Israël : dans les Territoires, la spoliation s’accélère

Un Palestinien protestant contre la colonisation, près du village de Deir Qaddis (Cisjordanie), le 13 juillet.? Photo Mohamad Torokman. Reuters

Un Palestinien protestant contre la colonisation, près du village de Deir Qaddis (Cisjordanie), le 13 juillet.? Photo Mohamad Torokman. Reuters

Après dix ans de procédure, des Palestiniens expulsés par des colons à Amona ont obtenu gain de cause. Mais l’extrême droite entend faire voter une loi qui légaliserait les expropriations.

Imaginons que des gens s’installent sur un terrain ne leur appartenant pas en exhibant de faux titres de propriété, qu’ils y construisent des maisons et qu’ils refusent de s’en aller malgré une décision de Cour suprême leur enjoignant de le faire. Tout ça, avec l’accord d’un gouvernement qui ­déploie une énergie folle pour les aider à contourner la décision judiciaire. Incroyable?? Pas en Israël. Du moins, pas dans les territoires ­occupés par ce pays puisque c’est bien en Cisjordanie, sur des terres privées appartenant à des villageois ­palestiniens de Silwad, de Taybeh et d’Ein Yabroud, qu’a été créée en 1995 la ­petite colonie d’Amona comptant aujourd’hui une quarantaine de famille (200 personnes).

Soutenus par l’ONG israélienne de défense des droits de l’homme Yesh Din, une ­dizaine de propriétaires ­palestiniens qui réclamait la restitution de leur patrimoine ont, au terme de dix ans de procédure, obtenu gain de cause devant la ­justice de l’Etat hébreu.

Dépouillés

Mais les ­colons n’en ont cure?: ils refusent d’appliquer l’arrêt de la Cour suprême leur ­ordonnant d’évacuer avant le 25 décembre. C’est pour ­contourner cet arrêt que le parti ­d’extrême droite «Foyer juif», ainsi que la plupart des députés du Likoud (le parti de Binyamin ­Nétanyahou) promeuvent un projet de «loi de régularisation» permettant de «blanchir» la ­spoliation des terres privées palestiniennes par les colons.

Le texte, dont l’examen par la Knesset a débuté mercredi, a été adopté en première lecture. Il prévoit en substance que les Palestiniens spoliés ne pourront plus s’adresser à la justice ­israélienne pour récupérer les ­terres dont ils ont été dépouillés. Celles-ci seront ­considérées comme expropriées, moyennant une indemnité pouvant atteindre 125?% de la valeur du bien ou un lopin équivalent.

Certes, la nouvelle loi ne «blanchira» pas Amona ­puisque le cas de cette colonie a déjà été jugé et que la régularisation ne peut être ­rétroactive. En revanche, elle ­protégera les nombreuses autres colonies de Cisjordanie, ainsi que des parties de colonies érigées dans les m­êmes circonstances. Soit, 55 «avant-postes» (des petites colonies créées sans l’accord de l’Etat hébreu) et 4?000 logements.

Paradoxalement, Nétanyahou n’est pas très favorable à la «loi de régularisation». Parce qu’elle lui a été ­extorquée par le Foyer juif et par la frange la plus extrémiste des députés du Likoud, mais également parce que le procureur général de l’Etat, ainsi que le conseiller juridique de la Knesset, ­estiment que ce texte est «contraire au droit». Donc, qu’il risque d’être retoqué par la Cour suprême. En outre, ­Nétanyahou redoute les suites diplomatiques et les ­condamnations internationales que le vote de la nouvelle loi pourrait entraîner. Il n’exclut pas non plus que l’Autorité palestinienne saisisse la Cour pénale ­internationale et que lui et ses ministres soient ­contraints de lui rendre des comptes.

Bobard

Mais les colons et le Foyer juif n’en n’ont cure. Pour l’heure, ils jubilent. «Certes, notre victoire n’est pas complète puisque nos ­frères d’Amona devrons s’installer ailleurs mais, dans l’ensemble, cette loi de régularisation change le visage de la colonisation tel que nous le connaissions depuis cinquante ans, fanfaronne Bezalel Smotrich, un colon de Beit El qui est également le député le plus actif du Foyer juif. Ce texte est important parce qu’il supprime des obstacles au retour du peuple juif sur la terre que Dieu lui a donnée. En fait, il pave la voie à l’annexion d’une partie de la Judée-Samarie [la Cisjordanie, occupée, ndlr]. C’est notre prochaine étape.» Contacté par téléphone, Smotrich semble en tout cas se moquer des réactions internationales à cette «régularisation». «Ce n’est pas le sujet», tranche-t-il. Quant au fait que des Palestiniens soient spoliés, il affirme qu’il s’agit d’un bobard?: «Ces terres n’ont jamais été occupées par personne, qu’est-ce qui prouve que ces gens-là en sont propriétaires ?? Tout ça, c’est bidon. Il s’agit d’une fausse affaire montée artificiellement en épingle par des ONG gauchistes afin de nous discréditer.»

De leur côté, les colons d’Amona, appuyés par des centaines de sympathisants d’extrême droite venus de tous les coins d’Israël, promettent d’accueillir «comme il se doit» les 3?000 policiers, gardes-frontières et agents du Shabak (Sûreté générale) chargés de les déloger avant la fin du mois.

 

Source : Libération 07/12/2016

Fucking Tuesday

imagesUne sélection d’articles parus dans la presse française et anglo-saxonne pour comprendre et prolonger la réflexion.

 

LEçON POLITIQUE.

Viser l’intérêt premier de l’électeur même si tout ce que vous dites est contradictoire

No, Trump voters were not irrational 

Source The Washington Post

 

 

Trump, le châtiment

Défaite du néolibéralisme « de gauche »

Commencée il y a dix-huit mois, l’élection présidentielle s’est conclue après les dizaines de scrutins des primaires, deux conventions à grand spectacle dans des États industriellement sinistrés, des dizaines de milliers de spots de publicité politique et plusieurs milliards de dollars, par un match entre deux Américains richissimes, l’un et l’autre résidents de New York et détestés par la majorité de la population. C’est finalement le candidat républicain honni par les médias, les élites de Washington et même les caciques de « son » propre parti, qui l’a emporté. Celui qui a le moins dépensé et que tout le monde donnait perdant.

