sur le principe, c’est une évidence : si les Africains sont contents chez eux, ils ne chercheront pas à fuir en masse vers l’Europe. Et la chancelière qui paye politiquement cher d’avoir ouvert les portes aux migrants durant l’été 2015, est désormais prête à investir sur le continent pour freiner les flux migratoires qui nourrissent les pulsions xénophobes en Allemagne comme dans toute l’Europe.

Après le Mali et le Niger, où l’Allemagne apportera une contribution accrue à la lutte contre les jihadistes qui sévissent dans le Sahel, Merkel est donc ce mardi à Addis Abeba, capitale de l’Ethiopie. Une dernière étape, qui risque cependant de révéler un délicat exercice d’équilibriste entre les intérêts des Allemands, et plus globalement des Européens (juguler les flux migratoires tout en éradiquant la menace des groupes terroristes), et le «bien-être» des Ethiopiens.

Depuis un an en effet, un vent de contestation, sans précédent depuis 2005, s’est levé en Ethiopie : des manifestations quasi quotidiennes, violemment réprimées, auraient fait plus de 400 morts ces douze derniers mois. En réponse, les autorités éthiopiennes se refusent à tout dialogue et pointent du doigt l’étranger : soit l’Erythrée voisine, soit l’Egypte accusée lundi de soutenir, elle aussi en sous-main, le Front de libération Oromo, un mouvement régionaliste exilé à Asmara, la capitale de l’Erythrée.

Pouvoir monopolisé depuis vingt ans

Le week-end dernier, à la veille de l’arrivée de Merkel, les autorités éthiopiennes ont franchi un pas de plus en décrétant l’état d’urgence pour six mois, pour la première fois de puis vingt-cinq ans.

Les causes de la colère des Ethiopiens sont multiples. La révolte a semblé un temps circonscrite à la région Oromo, un territoire situé à proximité d’Addis Abeba, grand comme la France et qui regroupe prés de 30 millions d’habitants, soit un tiers de la population éthiopienne. Protestant contre un projet d’agrandissement de la capitale qui empiéterait sur leurs terres ancestrales, les Oromo sont descendus dans la rue dès novembre 2015.

Mais le ras-le-bol est en réalité plus profond face à un pouvoir monopolisé depuis vingt ans par la minorité tigréenne et par un quasi parti unique, le Front démocratique révolutionnaire (EPRDF), qui détient 100% des sièges du Parlement éthiopien.

Cet été, la contestation s’est étendue à la communauté amhara qui se sent, elle aussi, marginalisée. Oromo et Amhara, deux ethnies longtemps antagonistes, représentent ensemble 60% de la population de cet Etat fédéral où le pouvoir reste pourtant très centralisé. En août, les manifestations des uns comme des autres ont été brutalement réprimées, notamment dans la capitale, Addis Abeba.

Peu après, le marathonien Feyisa Lilesa qui représentait l’Ethiopie aux Jeux olympiques de Rio, franchissait la ligne d’arrivée les deux bras croisés au-dessus de la tête, en signe de révolte contre un pouvoir jugé totalitaire, avant de s’enfuir et de demander l’asile aux Etats Unis.

Politique audacieuse d’industrialisation

Depuis, aucun signe d’accalmie ne semble se dessiner. Le 2 octobre, à Bishoftu à une cinquantaine de kilomètres d’Addis Abeba, lors du festival Irrecha, principale manifestation culturelle annuelle pour les Oromo, la foule a protesté contre la présence de dirigeants oromo proches du pouvoir et considérés comme des traîtres. Lorsque les manifestants ont tenté de prendre d’assaut la tribune officielle, la police a riposté avec des tirs de gaz lacrymogène provoquant une bousculade qui aurait fait au moins 52 morts.

Même le pouvoir semble avoir été dépassé par l’ampleur des pertes, et avait décrété dès le lendemain un deuil national de trois jours. Sans arrêter les manifestations qui se sont poursuivies jusqu’à la mise en place de l’état d’urgence.

C’est donc dans un pays très tendu qu’arrive Angela Merkel. Le paradoxe, c’est que les Occidentaux aiment bien l’Ethiopie. Avec 10,8 % de croissance annuelle et une politique audacieuse d’industrialisation qui attire même les investisseurs chinois, l’Ethiopie autrefois connue pour ses famines et ses appels aux dons, offre un bel exemple d’essor économique. Même si ce décollage se fait au prix d’expropriations sans compensation qui ont concerné 150 000 fermiers au cours de la décennie écoulée.

Les silences génèrent des frustrations

L’Ethiopie joue aussi un rôle stratégique pour la sécurité dans cette région volatile de la Corne de l’Afrique. Avec la présence d’un contingent de 4 000 soldats éthiopiens au sein de l’Amisom, la force de l’Union africaine qui lutte contre les shebabs en Somalie. Ce qui permet à Addis Abeba de recevoir une aide des Etats-Unis de 3,3 milliards de dollars par an. Et de faire taire les critiques. Celles des Occidentaux comme celle des pairs africains réunis au sein de l’Union africaine dont le siège se trouve justement à Addis Abeba. Merkel y est d’ailleurs attendue ce mardi pour l’inauguration d’un nouveau bâtiment consacré à la «paix et la sécurité» et baptisé du nom de Julius Nerere, en l’honneur de l’ancien président tanzanien.

Au-delà des fleurs et des vœux pieux, personne ne s’attend réellement à ce qu’on évoque les troubles qui déchirent le pays hôte.

Mais les silences génèrent aussi des frustrations qui peuvent conduire à de nouvelles formes de violences. Au lendemain de la bousculade fatale de Bishoftu, une ferme fruitière néerlandaise, deux usines de textile turques et une cimenterie nigériane ont été mises à sac par des manifestants qui ciblent de plus en plus les intérêts étrangers.

Spectre de nouveaux tsunamis migratoires

Plus inquiétant encore : il y a tout juste une semaine, le 4 octobre, Sharon Gray une jeune biologiste américaine de 31 ans qui circulait par hasard à la périphérie d’Addis Abeba, non loin d’une manifestation, a été tuée après avoir été frappée par un jet de pierres. La mort de cette femme n’est-elle que le prélude d’une hostilité accrue face aux étrangers dont les pays d’origine sont perçus comme les soutiens d’un un régime autoritaire ? Ou bien la répression sous état d’urgence, dans un pays où la police a déjà beaucoup de pouvoirs provoquera-t-elle une accélération des flux migratoires en dehors du pays ?

Voilà bien un cas d’école pour Angela Merkel, comme pour tous les dirigeants européens hantés par le spectre de nouveaux tsunamis migratoires. Car en Ethiopie, l’espoir d’un «bien-être» sur place en échange d’un frein à l’exode semble assez illusoire. En rentrant à Berlin, la chancelière accueillera également cette semaine le président tchadien Idriss Déby, autre grand démocrate qui tient son pays d’une main de fer depuis 1990 et qui reste par ailleurs l’allié incontournable de Paris dans la lutte contre les jihadistes du Sahel.

Face à l’Afrique, les Européens restent bien sur la même ligne. Reste à savoir si elle ne mène pas droit dans le mur.

 

Maria Malagardis

Source : Libération 11/10/2016
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