Un cadre d’idées vivantes en grand format

3e volet de La France vue d’ici pour la 8e édition du festival sétois qui se tiendra 4 au 22 mai. Photo Patrice Terraz

3e volet de La France vue d’ici pour la 8e édition du festival sétois . Photo Patrice Terraz

Image-Singulières. Le festival poursuit sa vocation autour de la photographie. De l’aristocratie à la classe ouvrière il aiguise notre regard et notre esprit. A Sète du 4 au 22 mai 2016.

L’affiche de la 8e édition d’imageSingulières signée Patrice Terraz est extraite du projet collaboratif La France Vue d’Ici que le festival mène en partenariat avec Médiapart depuis 2014. On y voit une jeune apprentie en bleu de travail dont le visage laisse entrer la lumière. Une de ses mains est occupée par un soda tandis que l’autre dresse un doigt oblique. Malgré toute l’énergie qui émane de cette jeune fille, il est fort improbable qu’elle soit un jour décorée de la Légion d’honneur. Ce projet conduit par 24 photographes et 4 journalistes s’est fixé la mission d’explorer la France d’aujourd’hui afin de produire un état des lieux d’ici 2017. Cette année le troisième volet de la série prendra d’assaut la Gare de Sète. Pour l’intégralité des reportages rendez-vous en 2017…

Particules artistiques

On ne connaît précisément les vertus de la poussière d’eau qui couvre les habitants des villes portuaires mais l’on sait que les ports brassent les populations qui entrent, circulent, et sortent et que cela influe sur la vie quotidienne. Le festival associe ses embruns depuis 2015 avec la Festival international de photographie de Valparaiso, première ancre d’une idée panoramique qui pourrait tracer ses escales dans les grands ports du monde. Pour cette édition quatre photographes chiliens tireront le portrait de Sète. ImageSingulières invite par la même occasion deux géants de la photographie en résidence dans le port du bout du monde à rejoindre l’île singulière. La confrontation inédite des regards entre l’espagnol Alberto Garcia-Alix et Le Suèdois Anders Petersen donne lieu à la production d’une exposition dont la première se tiendra à Sète avant qu’elle ne parcoure l’Europe.

Au Crac on pourra suivre l’évolution du travail photographique de Guillaume Herbaut dans un parcours ukrainien qui débute par une approche contemporaine de photojournaliste pour passer à celle du documentaire d’auteur. La Maison de l’image Documentaire met le cap sur la Belgique du bas avec les prisons vues et vécues par Sébastien Van Malleghem, et la Belgique du haut que donne à voir l’anglais Rip Hopkins à travers ses portraits d’aristocrates.

La classe ouvrière n’est pas oubliée avec l’exposition collective Working Class Heroes, au Boulodrome. Les photographes Flavio Tarquinio, Mehdi Ahoudig, Samuel Bollendorff évoquent la joyeuse déliquescence du Nord de la France, tandis que Kirill Golovchenko s’attache au profond désordre ukrainien. Enfin, aux Chais des Moulins, seront fêtés les 30 ans de l’agence VU à travers un coup de projecteurs sur 7 grands photographes espagnols qui ont trouvé à travers l’agence un soutien pour signifier leur travail à l’étranger. En bref, le festival conserve une détermination qui l’honore.

JMDH

Source La Marseillaise14/03/2016

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Le Chili reconnaît pour la première fois que Neruda a pu être assassiné sous Pinochet

 Photo datée du 21 octobre 1971 de l'écrivain, poète et diplomate chilien, Pablo Neruda, alors ambassadeur du Chili en France, répondant aux questions des journalistes, au côté de son épouse, à l'ambassade chilienne, après avoir reçu le prix Nobel de littérature. AFP

Photo datée du 21 octobre 1971 de l’écrivain, poète et diplomate chilien, Pablo Neruda, alors ambassadeur du Chili en France, répondant aux questions des journalistes, au côté de son épouse, à l’ambassade chilienne, après avoir reçu le prix Nobel de littérature.
AFP

Le gouvernement chilien reconnaît pour la première fois la possibilité que Pablo Neruda ait été assassiné, selon un document officiel auquel le quotidien espagnol El Pais a eu accès.

« Il est clairement possible et hautement probable qu’un tiers » soit responsable de la mort du poète chilien, affirme le document du ministère de l’intérieur envoyé au magistrat chargé de l’enquête sur sa mort, daté du 25 mars.

Une information révélée dans la nouvelle biographie du poète chilien, écrite par l’historien Mario Amoros Alicante et intitulée Neruda.

Prix Nobel de littérature en 1971, Pablo Neruda est mort deux ans plus tard à l’âge de 69 ans, le 23 septembre 1973. Soit douze jours après le coup d’Etat qui a renversé le président socialiste Salvador Allende et installé la dictature d’Augusto Pinochet qui a fait plus de 3 200 morts jusqu’en 1990.

