Heinrich Hoffmann une propagande par l’image particulièrement élaborée.
Expositions
Après la saison 2017 consacrée à la photographie américaine, sous la direction artistique de Gilles Mora, le Pavillon populaire consacrera sa prochaine saison au rapport entre Histoire et photographie.
En 2018, Le Pavillon populaire délaisse un temps la dimension esthétique du médium photographique pour se consacrer au rapport entre la photographie et l’Histoire. Pour ce faire, le maître des lieux Gilles Mora a dessiné les contours d’une programmation originale établie à partir de trois approches historiographiques et critiques relatives à la tradition documentaire. Les commissaires d’exposition de chacune des propositions font référence dans leur domaine. Ce qui permet au Pavillon populaire géré par la ville de Montpellier (34) de maintenir son offre qualitative et exclusive qui fonde désormais sa réputation.
Un dictateur en images
« Aborder le rapport entre la photographie et l’histoire dans le cadre d’une saison entière, c’est aussi se préparer à des rapports délicats qui peuvent susciter des explosions idéologiques. On ne peut pas faire preuve d’amateurisme en la matière », indique Gilles Mora en soulignant le courage politique du maire Philippe Saurel qui l’a suivi dans ce projet, notamment sur l’exposition Un dictateur en images consacrée au photographe d’Adolf Hitler Heinrich Hoffmann. « Le Mémorial de la Shoah a donné son accord. » Il présentera parallèlement l’exposition Regards sur des ghettos d’Europe orientale (oct 1939- août 1944). Une série d’images qui exprime la négation du destin des hommes qui en sont eux-mêmes conscients.
Toutes les images du Troisième Reich, et singulièrement dans les manuels d’histoire, proviennent de Heinrich Hoffmann. « Elles ne sont pas signées et on les considère comme des images authentiques, souligne le commissaire de l’exposition Alain Sayag. Il est indispensable de les recontextualiser dans un système de propagande où l’image jouait un rôle majeur dans la manipulation des masses. » L’exposition se propose de participer à une mise au point de cette imagerie qui exerce un matraquage en réitérant les mêmes scènes à l’infini. Une louable entreprise, d’autant plus utile que ces images sont régulièrement exploitées dans la presse.
Germaine Tillion, une « Azaria » (femme libre) avec un groupe d’hommes, marché annuel de Tiskifine , août 1935.
Aurès 1935
A la croisée de la photographie documentaire, de l’ethnologie et du colonialismeAurès 1935 témoigne d’un moment précis de la recherche ethnographique. Fin 1934, deux jeunes chercheuses, Thérèse Rivière (1901-1970) et Germaine Tillion (1907-2008), se voient confier par le Musée d’ethnographie du Trocadéro une mission d’étude qui les conduit pour plusieurs années en Algérie à la lisière du Sahara. Placée sous le patronage de Christian Phéline l’exposition permet une approche des Chaouis qui conservent leur économie agropastorale. La population berbère se livre au regard des ethnographes dans une société encore préservée des grandes expropriations foncières programmées par la présence coloniale. Les photographies exposées sont tirées d’un fond découvert au début des années 2000 dans une boîte de chaussures en Allemagne.
Manifestant en deuil au King Memorial Service, Memphis, 1968, Bon Adelman
I am a Man
L’exposition tient son nom d’un cliché représentant un manifestant noir, en deuil – il tient une pancarte affichant « I am a man » – en 1968. Elle se consacre à la photo documentation faite par les journalistes du Sud des Etats-Unis. Un travail anonyme qui retrace le contexte de lutte pour les droits civiques juste avant la loi de 1969 qui met officiellement fin à la ségrégation. Il en va, chacun le sait, tout autrement dans la pratique comme le démontre la résurrection actuelle du suprématisme blanc outre-Atlantique. Cette programmation engagée se réfère à l’Histoire sans jamais se couper des allers-retours entre le passé et le présent.
Calendrier Aurès, 1935. Photographies de Thérèse Rivière et Germaine Tillion. Des portraits en noir et blanc s’inscrivant dans une histoire esthétique et sociale de la photographie. Du 7 février au 15 avril 2018.
Un dictateur en images. Photographies de Heinrich Hoffmann, et Regards sur les ghettos (Un accrochage double.) Première exposition vraiment consacrée à Heinrich Hoffmann, et au travail de ce photographe autour d’Adolf Hitler. L’homme a été, pendant 23 ans, le photographe personnel du Führer. Du 27 juin au 16 septembre 2018.