Durant cette interminable campagne, l’attention des commentateurs s’est souvent portée sur les provocations racistes et sexistes du futur président des États-Unis, ses scandales, ses excès, Mme Hillary Clinton étant présentée par contraste comme la candidate formée depuis toujours pour hériter de la Maison Blanche en même temps qu’elle briserait, raisonnablement, le « plafond de verre ». Mais rassurer l’establishment et séduire les électeurs ne sont pas des exercices toujours compatibles…

D’aucuns analysent déjà les résultats d’hier comme une preuve de la régression de l’Amérique dans le nationalisme, le « populisme », le racisme, le machisme : le vote républicain serait principalement déterminé par un rejet de l’immigration, un désir de repli, une volonté de revenir sur les conquêtes progressistes des cinquante dernières années. Or si M. Trump l’a emporté, en réalisant apparemment de meilleurs scores chez les Noirs et les Latinos que son prédécesseur Willard Mitt Romney, c’est avant tout parce que les démocrates se sont révélés incapables de conserver en 2016 l’appui des électeurs que M. Barack Obama avait su convaincre en 2008 et en 2012, en Floride ou dans les États de la « Rust Belt ».

La victoire de M. Trump, c’est donc avant tout la défaite du néolibéralisme « de gauche » incarné par Mme Clinton : son culte des diplômes et des experts, sa passion pour l’innovation et les milliardaires de la Silicon Valley, sa morgue sociale et intellectuelle. L’instrument du châtiment est redoutable. Mais la leçon sera-t-elle retenue ailleurs ?

Source Le Monde Diplomatique 09/11/2016

 

 

 

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Les électeurs blancs et riches ont donné la victoire à Donald Trump

Le résultat des élections américaines est loin d’être une simple  révolte  des Blancs les plus pauvres laissés pour compte par la mondialisation. Les sondages de sortie des urnes laissent apparaître que la victoire de Trump s’appuie aussi pour bonne part sur la classe moyenne blanche instruite et la classe aisée.

White and wealthy voters gave victory to Donald Trump, exit polls show

Source The Gardian

 

 

Le New York Times le reconnaît ce matin  : ses équipes n’ont pas pris la mesure de ce qui se passai

« Les journalistes n’ont pas remis en question les chiffres des sondages quand ceux-ci confirmaient ce que leur disait leur instinct : que Trump n’arriverait jamais, jamais, à la Maison Blanche, et de loin. Ils ont décrits les partisans de Trump qui croyaient à la victoire comme totalement déconnectés de la réalité. Mais c’étaient eux qui avaient tort. »

 

Source New York Times 10/11/2016

 

 

La démocratie après les faits (divers)

Depuis le Brexit et la campagne Trump, la presse anglo-saxonne s’interroge profondément sur le statut des faits dans les démocraties contemporaines.

La campagne pro-Brexit a été menée avec des arguments factuellement faux, aussi faux qu’environ 70 % des arguments de Trump selon les fact-checkers.

De plus en plus d’analystes avancent que nous sommes entrés, en grande partie avec les réseaux sociaux, dans une ère « post-faits », où les faits ne comptent pas, la vérité est une donnée annexe, et seuls pèsent dans la balance le spectacle et l’émotion.

Cela s’explique par, entre autres,

  • la montée de populismes centrés sur des individus charismatiques jouant sur l’émotion,
  •  le rôle des réseaux sociaux et des « chambres d’écho » ce phénomène qui fait que les filtres algorithmiques ont tendance à montrer des contenus homogènes à ceux des utilisateurs. Plusieurs voix dénoncent depuis longtemps ce filtrage algorithmique qui éclate le public en « bulles », et selon certains, menace la sphère publique démocratique telle qu’on la connaît,
  • la crise du secteur des médias, qui privilégient les titres sensationnels assurés de faire cliquer, et les contenus viraux.

C’est, selon de nombreux analystes, une des clés du succès de Trump. Il a été le spécialiste des contenus qui polarisent et qu’on adore ou qu’on déteste. Dans les deux cas, ils sont partagés sur les réseaux sociaux, par ses partisans et ses adversaires, puis repris à la télé. Tout ce cycle de viralité produit énormément d’argent, et de publicité pour Trump, qui a déboursé pour sa campagne bien moins qu’un Jeb Bush, par exemple.

Face à cela, le fact-checking est de moins en moins efficace.

source Washington Post.

Dans ce monde, les sentiments comptent plus que les faits et les chiffres valent comme indicateurs de ces sentiments (que ressentent les électeurs ?) non comme marqueurs de la vérité,  « L’époque de la politique post-faits ».

Source New York Times

 

 

Dans ce contexte, comment encore s’accorder sur des faits partagés, sur l’existence de vérités communes, sociales, économiques, environnementales ?

C’est ce que se demandait cet été la rédactrice en chef du Guardian cet été dans un long article désabusé. « Le statut de la vérité chute  », écrivait-elle.

La logique des réseaux sociaux a avalé tout le reste, dit-elle, et imposé une culture de la viralité et de l’équivalence, où tout contenu s’équivaut comme potentiellement doté d’une mesure de vérité, variable selon ses opinions.

Et le secteur qui était chargé d’informer le public est moribond :

« Nous sommes en train de vivre un bouleversement fondamental dans les values du journalisme : une transition vers le consumérisme. Au lieu de renforcer les liens sociaux, ou de créer un public informé, l’idée que l’information est un bien public et une nécessité en démocratie, il suscite des gangs, qui répandent des rumeurs qui les confortent comme des traînées de poudre,renforcent les opinions prééxistantes et s’auto-entraînent dans un univers d’opinions partagées plutôt que de faits établis. »

Source Le Guardian 12/07/2016

 

 

DANS LE MONDE

 

 

L’élection de Donald Trump va être un séisme pour le monde

Le candidat républicain a fondé sa campagne sur la promesse de « rendre sa grandeur à l’Amérique ». Quelles conséquences pour le reste du monde

Si le vote pour le Brexit, le 23 juin, a été un séisme pour l’Union européenne, l’élection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, première puissance militaire, est un séisme pour le monde.

Le candidat républicain a fondé sa campagne sur la promesse de « rendre sa grandeur à l’Amérique ». Cette grandeur, cependant, ne s’entend pas par la projection de la puissance américaine à l’extérieur, mais plutôt sur une priorité donnée au retour du bien-être et de la prospérité des Américains chez eux. Le pays « est en ruines », dit M. Trump, il faut commencer par le reconstruire. Pour le reste du monde, cela donne un signal de repli et d’isolationnisme.

