M. Macron annonce des « opérations d’évacuation d’urgence » de migrants esclaves en Libye

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De nombreux dirigeants se sont retrouvés mercredi, en marge du sommet Europe-Afrique d’Abidjan, pour évoquer une action « immédiate ».

Le premier succès du sommet réunissant l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE) est déjà de s’être ouvert, mercredi 29 novembre, en Côte d’Ivoire. Car la querelle autour de l’invitation faite à la République arabe sahraouie démocratique (RASD), reconnue par l’UA mais honnie par le Maroc, a failli faire échouer cette rencontre. Finalement, Rabat a mis sa colère en sourdine et le roi du Maroc, Mohammed VI, a fait le déplacement d’Abidjan, une métropole où il a ses habitudes, la capitale d’un pays où son pays investit massivement.

Avec une Afrique retrouvant donc une unité de façade, le sommet était placé sous le thème « Investir dans la jeunesse pour un avenir durable ». Il n’a toutefois pas pu se soustraire à l’actualité. D’autant que celle-ci recoupait en partie le sujet de départ : depuis la diffusion par la chaîne américaine CNN d’un reportage montrant des migrants subsahariens vendus comme esclaves en Libye, les dirigeants du continent africain s’indignent, en appellent à une Cour pénale internationale que beaucoup abhorrent en temps normal pour qu’elle se saisisse de ce drame.

La question migratoire a donc bel et bien été le fil conducteur de la rencontre entre près de 80 chefs d’Etat et de gouvernement, qui devait s’achever, jeudi, par une déclaration longuement soupesée, ménageant les deux parties tout en les plaçant chacune devant ses responsabilités : obligation d’assurer un avenir à sa jeunesse pour l’Afrique, de mettre ses pratiques en concordance avec ses discours généreux pour l’UE. Vraie promesse ou faux semblant ?

« Avoir foi en l’avenir »

« Nous devons tout mettre en œuvre pour votre épanouissement sur notre continent ! Je vous invite à avoir foi dans l’avenir et ne pas vous lancer à l’aventure au péril de vos vies », a, en tout cas, déclaré l’hôte du sommet, le président ivoirien Alassane Ouattara.

Si de jeunes Africains sont jetés sur les routes et tentent de gagner l’Europe en risquant leur vie c’est en raison de « la pauvreté, de la mauvaise gouvernance, du changement climatique », expliquait pour sa part Moussa Faki, le président de la Commission de l’UA. En clair, « des défis communs », « des responsabilités partagées ».

« Ces récentes images atroces nous rappellent l’urgence d’agir. Tous les pays ont le devoir de protéger leurs frontières mais ils doivent le faire dans le respect des droits humains », insistait le Portugais Antonio Gutteres, secrétaire général des Nations unies (ONU). Qui, appuyé par la chancelière allemande Angela Merkel, plaidait pour des canaux de migration « régulière et ordonnée ».

La situation en Libye n’a pas suscité que des commentaires. Elle a été au cœur de plusieurs réunions en marge du sommet. A l’issue de l’une d’elles, où étaient notamment réunis UE, UA, ONU, il a été décidé de mettre en place un groupe d’action censé mieux lutter contre les trafiquants, accélérer les retours de migrants dits économiques vers leur pays d’origine et la réinstallation des réfugiés. Un travail mené en coordination avec les autorités de Tripoli. Le texte évoque aussi l’obligation d’assurer « des opportunités de développement et de stabilité » aux pays d’origine.

« Sur les routes de la nécessité »

En conférence de presse, Emmanuel Macron a expliqué que des migrants seront évacués « en urgence » de Libye et qu’il avait encouragé les états européens à suivre le modèle instauré par la France de sélection des réfugiés, en amont, dans les pays du Sahel avant qu’ils ne s’aventurent « sur les routes de la nécessité ».

Du côté des institutions européennes, on semblait partagé entre le soulagement et une certaine frustration. « L’esclavagisme en Libye existait avant que CNN le découvre, relevait une source à haut niveau, mais tant mieux si l’emballement soudain sur une situation que nous évoquons depuis de nombreux mois permet d’agir. »

Se confiant à quelques journalistes mardi soir, avant l’ouverture du sommet, Federica Mogherini, la Haute Représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, se réjouissait aussi que le monde s’agite mais relevait que des témoignages recueillis auprès de femmes, à Lampedusa (Italie), avaient révélé depuis longtemps des situations comparables à celles révélées par la chaîne américaine. Et ils n’avaient pas suscité beaucoup d’émoi.