I am a Man. Photographies et luttes pour les droits civiques dans le Sud des Etats-Unis, 1960-1970. à découvrir du 17 octobre 2018 au 6 janvier 2019.
Nous connaissons actuellement des records historiquement élevés de déplacements. 65,6? millions de personnes dans le monde ont été forcées de fuir leur foyer, soit un chiffre sans précédent. On compte parmi elles presque 22,5 millions de réfugiés dont plus de la moitié a moins de 18 ans.
Il existe aussi 10 millions de personnes apatrides qui ont été privées de nationalité et d’accès aux droits élémentaires comme l’éducation, les soins de santé, l’emploi et la liberté de circulation.
Dans un monde où près de 20 personnes sont déracinées chaque minute à cause des conflits ou des persécutions, notre travail au HCR est plus important que jamais.
L’ambassadeur Riyad Mansour, observateur permanent de la Palestine aux Nations-Unies, lors de l’assemblée générale à New York. / SPENCER PLATT/AFP
Une large majorité d’États membres a approuvé le texte dénonçant la décision américaine sur la Ville Sainte, un nouveau camouflet pour Washington
Comme prévu par les connaisseurs avisés de l’ONU, la résolution sur Jérusalem a recueilli une large majorité des suffrages parmi les 193 membres de l’Assemblée générale. Au total, 128 États ont approuvé ce texte soumis au vote jeudi 21 décembre, à New York, et condamnant la reconnaissance américaine de la Ville Sainte comme capitale d’Israël. Aussi, 35 pays ont décidé de s’abstenir et 9 l’ont rejeté.
Dans la foulée, les Palestiniens ont vu dans cette large majorité la preuve d’un soutien international dont ils se sont félicités. Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, avait quant à lui rejeté les résultats par avance, qualifiant les Nations unies de « maison de mensonges ».
Réaction au véto américain
Le vote résulte d’une proposition commune du Yémen et de la Turquie, que les deux pays ont faite au titre de la présidence du Groupe des pays arabes à l’ONU pour le premier, et du sommet de l’Organisation de la Coopération islamique (OCI) pour le second. Dans une lettre datée de lundi 18 décembre, leurs représentants aux Nations unies avaient demandé « la poursuite urgente » de la session spéciale de l’Assemblée à générale « à la lumière du véto des États-Unis » intervenu un peu plus tôt le même jour.
Une référence au rejet par Washington d’un projet de texte présenté au Conseil de sécurité par l’Égypte afin de rendre « nulle et non avenue » la décision de Donald Trump. Des quinze membres du Conseil de sécurité, les États-Unis avaient alors été les seuls à s’opposer à la résolution égyptienne. Les quatorze autres, qu’ils soient permanents comme la Chine, la Russie, la France et le Royaume-Uni, ou non, comme le Sénégal, la Suède ou le Japon, l’avaient approuvé. Un camouflet pour les États-Unis qui, malgré leur droit de veto, ont alors pu mesurer leur isolement diplomatique.
Menaces vaines
Pour éviter un nouveau revers jeudi 21 décembre, Washington avait multiplié les pressions à l’approche du vote de l’Assemblée générale où, si les textes approuvés ne sont pas contraignants, aucun veto n’est possible contrairement au Conseil de sécurité. « Nous nous en souviendrons quand on nous demandera encore une fois de verser la plus importante contribution », avait menacé Nikki Haley, la représentante américaine à l’ONU, avant même le scrutin. Plus tôt, elle avait déjà prévenu :« Le président observera attentivement ce vote et il a demandé que je lui signale les pays qui auront voté contre nous », avait ainsi prévenu Nikki Haley, la représentante américaine à l’ONU. Des menaces qui n’ont pas porté leurs fruits.
En égalant quasiment leur dernier score aux élections régionales, les indépendantistes catalans posent un défi majeur à l’unité de l’Espagne et au gouvernement de Mariano Rajoy qui tablait sur ce scrutin pour les affaiblir.
Les Catalans, qui ont battu avec près de 82% de votants le record historique de participation dans la région, ont accordé jeudi 47,6% des voix aux indépendantistes et près de 52% des suffrages aux partis défendant l’unité de l’Espagne.
La loi électorale catalane prévoit un système de pondération des voix qui avantage les provinces rurales, où les indépendantistes sont très implantés, d’ou leur victoire en sièges au parlement régional.
