Fiest’A Sète : Des esthétiques et des déferlantes qui embarquent le public

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Bootsy Collins allume Sète. Photo Henri Nocca

Fiest’A Sète. La semaine au Théâtre de la mer a démarré très fort le week-end
dernier. Les concerts d’exception se poursuivent jusqu’au 8 août.

La qualité rejoint l’histoire et l’éclosion de découvertes des nouveaux talents de la world music au Théâtre de la mer où se poursuit Fiest’A Sète, jusqu’au 8 août. Samedi les Dieux ont absous le grand sorcier Bootsy Collins en lui permettant de passer entre les gouttes pour emporter son public par la vague funk qu’il a fait déferler sur le théâtre.

A l’évidence, cette musique est loin d’avoir dit son dernier mot. Le funk de Bootsy et de son super band gratte les tympans et irrite les yeux. Et on aime ça. Il faut le voir pour le croire. Ce personnage hors norme ne se limite pas à l’extravagance de ses costumes psychédéliques ou à sa basse guirlande étoilée. Le funk coule dans ses veines comme l’acide des xénomorphes qui peuplent la saga d’Alien.

Sur scène Bootsy ne s’applique pas sur son manche, il est simplement là pour transmettre. Et il nous embarque sur la piste de la funk music depuis son origine. Avec un de ses fondateur, on saute évidemment, les fastidieuses étapes pédagogiques pour entrer dans le vif. Le funk sommeille en chacun de nous et en toute chose. Sur la portée de Bootsy sont inscrites les quelques notes imparables pour le réveiller.

Toujours samedi, dans un autre registre d’envoûtement, plus glamour soul, se produisait l’étoile montante de la scène israélienne Ester Rada. Le charme de la chanteuse d’origine éthiopienne opère avec beaucoup de vibration. Sa proposition musicale très aboutie se nourrit de ses différentes origines culturelles. Une prestation empreinte d’une farouche volonté de liberté où se mêlent des stigmates de musique traditionnelle juive et éthiopienne. Dommage que le groupe n’ait pas répondu au public qui demandait un rappel après une petite heure de concert.

Le week-end hot s’est poursuivi dimanche avec une très heureuse soirée afro-cubaine. A commencer par la rencontre de la chanteuse malienne Fatoumata Diawara et du jeune pianiste virtuose cubain Roberto Fonseca avec qui elle interprète le superbe titre Bibisa sur son dernier album. La quête d’échange interactive que l’on découvre à l’écoute, s’est prolongée par une série de concerts communs des deux artistes dans une esthétique parfaitement maîtrisée. Le duo devrait poursuivre se voyage vers de nouvelles frontières.

C’est Orquestra Aragon fidèles du festival qui a conclu la soirée en fêtant très dignement son soixante quinzième anniversaire. Le public de Fiest’A Sète, qui en connaît un rayon en matière d’ondulation Rumba, Cha Cha et Salsa, a su être à la hauteur ! Affaire à suivre car la fête continue en s’orientant vers de nouveaux horizons…

JMDH

Théâtre de la mer ce soir. Plaza Francia

plaza_franciaTout est dit, ou presque, dans l’intitulé de ce projet étonnant qui réunit Catherine Ringer et deux tiers du trio Gotan Project, à savoir l’Argentin Eduardo Makaroff et le Suisse Christoph H. Müller. Etonnant ? L’association n’est pourtant pas si incongrue, si l’on se souvient des inflexions latines que la chanteuse des Rita Mitsouko a souvent donné à sa voix, comme pour anéantir les chances de traçabilité d’une musique résolument apatride et inclassable. Les deux Gotan, en congé momentané de leur formule à succès, cherchaient au départ un éventail de voix féminines propres à épouser les courbes sensuelles du tango. Ils ont rencontré la Ringer, et de son tempérament volcanique. So…

Source ; L’Hérault du Jour 05/08/14

 

Diva soul et funk atomic

Ester Rada,

L’étoile montante Ester Rada attendue à Fiest’A Sète, . d.r.

Concerts. Soirée Soul & Funk Session avec Ester Rada et Bootsy Collins au Théâtre de la Mer ce samedi à Sète.Rendez-vous dès la nuit au Théâtre de la mer où Fiest’A Sète installe son QG jusqu’au 8 août après une semaine de concerts nomades sur le bassin de Thau.

