Intermittents précaires : Une pause dans l’action mais un préavis pour août

10458112_10203414127906920_4156938818515259355_nMobilisation. Premier bilan régional du mouvement des Intermittents et précaires en lutte depuis six mois. Mouvement parti, comme en 2003, de Montpellier où le Printemps des Comédiens a été annulé.

Ce combat symbolique que mènent les intermittents et les précaires depuis près de six mois pourrait bien célébrer le divorce entre la gauche socialiste au pouvoir et le monde de la culture. C’est aussi un combat bien réel comme le contenu du protocole qui aggrave une situation déjà tendue pour beaucoup de professionnels du spectacle, surtout pour les plus jeunes et les plus précaires.

De fait, les mesures qui sont préconisées accroissent les inégalités. L’instauration d’un délai de carence supplémentaire touche directement les bas revenus avec un effet global de dumping social que le gouvernement tentera de masquer jusqu’au bout même s’il parvient à donner des gages acceptables pour les métiers de la culture.

Le vrai enjeu politique concerne le Pacte de responsabilité. En jouant la provocation pour faire passer la pilule le Medef ne s’attendait pas à une telle résistance. Retour sur un conflit parti de Montpellier qui reprendra à la rentrée.

Montée en puissance

« C’est un jeu de dupe qui se joue entre le Medef et le gouvernement et ce sont les salariés qui vont trinquer » prévenait la CGT Spectacle associée à la Coordination des intérimaires et précaires L-R (CIP) dans le cadre du mouvement unitaire L-R. Début mars, les manifestations et occupations se multiplient sans trouver beaucoup d’échos.

Le 2 juillet, l’AG de l’équipe technique du Printemps des Comédiens vote l’annulation des premiers spectacles. L’AG du mouvement unitaire du L-R embraye. La grève connaît alors un retentissement hexagonal. Dans la presse on relève des similitudes avec le mouvement de 2003 parti du même lieu qui avait abouti à l’annulation du Festival d’Avignon. La lutte fait tache d’huile dans l’hexagone et les nuages s’accumulent au-dessus de Matignon.

Lors de la cérémonie officielle des Molière, Nicolas Bouchaud cite la mobilisation à Montpellier et décerne au nom des intermittents un « Molière de la meilleure trahison à François Rebsamen ». L’onde de solidarité se propage.  Et le Printemps des Comédiens ne démarre pas. Le président du conseil général de l’Hérault André Vezinhet maintient l’inauguration. Il aurait souhaité un mouvement plus flexible et fait part de ses craintes sur l’avenir tout en demandant au gouvernement de reprendre les négociations.

Les insurgés, décident en AG, et reconduisent la grève tout en menant d’autres actions et occupations dans les théâtres et festivals de la région. Le manque à gagner pour le Printemps des Comédiens se chiffrerait entre 350 000 et 400 000 euros. Le 4 juin, 250 personnes occupent l’Opéra de Montpellier, malgré les prises de paroles de la directrice Valérie Chevallier et du maire Philippe Saurel leur assurant un entier soutien. Le collectif reste sur la scène. La première de La Traviata est annulée.

Petits pas de Valls

Le 19 juin l’inflexible Manuel Valls recule à petits pas en reportant la mise en application du différé d’indemnisation et en s’engageant à financer la différence. Il promet aussi le maintien des crédits du spectacle vivant en 2015, 2016 et 2017. la CGT-Spectacle, qualifie l’offre de « mesurette ».

Le 21 juin le mouvement unitaire-LR négocie un passage à l’antenne sur France 2 où le président de la République est interpellé en prime time. Dans le Gard, Uzès Danse vote l’annulation du festival. « La seule décision possible pour préserver une équipe, des artistes et le public. »

Pris dans la tourmente le Festival Montpellier Danse maintient sa programmation. Fortement perturbé au début, le festival parvient à maintenir 38 spectacles sur 48 programmés. Le mode blocage se transforme en d’autres formes pour faire passer le message au public. Même processus à Avignon qui focalisait l’attention du gouvernement en raison des enjeux économiques.

Les grèves des 4, 12 et 24 juillet entraînent douze annulations dans le In et beaucoup d’actions dans le Off. A Montpellier le concert d’ouverture du Festival de Radio France, est annulé mais le reste des concerts a lieu.