Les trois partis indépendantistes obtiennent 70 élus sur 135, deux de moins qu’en 2015, semblant avoir atteint un plafond. Ils pourront donc gouverner s’ils arrivent à former une coalition.
Au sein des sécessionnistes, les Catalans ont placé en tête, avec 34 sièges, la liste « Ensemble pour la Catalogne » de l’adversaire numéro un de Rajoy: Carles Puigdemont, président du gouvernement destitué par Madrid après la déclaration d’indépendance du 27 octobre et exilé en Belgique.
Après le référendum d’autodétermination interdit du 1er octobre, émaillé de violences policières, puis la proclamation de cette « république catalane » restée sans effets, la région avait été mise sous tutelle et le parlement dissous en vue de nouvelle élections.
« L’Etat espagnol a été vaincu. Rajoy et ses alliés ont perdu! », a clamé depuis Bruxelles M. Puigdemont.
– Président exilé, vice-président en prison –
Mais, si les indépendantistes arrivent à s’entendre pour gouverner, quels seront les membres du cabinet régional ?
M. Puigdemont est inculpé pour « rébellion » et « sédition » et s’il rentre en Espagne, il sera arrêté.
Le chef du deuxième parti indépendantiste, Oriol Junqueras, son vice-président, lui aussi poursuivi, et déjà en prison.
M. Puigdemont avait déclaré le 12 décembre qu’il reviendrait en Espagne s’il pouvait être investi président. Rien ne s’oppose en principe à ce qu’un dirigeant politique poursuivi soit investi, puisqu’il n’est pas condamné. Mais encore faut-il qu’il reste libre.
Et dans son entourage, on laissait entendre, avant le scrutin, qu’il faudrait « qu’on lui permette de rentrer », autrement dit qu’il n’y ait pas d’arrestation à la clef. Il « pourra alors commencer une négociation ».
Vendredi matin, M. Puigdemont devrait en dire plus lors d’une conférence de presse prévue vers 10H30 (09H30 GMT) à Bruxelles.
M. Rajoy, silencieux jeudi soir, pourrait s’exprimer dans l’après-midi après une réunion avec son Parti populaire, laminé en Catalogne où il est passé de 11 à 3 sièges.
Juste après l’annonce des résultats, un électeur indépendantiste de gauche évoquait « une sensation étrange »: « Nous gagnons en députés mais pas en nombre de voix », disait Fran Robles, médecin de 26 ans. « Donc chaque camp pourra se proclamer vainqueur. Cela reflète bien la réalité, qui est que la Catalogne est politiquement divisée et que la seule façon de trancher la question est de la poser clairement dans un référendum ».
« Avec ce résultat, le message à l’Espagne est: asseyez-vous pour parler », assurait un sympathisant indépendantiste à Barcelone, Francesc Portella, 50 ans, professionnel du marketing.
Il va bien falloir qu’à Madrid « ils cèdent sur des choses qui leurs déplaisent. S’asseoir et dialoguer », a dit aussi à l’AFP le sociologue Narciso Michavila, dirigeant d’un institut de sondages à Madrid.
Mais les Catalans partisans de l’Espagne, aussi, veulent être pris en compte.
Poussés à s’impliquer face au risque réel de rupture unilatérale, ils avaient finalement manifesté en masse depuis octobre, inondant aussi les rues de leurs drapeaux rouge-jaune-rouge.
Un parti libéral et anti-indépendantiste a obtenu le plus grand nombre de sièges au parlement, Ciudadanos, avec 37 élus.
« Les partis nationalistes ne pourront plus jamais parler au nom de toute la Catalogne, car la Catalogne c’est nous tous », a martelé sa dirigeante catalane, Inès Arrimadas.
Selon Narciso Michavila, la réalité économique s’imposera aussi aux indépendantistes, qui devront mettre de l’eau dans leur vin pour stopper la dégringolade du tourisme et des investissements depuis début octobre.
L’élite catalane – dont certains membres sont proches du parti conservateur PDeCat de M. Puigdemont – « sait qu’elle doit récupérer le tourisme et l’économie », dit-il.
