Majorité absolue pour les indépendantistes catalans : la désintégration de l’UE se poursuit

Le président catalan sortant, Artur Mas, a voté dimanche à Barcelone.

Le président catalan sortant, Artur Mas, a voté dimanche à Barcelone.

La liste indépendantiste catalane, Junts pel si (Ensemble pour le oui, 62 élus) du président catalan sortant Artur Mas disposera de la majorité absolue au Parlement régional en comptant les représentants de l’autre liste indépendantiste de la CUP (extrême gauche, 10 élus). Date prévue de l’émancipation catalane hors du giron espagnol : 2017 au plus tard.

Au-delà du problème intérieur espagnol, ce sont bien les fondations de l’institution européenne qui continuent d’être rongées. Car la Catalogne n’est pas la seule région européenne à être saisie par des envies de dissidence. Fort de son succès lors des dernières législatives britanniques (56 sièges sur 59), le Parti nationaliste écossais (SNP) envisage d’ores et déjà un second référendum sur la question pour fin 2016.

Et pour ne rien arranger aux affaires des européistes, le président du gouvernement du Pays basque, Iñigo Urkullu, vient de réclamer à son tour une « consultation légale » sur l’avenir de la « nation » basque en Espagne.

Parallèlement, on assiste au sein de l’UE à la montée en puissance de forces et de leaders politiques hors cadre (Syriza, Podemos, Jeremy Corbyn…).

Le signe d’un agacement populaire grandissant

On ne niera pas que ces divers mouvements de rébellion institutionnelle et politique progressent eux-mêmes à travers de forts courants contraires :

  • Les motivations des indépendantistes, qu’ils fussent catalans, écossais ou basques, ne répondent pas forcément à des considérations sociales et humanitaires ; il est clair que la Catalogne et l’Écosse ne sont pas vraiment des régions défavorisées et que le leader indépendantiste catalan Artur Mas n’est pas franchement de gauche ;
  • le retournement de veste d’Alexis Tsipras laissera sans nul doute des traces indélébiles chez les électeurs de Syriza, comme en témoigne la brusque hausse de l’abstention lors de la dernière consultation législative grecque ;
  • les atermoiements des leaders de Podemos sur la question européenne trouble fortement l’électorat de ce jeune parti, en baisse dans les derniers sondages et manifestement gêné aux entournures devant le cas catalan ;
  • enfin, le non de gauche à l’Europe n’a pas forcément grand-chose à voir avec le non de droite, encore moins d’extrême-droite. L’indépendantisme catalan n’a sans doute que peu de points communs avec le nationalisme autrichien exacerbé du FPÖ (Parti autrichien de la liberté) qui, ce même dimanche, vient de réaliser une percée spectaculaire lors d’une élection régionale partielle.

Il n’en demeure pas moins que l’émergence multipliée de forces hors cadre est le signe d’un agacement grandissant d’une grande partie des électeurs contre des institutions européennes dont chacun a désormais pu mesurer le caractère foncièrement pervers et antidémocratique, notamment lors des récents soubresauts grecs.

Avis de fortes perturbations sur le continent européen

Ne nous leurrons pas, il y a fort à parier que les autocrates bruxellois ne se laisseront pas sans réagir tondre la laine sur le dos par une poignée de braillards aussi exaspérés et résolus soient-ils, de gauche comme de droite ou d’extrême-droite. Le Parti populaire de Mariano Rajoy n’a pas tardé à monter au créneau pour faire valoir que si les indépendantistes catalans étaient majoritaires en sièges, ils ne l’étaient pas en voix. Conclusion référendaire étonnante, pour un scrutin qui ne l’était pas, de la part d’un parti qui refuse absolument toute consultation sur la question et qui en l’occurrence amalgame tous les bulletins de vote hors indépendantistes, y compris celles des électeurs de Podemos dont une grande partie, à l’inverse de sa direction, est loin d’être insensible à la thèse dissidente.

On sait la considération très relative que les technocrates européistes ont des verdicts démocratiques quels qu’ils soient, dès lors que ceux-là vont contre leur volonté et leurs intérêts. On a vu leurs éléments déchaînés lorsque Syriza a fait mine de rompre les amarres de l’austérité mémorandaire. Et un général de l’armée britannique a froidement déclaré à propos de Jeremy Corbyn que l’armée ne permettrait pas de « mettre un franc-tireur en charge de la sécurité du pays. L’armée ne le supporterait tout simplement pas et utiliserait tous les moyens possibles, bons ou mauvais, pour empêcher cela ».