Jeudi dernier s’est tenue la 4e réunion de concertation qui marque une pause avant de reprendre en septembre. Sur le thème des rémunérations, Jean-Patrick Gille un des membres missionné par le gouvernement a souligné « qu’il fallait trouver un système de discussions avec les intermittents et les employeurs du secteur. » Tandis que le secrétaire général de la CGT-Spectacle Denis Gravouil s’estime « au milieu du gué ».

Mais le conflit continue car les partenaires sociaux signataires disent qu’ils ne veulent pas rouvrir les négociations avant 2016. En attendant la rentrée sociale, la CGT-Spectacle a déposé un préavis de grève pour le mois d’août.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 31/07/14

AG au Printemps des Comédiens, AG au Festival Montpellier Danse, Sur le plateau de France 2… photos dr

Le photographe Grégoire Korganow invité de l’Hérault du Jour

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Danse et photographie sont deux arts de l’éphémère et de l’espace. L’espace sculpté par le geste chorégraphique et l’espace investi par celui du photographe se rencontrent une nouvelle fois au Festival Montpellier Danse.

Artiste invité du festival, le photographe Grégoire Korganow réalise une création au long cours baptisée Sortie de Scène. Ce projet, actuellement visible sur les murs de l’Agora, s’opère avec un petit déplacement dans l’espace et dans le temps qui offre une vraie et nouvelle proximité avec les danseurs. Le photographe a souhaité installer un autre rapport à l’image en imaginant une exposition avec des prises de vue réalisées en « sortie de scène ».

« Je photographie la danse en creux sur le corps arrêté des danseurs. Ce n’est pas le mouvement qui m’intéresse mais sa trace sur l’interprète immobile ». Ce travail s’inscrit dans la continuité d’une oeuvre liée « au corps de l’autre ».

En  2011 Grégoire Korganow part à la rencontre des femmes, hommes, et enfants, victimes civiles des attentats en Irak. Il en revient avec Gueules cassées, une expo qui montre leur visage et leur corps meurtris « pour que nous ne les oublions pas ». Le photographe a récemment présenté  Père et fils, une série saisissante mettant en scène des pères, de 30 à 80 ans, torse nu, avec leur fils de quelques mois pour les plus jeunes ou entrés dans la cinquantaine pour les plus âgés. Les personnages peau contre peau attisent l’imaginaire du spectateur dont l’artiste recherche le questionnement. « La nudité des corps jette le trouble, brouille un peu les pistes ».

Depuis le début du festival, Grégoire Korganow a installé son studio à l’Agora. Sortie de Scène le conduit à travailler dans une grande immédiateté. Il s’immerge dans les créations chorégraphiques en étant lui-même en situation de création. La série de plus de deux cents portraits déjà réalisés constitue un fil témoin qui fera trace de cette édition. Elle dit aussi le rapport intrinsèque du danseur avec son corps.

Grégoire Korganow capture l’espace d’un instant l’essence au plus près du geste. Les personnages reprennent leur esprit tandis que leurs corps semblent encore ailleurs. « C’est le silence après la dernière note que je souhaite explorer. Ce que le corps dit encore quand le mouvement s’arrête ».

Jean-Marie Dinh

Le travail que conclut Grégoire Korganow occupera les murs de l’Agora jusqu’à la fin de l’année A voir aussi une installation de portraits croisés jusqu’à la fin juillet : Entretien à Montpellier.

 

Souvenir du photographe de presse

Grégoire Korganow fait ses premiers pas en tant que reporter en 1992 en suivant les mutations de l’ancien bloc soviétique. En 1993, il débute une collaboration de près de dix ans avec Libération. Ses images sont régulièrement publiées dans la presse. « Je suis arrivé à la photo par le militantisme. Mon expression c’était la photo plutôt que de tenir des banderoles. » Il était notre invité en conférence de rédaction où il a évoqué la place et le travail difficile des photographes de presse. Grégoire a connu l’âge d’or du métier.