On sait, en réalité, assez peu de chose sur le programme concret de Donald Trump en politique étrangère car ses conseillers dans ce domaine sont peu connus ; l’establishment washingtonien et le petit monde des think tanks spécialisés dans les relations internationales, qui conseillent habituellement les candidats en politique étrangère, se sont tenus à distance de lui et de ses vues peu orthodoxes. Mais M. Trump a régulièrement émis quelques idées maîtresses qui donnent un canevas de ce que pourrait être sa diplomatie.

Vis-à-vis de l’Europe, Donald Trump, qui a soutenu le vote en faveur du Brexit en critiquant l’Union européenne, considère qu’il appartient aux Européens de se prendre en charge et surtout de financer leur défense, plutôt que de s’abriter sous le parapluie américain. Ainsi l’OTAN ne peut fonctionner, et les Etats-Unis venir au secours d’un allié dans l’éventualité d’une attaque, que si les Etats européens augmentent leurs budgets de défense.

Placer « les intérêts américains en premier »

Donald Trump est critique de l’interventionnisme américain à l’étranger et du cycle d’opérations militaires lancé par l’administration George W. Bush. Il est, dans ce sens, anti-néo-conservateur. Le président Obama lui-même avait promis de « ramener les troupes à la maison », mais la réalité du Moyen-Orient l’a contraint à maintenir ou à lancer un certain nombre d’opérations. M. Trump se veut plus radical, tout en souhaitant augmenter la taille de l’armée américaine : pour la coalition internationale (dont la France) actuellement engagée aux côtés des États-Unis, en particulier sur le théâtre irakien et syrien, c’est une nouvelle donne. Violemment hostile aux « djihadistes », qu’il accuse Hillary Clinton d’avoir engendrés, il a promis de les « mettre KO » – mais n’a pas précisé comment.

« Nous nous entendrons avec tous les pays qui veulent s’entendre avec nous » : dans son discours de victoire, mercredi matin, le président-élu Trump a voulu se montrer conciliant, tout en précisant qu’il placerait « les intérêts américains en premier ». Un grand point d’interrogation concerne les relations avec la Russie, qui se sont gravement détériorées depuis un an. Donald Trump a, à plusieurs reprises, chanté les louanges de Vladimir Poutine, qu’il considère comme « un meilleur leader que Barack Obama », et les services de renseignement américains ont accusé la Russie d’être derrière le piratage des comptes e-mail qui ont embarrassé le camp de Hillary Clinton pendant la campagne. Mais les deux hommes ne se connaissent pas personnellement, et le président russe s’est abstenu de souhaiter publiquement la victoire du candidat républicain. Comme Vladimir Poutine, Donald Trump est sensible aux rapports de force. Sa fascination pour l’homme à poigne de Moscou ira-t-elle jusqu’à accepter certaines de ses visées sur le voisinage de la Russie (Ukraine, Géorgie) et le Moyen-Orient, voire l’idée d’un deuxième Yalta auquel aspirerait M. Poutine ? Le candidat républicain est resté très évasif sur ces questions. Mais on peut parier qu’il s’entourera de vieux routiers de la guerre froide, qui vont retrouver quelques éléments familiers dans le paysage actuel et ne seront pas disposés à brader les intérêts américains en Europe.

Donald Trump veut dénoncer l’accord de Paris sur le réchauffement climatique : le fera-t-il ? Un autre axe de sa campagne a porté sur le rejet de la mondialisation et des accords de commerce international, accusés d’avoir détruit l’emploi aux États-Unis. L’une des grandes bénéficiaires de cette mondialisation, la Chine, est donc dans son viseur. Il veut instaurer des barrières tarifaires sur les produits chinois, il rejette l’accord de libre-échange avec l’Asie TPP (Partenariat Transpacifique) et a proposé de renégocier l’accord de libre-échange avec le Canada et le Mexique conclu par Bill Clinton. Il ne s’est pas prononcé sur les tensions en mer de Chine méridionale. Sur ces très gros dossiers, cruciaux pour les Etats-Unis, il va avoir affaire à un autre homme fort, le président Xi Jinping.

Autre conséquence d’une victoire Trump : elle confortera les mouvements et leaders populistes du monde entier, de l’Europe à l’Asie. Cela aura forcément un impact sur les relations internationales.

Enfin, les institutions américaines accordent plus de latitude au président en politique étrangère qu’en politique intérieure, où les « checks and balances » servent de garde-fous. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour le reste du monde. Mais on peut aussi imaginer que la réalité et le pragmatisme amèneront le président Trump à tempérer certaines de ses vues, comme cela a été le cas pour Ronald Reagan, et que les élites républicaines de politique étrangère, après leurs réticences initiales, le rejoindront une fois au pouvoir. La période de transition, au cours de laquelle il va former sa future équipe d’ici au 20 janvier, va fournir à cet égard des indications anxieusement attendues dans le monde entier.

Sylvie Kauffmann

Source Le Monde 09/11/2016

 

 

Au Proche-Orient, Donald Trump attendu sur le dossier syrien

Le républicain semble être plutôt favorable au régime de Bachar Al-Assad, tout en rejetant l’accord nucléaire iranien.

Le Proche-Orient s’est réveillé mercredi 9 novembre sous le choc de la victoire de Donald Trump. Alors qu’Hillary Clinton, forte de ses quatre années à la tête du département d’Etat, garantissait une forme de continuité diplomatique, l’inexpérience en politique étrangère du nouveau président et son penchant pour l’autoritarisme sont lourds d’incertitudes pour la région. « Les Etats-Unis ne peuvent plus se poser en champion de la morale », a tranché sur Facebook Sultan Sooud Al-Qassemi, un célèbre commentateur des Emirats arabes unis.

C’est sur le dossier syrien que le nouveau président est évidemment le plus attendu. Durant la campagne, le candidat républicain s’était signalé par des positions plutôt favorables au régime Assad, ou du moins à son allié russe, au point de contredire publiquement son colistier, Mike Pence, qui avait appelé à « l’usage de la force militaire » contre les autorités syriennes.

