Hollande-Fabius, les errements de la diplomatie française

2012-05-17-120516_delucq_traduction_pt-thumbA l’ombre de Gaza

par Alain Gresh

La manière dont François Hollande et son ministre des affaires étrangères Laurent Fabius ont entériné l’assaut israélien contre Gaza, avec ses innombrables destructions et victimes, a pu étonner ici ou là. Couac de la communication ? Benjamin Barthe, sur le site du Monde, note que la première déclaration de Hollande sur le droit d’Israël à se défendre, sans aucune mention des pertes civiles palestiniennes, venait à la suite d’un coup de téléphone de Benyamin Netanyahou (« L’embarras international face à l’escalade à Gaza », 12 juillet). Le lendemain, le président émettait une nouvelle déclaration « plus équilibrée ». Mais, comme le note le journaliste du Monde, « le cafouillage est néanmoins emblématique de l’embarras des chancelleries européennes et américaine face à la question de Gaza. Insister, comme elles l’ont presque toutes fait à des degrés divers, sur le “droit d’Israël à l’autodéfense” et sur la nécessité de la “retenue”, ne suffit pas à leur donner de prise sur le terrain ». Cela équivaut, en réalité, à une « carte blanche » laissée au gouvernement Netanyahou.

Selon un responsable de l’Elysée, la position de la France « reste fondée sur l’équilibre ». Equilibre entre l’occupant et l’occupé ? Entre les quelque 200 morts palestiniens et les « zéro mort » côté israélien ? Quand le général de Gaulle critiquait l’agression israélienne de juin 1967, il ne faisait pas preuve d’équilibre. Quand les Etats européens réunis à Venise en 1980 demandaient le droit à l’autodétermination des Palestiniens et à un dialogue avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), ils ne faisaient pas preuve d’équilibre. Quand Jacques Chirac s’indignait, lors de sa fameuse visite à Jérusalem en 1996, du comportement des troupes d’occupation, il ne faisait pas preuve d’équilibre.

Cette notion d’équilibre est souvent mise en avant par les médias, mais il est curieux qu’elle ne le soit que pour le conflit israélo-palestinien : ni sur l’Ukraine, ni sur la Syrie, ni sur la plupart des autres crises, les journalistes n’invoquent l’équilibre ; pourquoi le font-ils seulement sur la Palestine ? Rappelons que le rôle des journalistes n’est pas d’être équilibrés, mais d’expliquer les faits, d’expliquer les réalités (lire l’excellent article de Marwan Bishara, « De la responsabilité des journalistes, des médias et de la Palestine », Infopalestine, 9 juillet). Pour reprendre, en la changeant, une formule célèbre, l’objectivité ce n’est pas « cinq minutes pour les Noirs d’Afrique du Sud, cinq minutes pour le régime de l’apartheid ».

Revenons aux déclarations françaises. Si elles s’inscrivent dans la continuité de celles que faisait naguère Nicolas Sarkozy, elles sont en rupture avec un demi-siècle de diplomatie menée par Paris. On a assisté depuis dix ans, dans le plus grand silence, à un virage de la diplomatie française. Entamé à la fin du mandat de Jacques Chirac, il a été accentué par Nicolas Sarkozy et par François Hollande. Et il touche tous les domaines, pas seulement le conflit israélo-palestinien. Il s’est accompagné d’un effacement de la place de la France, qui ne fait plus entendre de voix singulière, si ce n’est, parfois, pour critiquer, « sur leur droite », les Etats-Unis.

Comment définir ce virage ? Certes, Paris n’est pas porteur d’une doctrine totalement élaborée (pas plus, d’ailleurs, que ne l’est le néoconservatisme américain) et des nuances existent entre tel ou tel responsable. D’autre part, cette rupture discrète avec un demi-siècle de diplomatie française (1958-2003) doit tenir compte des contraintes politiques, notamment d’une opinion publique peu sensible aux sirènes de la droite américaine.

Fondamentalement, les responsables français refusent l’idée que le monde serait devenu moins dangereux depuis la fin de la guerre froide. Au contraire. Le terrorisme et l’islamisme menaceraient nos pays, les fondements de la civilisation occidentale, et nous serions engagés dans une « guerre contre le terrorisme » de longue durée. Et ces périls sont accentués par la montée en puissance de pays qui ne partagent pas nos valeurs et qui n’acceptent pas l’ordre international occidental, l’Iran d’abord, mais aussi la Russie et la Chine.