On commence très fort en explorant les liens étroits entre la soul et la funk music. Ester Rada fortement influencée par des grandes dames telles que Nina Simone ou Aretha Franklin ouvrira le bal. Attention ! On n’est pas ici dans une pâle copie version baloche mais bien dans l’idée de mettre en pratique les préceptes d’affirmations identitaires qui touchent à l’âme. Cette jeune israélienne d’origine éthiopienne a pris le temps qu’il lui fallait pour affirmer la force de ses racines musicales éthio jazz, pop et soul.

Le second concert du soir sera sans retenu. Bootsy Collins est un enfant terrible du funk tendance psychédélique. Il a fait vibrer sa basse au manche étoilé au sein des Funkadelic au côte de George Clinton. Bootsy est entré dans l’histoire de la musique black en temps que bassiste des JB’s, le backing band de James Brown, avec Fred Wesley et Macéo Parker. La rumeur affirme que James Brown congédia Bootsy Collins après que ce dernier eut des hallucinations dues au LSD sur scène. Un fait d’arme que la star du funk a su mettre à profit en poussant son goût pour l’excentricité. Cela n’enlève rien à ses qualités musicales, bien au contraire et il nous offre une synthèse de la musique noire américaine côté rythmique.

Après le mémorable concert de  Nile Rodgers l’année dernière, les monstres de la musique afro-américaine passent par Fiest’A Sète.  Hey Bootsy ! The god of the funk did not die.

Source : La Marseillaise 02/08/14

Voir aussi : Rubrique Actualité Locale, Rubrique Musique, rubrique Festival, Ouverture, Le Mento historique des Jolly boysFiest’A Sète archives, On Line Site Officiel.

Pensée critique juive. Lettre ouverte de la philosophe américaine Judith Butler

Judith Butler

Judith Butler

Judith Butler, née le  24 février 1956, philosophe américaine et théoricienne du genre, domaine qui fait couler beaucoup d’encre ces temps-ci, est une intellectuelle complexe qui laisse peu de monde indifférent. Lauréate du Prix Adorno en 2012*, elle fut violemment attaquée pour ses positons critiques et antisionistes sur le conflit israélo-palestinien. Elle s’explique dans cette lettre : autoportrait épistolaire d’une des grandes figures intellectuelles de notre temps.

Le Jérusalem Post a récemment publié un article, rapportant que certaines organisations s’opposent à ce que je reçoive le prix Adorno, un prix décerné tous les trois ans à quelqu’un qui travaille dans la tradition de la théorie critique au sens large. Les accusations portées contre moi disent que je soutiens le Hamas et le Hezbollah (ce qui n’est pas vrai), que je soutiens BDS (partiellement vrai), et que je suis antisémite (manifestement faux). Peut-être ne devrais-je pas être aussi surprise du fait que ceux qui s’opposent à ce que je reçoive le prix Adorno aient recours à des accusations aussi calomnieuses, sans fondements, sans preuves, pour faire valoir leur point de vue. Je suis une intellectuelle, une chercheuse, initiée à la philosophie à travers la pensée juive, et je me situe en tant que défenderesse et dans la perpétration, la continuité d’une tradition éthique juive comme le furent des personnalités tel que Martin Buber et Hannah Arendt. J’ai reçu une éducation juive au Temple à Cleveland, dans l’Ohio sous la tutelle du Rabbin Daniel Silver où j’ai développé de solides fondements éthiques sur la base de la pensée philosophique juive.

J’ai appris, et j’accepte, que nous sommes appelés par d’autres et par nous-mêmes, à répondre à la souffrance et à réclamer, à œuvrer afin qu’elle soit soulagée. Mais pour ce faire, nous devons entendre l’appel, trouver les ressources permettant d’y répondre, et parfois subir les conséquences d’avoir parlé comme nous le faisons. On m’a enseigné à chaque étape de mon éducation juive qu’il n’est pas acceptable de rester silencieux face à l’injustice. Une telle injonction est difficile à mettre en œuvre, car elle n’indique pas exactement quand, ni comment parler, ni comment parler de manière à ne pas produire une nouvelle injustice, ou encore comment parler de façon à être entendue et compris clairement et justement. Ma position actuelle n’est pas entendue par ces détracteurs, et peut-être cela ne devrait-il pas me surprendre, car leur tactique consiste à détruire les conditions d’audibilité.