« Je n’aime pas Assad. Mais Assad fait la guerre à l’Etat islamique. La Russie fait la guerre à l’Etat islamique. Et l’Iran fait la guerre à l’Etat islamique », avait déclaré M. Trump, lors du second débat télévisé avec Hillary Clinton, avant de moquer l’intention de son adversaire, en cas de victoire, d’accroître le soutien de Washington à l’opposition syrienne : « Elle veut se battre pour les rebelles. Il y a seulement un problème. On ne sait même pas qui sont les rebelles. »

Mercredi matin, avant le bouclage de cette édition, Damas n’avait pas réagi au triomphe de M. Trump. Nul doute cependant que la chute d’Hillary Clinton ravit le président syrien, Bachar Al-Assad, qui voit ainsi disparaître l’une de ses bêtes noires.

  • Crainte et attentisme dans le Golfe

Dans le Golfe, une forme d’attentisme mêlée de crainte prévaut. Une vidéo du vainqueur déclarant que les Etats du Golfe ne seraient rien sans le soutien des Etats-Unis et qu’il entend les faire payer pour reconstruire la Syrie a été retweeté des milliers de fois en l’espace d’une heure.

L’inquiétude suscitée dans les palais de la péninsule par ce genre de déclarations, la rhétorique antimusulmans et l’isolationnisme revendiqué du nouveau président est cependant tempérée par un intérêt non dissimulé pour son opposition marquée à l’accord sur le nucléaire iranien conclu par Barack Obama, « l’accord le plus stupide de l’histoire », selon M. Trump.

  • Première réaction prudente en Iran

« Prévoir ce que sera sa politique étrangère au Moyen-Orient est la chose la plus difficile qui soit, affirme le journaliste saoudien Jamal Kashoggi. Il est contre l’Iran, mais il soutient Poutine en Syrie, ce qui le range du côté de l’Iran. »

La première réaction de Téhéran est prudente. « L’Iran est prêt pour tout changement », a déclaré le porte-parole de l’Organisation de l’énergie atomique, Behrouz Kamalvandi, à l’agence semi-officielle Tasnim.

Lire aussi :   En Iran, Hillary Clinton est perçue comme « la candidate la moins pire »

  • Sentiments mêlés en Israël

Israël, de son côté, accueille la victoire de Donald Trump avec des sentiments mêlés. Son entourage est connu pour être très pro-israélien, mais le candidat a charrié dans son sillage des forces suprémacistes et antisémites. Il s’est constamment opposé à l’accord sur le nucléaire iranien, mais sans expliquer ce qu’il en ferait, une fois élu. En outre, va-t-il marquer une rupture explosive en déménageant l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem ? Il en a fait la promesse, à plusieurs reprises.

Mais auparavant, Donald Trump avait envoyé des signaux incohérents. En février, par exemple, il avait expliqué qu’il voulait être « une sorte de gars neutre » dans la recherche d’une solution au conflit israélo-palestinien. Une expression qui avait inquiété les officiels israéliens.

En mars, il avait dit qu’Israël, comme d’autres pays, « payera » pour l’aide militaire américaine, alors qu’un nouvel accord sur dix ans, d’un montant de 38 milliards de dollars, vient d’être conclu entre les deux partenaires. Depuis, il a multiplié les signaux amicaux à l’égard d’Israël. En mai, Sheldon Adelson, magnat des casinos aux Etats-Unis et soutien indéfectible de Benyamin Nétanyahou, s’était décidé à appuyer sa candidature.

Par Ghazal Golshiri (Téhéran, correspondance), Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant) et Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant)

Source : Le Monde 09/11/2016

 

LES APPUIS

 

Le phénomène Trump s’explique aussi par l’histoire du parti républicain, indique un article du Times Literary Supplement. Il est l’aboutissement d’un long conflit entre deux tendances, qui remontent à sa formation  :

  • d’un côté les «  Yankees  », anciens aristocrates et barons industriels militants de l’abolition de l’esclavage et plutôt internationalistes,
  • et de l’autre «  les cowboys  », les nouveaux riches ayant fait fortune dans l’industrie du pétrole, l’aérospatiale et la défense, et le commerce, largement plus conservateurs.

La radicalité de Trump s’explique aussi par le changement de composition du parti démocrate. Celui-ci s’est opéré dans les années 1960. Auparavant, une partie des Démocrates du Sud ne votaient ainsi parce que c’était un Républicain, Abraham Lincoln, qui avait aboli l’esclavage. Cet électorat a basculé lorsque les Démocrates ont signé le Civil Rights Act, qui mettait fin à la ségrégation de fait dans les Etats du Sud.

« Quand la droite et la gauche étaient présents dans les deux partis, l’art du compromis était l’essence même de la politique. »

Mais une fois que tous les tenants d’une droite dure (radicaux, religieux et très largement Blancs) se sont retrouvés dans le même parti, « le fait de coopérer avec les Démocrates est devenu impensable ».

C’est cette histoire là qui a rendu possible l’émergence, puis la victoire, d’un candidat comme Trump

Source : Times Literary Supplement

 

 

Guerres culturelles et alt-right

Outre le rejet des élites (telle la ploutocratie incarnée par Clinton, comme l’écrit Slate) et de la mondialisation financière, comme l’explique La Tribune, le candidat Trump répondait aussi à de puissantes tendances culturelles chez tout une partie du peuple américain.

Sur la Vie des Idées, un autre article décrit les partisans évangélistes de Trump d’une petite ville du Midwest, Pleasant Fields. Là, le secteur industriel ne s’est pas effondré, au contraire et des emplois ont récemment été créé.

« De nombreux évangélistes soutenant Trump parmi ceux que j’ai interviewés font partie de classes sociales plutôt aisées », écrit l’auteur.

Persuadés que s’est engagée une guerre pour la sauvegarde de la civilisation chrétienne, ils votent Trump contre l’Islam et les LGBT. Pour eux, rapporte l’auteur, les musulmans sont des gens d’une autre civilisation, qui maltraitent leurs femmes et veulent partout faire régner la charia. Quant aux LGBT, ils incarnent un relativisme moral qui est la fin de l’Amérique.

« Tandis que la proportion de chrétiens évangéliques blancs dans la population américaine décroît, leur sentiment d’appartenance et leur attachement à la nation demeurent très fort.

Ils continueront ainsi de se battre pour leurs croyances et leurs valeurs en dépit du résultat de l’élection. »

 

source La vie des Idées

 

 

 

 

 

 

 

 

La pensée Trump l’extrême droite

Voici une enquête (en version abonnés) sur «  l’alt-right  », l’extrême-droite extrêmement active sur le Net (où, comme le rappelle le Monde, les partisans de Trump ont été particulièrement actifs) qui soutient Trump.

