Le
tre démocratie méritait-elle cette confrontation décousue, pauvre en propositions et en projets mais riche en attaques ad hominem et noms d’oiseaux ? Tout au long des 2h30 de ce « débat », si tant est que l’on puisse l’appeler ainsi, les électeurs ont assisté à une dispute de bas niveau dans laquelle aucun des protagonistes n’aura véritablement exposé son projet. Marine Le Pen parce que son principal objectif, manifeste dès les premières secondes, était de parler de son adversaire ramené à ses fonctions passées de « conseiller » et de « ministre de François Hollande », ce qui lui permettait d’attaquer ce qu’elle a présenté comme son « bilan » et de le qualifier à plusieurs reprises de « socialiste ». Emmanuel Macron parce que les attaques ad hominem de son interlocutrice lui ont épargné de rentrer dans le détail de son programme et d’en justifier les options puisqu’il lui suffisait de constater que celle-ci ne « propose rien ».
Que pouvons-nous donc retenir de ce match arbitré par des journalistes inexistants ? Quelques petites phrases concoctées pour de piètres effets de manche. On a ainsi vu Emmanuel Macron se présenter en candidat de « l’esprit de conquête » face à la représentante de « l’esprit de défaite ». Marine Le Pen revendiquer être « la candidate du pouvoir d’achat » contre « le candidat du pouvoir d’acheter ». On a également appris que le premier, interpellé sur la disparition de la protection de la santé dans l’entreprise, n’était « pas d’accord avec certains points » de la loi El Khomri. Que la seconde devait prendre autant de libertés avec le code de la route qu’avec les juges pour se plaindre de la sévérité gendarmesque qui, à ses dires, prendrait les automobilistes pour des « vaches à lait ».
Jouant constamment la mouche du coche, Marine Le Pen a multiplié ce que son adversaire, plus au fait des dossiers, n’a eu aucun mal à qualifier de « grosses bêtises » et de « mensonges ». Mais Emmanuel Macron a aussi fait preuve d’approximations sur la loi Dati, que la présidente du FN confond avec la loi Taubira ; ou sur le chômage qui contrairement à ses dires n’étaient pas plus important dans les années 1990, et n’est pas plus faible dans tous les autres pays de l’Union européenne.
Plus préoccupant : plusieurs sujets essentiels n’auront pas même été effleurés. Pas un mot sur le réchauffement climatique, la destruction de l’écosystème et les politiques nécessaires pour y répondre. Pas plus sur l’accroissement des inégalités et de la pauvreté, et ce qu’il conviendrait de faire pour y remédier.
La nullité de Marine Le Pen, éclatante dans ce débat, y compris sur l’Europe où Julien Rochedy, ancien directeur du FNJ, l’a jugée « catastrophique », était sans doute ce qui convenait pour mettre en valeur Emmanuel Macron, le candidat prisé des milieux d’affaires, de l’éditocratie et des vieilles gloires du PS. N’empêche, si aucun de ces deux candidats résiduels ne sort véritablement gagnant de ce pugilat, les perdants, eux, sont connus. Les Français, et tous les habitants de notre pays, ne méritaient vraiment pas cette désespérante partie de catch.
Michel Soudais
Source Politis 04/05/2017
Voir aussi : Actualité France,rubrique Politique, rubrique Médias, rubrique Société, Citoyenneté,