« Je suis un bébé Libé. C’était mon rêve de bosser pour Libé qui avait une vraie politique photo. Je l’ai réalisé pendant dix ans, puis j’ai bossé pour Géo, Marie-Claire et différents titres. »

Il a aussi observé le déclin d’une profession dont il défend toujours l’utilité même s’il a lui-même pris des distances. « J’ai rendu ma carte de presse en 2009 parce que personnellement, l’espace ne me convenait plus. Je pensais que la photo n’était plus considérée comme une écriture en soi, que l’on attendait plus que le photographe s’investisse dans le récit. J’avais une certaine amertume et le sentiment que l’on me demandait des taches colorées dans les maquettes. On voulait de l’efficace, il y avait moins de place pour les images décalées. »

Depuis, la situation s’est encore complexifiée pour les photographes de presse dont le regard est pourtant toujours important. « J’ai des copains qui continuent ce métier, certains partent en Ukraine, en Syrie, d’autres s’attachent à l’actu ici. On a besoin de ces gens-là.»

 Le photographe commente l’actualité

Download-1Pôle emploi : l’oeil de Grégoire

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Photo Dr

« Je me souviens des sujets dictés par l’augmentation du chômage ou par l’aggravation de la crise, quand on m’envoyait à Pôle Emploi. C’était un vrai casse-tête. Les rédacteurs ne se rendent pas toujours compte des problèmes auxquels les photographes sont confrontés. Quand vous devez écrire, vous avez toujours de la matière, des rapports, des dossiers presse, des éléments d’appui pour traiter votre sujet… Mais quand vous vous retrouvez de bon matin avec votre appareil dans le morne quotidien d’une agence pour l’emploi pour la dixième fois – et je peux vous assurer que ces endroits ne sont pas photogéniques – là, vous connaissez de grands moments de solitude. Je me rabattais sur les files d’attente ou je faisais des gros plans sur les annonces d’emploi. Aujourd’hui le sujet consiste à présenter une personne qui a été nommée et qu’on ne connaît pas. C’est un exercice où l’on doit s’adapter rapidement. Le métier de photographe fait appel à des trésors d’inventivité. »

Download-1Manif des sans papiers : l’oeil de Grégoire

Photo Télérama

Photo Télérama

 « Etre sans papier, c’est cumuler les injus tices, les discriminations et les inégalités mais c’est aussi avoir un rapport à l’image très particulier. A partir du moment où vous êtes censé ne pas exister, la question qui se pose au photographe c’est : comment montrer ce qui n’existe pas… Ce  problème est intéressant et l’évolution dans son traitement  m’a beaucoup impressionné.

Au début on floutait les visages pour les rendre anonymes. Il a fallu du temps mais petit à petit on a réussi à sortir de ce statut complètement insatisfaisant et honteux pour les personnes concernées, pour les photographes , pour les lecteurs et même pour les politiques. Aujourd’hui on peut faire des vrais portraits. Ce qui signifie à travers le regard que l’on porte que ce sont des gens comme tout le monde. La photographie a permis cette avancée.

En même temps cela reste un acte de dignité et de courage pour les personnes qui s’exposent. Car ils risquent toujours la garde à vue ou le centre de rétention. Même si les choses ont évolué, il n’est pas anodin de prendre en photo des personnes qui n’ont pas de papier. Cela demande au photographe d’être à la hauteur».

Voir aussi : Rubrique Photo, rubrique Danse,  rubrique Festival, Montpellier Danse 2014 rubrique Exposition, rubrique Rencontre, Grégoire Korganow : la Photo aime le drame rubrique Montpellier

Montpellier Danse : 34e édition, sous les cygnes la politique

montpellier-danse-2014Montpellier Danse. Le festival se clôture. Le bilan artistique a rempli ses objectifs même si l’avenir s’annonce avec quelques incertitudes.

La 34e édition du festival Montpellier Danse se conclut aujourd’hui. L’événement de la danse contemporaine en Europe a été marqué par le mouvement de mobilisation contre l’accord Unedic ratifié par le gouvernement durant le festival. Cela, même si l’impact a surtout été symbolique – du point de vue budgétaire, le manque à gagner sur la billetterie est estimé par la direction à 40 000 euros soit 1,2% du budget global – mais dans l’en- vironnement de la danse contemporaine, le symbolique compte. Au-delà de la façon dont s’est exprimé le conflit, (voir ci-dessous) il a rouvert une fenêtre de réflexion pour les artistes et les publics qui avaient tendance à déserter la sphère politique.

Toujours artistiquement exigeante, la programmation, qualifiée par le président Michel Miaille de « bien équilibrée et tempérée » a globalement répondu aux attentes diverses d’un large public. Les performances d’Israel Galvan et de Marlene Monteiro Freitas reste- ront dans les mémoires, aux côtés de la création Empty moves (parts I, II, &III ) d’Angelin Preljocaj qui a payé un lourd tribu au mouvement social avec un spectacle donné sur cinq prévus.