Au premier rang et de gauche à droite, le ministre de l’Intérieur, Herbert Kickl, la ministre de la famille, Juliane Bogner-Strauß, la ministre des Affaires étrangères, Karin Kneissl, le vice-chancelier Christian Strache, le chancelier Sebastian Kurz, la ministre de l’environnement, Elisabeth Koestinger, le ministre de la culture, Gernot Bluemel, la ministre des Sciences Margarete Schramboeck et le ministre des Transports, de l’Innovation, de la Technologie et de la recherche, Norbert Hofer. Au second rang, de gauche à droite ?: le secrétaire d’Etat aux Finances, Hubert Fuchs, le ministre de l’Education, Heinz Fassmann, la ministre de la Santé, des Affaires sociales et du Travail, Beate Hartinger, la ministre des Finances, Hartwig Loeger, le ministre de la Défense, Mario Kunasek, le ministre de la Justice, Josef Moser et la secrétaire d’état, Karoline Edtstadler lors de la cérémonie d’inauguration du nouveau gouvernement à Vienne, le 18 décembre 2017. / Hans Punz/AFP
Heinz-Christian Strache
Vice-chancelier
Ministre de la fonction publique et des sports
? À 48 ans, ce prothésiste dentaire de formation au physique de gendre idéal est à l’aise aussi bien dans les boîtes de nuit et sur les réseaux sociaux que dans les arcanes partisans.
? Amateur d’échecs, « remarquable communiquant, il se distingue par son sens de la formule et par son talent d’appareil, estime Patrick Moreau, spécialiste de l’extrême droite au CNRS à Strasbourg. Il a progressivement adapté son discours au jeu démocratique, en choisissant des termes plus neutres et acceptables ». Nonobstant ses douteuses affinités néonazies de jeunesse, il est devenu peu à peu « fréquentable » grâce à ses habiles précautions langagières.
? Policé à l’extérieur, il demeure radical à l’intérieur. Partisan d’une ligne très dure sur l’immigration, il estime que « l’islam n’a pas sa place en Autriche ».
Karin Kneissl
Ministre des affaires étrangères
? Cette universitaire polyglotte de 52 ans, diplômée de l’université américaine de Georgetown et de l’École nationale d’administration (ENA), est une experte reconnue du Moyen-Orient.
? Proche du FPÖ, bien que n’étant pas formellement membre du parti, elle a fréquemment vilipendé dans la presse autrichienne l’islam politique et les choix migratoires d’Angela Merkel.
? Il est à prévoir qu’elle entrera en conflit avec la Commission européenne – sans pour autant remettre en cause la place de l’Autriche dans l’UE – pour obtenir des gains politiques.
Herbert Kickl
Ministre de l’intérieur
? Considéré comme une éminence grise, ce stratège de l’ombre a conçu les campagnes électorales et théorisé le recentrage de l’image du FPÖ, afin de l’amener au pouvoir.
? Issu d’un milieu modeste, « doté d’un sens politique extrêmement développé, idéologue très radical, il est en quelque sorte le cerveau de Strache, son cardinal Mazarin », confie Patrick Moreau.
Mario Kunasek
Ministre de la défense
? Jeune dirigeant régional du parti, Mario Kunasek, 41 ans, représente l’un des nouveaux visages promus au gouvernement.
Cet ancien officier de carrière a été l’un des analystes de la politique militaire de l’Autriche – pays à tradition de neutralité.
? Au sein d’un gouvernement partiellement pro-russe, il sera notamment en charge du dossier de l’acquisition d’équipements communs et ne devrait pas, a priori, bloquer des quatre fers la dynamique de Défense européenne.
Norbert Hofer
Ministre fédéral des transports, de l’innovation, de la technologie et de la recherche
? Après avoir été vice-président du Parlement et candidat à l’élection présidentielle, il est à 46 ans un fin politicien et l’un des hommes forts de ce gouvernement.
? Ce technicien aéronautique de formation aurait apparemment choisi lui-même son ministère, déclinant les Affaires étrangères et l’Intérieur « pour ne pas attirer à lui les dossiers épineux et ménager son avenir politique », précise Patrick Moreau.
? D’apparence lisse et mesuré, citant volontiers Margaret Tatcher et Charles de Gaulle, cet homme se présente comme un défenseur inflexible des valeurs traditionalistes du FPÖ.
? Très hostile à l’immigration, il considère que l’Autriche appartient à la « communauté culturelle allemande ».