Ceux-ci partagent un rejet de ce qu’ils appellent

« le mensonge égalitaire, aussi bien comme fait que comme valeur, un goût pour l’ordre hiérarchique, ainsi qu’une grille de lecture raciale de la société. »

Dans cette mouvance, certains sont des «  néoréactionnaires  », libertariens purs et durs échappés de la Silicon Valley, autoritaristes convaincus que les libertés du peuple doivent être encadrés. D’autres – la plupart – sont des nationalistes blancs, qui «  rêvent tous de restaurer la grandeur de la civilisation occidentale, aujourd’hui engluée dans la médiocrité égalitariste, consumériste et multiculturelle  ». Ils sont obsédés par la question de l’identité blanche et militent pour limiter l’immigration et expulser tous les étrangers en situation illégale. Deux points qui figurent dans le programme de campagne de Trum

Source Mediapart

 

Pourquoi l’Amérique hait les intellos

Ce court article de la revue Books rappelle quelques-unes des raisons historiques et culturelles pour lesquelles l’anti-intellectualisme, sur lequel a tant surfé Donald Trump, est si fort aux Etats-Unis.

Crise des médias et le monde « post-faits »

Au lendemain d’une victoire que la plupart des grands médias et des instituts de sondage avaient déclarée impossible, les grands médias ont commencé à faire leur examen de conscience.

Source Books

 

 

Le président Trump pourra s’appuyer sur une majorité républicaine au Congrès

 

Les républicains conservent le pouvoir à la chambre des représentants du Congrès américain (« House of representatives« , ndlr), selon les projections électorale d’Associated Press.

Les républicains ont également remporté le Sénat et continueront ainsi de contrôler l’ensemble du Congrès des États-Unis, fournissant une majorité parlementaire sur laquelle le président élu Donald Trump pourra s’appuyer, selon plusieurs médias.

En contrôlant la Maison Blanche et le pouvoir législatif, les républicains auront la capacité de défaire les réformes du président Barack Obama et notamment sa controversée réforme de l’assurance-maladie baptisée « Obamacare« .

Majorité plus courte à la House of representatives

Bien que les républicains perdent un peu de poids, ils ont remporté suffisamment de sièges pour prolonger les six années consécutives dans la majorité de la chambre des représentants.

Le Grand Old Party a recueilli au moins 222 sièges, soit plus que le seuil de 218 requis pour contrôler la chambre basse, selon le New York Times. Les démocrates en comptabilisaient au moins 158 lors des dépouillements toujours en cours peu après minuit aux USA.

Les républicains disposaient de 247 sièges durant le mandat qui se termine. Ils devraient donc bénéficier d’une plus courte majorité. L’homme fort des républicains restera Paul Ryan qui a également été reconduit.

Le Sénat aux mains des républicains

La mainmise sur le Sénat, qui vient s’ajouter à celle de la Chambre des représentants, leur permettra par ailleurs d’avoir la haute main sur le processus de nomination des plus hauts responsables gouvernementaux et des juges de la Cour suprême.

La chambre haute du Congrès, qui était renouvelée mardi à un tiers (34 membres), avait basculé dans le camp républicain en 2014, restreignant considérablement la marge de manœuvre du président Obama.

Récemment, les sénateurs républicains ont ainsi bloqué le processus de confirmation d’un juge de la Cour suprême nommé par Barack Obama après le décès d’un de ses neuf membres.

Le nouveau rapport de forces au Sénat n’était pas encore connu dans l’immédiat. Jusqu’à présent, les républicains détenaient 54 sièges et les démocrates 46.

Source RTBF 09/11/2016

 

Après Nice, une classe politique « nulle » face à une France immature

Gilles Kepel dénonce une classe politique "nulle", à propos des réactions sur l'attentat de Nice Joël Saget/Afp

Gilles Kepel dénonce une classe politique « nulle », à propos des réactions sur l’attentat de Nice Joël Saget/Afp

Sur France Inter, au lendemain de la tragédie de Nice, Gilles Kepel a dénoncé une « classe politicienne nulle » face aux changements du monde. Question: l’opinion publique française a-t-elle les politiques qu’elle mérite?

« Notre classe politicienne est nulle ». Le jugement est terrible. Surtout quand il est prononcé, au lendemain d’un événement aussi épouvantable que l’attentat de Nice, par une autorité reconnue comme le spécialiste du djihadisme Gilles Kepel. C’était ce vendredi matin, sur France Inter, où le chercheur était appelé à donner son sentiment sur les réponses politiques apportées ou suggérées par les uns et les autres face à la tragédie terroriste: « débat minable, pas du tout à la hauteur du défi. Notre classe politicienne est nulle face à cela, elle donne le sentiment de courir derrière l’événement, d’être intéressée surtout par ses chamailleries ».

Le propos touche, qui vise l’ensemble d’un personnel politique qui donne le sentiment de se raccrocher à des réflexes de posture et de communication comme dépourvus de sens, comme s’il était dépassé par la dimension historique des événements auquel il est confronté.

La sentence sans appel de Gilles Kepel ne vise pas seulement la gauche de gouvernement, François Hollande, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve. Il inclut également les gauches de la gauche, dont certains représentants, en dépit de tout bon sens, continuent de dénoncer l’Etat d’urgence, Les Républicains de Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, qui oscillent entre obligation d’union nationale et tentation polémique, et le Front national de Marine Le Pen et Florian Philippot.

A en croire Kepel, les uns comme les autres ne comprennent pas le bouleversement de l’histoire auquel ils sont confrontés.

Un problème de logiciel

D’une part, en ce qu’ils ne comprennent pas l’ennemi et son fonctionnement, pourtant transparent: « le logiciel de ce terrorisme-là n’a toujours pas été compris par le pouvoir politique, quel qu’il soit (…) On est dans une autre dimension, il ne s’agit pas de dire qu’on va faire appel à la réserve, tout le monde sait que les forces de l’armée et de la police sont épuisées ».

D’autre part, en ce qu’ils n’en discernent l’objectif, présent en toutes lettres dans « les textes mis en ligne depuis 2005 par ce djihadisme de troisième génération: il faut épuiser les forces de l’ordre et il faut faire en sorte que la société, qui est totalement déboussolée, se prépare à une logique de guerre civile entre enclaves de confessions différentes ».