[…] Il est faux, absurde et pénible que quiconque puisse prétendre que ceux qui formulent une critique envers l’Etat d’Israël sont antisémites ou, si juifs, victimes de la haine de soi. De telles accusations cherchent à diaboliser la personne qui articule un point de vue critique et à disqualifier ainsi, à l’avance son point de vue. C’est une tactique pour faire taire : cette personne est inqualifiable, innommable, et tout ce qu’elle dira doit être rejeté à l’avance ou perverti de telle façon que la validité de sa parole soit niée. Une telle attitude se refuse à considérer, à examiner le point de vue exposé, se refuse à débattre de sa validité, à tenir compte des preuves apportées, et à en tirer une conclusion solide sur les bases de l’écoute et du raisonnement. De telles accusations ne sont pas seulement une attaque contre les personnes qui ont des opinions inacceptables aux yeux de certains, mais c’est une attaque contre l’échange raisonnable, sur la possibilité même d’écouter et de parler dans un contexte où l’on pourrait effectivement envisager ce que l’autre a à dire. Quand un groupe de Juifs qualifie un autre groupe de Juifs d’ « antisémite », il tente de monopoliser le droit de parler au nom des Juifs.

Ainsi, l’allégation d’antisémitisme recouvre en fait une querelle intra juive.

Aux États-Unis, j’ai été alarmée par le nombre de Juifs qui, consternés par la politique israélienne, y compris l’occupation, les pratiques de détention à durée indéterminée, le bombardement des populations civiles dans la bande de Gaza, cherchent à désavouer leur judéité. Ils font l’erreur de croire que l’Etat juif d’Israël représente la judéité de notre époque, et que s’identifier comme juif signifie un soutien inconditionnel à Israël. Et pourtant, il y a toujours eu des traditions juives qui s’opposent aux violences des Etats, qui prônent une cohabitation multiculturelle et défendent les principes d’égalité ; et cette tradition éthique vitale est oubliée ou écartée lorsque l’un d’entre nous accepte Israël comme étant le fondement de l’identité et ou des valeurs juives. Nous avons donc d’une part, les juifs qui critiquent Israël et pensent qu’ils ne peuvent plus être juif puisqu’Israël représente la judéité, et d’autre part, ceux qui pour qui Israël représente le judaïsme et ses valeurs, cherchant à démolir quiconque critique Israël en concluant que toute critique est anti-sémite ou, si juive, issue de la haine de soi.

Je m’efforce, tant dans la sphère intellectuelle que dans la sphère publique de sortir de cette impasse, de cet emprisonnement.

À mon avis, il y a de fortes traditions juives, et même des traditions sionistes initiales, qui attachent une grande importance à la cohabitation et offrent une panoplie de moyens pour s’opposer aux violences de toutes sortes, y compris la violence d’Etat. Il est très important en ce moment, pour notre époque que ces traditions soient soutenues, mise à l’honneur, vivifiées, inspirées – elles représentent des valeurs de la diaspora, les luttes pour la justice sociale, et la valeur juive extrêmement importante, celle de « réparer le monde » (Tikkun).

Il est clair pour moi que les passions soulevées par ces questions rendent la parole et l’écoute très difficiles. Quelques mots sont sortis de leur contexte, leurs sens déformés, et ils étiquettent, labellisent un individu. C’est ce qui arrive à beaucoup de gens qui émettent un point de vue critiquant Israël – ils sont stigmatisés comme antisémites ou même comme collaborateurs nazis ; ces formes d’accusations visent à établir les formes les plus durables et les plus toxiques de la stigmatisation et de diabolisation. La personne est ciblée, en sélectionnant des mots hors contexte, en inversant leurs significations et en les collant à la personne : annulant en effet les propos de cette personne, sans égard pour la teneur de ses opinions, de sa pensée.