La création Atomos du britannique Wayne McGregor et le spectacle Enfant de Boris Charmatz sont parvenus à défendre au Corum un vrai langage sans céder aux sirènes du spectaculaire. Ce n’est pas le cas de Sidi Larbi Cherkaoui & Yabin Wang avec Genesis dont la programmation à Montpellier Danse peut interroger sur la notion de « programmation tempérée » car jusqu’ici, avec plus ou moins d’inspiration, Montpellier Danse a toujours privilégié la création et la volonté d’éveiller une conscience culturelle en s’ouvrant au monde et aux nouvelles formes.

Il faut certes savoir tirer parti de la connaissance du public sans oublier pour autant que la danse contemporaine requiert du public une position active et engagée. A l’heure où la succession de Jean- Paul Montanari est évoquée, sans que celui-ci ne semble s’en inquiéter, ( » Je suis en CDI, je continue. ») tenir un positionnement exigeant relatif au mode de perception du public, reste un enjeu de taille pour l’avenir du festival. D’autant qu’en ces temps de crise, la tendance sécuritaire ou opportuniste pousse certains artistes à répondre aux attentes de consommation culturelle.

L’équipe de Montpellier Danse se prépare pour la 35 e édition du festival en dépit de l’absence de Philippe Saurel et du vice président délégué à la culture de l’Agglo Bernard Travier qui étaient attendus pour le bilan et ont décommandé, un signe ?

JMDH

 

Le festival dans la tourmente

10432959_1472392903001595_1522817321310144576_nMouvement social. La lutte politique secoue l’ensemble du monde culturel.

Aprés l’annulation du Printemps des Comédiens en 2003, la direction de Montpellier Danse avait suivi la volonté des artistes en annulant à son tour le festival. Cette année après avoir pris l’avis des artistes invités Jean-Paul Montanari s’est prononcé pour jouer. Fortement perturbé à ses débuts, cette position de ne pas annuler le festival tenait aussi à une logique financière.

Le collectif unitaire des intermittents et précaires déplore la manière dont la direction du festival a géré la crise, notamment « un black out sur la communication ». De son côté la direction dénonce « des actions violentes ». Au final le Festival s’en sort assez bien avec 38 spectacles joués sur 48 programmés soit dix spectacles annulés dont un pour raison météorologique. Le bras de fer a débuté par des blocages puis a évolué.

Le collectif a déployé des trésors d’inventivité pour s’adapter au jour le jour à la situation en trouvant sa cohérence. Il a convaincu une partie des techniciens à faire grève, et su faire passer son message au public du festival. Percevant l’enjeu intermédiaire que re- présentait Montpellier Danse, par rapport à l’annulation du Festival d’Avignon, le ministère s’est mobilisé pour soutenir les décisions de la direction.

Cette période cruelle pourrait souligner un écart plus grand entre artistes reconnus et techniciens que dans le monde du théâtre. Mais rien de sûr car de talentueux chorégraphes comme ceux programmés dans le cadre d’Uzes Danse ou de Mouvement sur la ville, se sont engagés pour une gréve totale. Reste le pouvoir du public. Acteurs ?

JMDH

Source : L’Hérault du Jour 09/07/2014

Voir aussi : Rubrique Danse, rubrique Festival, Montpellier Danse 2014, rubrique Montpellier

Montpellier Danse. Rapports aux filiations

ISRAEL_GALVAN_SOLO_(C)_LUIS_CASTILLA_1Néo-classique. Deux spectacles où le rapport à la forme joue à plein. Alonzo King s’enlise tandis que Galvan décolle.

La danse contemporaine est un art riche de filiations et de ruptures. Montpellier Danse a pour coutume d’offrir un vaste panorama des formes qui coexistent : classique, postmoderne, contemporaine, danse abstraite, non danse… Bien au-delà du catalogue, la marque de fabrique du festival est de proposer une danse qui bouscule nos codes de référence, en nous interrogeant, entre autres, sur les visions académiques du « beau » et les représentations esthétiques dominantes.