On n’oubliera pas non plus la versatilité des convictions les plus enracinées qui frappe les forces supposées progressistes dès lors qu’elles sont alléchées par les sirènes de la corruption. Difficile de faire son Jacquou-le-Croquant lorsqu’on palpe soudain les émoluments plus que confortables de député. Les votes « collabos » des chambres-godillots parlent pour eux-mêmes, n’est-ce pas Mesdames et Messieurs les élus rescapés de feu Syriza ?

Il n’empêche que les ultimes défenseurs du vieil appareil néolibéral ont une sacrée épine dans le pied : la désintégration économique et financière que plus un Mario Draghi à la BCE, plus une statistique trafiquée du chômage, plus une facétie d’un Emmanuel Macron, plus une déclaration imbécile d’un président-pédalo ne sauraient faire oublier. L’avis de fortes perturbations à déferler sur l’Europe atteint un niveau d’alerte rouge critique.

Le Yeti twitter

Source Politis.fr 26/09/2015

Photo AFP

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Opportunité historique pour les Indignés à Barcelone

arton31251-d8b96Dans l’élan de Podemos, la liste de rassemblement de la gauche et des mouvements sociaux est donnée favorite des municipales, dimanche, dans la capitale de la Catalogne.

« Qu’est-ce que nous sommes en train de faire ? Est-ce une page d’histoire qui s’écrit devant nos yeux ? Je n’en sais rien ! » Œil brillant et sourire euphorique, Raimundo Viejo ne touche plus terre.

À quelques heures de la fin officielle de la campagne, plus personne n’est capable de dire ce qui est en train de se passer dans la capitale catalane. Une récente étude place « Barcelona en comùn » (Barcelone en commun), la liste de rassemblement de la gauche et des mouvements sociaux, en tête avec 26 % des voix, 7 points devant la coalition de droite sortante (CiU). En position donc d’offrir à la gauche citoyenne espagnole une victoire historique dans une ville de 1,4 million d’habitants.

Mais d’autres études donnent des écarts plus serrés et 29 % des sondés se déclarent indécis pour dimanche. Les 47 % d’abstention au précédent scrutin, en 2011, accroissent encore l’incertitude.

Le vertige empêche de toute façon les militants de faire des calculs. « Depuis 2011, nous sommes en permanence dépassés par les événements », confesse d’ailleurs Raimundo Viejo, politologue et cadre de Podémos, au long parcours militant d’altermondialiste, 6e sur la liste.

Un pur produit du terreau barcelonais

Dehors dans un parc de Clot, quartier en pleine gentrification, les 6 premiers noms de la liste municipale sont venus répondre ce jeudi aux questions des curieux. Les codes sont ceux du mouvement des Indignés et de Podémos : horizontalité, assemblées citoyennes quartier par quartier et actions civiles. Ils sont mêlés ici au rouge de la gauche radicale institutionnelle, qui ne souffre pas du discrédit qu’elle éprouve au niveau national.

Le troisième pilier de la candidature commune à Barcelone est sa tête de liste. Ada Colau, 41 ans, est porte-parole du mouvement contre les expropriations (dues aux emprunts hypothécaires à taux variables). Elle était une des figures du mouvement du 15-M, sur les places espagnoles au printemps en 2011. Mais son parcours militant remonte aux précédentes vagues de mobilisation, dont Barcelone a toujours été un foyer. Celle du mouvement altermondialiste et des grandes manifestations contre la banque mondiale en 2001, dont elle était porte-parole.

Elle a lancé il y a neuf mois le processus participatif qui a abouti à la construction d’un programme et d’un « code éthique » signé par l’ensemble des candidats (salaires plafonnés à 2 200 euros, abandons des avantages, etc.). Son mouvement, Guanyem Barcelona (gagner Barcelone) a été rejoint par Podemos, le parti d’union des écologistes et des communistes (ICV-EUiA) et le Procés Constituent (processus constituant), regroupement citoyen mené par la religieuse Teresa Forcades, émanant du mouvement des Indignés.

« Le 15-M est une des appartenances de cette liste de “confluence“. Ce n’est pas la seule. Nous avons des candidats qui sont d’anciens résistants au franquisme. Nous avons un historien marxiste. Nous ne coupons pas avec notre histoire et nos luttes », raconte Francesc Consuegra, quadragénaire engagé pour sa première campagne, décidé par ‘l’électrochoc’ du printemps 2011.

