Montpellier Danse : 34e édition, sous les cygnes la politique

montpellier-danse-2014Montpellier Danse. Le festival se clôture. Le bilan artistique a rempli ses objectifs même si l’avenir s’annonce avec quelques incertitudes.

La 34e édition du festival Montpellier Danse se conclut aujourd’hui. L’événement de la danse contemporaine en Europe a été marqué par le mouvement de mobilisation contre l’accord Unedic ratifié par le gouvernement durant le festival. Cela, même si l’impact a surtout été symbolique – du point de vue budgétaire, le manque à gagner sur la billetterie est estimé par la direction à 40 000 euros soit 1,2% du budget global – mais dans l’en- vironnement de la danse contemporaine, le symbolique compte. Au-delà de la façon dont s’est exprimé le conflit, (voir ci-dessous) il a rouvert une fenêtre de réflexion pour les artistes et les publics qui avaient tendance à déserter la sphère politique.

Toujours artistiquement exigeante, la programmation, qualifiée par le président Michel Miaille de « bien équilibrée et tempérée » a globalement répondu aux attentes diverses d’un large public. Les performances d’Israel Galvan et de Marlene Monteiro Freitas reste- ront dans les mémoires, aux côtés de la création Empty moves (parts I, II, &III ) d’Angelin Preljocaj qui a payé un lourd tribu au mouvement social avec un spectacle donné sur cinq prévus.

La création Atomos du britannique Wayne McGregor et le spectacle Enfant de Boris Charmatz sont parvenus à défendre au Corum un vrai langage sans céder aux sirènes du spectaculaire. Ce n’est pas le cas de Sidi Larbi Cherkaoui & Yabin Wang avec Genesis dont la programmation à Montpellier Danse peut interroger sur la notion de « programmation tempérée » car jusqu’ici, avec plus ou moins d’inspiration, Montpellier Danse a toujours privilégié la création et la volonté d’éveiller une conscience culturelle en s’ouvrant au monde et aux nouvelles formes.

Il faut certes savoir tirer parti de la connaissance du public sans oublier pour autant que la danse contemporaine requiert du public une position active et engagée. A l’heure où la succession de Jean- Paul Montanari est évoquée, sans que celui-ci ne semble s’en inquiéter, ( » Je suis en CDI, je continue. ») tenir un positionnement exigeant relatif au mode de perception du public, reste un enjeu de taille pour l’avenir du festival. D’autant qu’en ces temps de crise, la tendance sécuritaire ou opportuniste pousse certains artistes à répondre aux attentes de consommation culturelle.

L’équipe de Montpellier Danse se prépare pour la 35 e édition du festival en dépit de l’absence de Philippe Saurel et du vice président délégué à la culture de l’Agglo Bernard Travier qui étaient attendus pour le bilan et ont décommandé, un signe ?

JMDH

 

Le festival dans la tourmente

10432959_1472392903001595_1522817321310144576_nMouvement social. La lutte politique secoue l’ensemble du monde culturel.

Aprés l’annulation du Printemps des Comédiens en 2003, la direction de Montpellier Danse avait suivi la volonté des artistes en annulant à son tour le festival. Cette année après avoir pris l’avis des artistes invités Jean-Paul Montanari s’est prononcé pour jouer. Fortement perturbé à ses débuts, cette position de ne pas annuler le festival tenait aussi à une logique financière.

Le collectif unitaire des intermittents et précaires déplore la manière dont la direction du festival a géré la crise, notamment « un black out sur la communication ». De son côté la direction dénonce « des actions violentes ». Au final le Festival s’en sort assez bien avec 38 spectacles joués sur 48 programmés soit dix spectacles annulés dont un pour raison météorologique. Le bras de fer a débuté par des blocages puis a évolué.

Le collectif a déployé des trésors d’inventivité pour s’adapter au jour le jour à la situation en trouvant sa cohérence. Il a convaincu une partie des techniciens à faire grève, et su faire passer son message au public du festival. Percevant l’enjeu intermédiaire que re- présentait Montpellier Danse, par rapport à l’annulation du Festival d’Avignon, le ministère s’est mobilisé pour soutenir les décisions de la direction.