Injection mystérieuse

Selon le certificat de décès rédigé par la junte militaire, le poète est mort d’un cancer de la prostate, mais selon son chauffeur de l’époque, Manuel Araya, il a succombé à une mystérieuse injection faite la veille de son départ pour le Mexique, où il envisageait de s’exiler pour y diriger l’opposition au général Pinochet.

De nouvelles analyses de la dépouille de Pablo Neruda avaient révélé en mai la présence importante de bactéries infectieuses, sans qu’il soit toutefois possible de déterminer s’il avait été empoisonné.

Source : Le Monde.fr avec AFP et AP |

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Syrie : parions sur la voie du compromis, par Edgar Morin

strategie

Décider c’est parier. Décider l’intervention en Syrie, plus de deux ans après le début d’une protestation pacifique dont la répression a provoqué une horrible guerre civile, est un pari risqué. Une telle intervention dès le début pour soutenir des résistants en majorité démocrates aurait été risquée, mais elle aurait couru des risques moindres qu’aujourd’hui.

L’utilisation du gaz sarin sur une population civile est avérée. Reste à prouver que ces gaz ont été employés par l’armée régulière, et non par un éventuel groupe rebelle « al-qaïdiste » ou autre. Haute probabilité ne signifie pas certitude. Le mensonge américain sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein crée un doute qui pèse sur les esprits.

Même s’il était enfin prouvé que M. Al-Assad a employé ce gaz contre son propre peuple, même si le gaz est une arme prohibée depuis la première guerre mondiale et n’a pas été utilisé même au cours de la seconde, cette arme immonde ne massacre pas plus les civils que les bombardements massifs à gros calibres et bien entendu la plus petite bombe atomique. Toutefois, c’est un pas de plus dans l’horreur d’une guerre. Que cette tuerie déclenche une réaction morale tardive qui se traduit en intervention militaire, cela se comprend. Mais nous sommes devant une contradiction énorme : intervenir, c’est parier dangereusement, mais ne pas intervenir c’est parier non moins dangereusement, et nous payons déjà les conséquences de ce pari passif, comme l’a été le pari passif de la non-intervention pendant la guerre d’Espagne en 1937. Les ennemis de l’intervention ont montré ses dangers. Les ennemis de la non-intervention ont montré ses dangers. Ajoutons que dans l’un et l’autre cas, il est impossible de prédire la chaîne des interactions et rétroactions qui vont suivre.

Le pari d’intervention est un pari limité à des frappes de « punition ». Il n’est prévu aucune intervention au sol, et il semble difficile de penser que ces frappes puissent atteindre des objectifs capables de renverser la situation en Syrie. La guerre civile est déjà en fait une guerre internationale : l‘Iran, la Russie, le Hezbollah y participent du côté du régime ; des aides limitées parviennent aux rebelles de la part de pays arabes et occidentaux, des volontaires islamistes de multiples pays participent aux combats. Une intervention accroît les débordements du conflit hors Syrie, notamment au Liban, ce qui risque de transformer une guerre internationale limitée en un embrasement plus large : elle serait une aventure dont les effets sont inconnus.

EFFETS NÉGATIFS PROBABLES

Toute action en situation incertaine risque d’aller à l’encontre de l’intention qui l’a provoquée. C’est ce qui est arrivé au « printemps arabe » de Tunisie et d’Egypte. En Libye, la conséquence de l’élimination de Kadhafi a été le développement d’Al-Qaida au Sahel. On ne peut donc éliminer l’idée que l’intervention éventuelle ait des effets positifs très limités et des effets négatifs très grands. On ne peut éliminer qu’elle ajoute de l’huile sur un brasier et provoque son extension. On ne peut éliminer l’idée que la « punition » dégénère en punissant les punisseurs. Elle est de plus mal partie : pas de légitimité de l’ONU, pas de soutien affirmé des pays arabes, défection anglaise. Un vote négatif du Congrès américain conduirait à l’inaction, car la France ne saurait intervenir seule.

Mais l’inaction est elle-même un pari très dangereux, car la logique aboutit soit à une victoire implacable et épouvantable de M. Al-Assad, soit, en cas de défaite du président syrien, à une nouvelle guerre civile entre rebelles laïques et démocrates, sunnites, alaouites, kurdes, djihadistes, et à une décomposition de la Syrie en fragments ennemis, ce qui est le chemin que prend l’Irak, stimulé par les conflits interreligieux et interethniques de Syrie.