Ce n’est pas le cas avec le spectacle  d’Alonzo King dont la réputation n’est plus à faire mais qui semble vivre sur ses acquis. Son Concerto for two violins autour du corps idéal est renversant de classicisme, surjoué et contraignant pour les danseurs dont on sent poindre le stress infligé sous le vernis de plasticité. Dans le second volet le mariage entre modernité et tradition aboutit à une mise en espace à grosses ficelles qui véhicule une piteuse et datée représentation de la femme. Malgré les bras et les jambes on ne décolle pas un instant.

Le solo présenté par Israel Galvan est d’une tout autre facture. L’artiste nourri au biberon du flamenco a lui aussi à faire à un art où l’on ne plaisante pas avec la forme. Habitué des grandes scènes, avec Solo, Israel Galvan transgresse nos habitudes chorégraphiques, pour aller chercher l’essence même de la danse. Seul, sans musique, à même le sol de poussière, le danseur instaure de nouveaux référents poétiques. Pour se livrer entier, un peu comme Préljocaj l’avait fait dans un autre registre avec Le funambule. L’épuration conduit à un rituel d’effervescence esthétique où se jouent le passé incarné par la force du pur présent. Le rythme dans le corps jusqu’au bout de la dent qui vous mord au coeur.

JMDH

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Hooman Sharifi. Souffle hypnotique d’un sacrifice libérateur

HOOMAN_SHARIFI_EVERY_ORDER_EVENTUALLY_LOOSES_ITS_TERROR_(C)_IMPURE_COMPANY_HOOMAN_SHARIFICréation. Every order enventually looses its terror de Hooman Sharifi. Le fil ondoyant d’une transcendance de la libération de l’individu à l’amour…

A travers les gouttes qui tombent par intermittence, entre les larmes des hommes et des femmes se donne la performance de Hooman Sharifi Every order enventually looses its terror ( tout ordre perd finalement de sa terreur) une création concoctée en résidence à l’Agora cet hiver. La pièce aborde les thèmes du sacrifice de soi, des rituels de deuil et de l’amour.

 » Ce n’est pas la première fois que je travaille sur le sacrifice , explique le chorégraphe d’origine iranienne qui vit à Oslo, avec ce travail nous avons approchés la notion des rituels mais nous nous sommes très vite aperçus que cela serait très long, alors nous avons opté pour une appropriation. Avec cette pièce, nous créons en quelque sorte notre propre rituel. »

Sur le plateau, les quatre danseurs sont accompagnés de deux musiciens, percussions et tanbûr iraniens. La pièce démarre dans un noir rythmé qui converge vers le corps des quatre danseurs. Individus singuliers en action, comme en lutte avec leur propre souffrance et pris dans le mouvement centrifuge d’un grand tout.

Ici le rite s’émancipe des représentations du progrès  qui le relaie un peu rapidement aux pratiques d’un autre âge. Le rite nous relie à notre humaine condition, autrement dit à  la liberté. C’est la voie qui nous permet d’y parvenir que semble nous indiquer Hooman Sharifi. Son travail ne s’inscrit pas dans une critique directe de l’ordre social, politique ou religieux. Il prend la distance nécessaire avec les systèmes et du même coup redonne du pouvoir à l’humain, notamment celui d’entrer en relation avec l’autre.

Le rituel du deuil iranien appelé Ashura, jour où les chiites commémorent le martyre du petit-fils du prophète, a servi d’inspiration à la performance qui transcende la dimension religieuse en conservant le caractère collectif.  » Ce rituel étonnant a marqué mon enfance, C’est ma première performance, si nous pouvions mettre la religion en dehors de ça, ce serait une superbe activité pour la société, veiller et faire publiquement un deuil ensemble.« 

Dans la pièce les danseurs se faufilent. Entre le tapis d’or et la rudesse des pierres. le rapport à l’espace se joue dans une conscience corporelle personnelle et collective aigüe. Il agissent, souffrent et vivent. Traversent le sacrifice et le deuil pour aborder la notion d’amour.

«  Il n’y a pas une grande différence entre la politique et l’amour, souligne Hooman Sharifi, ni entre l’art et la politique. Avec cette pièce, on fait de la politique interne. On réduit la hiérarchie pour reconstruire. » C’est dire si  cette pièce nous libère.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise le 27/06/2014

(A sa parution cet article a subi des coupes malheureuses)

Voir aussi : Rubrique Danse, rubrique Festival, Montpellier Danse 2014, rubrique Montpellier