Pour ceux d’entre nous, qui sommes des descendants de Juifs Européens, détruits, exterminés par le génocide nazi (la famille de ma grand-mère a été anéantie dans un petit village au sud de Budapest), c’est l’insulte la plus douloureuse et une véritable blessure que d’être désigné comme complice de la haine des Juifs ou d’être défini comme ayant la haine de soi. Et il est d’autant plus difficile d’endurer la douleur d’une telle allégation lorsqu’on cherche à promouvoir ce qu’il y a de plus précieux dans le judaïsme, cette réflexion sur l’éthique contemporaine, y compris la relation éthique à ceux qui sont dépossédés de leurs terres et de leurs droits à l’autodétermination, à ceux qui cherchent à garder vivante la mémoire de leur oppression, à ceux qui cherchent à vivre une vie qui sera, et doit être, digne de faire son deuil. Je soutiens le fait que ces valeurs soient issues d’importantes sources juives, ce qui ne veut pas dire que ces valeurs soient spécifiquement juives. Mais pour moi, étant donné l’histoire à laquelle je suis liée, il est très important en tant que Juive de m’élever contre l’injustice et de lutter contre toutes formes de racisme. Cela ne fait pas de moi une Juive qui a la haine de soi ; cela fait de moi une personne qui souhaite clamer un judaïsme qui ne s’identifie pas à la violence d’Etat mais qui s’identifie à une lutte élargie pour la justice sociale.

[…]

J’ai toujours été en faveur de l’action politique non-violente, principe auquel je n’ai jamais dérogé. Il y a quelques années une personne dans un public universitaire m’a demandé si je pensais que le Hamas et le Hezbollah appartenait à « la gauche mondiale » et j’ai répondu sur deux points :

Mon premier point était purement descriptif : les organisations politiques se définissant comme anti-impérialistes et l’anti-impérialisme étant une des caractéristiques de la gauche mondiale, on peut alors sur cette base, les décrire comme faisant partie de la gauche mondiale.

Mon deuxième point était critique : comme avec n’importe quel groupe de gauche, il faut décider si l’on est pour ou contre ce groupe, et il faut alors évaluer de façon critique leurs positions.

[…]

A mon avis, les peuples de ces terres, juive et palestinienne, doivent trouver un moyen de vivre ensemble sur la base de l’égalité. Comme tant d’autres, j’aspire à un régime politique véritablement démocratique sur ces terres et je défends les principes de l’autodétermination et de la cohabitation des deux peuples, en fait, pour tous les peuples. Et mon souhait est, ce que souhaitent un nombre croissant de juifs et non juifs, celui que l’occupation prenne fin, que cesse la violence sous toutes ses formes, et que les droits politiques de chaque habitant soient assurés par une nouvelle structure politique.

Judith Butler

Source : In der Frankfurter 27 août 2012

Voir aussi : Rubrique IsraëlEtre juif après Gaza: Un travail de conscience, L’appel à la raison des juifs européens, rubrique Palestine rubrique Politique, Philosophie, rubrique Société Religion, On LIne : Une morale pour temps précaires,

Le complexe militaro-financier pour la paix ?

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Opinion libre

Allez savoir pourquoi en me levant un peu tard aujourd’hui j’ai repensé au documentaire « we make weapons » de Yotam Feldman que j’ai croisé l’année dernière au Cinemed ?

Né à Tel-Aviv, Yotam Feldman n’est pas un amateur ni un militant politique, c’est un journaliste qui a bossé pendant plus de sept ans comme enquêteur pour l’édition du week-end de Haaretz, s’occupant des questions de politique militaire, des réfugiés et de la culture.

Son film démontre que durant la dernière décennie, le contrôle exercé par l’armée israélienne sur plus de 3,75 millions de Palestiniens s’est mué en une entreprise économique considérée comme essentielle à la richesse d’Israël. Les moyens employés par l’armée contre Gaza et en Cisjordanie s’exportent dans le monde entier. L’occupation militaire est si rentable pour l’État d’Israël qu’il ne peut y renoncer.

Cet éclairage explique aussi certains blocages incompréhensibles émanant d’Etats comme le notre. Les enjeux des conflits sont rarement liés, comme on veut nous le faire croire, aux bons ou aux méchants, aux positions humanistes ou humanitaires. Nous ne sommes pas dans la théorie du complot. Ces portraits qui apparaissent des coulisses du pouvoir sont bien réels.

De Washington à Paris en passant par Tel-Aviv, Londres, Berlin le pouvoir du complexe  militaro-financier (ensemble constitué par l’industrie de l’armement, les forces armées et les décideurs publics) est devenu le centre névralgique d’une finance mondiale en crise. Il est alimenté par des affaires de corruptions à grande échelle qui bénéficient du Secret Défense.

Comment imaginer un instant que le complexe militaro-financier qui dispose de moyens considérables agisse en faveur de la paix ? Il irrigue les industries nationales en se nourrissant de victimes civiles. Ce qu’il ne faut cesser de dénoncer, merci donc à Yotam Feldman.