Face à ce danger, le gouvernement, chaque fois dans l’urgence, procède à des annonces qui ont pour objet de rassurer, autant que faire se peut, l’opinion. A chaque tragédie, le curseur du déploiement des forces policières et militaires monte d’un cran. Après Nice, c’est la Réserve qui est convoquée. Et l’état d’urgence maintenu pour trois mois encore. Le gouvernement pouvait-il faire autrement, dans les heures qui suivent un acte de la nature de celui commis à Nice? Non. Il fallait envoyer des signaux de rassurance l’opinion inquiète. Mais cette même opinion inquiète, en demande d’actes immédiats, sait aussi que ce qui a eu lieu à Nice relève de la menace auscultée par Gilles Kepel. Des sentinelles déployées ici et là ne suffisent pas à empêcher un individu déterminé à passer l’acte.

Partenaire du gouvernement, ses oppositions de droite, d’extrême droite et d’extrême gauche paraissent aussi éprouver de la peine à se hisser à la hauteur du rendez-vous de l’histoire. On ne sait pas encore tout du scénario de la tragédie de Nice que certains sont déjà affairés à dénoncer le pouvoir en place, à l’accuser les uns à dénoncer le manque de précautions et les failles sécuritaires, à l’image d’un sénateur LR, Philippe Dallier, qui s’est empressé de s’en prendre sur Twitter à François Hollande et Manuel Valls (avant de faire machine arrière toute), les autres à persévérer dans une dénonciation de l’état d’urgence devenue vide de sens. De ce point de vue, Kepel n’a pas tort de pointer ces « chamailleries » vaniteuses.

Gilles Kepel souligne, sans doute à juste titre, les failles des politiques. Mais il devrait aussi s’interroger sur l’état de cette même opinion, en fonction de laquelle les politiques réagissent, cette opinion qui leur demande encore et encore des mesures, des policiers, des troupes et des moyens, mais qui ne fait pas encore toujours la démonstration d’une maturité politique à la hauteur de l’enjeu.

Combien d’autruches béates?

On se souvient, par exemple, de la sortie d’un humoriste face à Manuel Valls, invité de l’émission On n’est pas couché, sur France 2, quelques semaines après les attentats du 13 novembre. Alors que le Premier ministre tentait de faire dans la pédagogie de guerre en période terroriste expliquée à un peuple qui en a perdu l’usage depuis la fin de la Guerre d’Algérie, Jérémie Ferrari s’était abandonné à l’une de ces sorties médiatiques qui caractérisent l’époque: « Vous avez dit qu’on était en guerre. Non, non, non! Vous, votre gouvernement est en guerre, nous on n’est pas en guerre. Nous, on se fait tirer dessus quand on va voir des concerts. Vous êtes en guerre, le gouvernement est en guerre, pas nous! »

On rappelle ici la saillie de l’humoriste prétendant au rôle de penseur parce qu’elle est emblématique du problème français. Déni de l’histoire. Refus de la réalité. Fuite. Dérobade. A l’époque, il s’était trouvé bien des gens pour saluer la sortie de Jérémie Ferrari, qui avait cloué le bec de Manuel Valls en se posant en pacifiste qui ne veut faire la guerre à personne. Cette anecdote disait pourtant toute la difficulté de faire de la politique, sous menace terroriste, face à une opinion qui ne veut pas comprendre que l’histoire redevient tragique. Combien de Jérémie Ferrari en France, à droite ou à gauche, à l’extrême droite et à l’extrême gauche? Combien d’autruches béates, la tête enfouie dans les caves de la Ligne Maginot des idéalités infantiles?

La classe politicienne est-elle « nulle » parce qu’elle est, aussi, confrontée à une opinion publique anesthésiée par un demi-siècle de paix, et qui serait devenue en grande partie toute aussi « nulle »? La question mérite d’être posée. Et vite.

Si, comme le dit Kepel, notre classe politique est nulle, tétanisée par une opinion fragmentée, clivée et divisée, le risque est alors grand de voir triompher la stratégie déployée par les ennemis de la France, à savoir « faire en sorte que la société, qui est totalement déboussolée, se prépare à une logique de guerre civile entre enclaves de confessions différentes ». Soit la possible réalisation de l’analyse développée par le directeur de la DGSI Patrick Calvar, qui, auditionné dans le cadre de la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de 2015, a déclaré : « la confrontation entre l’ultra-droite et le monde musulman inéluctable ».

Cette perspective est-elle inéluctable? De Hollande à Sarkozy, en passant pas Juppé et Valls, les politiques vont devoir convaincre du contraire. Convaincre Jérémie Ferrari et ses semblables, voilà l’urgence. Et pour ce faire, relire Mendès France, l’apôtre du convaincre en démocratie : « Pour les dirigeants d’abord. Le premier devoir, c’est la franchise. Informer le pays, le renseigner, ne pas ruser, ne pas dissimuler ni la vérité ni les difficultés ; ne pas éluder ou ajourner les problèmes, car dans ce cas, ils s’aggravent ; les prendre de face et les exposer loyalement au pays, pour que le pays comprenne l’action du gouvernement ». Pour ne pas être « nul » aux yeux de Kepel, il faut sans doute renouer avec Mendès.

Source : Challenges 15/07/2016

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Etats-unis : Hillary Clinton et Donald Trump face au casse-tête du Proche-orient

Hillary-Clinton-candidate-d-mocrate-pr-sidentielle-am-ricaineLa fusillade meurtrière d’Orlando aux États-Unis a atteint de plein fouet la campagne des deux candidats à la présidence qui doivent s’affronter dans les urnes le 8 novembre 2016. Elle ne sera pas sans conséquences sur leur attitude face à des dossiers aussi brûlants que l’islam et le Moyen-Orient, en proie à des bouleversements politiques, communautaires et militaires exceptionnels. Outre le front ukrainien et la tension en mer de Chine, les crises syrienne et irakienne et leur corollaire Daech, les suites de l’accord sur le nucléaire iranien et le conflit israélo-palestinien sont les dossiers de politique étrangère les plus brûlants que Barack Obama s’apprête à léguer à son successeur.

Quelle sera l’attitude d’Hillary Clinton et Donald Trump face à ces casse-têtes?  Seule l’évolution de ces foyers de tension le dira, même s’il existe un début de réponse pour chacun.