« Du concret » pour dépasser la question indépendantiste

Dans l’assemblée, à la moyenne d’âge plutôt élevée, chacun est venu avec ses propres convictions. Sur la rhétorique nouvelle incarnée par Pablo Iglesias, qui ne fait pas l’unanimité. Ou sur l’indépendance de la Catalogne, sujet difficile et ô combien conflictuel au sein de la gauche. Si aucun accord n’a été trouvé avec la petite formation de gauche indépendantiste (Izquierda republicana), Barcelona en comùn est parvenu à réunir les différentes sensibilités, en renvoyant – comme l’a fait Pablo Iglesias – la question à un référendum populaire et à « l’autodétermination » des Catalans.

Ils ont surtout fait campagne sur « du concret » : le renouveau des pratiques politique, une rupture avec le tourisme de masse qui chasse les pauvres des quartiers centraux, une répartition des richesses pour sortir le tiers des Barcelonais de leur situation de pauvreté.

Après l’élection de dimanche, à la proportionnelle intégrale, un second tour devra avoir lieu au sein du conseil municipal, pour tenter de dégager une majorité par le jeu des alliances. Mais le terrain est miné de toutes parts par la question indépendantiste et par les enjeux nationaux, qui astreignent les familles politiques à ne pas trop se contredire par des accords de gouvernement contre nature. Tout est donc possible dans les trois semaines qui suivent. La loi prévoit qu’en cas d’absence de majorité, le poste de maire revient à la liste arrivée en tête.

Erwan Manac’h

Source Politis 22/05/2015

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Entretien avec le réalisateur de Squat Christophe Coello

Christophe Coello : « Le terme indignés vient des médias, il comporte une petite notion de passivité »

au Chili, Christophe Coello est arrivé en France dans son enfance avec ses parents qui ont obtenu le statut de réfugiés politiques. Il a réalisé plusieurs documentaires sur les luttes en Amérique latine dont Chili L’ombre du Jaguar (1998) sur l’absurdité du miracle économique chilien ou Mari Chi Wen (2000) sur les luttes du peuple mapuche. Il co-réalise également  avec Pierre Carles et Stéphane Goxe un diptyque sur le rapport au travail avec Attention danger travail ( 2003) et Volem rien foutre al païs (2007). C’est sur ce tournage qu’il rencontre en 2003 les membres du collectif de réappropriation urbaine barcelonais Miles de Viviendas qu’il va suivre avec sa caméra pendant sept ans.

Christophe Coello était sur Montpellier au cinéma Diagonal mercredi. Accompagné de Annie Gonzalez, de C-P Productions qui  a produit plusieurs de ses films, il a présenté Squat la ville est à nous, qui retrace la vie du collectif Miles de Viviendas.

Votre film propose un autre regard sur les squatters dont il est souvent donné une image stéréotypée de marginaux, passablement drogués voir de délinquants…

Christophe Coello. C’est un parti pris de ma démarche de documentariste. Je vais souvent au contact de gens qui vivent autrement. Je pense que c’est un enjeu important de donner un autre point de vue sur des mouvements inconnus. Par exemple, rompre avec cette vision que la lutte c’est forcément du sacrifice et de la douleur. Quand je les ai rencontrés en 2003, ils étaient en train de fonder le collectif. La plupart des membres – ils sont une trentaine – s’étaient rencontrés autour de la mobilisation contre la guerre en Irak. Le groupe était quasiment paritaire et regroupait des gens entre 18 et 45 ans.

Annie Gonzalez. Le travail d’auteur de Christophe offre un point de vue sur le monde. Son approche permet de capter l’histoire populaire. Ce qu’on ne trouve pas au cinéma et encore moins à la télévision qui la réduit à une caricature à travers les reality shows.

Comment avez-vous négocié les conditions du tournage ?

CC. C’est un travail de confiance fin 2003 à Barcelone. Le contexte était tendu. Je leur ai proposé de filmer leur vie quotidienne sans la trahir mais je voulais garder une carte blanche. Je ne voulais pas faire un film de propagande. Ils en ont discuté en assemblée et ils ont accepté. On le voit à l’écran, Il y a des moments de tension mais je ne focalise pas sur cela. J’ai privilégié les prises directes. Il n’y a pas d’interview, pas de voix off pour faciliter la compréhension. Ce choix opératoire demande beaucoup plus de temps. J’ai intégré leur mode de vie. Je voulais restituer la vie quotidienne, l’intimité, ne pas montrer que des moments d’exception.

