Le photographe Grégoire Korganow invité de l’Hérault du Jour

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Danse et photographie sont deux arts de l’éphémère et de l’espace. L’espace sculpté par le geste chorégraphique et l’espace investi par celui du photographe se rencontrent une nouvelle fois au Festival Montpellier Danse.

Artiste invité du festival, le photographe Grégoire Korganow réalise une création au long cours baptisée Sortie de Scène. Ce projet, actuellement visible sur les murs de l’Agora, s’opère avec un petit déplacement dans l’espace et dans le temps qui offre une vraie et nouvelle proximité avec les danseurs. Le photographe a souhaité installer un autre rapport à l’image en imaginant une exposition avec des prises de vue réalisées en « sortie de scène ».

« Je photographie la danse en creux sur le corps arrêté des danseurs. Ce n’est pas le mouvement qui m’intéresse mais sa trace sur l’interprète immobile ». Ce travail s’inscrit dans la continuité d’une oeuvre liée « au corps de l’autre ».

En  2011 Grégoire Korganow part à la rencontre des femmes, hommes, et enfants, victimes civiles des attentats en Irak. Il en revient avec Gueules cassées, une expo qui montre leur visage et leur corps meurtris « pour que nous ne les oublions pas ». Le photographe a récemment présenté  Père et fils, une série saisissante mettant en scène des pères, de 30 à 80 ans, torse nu, avec leur fils de quelques mois pour les plus jeunes ou entrés dans la cinquantaine pour les plus âgés. Les personnages peau contre peau attisent l’imaginaire du spectateur dont l’artiste recherche le questionnement. « La nudité des corps jette le trouble, brouille un peu les pistes ».

Depuis le début du festival, Grégoire Korganow a installé son studio à l’Agora. Sortie de Scène le conduit à travailler dans une grande immédiateté. Il s’immerge dans les créations chorégraphiques en étant lui-même en situation de création. La série de plus de deux cents portraits déjà réalisés constitue un fil témoin qui fera trace de cette édition. Elle dit aussi le rapport intrinsèque du danseur avec son corps.

Grégoire Korganow capture l’espace d’un instant l’essence au plus près du geste. Les personnages reprennent leur esprit tandis que leurs corps semblent encore ailleurs. « C’est le silence après la dernière note que je souhaite explorer. Ce que le corps dit encore quand le mouvement s’arrête ».

Jean-Marie Dinh

Le travail que conclut Grégoire Korganow occupera les murs de l’Agora jusqu’à la fin de l’année A voir aussi une installation de portraits croisés jusqu’à la fin juillet : Entretien à Montpellier.

 

Souvenir du photographe de presse

Grégoire Korganow fait ses premiers pas en tant que reporter en 1992 en suivant les mutations de l’ancien bloc soviétique. En 1993, il débute une collaboration de près de dix ans avec Libération. Ses images sont régulièrement publiées dans la presse. « Je suis arrivé à la photo par le militantisme. Mon expression c’était la photo plutôt que de tenir des banderoles. » Il était notre invité en conférence de rédaction où il a évoqué la place et le travail difficile des photographes de presse. Grégoire a connu l’âge d’or du métier.

« Je suis un bébé Libé. C’était mon rêve de bosser pour Libé qui avait une vraie politique photo. Je l’ai réalisé pendant dix ans, puis j’ai bossé pour Géo, Marie-Claire et différents titres. »

Il a aussi observé le déclin d’une profession dont il défend toujours l’utilité même s’il a lui-même pris des distances. « J’ai rendu ma carte de presse en 2009 parce que personnellement, l’espace ne me convenait plus. Je pensais que la photo n’était plus considérée comme une écriture en soi, que l’on attendait plus que le photographe s’investisse dans le récit. J’avais une certaine amertume et le sentiment que l’on me demandait des taches colorées dans les maquettes. On voulait de l’efficace, il y avait moins de place pour les images décalées. »

Depuis, la situation s’est encore complexifiée pour les photographes de presse dont le regard est pourtant toujours important. « J’ai des copains qui continuent ce métier, certains partent en Ukraine, en Syrie, d’autres s’attachent à l’actu ici. On a besoin de ces gens-là.»

 Le photographe commente l’actualité

Download-1Pôle emploi : l’oeil de Grégoire

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Photo Dr

« Je me souviens des sujets dictés par l’augmentation du chômage ou par l’aggravation de la crise, quand on m’envoyait à Pôle Emploi. C’était un vrai casse-tête. Les rédacteurs ne se rendent pas toujours compte des problèmes auxquels les photographes sont confrontés. Quand vous devez écrire, vous avez toujours de la matière, des rapports, des dossiers presse, des éléments d’appui pour traiter votre sujet… Mais quand vous vous retrouvez de bon matin avec votre appareil dans le morne quotidien d’une agence pour l’emploi pour la dixième fois – et je peux vous assurer que ces endroits ne sont pas photogéniques – là, vous connaissez de grands moments de solitude. Je me rabattais sur les files d’attente ou je faisais des gros plans sur les annonces d’emploi. Aujourd’hui le sujet consiste à présenter une personne qui a été nommée et qu’on ne connaît pas. C’est un exercice où l’on doit s’adapter rapidement. Le métier de photographe fait appel à des trésors d’inventivité. »

Download-1Manif des sans papiers : l’oeil de Grégoire

Photo Télérama

Photo Télérama

 « Etre sans papier, c’est cumuler les injus tices, les discriminations et les inégalités mais c’est aussi avoir un rapport à l’image très particulier. A partir du moment où vous êtes censé ne pas exister, la question qui se pose au photographe c’est : comment montrer ce qui n’existe pas… Ce  problème est intéressant et l’évolution dans son traitement  m’a beaucoup impressionné.

Au début on floutait les visages pour les rendre anonymes. Il a fallu du temps mais petit à petit on a réussi à sortir de ce statut complètement insatisfaisant et honteux pour les personnes concernées, pour les photographes , pour les lecteurs et même pour les politiques. Aujourd’hui on peut faire des vrais portraits. Ce qui signifie à travers le regard que l’on porte que ce sont des gens comme tout le monde. La photographie a permis cette avancée.

En même temps cela reste un acte de dignité et de courage pour les personnes qui s’exposent. Car ils risquent toujours la garde à vue ou le centre de rétention. Même si les choses ont évolué, il n’est pas anodin de prendre en photo des personnes qui n’ont pas de papier. Cela demande au photographe d’être à la hauteur».

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