Hillary Cliton affiche une tendance interventioniste
Forte de son expérience d’ex-première dame des Etats-Unis et d’ex-secrétaire d’Etat sous la présidence Obama, Hillary Clinton est solidement rodée à ces terrains friables.

La candidate démocrate à la Maison Blanche a clairement affiché dans sa campagne une tendance interventionniste dans les zones de crises, par opposition au président sortant qui lui apporte désormais son soutien.

Dans le conflit qui oppose Israéliens et Palestiniens depuis plus de soixante-dix ans, l’épouse de Bill Clinton, l’homme qui a accueilli la première poignée de mains entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, donne la priorité à la sécurité de l’Etat hébreu tout en restant partisane d’une solution à deux Etats.

Lors de l’incontournable passage devant l’American Israel Public Affaires Committe (AIPAC), le principal lobby américain pro-israélien, elle a ironisé sur son rival républicain. «Oui, nous avons besoin de constance, a-t-elle assuré, pas d’un président qui dit qu’il est neutre le lundi, pro-Israël le mardi et on ne sait quoi d’autre le mercredi, parce que tout est négociable. La sécurité d’Israël n’est pas négociable».

Donald Trump veut «redonner à l’Amérique sa grandeur» 
De son côté, le candidat républicain Donald Trump a construit sa campagne sur le mot d’ordre «redonner à l’Amérique sa grandeur», tout en laissant croire qu’il se désintéressait des questions internationales ou encore qu’il prônait un isolationnisme pour mettre le pays à l’abri des tumultes du monde.

Donald-Trump-candidat-r-publicain-pr-sidentielle-am-ricaineMais, «quand je serai président, a-t-il déclaré à son tour devant l’AIPAC, il en sera fini des jours où l’on traitait Israël comme un citoyen de seconde zone». Il s’est même engagé «à reconnaître Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreu et à transférer l’ambassade américaine de la Tel Aviv à la Ville sainte», tout en se disant, lui aussi, favorable à la solution des deux Etats.

Et comme il ne tergiverse pas non plus sur la sécurité d’Israël, il a juré de «démanteler l’accord catastrophique signé entre les grandes puissances et l’Iran sur son programme nucléaire», ajoutant : «Obama est peut-être la pire chose qui soit jamais arrivée à Israël».

Sur ce dossier, Hillary Clinton a soutenu l’accord avec l’Iran, en dépit de son amitié avec le Premier ministre israélien. Elle se dit toutefois prête à rétablir les sanctions unilatérales contre Téhéran en cas de non respect des engagements, voire à engager des actions militaires si besoin.

Des positions fluctuantes sur la Syrie, l’Irak et Daech
Concernant les crises syrienne et irakienne et l’apparition du phénomène Daech, les deux candidats ont des positions qui fluctuent au rythme des événements.

Dans un email daté de décembre 2012 et révélé par Wikileaks en mai 2016, celle qui n’était encore que secrétaire d’Etat avait écrit : «la meilleure manière d’aider Israël à gérer la capacité nucléaire grandissante de l’Iran est d’aider à renverser le régime de Bachar al-Assad».

On ne s’étonnera donc pas qu’elle soit favorable à une intervention en Syrie, comme elle l’avait été pour la Libye. Ralliée bon gré mal gré à la politique résolument pacifiste de Barack Obama, elle pourrait renouer avec son choix premier pour redonner aux Etats-Unis son rang de «gendarme du monde» comme elle le souhaite.

Quant à Daech, elle estime que «la création de l’Etat islamique est principalement et avant tout le résultat d’une situation désastreuse en Syrie causée par Bachar al-Assad qui est appuyé par l’Iran et la Russie».

Des perceptions opposées de Vladimir Poutine
Une manière de souligner la relation exécrable qu’elle entretient avec Vladimir Poutine. En mars 2014, elle avait dit à son propos : «si vous avez l’impression d’avoir déjà vu ce qui se passe en Ukraine, c’est parce que c’est ce qu’a fait Hitler dans les années 30».

Donald Trump, qui respecte Vladimir Poutine parce qu’il est «un homme respecté», préconise de laisser au Président russe et à son protégé Bachar al-Assad le soin de régler leur compte aux combattants de l’organisation de l’Etat islamique.

Plus globalement, le candidat à la coiffure coiffure excentrique regrette le temps de Moammar Kadhafi et de Saddam Hussein. «Le monde était meilleur avec eux» dit-il, parce qu’ils ne laissaient pas le choix aux terroristes, «ils les tuaient immédiatement».

Des rapports orageux avec les pétromonarchies du Golfe
Enfin, en ce qui concerne les relations avec les pétromonarchies du Golfe, les deux candidats entretiennent les mêmes rapports orageux avec des pays pourtant alliés.

«Il est plus que temps que les Saoudiens, les Qataris, les Koweitiens et d’autres empêchent leurs ressortissants  de financer des organisations extrémistes», a déclaré Hillary Clinton après le massacre homophobe d’Orlando.

Quant à Donald Trump, qui veut purement et simplement interdire l’entrée des musulmans sur le territoire américain, il estime que les Etats-Unis «protègent les Saoudiens en échange de presque rien. Et sans notre protection, ajoute-t-il, ils ne survivraient pas plus d’une semaine».

Alain Chémali

Source : Geopolis15/06/2016

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Les accords Sykes-Picot : cause des tensions au Proche-Orient ?

 

 Carte des accords Sykes-Picot (archives britanniques) © AFP


Carte des accords Sykes-Picot (archives britanniques) © AFP

16 mai 1916. En pleine bataille de Verdun, Anglais et Français pensent déjà à l’après-guerre. Deux hommes, deux diplomates, vont négocier et se partager une grande partie du monde arabe, alors sous contrôle de l’Empire ottoman, allié de l’Allemagne. Ce seront les accords Sykes-Picot, qui après guerre créeront les frontières du Proche-Orient. Frontières qui n’ont que peu bougé depuis.

D’un côté les armées s’affrontaient. En Europe occidentale, la bataille de Verdun battait son plein. A l’est de la Méditerranée, les Franco-Anglais se retiraient de la sanglante bataille des Dardanelles contre les Turcs alliés des Allemands. Plus au Sud, l’officier britannique T.E.Lawrence est envoyé en Arabie pour aider les nationalistes arabes, menés par le chérif de La Mecque, à lutter contre les Ottomans dont l’empire s’étend jusqu’au Sinaï.