Faire davantage

Quoi qu’il en soit, « la Libye a besoin de notre aide à tous les deux, pas d’accusations », indiquait Donald Tusk, coprésident de ce sommet. Plus généralement, le président du Conseil se disait prêt à « faire davantage » pour tenter de résoudre cette question de la migration qui, soulignait-il, « va déterminer une part importante de notre relation dans les
années à venir ».

« Faire », mais aussi payer davantage ? Un Fonds fiduciaire pour l’Afrique est actuellement alimenté à hauteur de quelque 3 milliards d’euros par la Commission mais attend encore 66 des 260 millions promis par les pays membres, clairement sous pression pour aller au-delà de cet engagement puisqu’ils se disent désireux d’agir. Un plan d’investissement – semblable dans son principe au « Plan Juncker » pour l’UE – a quant à lui été approuvé en septembre par le Parlement de Strasbourg. La Commission y consacre 4,1 milliards d’euros et lance un appel au secteur privé pour qu’il atteigne un montant jusqu’à dix fois supérieur.

Le drame de l’esclavagisme en Libye a réveillé les consciences et donné soudain un visage à cette « jeunesse africaine » auquel les dirigeants entendent assurer un avenir. Reste une question : jusqu’où ira leur réel investissement ?

 Cyril Bensimon ) et Jean-Pierre Stroobants

Source : Le Monde.fr avec AFP  29.11.2017

Voir aussi : Rubrique Revue de presse, rubrique Politique, Politique de l’immigration, Esclavage en Libye: « tout le monde savait, Embarras de la gauche sur l’immigration, Perdre la raison face aux barbelés, Politique économique, La fabrique des indésirables, Politique Internationale, La solitude des ex-captives de Daech, rubrique SociétéUtilisation de gaz poivre contre les migrants à CalaisExploitation des migrants mineurs dans les « jungles » françaises, rubrique Méditerranée, Libye,

RDC: «Belgique assassin», quand des Congolais réclament la dépouille de Lumumba

Patrice Lumumba (à droite en chemise blanche) lors de son arrestation avec ses compagnons en décembre 1960 à Léopoldville (actuelle Kinshasa). Il a été assassiné le 17 janvier 1961. © Photo AFP

Patrice Lumumba (à droite en chemise blanche) lors de son arrestation avec ses compagnons en décembre 1960 à Léopoldville (actuelle Kinshasa). Il a été assassiné le 17 janvier 1961. © Photo AFP

C’est la deuxième fois en deux mois qu’ils descendent dans la rue pour réclamer la restitution par la Belgique du corps de Patrice Lumumba, héros de l’indépendance congolaise assassiné. Début octobre, ils avaient posé un cercueil vide devant la représentation diplomatique belge. Ils ont profité de la visite du ministre belge des Affaires étrangères à Kinshasa pour renouveler le même message.

«J’ai constaté ce matin que toutes les manifestations n’étaient pas interdites», a ironisé le chef de la diplomatie belge, Didier Reynders, présent à Kinshasa le 27 novembre pour l’inauguration de la nouvelle ambassade de son pays dans la capitale congolaise.

Aucun officiel congolais n’a fait le déplacement, mais une centaine de manifestants se sont invités à la cérémonie pour réclamer «la justice au sujet de l’assassinat de Patrice Lumumba», héros de l’indépendance congolaise, assassiné en 1961.

«Belgique assassin… Belgique Assassin», scandaient les manifestants. Ils se réclament d’une association congolaise dénommée Lisanga Lumumba.

«On a vu un Belge brandir la dentition de Lumumba à la télévision en affirmant qu’il détient deux dents de Lumumba. Avoir les dents, cela signifie avoir aussi tout le reste du corps. C’est pour cela que nous sommes venus réclamer auprès des Belges le rapatriement du corps de Lumumba. Il a été prouvé que les Belges ont bel et bien assassiné Patrice Lumumba», explique un manifestant à la BBC.

— bbcafrique (@bbcafrique) 27 novembre 2017

Gérard Soete, le «fossoyeur» belge de Lumumba
L’homme dont il est question est un ancien commissaire de la police belge dénommé Gérard Soete. Après avoir gardé le secret durant quarante ans, il avait avoué dans un documentaire diffusé à la télévision, avoir, avec l’aide son frère, découpé à la scie et dissous dans l’acide le corps de Patrice Lumumba.

«Il ne fallait pas que les partisans de Lumumba trouvent une tombe où venir en pèlerinage. Je devais me débrouiller tout seul. Des autorités belges étaient sur place. Elles ne m’ont pas dit de ne rien faire», avait-il précisé, avant de révéler un autre secret. Il avait affirmé avoir gardé en souvenir, des dents arrachées à la mâchoire du leader congolais assassiné.