Dans le cas du collectif de réappropriation urbaine, on voit que l’action vise à se loger, mais elle va bien au-delà puisqu’il s’agit de reprendre le contrôle sur sa vie…

CC. Pourquoi ouvrir un squat ? C’est une action illégale qui s’avère complètement légitime. Pour le collectif cela permettait de libérer du temps pour débattre et s’organiser en autogestion de manière transversale. Et aussi stimuler les autres mouvements, pour travailler en réseau avec d’autres collectifs ou soutenir les populations ciblées par les spéculateurs immobiliers. Etre ensemble permet de diminuer la peur, pas seulement celle de la matraque mais aussi celle du vide. Ce ne sont pas des gens qui affirment détenir la vérité avec un V énorme. Ils politisent leur vie quotidienne. L’idée n’est pas de prendre le pouvoir mais de le dissoudre. Il y avait 200 000 personnes dans la rue, samedi dernier à Barcelone, rassemblées sous le slogan  : De l’indignation à l’action. Après la manif les gens sont allés occuper la fac de lettres et un immeuble pour reloger les gens expulsés. Le qualificatif des indignés vient des médias, c’est un terme qui comporte une petite notion de passivité…

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Squat sur les écrans le 2 novembre

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David Maugendre

Un nouveau souffle de contestation en Espagne

Démantelement du campement des indignés de Barcelone

Des milliers de manifestants se sont de nouveau rassemblés vendredi 27 mai au soir à Barcelone et à Madrid, criant leur colère après une intervention musclée de la police le matin à Barcelone lors du démantèlement du camp de tentes des jeunes « indignés ».

 A Barcelone, plus de 5.000 personnes se sont rassemblées sur la Place de Catalogne, où le matin, des incidents avaient éclaté lorsque les services municipaux ont voulu démonter le campement installé depuis une dizaine de jours, afin de laisser place aux célébrations de la Ligue des champions samedi 28 mai. Dans la soirée, des milliers de manifestants ont aussi envahi la place de la Puerta del Sol à Madrid. La foule agitait des fleurs ou des bouquets de toutes les couleurs, hurlant « Barcelone n’est pas seule » ou brandissant des pancartes avec les mots « Catalogne, nous sommes avec vous ». Casqués et armés de matraques, les policiers étaient intervenus de façon musclée le matin pour disperser un groupe qui bloquait l’entrée de la Plaza de Catalunya, en plein centre de la capitale catalane, au moment où les camions de nettoyage emportaient les tentes et le matériel.

« Les politiciens n’écoutent pas »

« 121 personnes ont dû recevoir des soins, dont 37 policiers et 12 personnes qui ont été hospitalisées », a annoncé une porte-parole du service des urgences, précisant qu’il s’agissait surtout « de crises d’angoisse et de contusions ». Mais sitôt déblayé le campement, la foule des manifestants a de nouveau envahi la place. Dans la soirée, une dizaine de tentes avaient déjà été remontées. « Voilà à quoi mène la brutalité policière. Que beaucoup plus de gens se réunissent pour protester », affirmait Maite Loureiro, une dessinatrice au chômage de 30 ans, qui manifestait à Barcelone. « Mais ceci est aussi la faute des politiciens qui ne nous écoutent pas ». Comme sur la place de la Puerta del Sol à Madrid, où les manifestants ont installé un village alternatif devenu le foyer de la contestation, la Place de Catalogne était occupée depuis dix jours par des centaines de jeunes.

Place à la Ligue des champions

A Madrid, le ministre de l’Intérieur Alfredo Perez Rubalcaba a annoncé que les autorités « étudiaient » une éventuelle évacuation de la Puerta del Sol, à la suite de demandes insistantes du gouvernement régional et des commerçants riverains. Au moins une dizaine de cars de police étaient stationnés vendredi soir dans les rues menant à la place. Le mouvement des jeunes « indignés », rejoint par des citoyens de tous horizons et largement relayé par les réseaux sociaux, s’est développé depuis le 15 mai autour de revendications multiples, visant le chômage, la « corruption » des hommes politiques ou la loi électorale favorisant les grands partis. Vendredi 27 mai, la municipalité de Barcelone a décidé de faire place nette dans la perspective des célébrations prévues samedi soir, en cas de victoire du FC Barcelone en finale de la Ligue des champions de football, contre Manchester United à Londres.