De l’autre, les diplomates commençaient déjà leurs tractations. Angleterre et France avaient un œil sur le Proche-Orient en pensant à l’après guerre. Deux diplomates, bons connaisseur de la région, Mark Sykes et François Georges-Picot, vont travailler sur un partage de la région entre les deux grandes puissances. L’accord, signé le 16 mai 1916, est un des accords de partage des dépouilles de l’Empire ottoman.

L’accord en lui même ne définit pas les frontières futures de la région, mais les deux grandes zones d’influence entre la France et l’Angleterre. Les autres grandes puissances alliées sont informées de ce traité, qui sera communiqué aux autres pays par les Russes après la Révolution… dans le cadre de leur lutte contre la diplomatie secrète.

Carte du partage du Proche-Orient, version Sykes-Picot 1916 (Image tirée d'un article de Julie d’Andurain sur lesclesdumoyenorient.fr © lesclesdumoyenorient.fr

Carte du partage du Proche-Orient, version Sykes-Picot 1916 (Image tirée d’un article de Julie d’Andurain sur lesclesdumoyenorient.fr © lesclesdumoyenorient.fr

 

 

 

 

 

 

 

«Je veux aussi Jérusalem, a continué Lloyd George»

La France voulait conserver son influence sur la côte syrienne tandis que Londres entendait surtout préserver son contrôle sur le canal de Suez. Jérusalem aurait pu constituer le seul pôle de friction entre les deux puissances coloniales, mais un accord fut trouvé. «Les Français administreront directement une zone allant du littoral syrien jusqu’à l’Anatolie ; la Palestine sera internationalisée (condominium franco-britannique de fait) ; la province irakienne de Basra et une enclave palestinienne autour de Haïfa seront placées sous administration directe des Britanniques ; les Etats arabes indépendants confiés aux Hachémites seront partagés en deux zones d’influence et de tutelle, l’une au Nord confiée aux Français, l’autre au Sud aux Britanniques. La ligne dite Sykes-Picot, qui divise le Proche-Orient, doit aussi permettre la construction d’un chemin de fer britannique de Bagdad à Haïfa», détaille l’historien Henry Laurens.

Les suites de la guerre obligeront les deux puissances à affiner leurs décisions. C’est ainsi qu’après la fin de la guerre, raconte Henry Laurens citant un diplomate britannique, que les Anglais obtinrent Mossoul et Jérusalem à la suite d’une rencontre entre les leaders des deux pays: «Clemenceau dit : « Bien. De quoi devons-nous discuter? » « De la Mésopotamie et de la Palestine », répondit Lloyd George. « Dites-moi ce que vous voulez », demanda Clemenceau. « Je veux Mossoul », dit Lloyd George. « Vous l’aurez », a dit Clemenceau. « Rien d’autre? Si, je veux aussi Jérusalem », a continué Lloyd George. « Vous l’aurez », a dit Clemenceau.»

Les frontières seront fixées par les traités de Sèvres (août 1920) et le traité de Lausanne (1923), dans le cadre des mandats accordés aux deux grandes puissances par la Société des Nations pour gérer leur zone d’influence. C’est là que naissent une partie des frontières actuelles. Le Liban, Israël émergeront plus tard tandis que la Turquie récupèrera une partie de son territoire perdu dans la région d’Alexandrette.

Dans le découpage, le pétrole n’est pas oublié et les Français qui ont lâché Mossoul et ses promesses de pétrole récupèreront environ un quart des droits d’exploitation… Quant aux indépendantistes arabes, ils devront se contenter de quelques miettes alors qu’en Syrie les Français materont toute velléité d’indépendance, loin des engagements de Lawrence d’Arabie

Thomas Edward Lawrence (Lawrence d'Arabie) : autoportrait pour son livre autobiographique «Les Sept Piliers de la sagesse». © AFP/THE ART ARCHIVE

Thomas Edward Lawrence (Lawrence d’Arabie) : autoportrait pour son livre autobiographique «Les Sept Piliers de la sagesse». © AFP/THE ART ARCHIVE

Une contestation permanente

«La ligne de partage n’avait pas de rationalité autre qu’une idée simpliste : tout ça, c’est du sable, on trace un trait, on ne tient pas compte des territoires des tribus, des tracés de fleuves, des voies de communication, de la géographie. C’est une ligne purement géométrique. Tout a été fait avec désinvolture», affirme aujourd’hui l’historien James Barr à propos de ces accords. Pourtant, les frontières qui en sont issues tiendront, malgré des remises en cause périodiques. L’arrivée de Nasser au pouvoir et son combat pour le panarabisme avait pour idée de fédérer une nation arabe. «Le panarabisme prôné par Nasser s’opposait de facto aux frontières ayant découlé des accords Sykes-Picot mais également à celles promulguées par les puissances européennes», raconte le site Sowt al-ArabLa République arabe unie, proclamée en 1958, permit à la Syrie, à l’Egypte ainsi qu’au Yémen du Nord pendant une courte durée de s’unir sous la forme d’un Etat fédéral. Cette union ne fut qu’éphémère. Elle pris fin dès 1961. Les nationalismes et les intérêts locaux ont montré que les frontières avaient la vie dure.

La dernière contestation en date, religieuse celle-là, est venue de Daech qui a symboliquement abattu la frontière entre la Syrie et l’Irak, avec l’idée d’unifier un monde musulman en s’appuyant sur le mythe d’un califat.

«L’Etat islamique remet tout cela en cause aujourd’hui. Sa position consistant à dénoncer les accords Sykes-Picot comme un accord occidental et colonialiste est un peu facile. Cela participe d’une propagande anti-occidentale quelque peu ridicule et sans réel fondement. Mais ceux qui ne s’y trompent pas, ce sont les bien les héritiers de Fayçal et d’Ibn Séoud, qui sont encore aujourd’hui les alliés des Occidentaux. Ces deux grandes familles ont fini par accepter, et ce, depuis longtemps, les frontières du Moyen-Orient dressées par Mark Sykes et François Georges-Picot. Ils savent en effet très bien que la volonté de l’EI de renégocier ces accords est un prétexte pour se débarrasser d’eux»
Source Géopolis 17/05/2016
Voir aussi : rubrique Histoire, rubrique Géographie, rubrique Moyen Orient, Irak, Syrie, Palestine,