Roman. Elsa Osorio Double fond

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Qui est Juana ? Une militante révolutionnaire qui a trahi ? Une mère qui échange sa vie contre celle de son enfant ? Ou la prisonnière d’un cauchemar qui tente de survivre ?

Marie Le Boullec, médecin urgentiste sans histoire, est retrouvée noyée dans l’Atlantique, . La jeune journaliste Muriel Le Bris, vive et têtue, ne croit pas à la thèse du suicide et se lance dans une enquête. Elle découvre en même temps les heures sombres de l’Argentine à la fin des années 70.

Elle trouve aussi des mails dans lesquels une mère écrit à son fils pour lui raconter pourquoi il a dû grandir sans elle. Jeune militante révolutionnaire prise dans les rets de la dictature, elle échange sa liberté contre la vie de son enfant. Elle finit par collaborer avec le pouvoir puis au Centre pilote de Paris. Traître aux yeux de tous, avec la survie pour seul objectif, elle va disparaître.

editions-metailie.com-elsa-osorio-sophie-bassouls-2-300x460Elsa Osorio  s’implique une nouvelle fois dans la reconnaissance de l’épuration des opposants argentins. Le personnage de Juana se construit au fil des pages haletantes du roman. On remonte ainsi le parcours d’une femme qui respire en étant morte deux fois.  Sa première disparition est survenue lorsqu’un tortionnaire lui laissé la vie sauve.

L’auteur évoque à voix basse, comme si la mer que nous longeons pouvait nous entendre, cette énergie d’outretombe , avec grâce, sans rien outrer.  Fort naturellement, elle parvient à produire chez le lecteur un sentiment d’empathie. Qu’arrive -t-il quand tout disparaît , que les péripéties s’enchaînent, qu’il faut jouer avec les identités clandestines,  que personne ne peut comprendre ce qui vous est arrivé, que pèse alors les ambitions politiques ?

Dans un intense suspense psychologique, l’auteur de Luz ou le temps sauvage  nous donne rendez-vous avec l’humanité en fuite. Entre Saint-Nazaire, Paris, Marseille et Buenos Airs le voyage traverse une sombre histoire, où  l’on entend le mot amour. Comme c’est imprudent d’affirmer quelque chose dont on ne sait rien, nous rappelle Elsa Osorio à propos d’une femme disparue durant la dictature.

JMDH


Double fond éd Matailié en librairie le 18 janvier 21 euros

Source : La Marseillaise 19/01/2018

Voir aussi : Rubrique  LivresLittératuresLittérature latino-américaine,  Amérique Latine , Argentine,

Sylvia Plath poème : Traversée

Kiki Smith, Pool of Tears 2 (After Lewis Carroll), 2000

Kiki Smith, Pool of Tears 2 (After Lewis Carroll), 2000

Traversée

Lac noir, barque noire, deux silhouettes de papier découpé, noires.
Jusqu’où s’étendent les arbres noirs qui s’abreuvent ici ?
Leurs ombres doivent couvrir le Canada.

Une petite lumière filtre des fleurs aquatiques.
Leurs feuilles ne souhaitent pas que nous nous dépêchions :
Elles sont rondes et plates et pleines d’obscurs conseils.

Des mondes glacés tremblent sous la rame.
L’esprit de noirceur est en nous, il est dans les poissons.
Une souche lève en signe d’adieu une main blême ;

Des étoiles s’ouvrent parmi les lys.
N’es-tu pas aveuglé par ces sirènes sans regard ?
C’est le silence des âmes interdites.

Sylvia Plath

 

Voir aussi : Rubrique Livre, Poésie, L’immensité du ciel poétique méditerranéen actuel,   Etrange étranger, Jacques Prévert, Pèse-nerfs, Antonin Artaud, rubrique Méditerranée,

Voix Vives 650 rendez-vous poétiques à ciel ouvert

La poésie, chemin de paix à Sète au coeur de l’été méditerranéen. Photo dr

La poésie, chemin de paix à Sète au coeur de l’été méditerranéen. Photo dr

Festival
Voix Vives, le grand rendez-vous de la poésie méditerranéenne contemporaine fête sa 20e édition du 21 au 29 juillet

Depuis 8 ans la Ville de Sète ouvre la cité à la poésie de l’aube à la nuit. Ce banquet poétique de neuf jours  débute ce soir*. Il fédère poètes, musiciens, comédiens et habitants, et séduit un public averti  ou amateur,  autour d’une expérience unique.

Vivre librement (l’accès est gratuit) au rythme de la poésie et aux contacts des poètes en dehors des temples de la culture  ouvre un accès indéniable à cet art réputé (à tord) difficile.

« C’est sous un ciel de combat que s’ouvre cette édition, pour que la poésie existe, indique la directrice du festival Maïthé Vallès-Bled, un ciel qui accueille à Sète une centaine de poètes en provenance de toute les méditerranées. Beaucoup des pays représentés sont en guerre. Cette présence forte des poètes permet d’ouvrir un espace à l’identité de l’autre. Cela se produit entre les poètes mais aussi au-delà, car  cette force souterraine qui nous meut vers la compréhension de l’autre, nous permet de mieux nous comprendre nous-même. C’est un chemin de paix qui s’ouvre

Voix Vives offre aussi aux éditeurs et professionnels du secteur les conditions d’un échange fécond sur la place aux livres au coeur du festival. Ces rencontres entre poètes et éditeurs aboutissent chaque année à de nombreuses traductions et recueils qui n’auraient pas vu jour sans le festival.