JMDH

Le Vent se lève 26/07/14

Voir aussi : Rubrique Défense, rubrique Affaires, rubrique Cinéma, rubrique Méditerranée, Israël, Drones : les secrets de la success-story israélienne,

Hollande-Fabius, les errements de la diplomatie française

2012-05-17-120516_delucq_traduction_pt-thumbA l’ombre de Gaza

par Alain Gresh

La manière dont François Hollande et son ministre des affaires étrangères Laurent Fabius ont entériné l’assaut israélien contre Gaza, avec ses innombrables destructions et victimes, a pu étonner ici ou là. Couac de la communication ? Benjamin Barthe, sur le site du Monde, note que la première déclaration de Hollande sur le droit d’Israël à se défendre, sans aucune mention des pertes civiles palestiniennes, venait à la suite d’un coup de téléphone de Benyamin Netanyahou (« L’embarras international face à l’escalade à Gaza », 12 juillet). Le lendemain, le président émettait une nouvelle déclaration « plus équilibrée ». Mais, comme le note le journaliste du Monde, « le cafouillage est néanmoins emblématique de l’embarras des chancelleries européennes et américaine face à la question de Gaza. Insister, comme elles l’ont presque toutes fait à des degrés divers, sur le “droit d’Israël à l’autodéfense” et sur la nécessité de la “retenue”, ne suffit pas à leur donner de prise sur le terrain ». Cela équivaut, en réalité, à une « carte blanche » laissée au gouvernement Netanyahou.

Selon un responsable de l’Elysée, la position de la France « reste fondée sur l’équilibre ». Equilibre entre l’occupant et l’occupé ? Entre les quelque 200 morts palestiniens et les « zéro mort » côté israélien ? Quand le général de Gaulle critiquait l’agression israélienne de juin 1967, il ne faisait pas preuve d’équilibre. Quand les Etats européens réunis à Venise en 1980 demandaient le droit à l’autodétermination des Palestiniens et à un dialogue avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), ils ne faisaient pas preuve d’équilibre. Quand Jacques Chirac s’indignait, lors de sa fameuse visite à Jérusalem en 1996, du comportement des troupes d’occupation, il ne faisait pas preuve d’équilibre.

Cette notion d’équilibre est souvent mise en avant par les médias, mais il est curieux qu’elle ne le soit que pour le conflit israélo-palestinien : ni sur l’Ukraine, ni sur la Syrie, ni sur la plupart des autres crises, les journalistes n’invoquent l’équilibre ; pourquoi le font-ils seulement sur la Palestine ? Rappelons que le rôle des journalistes n’est pas d’être équilibrés, mais d’expliquer les faits, d’expliquer les réalités (lire l’excellent article de Marwan Bishara, « De la responsabilité des journalistes, des médias et de la Palestine », Infopalestine, 9 juillet). Pour reprendre, en la changeant, une formule célèbre, l’objectivité ce n’est pas « cinq minutes pour les Noirs d’Afrique du Sud, cinq minutes pour le régime de l’apartheid ».

Revenons aux déclarations françaises. Si elles s’inscrivent dans la continuité de celles que faisait naguère Nicolas Sarkozy, elles sont en rupture avec un demi-siècle de diplomatie menée par Paris. On a assisté depuis dix ans, dans le plus grand silence, à un virage de la diplomatie française. Entamé à la fin du mandat de Jacques Chirac, il a été accentué par Nicolas Sarkozy et par François Hollande. Et il touche tous les domaines, pas seulement le conflit israélo-palestinien. Il s’est accompagné d’un effacement de la place de la France, qui ne fait plus entendre de voix singulière, si ce n’est, parfois, pour critiquer, « sur leur droite », les Etats-Unis.

Comment définir ce virage ? Certes, Paris n’est pas porteur d’une doctrine totalement élaborée (pas plus, d’ailleurs, que ne l’est le néoconservatisme américain) et des nuances existent entre tel ou tel responsable. D’autre part, cette rupture discrète avec un demi-siècle de diplomatie française (1958-2003) doit tenir compte des contraintes politiques, notamment d’une opinion publique peu sensible aux sirènes de la droite américaine.