Cette analyse repose en particulier sur la conviction que la France appartient au monde occidental, par opposition notamment au monde islamique. Et le terrorisme représente une menace d’autant plus grave qu’il est relayé par un ennemi intérieur clairement identifié, des musulmans qui se radicalisent — les autorités surfent ainsi sur l’islamophobie dominante, au risque, une fois de plus, de renforcer le Front national.

Cette ligne s’est affirmée avec plus de force depuis l’élection du président Barack Obama, qui a tenté de tirer quelques leçons des désastres enclenchés par son prédécesseur, George W. Bush, en Irak et en Afghanistan. Depuis, la France ne rate pas une occasion de critiquer le manque de fermeté de Barack Obama, que ce soit sur le dossier du nucléaire iranien ou sur l’intervention militaire en Syrie, tout en lui laissant le champ libre pour mener des négociations sur la Palestine (sujet sur lequel Paris sait qu’il ne fera aucune pression sérieuse sur Israël).

Une chose est rassurante : les capacités de nuisance de la France sont limitées. Et si les Etats-Unis décident, par exemple, de signer un accord avec l’Iran, ils ne demanderont pas la permission de Paris. S’ils décident de ne pas intervenir en Syrie, la France est impuissante. Jadis, la position singulière de la France était son meilleur atout ; ce n’est plus le cas aujourd’hui.

L’admiration pour Israël est un autre des piliers de cette diplomatie française. Il ne s’agit pas simplement de philosémitisme, mais d’appui à un pays supposé être à l’avant-garde de la lutte contre le radicalisme islamiste, une pointe avancée de l’Occident. C’était d’ailleurs l’idée centrale de Theodor Herzl, fondateur du sionisme politique, lequel voyait dans l’Etat juif qu’il préconisait un bastion européen face à la « barbarie asiatique ». J’ai rappelé ailleurs la solidarité surprenante de l’Afrique du Sud de l’apartheid — dirigée entre 1948 et 1991 par un parti dont les fondements antisémites étaient avérés — avec Israël : les dirigeants de Pretoria considéraient les Israéliens comme des colons qu’ils admiraient, non comme des juifs qu’ils méprisaient [1]. Cela se confirme aujourd’hui, alors que la plupart des grandes forces politiques européennes d’extrême droite ont rangé l’antisémitisme au magasin des accessoires périmés et l’ont remplacé par une islamophobie militante ainsi qu’une solidarité inconditionnelle avec Israël.

Cette inflexion entraîne, sur ce conflit, une « indignation sélective de François Hollande », comme l’écrit Armine Arefi sur le site du Point (11 juillet), ou comme en témoignent les visites de l’ambassadeur de France dans le sud d’Israël pour rassurer nos compatriotes qui s’y trouvent — le même ambassadeur qui avait salué « l’engagement courageux » de jeunes Français dans l’armée israélienne.

Notons enfin la prise de pouvoir, au sein des instances de l’Etat, d’une nouvelle génération de cinquantenaires qui impulsent ce virage politique : le futur conseiller diplomatique de Hollande, le chef de cabinet de Fabius, le représentant de la France aux Nations unies, le directeur des affaires stratégiques du ministère de la défense. Ni de droite ni de gauche, admiratifs des Etats-Unis, partisans des interventions militaires et de l’OTAN, obsédés par la « guerre contre le terrorisme » et contre l’islam, grands admirateurs d’Israël, ils s’incrustent au cœur de l’appareil d’Etat et garantissent la continuité de la diplomatie française, quel que soit le parti au pouvoir.

Source Les blogs du diplo  15 juillet 2014,

Le ministre français de la Défense Hervé Morin en Afghanistan

Le ministre français de la Défense Hervé Morin est arrivé jeudi à Kaboul pour une visite de 48 heures en Afghanistan, avant un prochain redéploiement des forces françaises dans l’est et alors que l’incertitude demeure sur l’issue de l’élection présidentielle.

M. Morin, accompagné de l’écrivain et philosophe Bernard Henri-Lévy, doit se rendre sur les trois « bases d’opérations avancées » occupées par les forces françaises, à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Kaboul.

Il fera aussi une brève escale à Bagram, la base américaine qui accueille un détachement de drones français, au nord de la capitale afghane. A deux jours de cette visite, M. Morin s’est prononcé contre un « départ précipité » des troupes françaises d’Afghanistan mais pour une « révision de la stratégie » de la coalition militaire internationale passant par des « objectifs » précis.