On ne peut donc échapper à la contradiction qu’en essayant la seule voie qui arrêterait la spirale des pires périls de l’intervention et de la non-intervention. C’est le compromis. Un tel compromis doit commencer par être un compromis entre les puissances. Un accord pourrait se faire sur le compromis entre la Russie, l’Iran, les nations arabes, les nations occidentales, peut-être sous l’égide de l’ONU, et proposé, voire imposé aux combattants. Il peut sembler inconcevable à beaucoup que Bachar Al-Assad ne soit pas éliminé. Mais la démocratie n’a été rétablie au Chili qu’avec un compromis qui a laissé le bourreau Pinochet deux ans à la tête de l’Etat et six ans à la tête de l’armée. L’irrésistible processus pacifique a abouti à la condamnation de Pinochet. Si une paix avait été conclue en Algérie en 1956 sur un compromis temporaire, la France n’aurait pas couru le risque d’une dictature militaire qu’a pu éviter le « coup de judo » de De Gaulle, l’Algérie n’aurait pas sombré dans la dictature du Front de libération nationale (FLN), on aurait évité tant de massacres ultimes provoqués par l’Organisation armée secrète (OAS) et le FLN.

Le compromis devrait se faire sous garantie internationale, voire avec la présence de forces de l’ONU. Il arrêterait les massacres et le processus de décomposition de la Syrie. Il arrêterait – avec la radicalisation actuelle – l’irrésistible progression d’Al-Qaida. Il inhiberait les puissances déchaînées de mort et de folie. Entre des impératifs éthico-politiques contradictoires, il constitue le plus prudent pour la Syrie, le Moyen-Orient, la planète. Ce n’est pas la solution, mais c’est le vrai moindre mal et c’est la possibilité d’une évolution pacifique. C’est donc le troisième pari qu’il faut tenter, incertain et risqué, mais moins que les deux autres, et, lui, humain et humanitaire pour un peuple martyr.

 Edgar Morin

Source : Le Monde 04/09/2013

Voir aussi : Rubrique Politique Internationale, rubrique Syrie,

Sont-ils intouchables les héritiers du franquisme !

" N'ayons pas la mémoire courte. " Photo David Maugendre

Sous l’étendard de l’association pour le Souvenir de l’Exil Républicain Espagnol en France (Aseref*), une centaine de personnes se sont rassemblées hier sur la place de la Comédie, en soutien au juge Baltasar Garzon condamné par la justice espagnole pour avoir voulu enquêter sur les crimes amnistiés du franquisme. Plusieurs rassemblement se sont déroulés ce même jour, à Béziers, Paris, Barcelone… attestant d’une amplification du mouvement. « Nous exigeons la nullité de la sentence et le rétablissement d’une vrai justice en Espagne qui reconnaisse les crimes contre l’humanité des franquistes, indique Eloi Martinez de l’Aseref, La loi d’amnistie de 1977 doit être abrogée. Elle a mis sur un pied d’égalité les victimes et les bourreaux aux mépris des lois internationales. »

La condamnation de Baltasar Garzon pour écoutes illégales  interdit au juge d’exercer son métier en Espagne pendant onze ans. Elle a soulevé un mouvement d’indignation en Espagne mais aussi  en France. Dans la région, où ont été internés des milliers d’exilés républicains dans le camps de Rivesaltes, leurs descendants n’ont pas manqué d’épingler le silence du gouvernement français en rappelant les 10 000 républicains morts dans les camps français. « La France grandirait à reconnaître ses responsabilités, immense dans cette tragédie, notamment par la décision de non intervention pendant la guerre d’Espagne ce qui permis au fascistes de mettre à terre la république  espagnole et ensuite d’occuper la France. »

Le juge Garzon, est aussi célèbre en Amérique latine pour avoir traqué l’ex-dictateur chilien Augusto Pinochet et d’anciens tortionnaires sud-américains. En 2011, il a été nommé comme consultant, à Bogota, auprès de la mission locale de l’Organisation des Etats Américains (OEA) où il devrait poursuivre sa mission liée au processus de démobilisation des milices paramilitaires d’extrême droite, accusées du massacre de dizaines de milliers de civils dans les années 1990.

A Montpellier on notait hier, la présence d’élus du PRG et du NPA ainsi que celles de diverses associations régionales liées à la mémoire des républicains espagnols et des victimes du fascismes au Chili. la mobilisation a donné lieu à des témoignages de survivants. Expression de souvenirs douloureux, malheureusement pas coupés de l’actualité à l’heure où le réseau idéologique de l’extrême droite européenne se reconstitue progressivement.