Fondamentalement, les responsables français refusent l’idée que le monde serait devenu moins dangereux depuis la fin de la guerre froide. Au contraire. Le terrorisme et l’islamisme menaceraient nos pays, les fondements de la civilisation occidentale, et nous serions engagés dans une « guerre contre le terrorisme » de longue durée. Et ces périls sont accentués par la montée en puissance de pays qui ne partagent pas nos valeurs et qui n’acceptent pas l’ordre international occidental, l’Iran d’abord, mais aussi la Russie et la Chine.

Cette analyse repose en particulier sur la conviction que la France appartient au monde occidental, par opposition notamment au monde islamique. Et le terrorisme représente une menace d’autant plus grave qu’il est relayé par un ennemi intérieur clairement identifié, des musulmans qui se radicalisent — les autorités surfent ainsi sur l’islamophobie dominante, au risque, une fois de plus, de renforcer le Front national.

Cette ligne s’est affirmée avec plus de force depuis l’élection du président Barack Obama, qui a tenté de tirer quelques leçons des désastres enclenchés par son prédécesseur, George W. Bush, en Irak et en Afghanistan. Depuis, la France ne rate pas une occasion de critiquer le manque de fermeté de Barack Obama, que ce soit sur le dossier du nucléaire iranien ou sur l’intervention militaire en Syrie, tout en lui laissant le champ libre pour mener des négociations sur la Palestine (sujet sur lequel Paris sait qu’il ne fera aucune pression sérieuse sur Israël).

Une chose est rassurante : les capacités de nuisance de la France sont limitées. Et si les Etats-Unis décident, par exemple, de signer un accord avec l’Iran, ils ne demanderont pas la permission de Paris. S’ils décident de ne pas intervenir en Syrie, la France est impuissante. Jadis, la position singulière de la France était son meilleur atout ; ce n’est plus le cas aujourd’hui.

L’admiration pour Israël est un autre des piliers de cette diplomatie française. Il ne s’agit pas simplement de philosémitisme, mais d’appui à un pays supposé être à l’avant-garde de la lutte contre le radicalisme islamiste, une pointe avancée de l’Occident. C’était d’ailleurs l’idée centrale de Theodor Herzl, fondateur du sionisme politique, lequel voyait dans l’Etat juif qu’il préconisait un bastion européen face à la « barbarie asiatique ». J’ai rappelé ailleurs la solidarité surprenante de l’Afrique du Sud de l’apartheid — dirigée entre 1948 et 1991 par un parti dont les fondements antisémites étaient avérés — avec Israël : les dirigeants de Pretoria considéraient les Israéliens comme des colons qu’ils admiraient, non comme des juifs qu’ils méprisaient [1]. Cela se confirme aujourd’hui, alors que la plupart des grandes forces politiques européennes d’extrême droite ont rangé l’antisémitisme au magasin des accessoires périmés et l’ont remplacé par une islamophobie militante ainsi qu’une solidarité inconditionnelle avec Israël.

Cette inflexion entraîne, sur ce conflit, une « indignation sélective de François Hollande », comme l’écrit Armine Arefi sur le site du Point (11 juillet), ou comme en témoignent les visites de l’ambassadeur de France dans le sud d’Israël pour rassurer nos compatriotes qui s’y trouvent — le même ambassadeur qui avait salué « l’engagement courageux » de jeunes Français dans l’armée israélienne.

Notons enfin la prise de pouvoir, au sein des instances de l’Etat, d’une nouvelle génération de cinquantenaires qui impulsent ce virage politique : le futur conseiller diplomatique de Hollande, le chef de cabinet de Fabius, le représentant de la France aux Nations unies, le directeur des affaires stratégiques du ministère de la défense. Ni de droite ni de gauche, admiratifs des Etats-Unis, partisans des interventions militaires et de l’OTAN, obsédés par la « guerre contre le terrorisme » et contre l’islam, grands admirateurs d’Israël, ils s’incrustent au cœur de l’appareil d’Etat et garantissent la continuité de la diplomatie française, quel que soit le parti au pouvoir.

Source Les blogs du diplo  15 juillet 2014,

Gay Pride Montpellier. Fête et réaffirmation d’un combat politique

gay saurelLa Lesbian & Gay Pride Montpellier L-R fête ses vingt ans. La parade festive des diversités s’accompagne cette année d’une appropriation historique de la lutte pour l’égalité.