Une évacuation « lamentable »

Pendant que les camions des services de nettoyage emportaient le matériel, des policiers casqués ont fait usage de matraques et de balles en caoutchouc pour disperser plusieurs dizaines de manifestants. L’intervention policière et les images de manifestants traînés à terre ou à coups de matraques ont immédiatement provoqué des réactions de colère, relayées toute la journée sur Twitter. Des appels à des manifestations de soutien aux « indignés » de Barcelone ont été lancés pour vendredi soir dans toutes les villes espagnoles. « L’évacuation a été lamentable. Ils ne m’ont pas battu parce que suis en chaise roulante, mais je les ai vus frapper des gens qui voulaient entrer sur la place », déclarait un manifestant de 52 ans en chaise roulante, professeur d’université, qui s’identifiait sous son seul prénom de Manuel.

AFP

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Espagne : Zapatero isolé pour le débat sur l’état de la Nation

Le premier ministre espagnol devant le Parlement, à Madrid, le 14 juillet. Photo AFP.

Seul contre tous. C’est dans cette position inconfortable que José Luis Rodriguez Zapatero a abordé, mercredi 14 juillet devant le Parlement, le débat sur l’état de la Nation. Pour ce rendez-vous politique le plus important de l’année, le chef du gouvernement espagnol ne devra pas seulement affronter les attaques prévisibles de Mariano Rajoy, le chef du Parti populaire (PP, droite), la principale formation d’opposition. Pendant les deux journées de ce traditionnel débat parlementaire, instauré par le socialiste Felipe Gonzalez en 1983, M. Zapatero devait s’attendre à un feu croisé de critiques.Le changement de cap qu’il a imposé à sa politique économique, en annonçant en mai un drastique plan d’austérité, lui vaut l’hostilité de la gauche. Izquierda unida (IU, écolocommuniste) ne peut montrer aucune indulgence alors que les syndicats ont programmé pour le 29 septembre une grève générale, la première depuis le retour des socialistes au pouvoir en 2004. Dans son discours sur l’état de la Nation, principalement consacré à la crise économique, M. Zapatero a du également aborder la question du statut catalan, dont le Tribunal constitutionnel vient d’invalider plusieurs articles, provoquant une large indignation en Catalogne.

Après la manifestation qui a réuní samedi 10 juillet à Barcelone près d’un demi-million de personnes à l’appel de tous les partis et syndicats locaux (à l’exception du PP), José Luis Rodríguez Zapatero ne peut plus compter sur le soutien des nationalistes de Convergencia i Unio (CiU) que les sondages donnent vainqueurs lors des élections régionales de l’automne. En vue de ce scrutin, CiU a intérêt à radicaliser son discours pour mettre en porte-à-faux le Parti socialiste catalan (PSC). Sur le point de perdre le pouvoir en Catalogne, celui-ci réclame au PSOE une improbable renégociation du statut.

Sept voix manquantes

Si, au cœur de l’été, le débat sur l’état de la Nation sert de thermomètre politique avant la présentation de la loi de finances, la rentrée parlementaire menace d’être chaude et orageuse pour José Luis Rodríguez Zapatero. Où trouver les sept voix qui manquent au PSOE pour atteindre la majorité absolue au Congrès des deputés et faire voter son budget 2011 ? En réaffirmant ses derniers choix, le président socialiste n’a pas rassuré les partis de gauche hostiles aux réformes des retraites et du marché du travail, ni convaincu la droite.

La chance du chef de gouvernement espagnol est que personne n’a très envie d’être à sa place alors que la crise économique est à son comble avec plus de 20 % de chômeurs, et que l’Espagne est régulièrement la cible des spéculateurs internationaux. Le Parti populaire a mis une sourdine à son exigence d’élections anticipées. Même si Mariano Rajoy a répliqué au discours de son adversaire par un dur réquisitoire, le programme économique du PP n’est guère différent de celui du PSOE. Ni plus convaincant.

Le sort du gouvernement dépendra en fin de compte des six voix des députés du Parti nationaliste basque (PNV, nationaliste) et de trois députés de Navarre et des Canaries. Selon les observateurs, le soutien de ces formations au projet de budget 2011 paraît acquis … moyennant quelques concessions.