JMDH

* Une pétition de soutien est disponible sur le site de l’Aseref

Voir aussi : Rubrique Espagne, Garzon proposé pour le Nobel de la paix, Le FMI presse l’Espagne d’adopter des réformes, Soutien à Baltasar Garzon, rubrique Montpellier, Histoire, rubrique Livre, Manuel Rivas L’éclat dans l’abîme, rencontre Georges Semprun, Orwell un cran à gauche, mémoire combattante en région sud,

Entretien avec le réalisateur de Squat Christophe Coello

Christophe Coello : « Le terme indignés vient des médias, il comporte une petite notion de passivité »

au Chili, Christophe Coello est arrivé en France dans son enfance avec ses parents qui ont obtenu le statut de réfugiés politiques. Il a réalisé plusieurs documentaires sur les luttes en Amérique latine dont Chili L’ombre du Jaguar (1998) sur l’absurdité du miracle économique chilien ou Mari Chi Wen (2000) sur les luttes du peuple mapuche. Il co-réalise également  avec Pierre Carles et Stéphane Goxe un diptyque sur le rapport au travail avec Attention danger travail ( 2003) et Volem rien foutre al païs (2007). C’est sur ce tournage qu’il rencontre en 2003 les membres du collectif de réappropriation urbaine barcelonais Miles de Viviendas qu’il va suivre avec sa caméra pendant sept ans.

Christophe Coello était sur Montpellier au cinéma Diagonal mercredi. Accompagné de Annie Gonzalez, de C-P Productions qui  a produit plusieurs de ses films, il a présenté Squat la ville est à nous, qui retrace la vie du collectif Miles de Viviendas.

Votre film propose un autre regard sur les squatters dont il est souvent donné une image stéréotypée de marginaux, passablement drogués voir de délinquants…

Christophe Coello. C’est un parti pris de ma démarche de documentariste. Je vais souvent au contact de gens qui vivent autrement. Je pense que c’est un enjeu important de donner un autre point de vue sur des mouvements inconnus. Par exemple, rompre avec cette vision que la lutte c’est forcément du sacrifice et de la douleur. Quand je les ai rencontrés en 2003, ils étaient en train de fonder le collectif. La plupart des membres – ils sont une trentaine – s’étaient rencontrés autour de la mobilisation contre la guerre en Irak. Le groupe était quasiment paritaire et regroupait des gens entre 18 et 45 ans.

Annie Gonzalez. Le travail d’auteur de Christophe offre un point de vue sur le monde. Son approche permet de capter l’histoire populaire. Ce qu’on ne trouve pas au cinéma et encore moins à la télévision qui la réduit à une caricature à travers les reality shows.

Comment avez-vous négocié les conditions du tournage ?

CC. C’est un travail de confiance fin 2003 à Barcelone. Le contexte était tendu. Je leur ai proposé de filmer leur vie quotidienne sans la trahir mais je voulais garder une carte blanche. Je ne voulais pas faire un film de propagande. Ils en ont discuté en assemblée et ils ont accepté. On le voit à l’écran, Il y a des moments de tension mais je ne focalise pas sur cela. J’ai privilégié les prises directes. Il n’y a pas d’interview, pas de voix off pour faciliter la compréhension. Ce choix opératoire demande beaucoup plus de temps. J’ai intégré leur mode de vie. Je voulais restituer la vie quotidienne, l’intimité, ne pas montrer que des moments d’exception.

Dans le cas du collectif de réappropriation urbaine, on voit que l’action vise à se loger, mais elle va bien au-delà puisqu’il s’agit de reprendre le contrôle sur sa vie…

CC. Pourquoi ouvrir un squat ? C’est une action illégale qui s’avère complètement légitime. Pour le collectif cela permettait de libérer du temps pour débattre et s’organiser en autogestion de manière transversale. Et aussi stimuler les autres mouvements, pour travailler en réseau avec d’autres collectifs ou soutenir les populations ciblées par les spéculateurs immobiliers. Etre ensemble permet de diminuer la peur, pas seulement celle de la matraque mais aussi celle du vide. Ce ne sont pas des gens qui affirment détenir la vérité avec un V énorme. Ils politisent leur vie quotidienne. L’idée n’est pas de prendre le pouvoir mais de le dissoudre. Il y avait 200 000 personnes dans la rue, samedi dernier à Barcelone, rassemblées sous le slogan  : De l’indignation à l’action. Après la manif les gens sont allés occuper la fac de lettres et un immeuble pour reloger les gens expulsés. Le qualificatif des indignés vient des médias, c’est un terme qui comporte une petite notion de passivité…

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Squat sur les écrans le 2 novembre

Voir aussi : Rubrique Cinéma, Tous au Larzac, Grandpuits et petites victoires,  We want sex equality, rubrique Société Mouvements Sociaux, Nouvelle donne pour les mouvements sociaux en Europe, rubrique Espagne, Nouveau souffle de contestation en Espagne, rubrique Rencontre,

David Maugendre