Cette période cruelle pourrait souligner un écart plus grand entre artistes reconnus et techniciens que dans le monde du théâtre. Mais rien de sûr car de talentueux chorégraphes comme ceux programmés dans le cadre d’Uzes Danse ou de Mouvement sur la ville, se sont engagés pour une gréve totale. Reste le pouvoir du public. Acteurs ?

JMDH

Source : L’Hérault du Jour 09/07/2014

Voir aussi : Rubrique Danse, rubrique Festival, Montpellier Danse 2014, rubrique Montpellier

Marlene Monteiro Freitas. La relation présente des statues prêtent à exploser

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« Les danseurs sont à la fois moteurs et éléments de la scénographie.» Photo dr

 

Montpellier Danse. D’ivoire et de chair – les statues souffrent aussi, Marlene Monteiro Freitas fige son expressivité pour mieux la dépasser. Chaud devant…

D’origine capverdienne, Marlène Monteiro Freitas a suivi des cours à l’Ecole supérieure de danse à Lisbonne. Elle a ensuite poursuivi son apprentissage à l’école P.A.R.T.S., à Bruxelles. Elle a été interprète pour divers chorégraphes, tels Emmanuelle Huynh, Loïc Touzé, Boris Charmatz. Performeuse singulière, elle appartient au collectif lisboète Bomba Suicida, et crée depuis 2006 des œuvres dont le dénominateur commun est l’ouverture, l’impureté et l’intensité. Marlène Monteiro Freitas ne cesse de jouer sur l’étrangeté. Elle vient de présenter au Théâtre de La Vignette D’ivoire et chair – les statues souffrent aussi pièce pour quatre danseurs et trois percussionnistes interprètes, s’inspirant des mythes d’Orphée et de Pygmalion ainsi que du film Les statues meurent aussi d’Alain Resnais et Christ Marker.

Marlène Monteiro Freitas fait partie des êtres dotés d’une énergie primaire renouvelable à toute épreuve, toujours à la recherche de nouveaux défis. L’idée pourrait lui être venue avec cette création de la contenir, mais c’est un peu comme si l’on demandait à Sid Vicious de retrouver la petite boîte contenant ses dents de lait. « Au départ il y avait l’idée d’immobilité et celle de l’animation, de la construction et de la déconstruction. Travailler sur l’immobilité ne veut pas dire que les performers sont immobiles », explique la chorégraphe. Avec les statues s’ajoute l’idée de pétrification, la plus étrangère au mouvement. Et serait-ce par goût du désordre si la pièce se déroule à l’occasion d’un bal ? « Le bal appelle aux mouvements, les statues à la fixité. A partir de là nous avions les tensions  nécessaires pour le départ. »

Sur scène débute le bal des automates aux expressions figées et déformées. La gestuelle précise se déploie comme une mécanique, dans un espace géométrique parfaitement balisé. Parfois la machine se bloque soulignant le grotesque des situations puis redémarre. On est captivé par l’énergie interne contenue qui cumule la force de la machine et la sauvagerie humaine de l’émotion cadenacée. « Quoi que je fasse, je suis du côté des affects. Le déplacement des intensités m’intéresse. Dans cette pièce il y a une intensification de ce qui n’est pas et une désentification de ce qui pourrait être. Le choc entre les idées déclenche de l’émotion. » La pièce comporte des passages chantés, moments de haute intensité liés à l’effet vibratoire. Les danseurs dansent, souffrent, attendent aussi par leurs yeux. Les corps contraints ruminent, patientent, fissurent et s’émancipent de leur socle pour faire la bombe…

Jean-Marie Dinh

Source L’Hérault du Jour 05/07/2014

Voir aussi : Rubrique Danse, rubrique Festival, Montpellier Danse 2014, rubrique Montpellier