«Les deux dents de Lumumba? Je les ai longtemps gardées, mais… je les ai jetées dans la mer du Nord, elles sont maintenant à dix milles de la cote. Personne ne les retrouvera plus jamais», avait-il révélé dans une interview à l’AFP le 15 mai 2001

Son témoignage repris dans le film de Michel Noll – Une mort de style colonial, l’assassinat de Patrice Lumumba  avait suscité un tollé à Kinshasa mais aussi en Belgique où une commission d’enquête parlementaire avait été mise en place pour éclaircir l’implication éventuelle des responsables belges dans ce crime. Les conclusions de l’enquête n’ont abouti à rien de concret.

Aujourd’hui, aucune trace d’éventuels restes du leader congolais assassiné n’a jamais été trouvée depuis le témoignage de celui qui affirme l’avoir fait disparaître.

Interpelé à Kinshasa par les jeunes de l’association Lisanga Lumumba, le chef de la diplomatie belge, Didier Reynders, a tenté de les rassurer sur la volonté de son pays de poursuivre le dialogue sur cette délicate question. Il a indiqué que son ambassadeur prendra contact avec leurs représentants.

Interrogés par le correspondant de la BBC à Kinshasa, les manifestants assurent qu’il n’y a aucune manipulation derrière leur action qui vise à obtenir la justice sur l’assassinat de Patrice Lumumba. Un message destiné à ceux qui voient derrière leur démarche la main du pouvoir congolais dont les relations avec la Belgique ne cessent de se déteriorer.

Martin Mateso

Source : Géopolis 28/11/2017

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La Chine tire la première salve dans la guerre de l’eau

Anuwar Hazarika

Anuwar Hazarika

Ces derniers mois, Pékin a refusé de livrer des données à l’Inde sur le flux du Brahmapoutre, provoquant des inondations meurtrières en aval. Le pays a aussi prévu de détourner une partie des eaux de ce fleuve pour irriguer ses champs

Cette année, la mousson a été particulièrement meurtrière dans le nord-est de l’Inde. Quelque 600 personnes ont perdu la vie dans des inondations, des millions d’autres ont dû fuir et plusieurs milliers d’hectares de terres arables ont été noyés. Au total, 32 millions de citoyens ont été affectés. La plupart des régions touchées se trouvaient le long du Brahmapoutre et du Sutlej, deux rivières qui puisent leurs origines sur le plateau tibétain, en Chine. Les pluies n’ont pourtant pas été très fortes en 2017, s’inscrivant même en deçà des moyennes annuelles.

Le responsable se trouve à plus de 2500 kilomètres de là, dans la capitale chinoise. «Pékin a omis de transmettre des données hydrologiques à l’Inde durant la mousson, ce qui a empêché Delhi de prévoir les inondations et de mettre en place un système d’alerte pour avertir la population», relève Brahma Chellanay, un expert au Centre for Policy Research, un think tank indien.

Relations bilatérales tendues

Un accord signé en 2002 l’oblige pourtant à fournir à l’Inde des informations sur le niveau des eaux et les quantités de pluie enregistrées au Tibet chaque année entre le 15 mai et le 15 octobre. Comme seule justification, Pékin a affirmé que ses stations de surveillance sont en réfection. Le Bangladesh – là où le Brahmapoutre finit sa course – a pourtant reçu des données chinoises sur le flux de la rivière.

a plupart des observateurs pensent que Pékin a cherché à punir Delhi. «Le refus de livrer ces informations reflète la dégradation des relations bilatérales entre ces deux pays engagés dans plusieurs conflits frontaliers», souligne Zhang Hongzhou, un chercheur auprès de l’Ecole d’études internationales S. Rajaratnam de Singapour. Cet été, des escarmouches ont opposé leurs armées sur le plateau du Doklam, une région himalayenne qu’ils se disputent.

Une source de conflit

L’eau pourrait devenir une source de conflit récurrente entre les deux géants asiatiques. «Ces dernières années, la Chine a entamé la construction de plusieurs barrages le long du Brahmapoutre, dit Brahma Chellanay. Cela va affecter la quantité et la qualité de l’eau qui se déverse en aval.» Une première structure, le barrage hydroélectrique du Zangmu, a été mise en service en 2015. Elle se trouve à quelques kilomètres à peine de la frontière avec l’Inde.