Beate Hartinger-Klein
Ministre fédéral de la santé, des affaires sociales et du travail
? Cette femme politique de 58 ans, dont la carrière professionnelle a gravité autour du périmètre de son actuel ministère (santé, sécurité sociale, éducation), n’est certes pas la personnalité la plus forte du gouvernement (elle aurait été choisie par défaut parmi la base restreinte de « ministrables » du FPÖ)?;
? Elle devra toutefois incarner l’offre sociale du parti et prendre en charge des réformes importantes, notamment dans le domaine de la santé, réformes qui s’annoncent conflictuelles.
Benjamin Boutin
Source La Croix 18/12/2017
Editorial du « Monde ».
En Autriche, l’extrême droite banalisée
La nomination comme vice-chancelier de Heinz-Christian Strache, proche des néonazis dans sa jeunesse, et de deux ministres d’extrême droite aux postes régaliens n’a pas suscité l’indignation.
Où est passée Elfriede Jelinek ? Le silence de la Prix Nobel de littérature autrichienne symbolise, à lui seul, les changements majeurs survenus en Europe en moins de deux décennies. En 2000, le pacte inédit dans l’Union européenne entre les conservateurs autrichiens et l’extrême droite avait suscité une vague d’indignation dont elle est restée l’égérie. L’Europe avait voté des sanctions. L’Autriche avait été boycottée. On parlait de cordon sanitaire. Et pourtant, le sulfureux Jörg Haider avait renoncé à un strapontin et le président conservateur Thomas Klestil avait barré la route à deux personnalités ouvertement xénophobes.
Dix-sept ans plus tard, quel spectacle stupéfiant que de voir, samedi 16 décembre, le président autrichien, l’écologiste Alexander Van der Bellen, entériner la nomination comme vice-chancelier de Heinz-Christian Strache, proche des néonazis dans sa jeunesse. Tout aussi sidérante, l’annonce de la nomination de deux ministres d’extrême droite aux postes régaliens de l’intérieur et de la défense, alors que les conservateurs, arrivés largement en tête lors des élections législatives du 15 octobre, ne paraissaient pas contraints à de telles concessions.
Pourtant, le chef de l’Etat autrichien fut le premier à redonner un peu d’espoir aux opposants à tous les extrémismes en l’emportant avec panache face au FPÖ, l’année dernière, en dépit du Brexit et de l’élection de Donald Trump à la Maison blanche survenus dans les mois précédents. Il a été très actif en coulisse pour imposer des garde-fous permettant à l’Autriche de s’affirmer encore comme étant « pro-européenne ». Mais il lui faudra faire avec cette réalité bien triste : les premières réactions à l’annonce du retour des héritiers de M. Haider sous les dorures de la Hofburg, à Vienne, auront été celles des organisations juives : le Congrès juif mondial s’est dit « bouleversé ».
Ankara se permet de faire la leçon aux Européens
Rapidement, il a été rejoint par l’Italie, indignée qu’on veuille offrir des passeports à ses citoyens du Tyrol du Sud sans la consulter et qui a dénoncé un « nationalisme ethnique ». Puis par la Turquie, outrée de voir le nouveau pacte gouvernemental autrichien souhaiter l’arrêt formel des négociations de son adhésion à l’Union européenne. En pleine dérive autoritaire, Ankara se permet même de faire la leçon aux Européens : le ministre des affaires européennes turc a ainsi affirmé « qu’ignorer les approches racistes du programme du gouvernement autrichien (…) c’est faire montre de faiblesse ».
Il est pour le moins regrettable que la Commission européenne, comme Paris et Berlin, laissent le champ libre au régime turc pour exprimer des inquiétudes tout à fait légitimes sur l’avenir des musulmans vivant en Autriche. Pour l’instant, aucune réaction n’est venue de ceux qui défendent la démocratie, que ce soit du côté d’Emmanuel Macron ou d’Angela Merkel.
Quant à Elfriede Jelinek, on ne peut la blâmer de se taire. A 71 ans, elle s’est retirée de la vie publique, et plus personne ne menace, comme elle l’avait fait, de déserter le pays. En fait, cela fait bien longtemps que l’imprécatrice aux phrases acérées a délaissé le champ de bataille. Elle a pu expérimenter le sentiment d’impuissance si cuisant des artistes en Autriche. Les manifestations prévues lundi 18 décembre seront le baromètre de la banalisation de l’extrême droite. Pour rappel, 250 000 personnes défilaient, il y a dix-sept ans, dans les rues de Vienne contre le FPÖ.