Un drapeau arc-en-ciel des costumes exubérants des musiques multiples et entraînantes, des milliers de personnes qui défilent dans les rues de Montpellier, une fête, un carnaval, c’est la Gay Pride. Cette année La Lesbian & Gay Pride Montpellier Languedoc-Roussillon fêtait ses 20 ans. Le cortège qui a démarré hier en fin d’après-midi de l’esplanade du Peyrou a célébré avant l’heure son feu d’artifice culturel en partageant cet esprit de fête avec tous les Montpelliérains et les nombreux visiteurs ayant profité du décalage de la date de la manifestation pour se joindre aux réjouissances.

Gestion du succès

LGBT (Lesbien, gay, bi et trans) Montpellier qui lutte depuis sa création contre toutes les formes de discriminations a désormais pignon sur rue. Elle a aussi conscience que son combat et plus que jamais d’actualité. La retentissante célébration du premier mariage homosexuel à Montpellier donne à l’organisation une exposition importante qui l’intronise dans la sphère politique. Elle doit aujourd’hui trouver un juste positionnement entre son potentiel économique, ? le mouvement est considéré comme une filière à développer et un pôle d’attractivité pour la ville – et son engagement revendicatif.

Ainsi le décalage de la date de la Gay Pride pour permettre un plus large accès aux touristes de passage a été contesté par une partie de la communauté mais ce vingtième anniversaire a aussi été l’occasion de réaffirmer les luttes qui restent à mener, y compris en France, en recadrant le mouvement dans son histoire.

UNE dimanche MPT Gay prideVendredi à l’initiative de la LGBT Montpellier L-R, des personnalités symboliques du mouvement national et internationales étaient conviées, au Centre Rabelais, pour  évoquer l’histoire des luttes et rappeler l’importance d’affirmer sa différence pour l’avenir du monde. Une façon d’ouvrir les yeux à une partie de la nouvelle génération et de réduire les tentations consuméristes alimentées par l’image modèle que se donne Montpellier.

Retour historique

36 ans après l’assassinat de son oncle, Stuart Milk, le président de la Fondation Harvez Milk a rappelé l’histoire de son combat. Harvez Milk a été le premier conseiller municipal ouvertement gay de la ville de San Francisco. Il est mort assassiné avec le maire de San Francisco, George Moscone, le 27 novembre 1978. Leur meurtrier, Dan White, a été condamné à sept ans de prison, pour homicide involontaire et finalement libéré après cinq ans de réclusion. Le verdict, considéré comme trop clément par la communauté gay et au-delà, a provoqué des émeutes réprimées par la police de San Francisco connues sous le nom de White night riots.

« Mon oncle disait qu’il fallait être visible et ne pas se cacher. Il avait reçu des menaces de mort, il a continué conscient que les balles qu’il allait prendre dans la tête allaient aussi exploser les murs dans lesquels on s’enferme » a souligné Stuart Milk devant une assemblée soucieuse de se réapproprier son histoire.

Pour la côte Est, Alan Reiff du bureau exécutif de Queens Pride New-York est revenu sur le violent acte de naissance de la Gai Pride en relatant les émeutes de Stonewall (voir ci dessous). Hans De Meyer président de l’European Pride Organisers Association a souligné les persécutions dont sont victimes aujourd’hui les homosexuels dans le monde et en Europe. Appelant à intensifier les échanges pour renforcer la lutte.

Jean-Marie Dinh

Repère : A l’origine de la Gay Pride

sucetteLa Gay Pride est née en 1969 au lendemain d’une descente de police dans un bar de New york, le Stonewall. A cette époque il était fréquent d’être arrêté parce qu’on était noir ou homosexuel. Ce jour là pourtant, la population de Greenwich village prend la défense des clients du bar à qui l’on reproche d’être différents. Une foule se forme et bientôt se transforme en une émeute qui durera trois nuits. A l’aube du 30 juin 1969, le mouvement de libération gay et lesbien moderne est né. L’année suivante, des milliers de Ney-Yorkais défilent dans les rues pour afficher leur aversion avec les discriminations. Plus de quarante ans plus tard la Gay Pride de New-york rassemble plus d’un million de personnes. Un succès mais aussi une façon de rappeler que le combat contre l’homophobie semble devoir être un éternel recommencement.

Source : L’Hérault du Jour : 13/07/2014

Voir aussi : Rubrique Actualité Locale,  rubrique SociétéFestival contre les discriminations de Vauvert, rubrique Politique, Politique locale, Société civile,