Impossible ici de rendre compte des 80 rendez-vous quotidien qui cadencent ce flux poétique sous la lumière tranquille de la méditerranée. Le plus indiqué est encore de se rendre à Sète, et de se laisser porter par l’excédent d’énergie qui embrase la ville sans négliger de vivre les instants qui s’offrent.

JMDH

 * A 21h30 dans le jardin du Château d’eau avec le spectacle Poésicales 2017, entrée libre.

Source La Marseillaise 21/07/2017

Voir aussi : Rubrique Festival, Voix Vives 2016, 100 poètes dans la ville, Voix vives 2016 Les yeux brillants d’un monde vrai !Voix vives 2015, site officiel, Sans frontières les poèmes disent l’essentiel, rubrique MéditerranéeLybie, Liban, Tunisie, rubrique Livre, Poésie, rubrique /Méditerranée, rubrique Moyen Orient, Syrie, rubrique Rencontre,

Cinéma. Neruda une rêverie de Pablo Larrain à découvrir cette semaine

vlcsnap-2016-12-20-17h36m08s827_1482251812Pour Pablo Larraín ce film :  « n’est pas une histoire sur Neruda, c’est une histoire nérudienne ». Le propos éclaire sur la portée de l’entreprise fictionnelle qui ne trahit pas l’histoire mais en use librement, subjectivement. Il ouvre l’espace magique porté par une puissante force poétique.

Situé à la fin des années 1940, le film ne reconstitue pas la fuite de Neruda, pourchassé par les sbires du président Gabriel González Videla. Il réinvente, le poète, personnage séducteur et facétieux, mais aussi l’homme d’Etat, l’insoumis, l’opposant communiste dans une course poursuite singulière où le fugitif valide l’existence de celui qui le poursuit.

Pablo Larraín place la fonction narrative du rêve  au centre de la psychologie culturelle du peuple chilien. C’est la culture qui donne forme à l’esprit. La psychologie, omniprésente chez les Chiliens dont la mémoire se révise sans cesse dans la douleur, se consacre à la signification et devient inévitablement culturelle. Les vérités sont à chercher dans la condition humaine en s’intéressant à la psychologie populaire, celle des gens ordinaires. C’est leur vécu qui certifie l’histoire

. Le réalisateur indique  d’ailleurs lui-même : « Je viens d’un pays qui est défini par les poètes. Sans Pablo Neruda, mais aussi bien d’autres, je ne sais plus qui nous sommes. »

JMDH 

Source : La Marseillaise 06/10/2017

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Mark Haskell Smith maître de la satire loufoque

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Roman noir
Mark Haskell Smith Ceci n’est pas une histoire d’Amour

Mark Haskell Smith nous embarque dans une forme de road movie hilarant à travers les Etat-Unis en compagnie de Sepp Gregory star de téléralité.  L’homme élu « le plus sexy de l’année » parcourt les librairies du pays où des foules de lectrices l’ovationnent, surtout lorsqu’il soulève son tee-shirt pour exhiber ses tablettes de chocolats.

Sepp  connaît la musique et se prête à une discipline de fer pour assurer. Le livre qu’il dédicace est une idée de son agent. Il a été écrit par Curtis, un écrivain talentueux pas reconnu, qui accepte le rôle de nègre pour faire un max de blé. Mais le succès par procuration que rencontre son bouquin le plonge grave dans le calcaire.

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Dans ce terrible jeu de dupe, se glisse la perfide  blogueuse littéraire, Harriet Post, qui se pique de révéler la vérité psychologique en mettant fin à l’escroquerie, mais sa quête pour révéler le nom du véritable auteur du livre ne va pas la mener où elle pensait…

A partir de ce casting de base, Mark Haskell Smith, déroule une intrigue parfaitement ficelée et complètement secouée qui fourmille d’idées brillantes. Les routes du récit sont aussi hasardeuses, que la réaction intime des personnages.

L’écrivain a le goût de la satire sociale féroce.  Il entremêle habilement la psychologie fragile de ses personnages en les plongeant – en guise de thérapie ?- dans le grand bain des addictions contemporaines. Les situations loufoques et onctueuses s’enchaînent dans un captivant rapport au temps.

Mark Haskell Smith signe une grande cavale des temps modernes pleine de provocations où l’on réalise que la téléréalité peut côtoyer la plus grande exigence littéraire et que tout le monde peut être prisonnier de son histoire  dans un monde « dirigé par les crétins, les demeurés, les nichons, et l’argent. »

Mark Haskell Smith était l’un des invités d’honneur du FIRN de Frontignan, cet été, dont la thématique était « Mort de rire ». Il y avait, sans l’ombre d’un doute, toute sa place.

JMDH

Source : La Marseillaise 10/09/2016

ceci n est pas une histoire d'amour.inddCeci n’est pas une histoire d’amour, Editions Rivages
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