Quelque 3.700 militaires français sont engagés sur le « théâtre des opérations afghan », dont 3.000 en Afghanistan même. Au total, les forces internationales comptent quelque 100.000 soldats, dont plus des deux tiers américains.

Le 1er novembre, le dispositif français sera officiellement redéployé avec le transfert de l’essentiel des troupes présentes à Kaboul sur les bases de Kapisa et de Surobi.

En 2002, Bernard Henri-Lévy avait signé un rapport sur la contribution de la France à la reconstruction de l’Afghanistan que lui avaient confié le président d’alors Jacques Chirac et son ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine.

Cette visite survient au lendemain de l’annonce des résultats préliminaires de la présidentielle du 20 août. Le président sortant Hamid Karzaï, installé au pouvoir par la communauté internationale il y a huit ans, après la chute du régime des talibans, est en tête, mais il ne peut être proclamé réélu officiellement tant que les enquêtes sur des fraudes apparemment massives en sa faveur n’ont pas abouti.

Otan : Le porte-avions Eisenhower accueille le retour de la France Le porte-avions géant de l’US Navy, l’USS

Peu après 10H00, le général des Marines James N. Mattis doit remettre au général Stéphane Abrial le drapeau de l’Otan et, à travers lui, son « Commandement allié de la Transformation » (ACT), chargé de préparer l’Alliance aux menaces émergentes et aux nouvelles exigences opérationnelles.

Pour marquer d’une pierre blanche cette étape dans l’histoire de l’Alliance, son secrétaire général, le Danois Anders Fogh Rasmussen, et les plus hautes autorités militaires américaines assisteront à la cérémonie conçue comme un show d’une heure réglé dans les moindres détails.

« C’est la première fois depuis la création de l’Alliance qu’un commandement de niveau stratégique est confié à un non-Américain », a lui-même relevé le général Abrial devant la presse à la veille de son intronisation.
L’officier français voit dans son arrivée à Norfolk, un « symbole » du « renforcement du rôle des Européens au sein de l’Alliance ». Il en veut pour preuve la présence à ses côtés d’amiraux italien et britannique.

Sans citer la France, il souligne aussi la dimension industrielle de l’européanisation de l’Alliance atlantique, jugeant « extrêmement important que l’ensemble des industries de défense de tous ses pays membres soit représenté ».

Mais il souligne aussi le parallélisme entre la présence « d’un amiral américain en Belgique, sur sol européen, pour assurer le commandement des opérations de l’Otan et d’un général européen sur sol américain pour commander sa transformation ».

« Cette présence croisée est un symbole très fort de ce lien transatlantique qui est au coeur de l’Otan », insiste-t-il.
Le général Abrial entend se mettre à la tâche « dès mercredi midi » avec comme « tout premier dossier, le lancement, côté militaire, des travaux sur le nouveau concept stratégique de l’Alliance atlantique ».

Ces travaux de révision de l’actuel concept, un document « post-guerre froide » remontant à 1999 et jugé largement obsolète, ont été lancés au sommet du 60e anniversaire de l’Otan à Strasbourg/Kehl, en avril. Ils doivent aboutir d’ici à son prochain sommet, fin 2010 à Lisbonne.

Créé pour favoriser la transformation et l’interopérabilité des forces armées des 28 membres de l’organisation, ACT est chargé de l’évolution de ses capacités militaires et de la réflexion sur ses défis, besoins et missions futurs.

L’autre commandement « suprême » de l’Otan, le Commandement allié opérations (Allied Command for Operations, ACO) est installé au Grand quartier général des puissances alliées en Europe (SHAPE), près de Mons (Belgique). Gigantesque machine, il gère les engagements en Afghanistan, au Kosovo ou en Méditerranée.

En retrouvant le commandement intégré de l’Alliance au sommet de Strasbourg/Kehl, la France avait obtenu aussi le commandement de l’un des trois quartiers généraux de l’ACO, celui de Lisbonne.

Un général français, Philippe Stoltz, en a pris la tête le 20 juillet. Il a désormais la haute main sur les opérations de lutte anti-piraterie de l’Otan, ses activités en Afrique et sa Force de réaction rapide.
Quelque 1.250 militaires français rejoindront également les états-majors de l’Alliance d’ici à 2012.