Ce printemps, la Chine annonçait un projet plus fou encore: la construction d’un tunnel long de 1000 kilomètres, qui a pour but de détourner une partie des eaux du Brahmapoutre depuis le plateau tibétain jusqu’au désert du Xinjiang, pour y effectuer de l’agriculture. La structure sera composée d’une série de chutes d’eau souterraines et de tuyaux reliés par des joints élastiques, inspirés par ceux des wagons de métro. Cela lui permettra d’absorber l’important dénivelé entre le Tibet et le Xinjiang, ainsi que les secousses qui frappent régulièrement cette zone sismique.

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L’eau, la nouvelle obsession de la Chine

Si la Chine s’est lancée dans ces coûteux projets hydrauliques, c’est qu’elle manque cruellement d’eau. Dans les plaines arides du nord-est du pays, surtout. «A cause du réchauffement climatique, cette région a subi plusieurs sécheresses ces dernières années, note Gabriel Eckstein, un spécialiste de la gestion de l’eau à l’Université A&M du Texas. Elle a aussi connu une urbanisation rapide, notamment dans la zone de Pékin, et abrite les principales provinces céréalières du pays.» Tout cela a eu pour effet de faire baisser spectaculairement le niveau des nappes phréatiques. Plus de la moitié d’entre elles se trouvent désormais en dessous du niveau de la mer.

Pour y remédier, Pékin a lancé un gigantesque projet de détournement des eaux du Yangtze, au sud du pays, vers le nord de la Chine. «Il comporte deux volets, détaille Michael Webber, un expert de ce projet à l’Université de Melbourne. Le premier achemine de l’eau depuis la région de Shanghai jusqu’à Tianjin, par l’entremise d’un canal construit en 500 av. J.-C. doté d’une série de stations de pompage. Le second part du réservoir de Danjiangkou sur la rivière Han, un affluent du Yangtze, et est constitué d’une série de canaux en pente qui permettent à l’eau de s’écouler naturellement jusqu’à Pékin.»

Détournement massif

La capitale obtient désormais 73% de ses ressources hydrauliques par ce biais. Ce projet, dont la réalisation a coûté 80 milliards de dollars, permet de détourner 25 milliards de mètres cubes d’eau du sud vers le nord du pays. Une troisième voie est à l’étude. Elle permettrait de transférer de l’eau depuis le Mékong, qui puise lui aussi ses origines au Tibet, vers le Yangtze et le fleuve jaune. Au grand dam des pays situés en aval, comme le Laos, le Cambodge ou le Vietnam.

Les effets sur les régions qui fournissent cette eau ne sont pas non plus anodins. «Durant la saison sèche, le Yangtze risque de subir des intrusions d’eaux salées au niveau de son embouchure», indique Mark Wang, un professeur de géographie de l’Université de Melbourne. Celle-ci se trouve à proximité de la ville de Shanghai, ce qui pourrait affecter son approvisionnement en eau. La construction de ces canaux a en outre nécessité le déplacement de dizaines de villages. «Quelque 300?000 personnes ont dû être relogées», indique Michael Webber.

Julie Zaugg

 

Source : Le Temps 16/11/2017

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Asie, rubrique Chine, rubrique Inde, rubrique Géographie,Politique, Politique économique, On Line,  Dans l’enfer des «villages du cancer» chinois

Actualité International Esclavage en Libye: « tout le monde savait », dénoncent ONG et analystes

AFP/Archives / Cecilia Sanchez  AFP

AFP/Archives / Cecilia Sanchez AFP

Dénoncés aujourd’hui à hauts cris par les dirigeants occidentaux et africains, les viols, les tortures et l’esclavage de milliers de migrants africains en Libye étaient pourtant connus de longue date, soulignent ONG et analystes qui tirent la sonnette d’alarme depuis des mois.

Les images furtives d’une vente aux enchères nocturne de jeunes Africains dans la région de Tripoli, filmées en caméra cachée et diffusées le 14 novembre sur CNN, ont suscité une onde de choc, en se propageant comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux.

Face au tollé, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’est dit « horrifié », le président de l’Union africaine Alpha Condé « indigné », l’Union européenne « révoltée » et la France a réclamé une réunion « expresse » du conseil de sécurité de l’ONU.

« Hypocrisie », car « à part le citoyen lambda, tout le monde savait, les gouvernants, les organisations internationales, les leaders politiques », assène le Sénégalais Hamidou Anne, analyste du think tank « L’Afrique des idées ».

« Les prises d’otages, les violences, la torture, les viols, sont monnaie courante en Libye, et l’esclavage, on en parle depuis longtemps », renchérit Alioune Tine, directeur Afrique de l’ouest et du centre d’Amnesty international basé à Dakar.

En plein chaos depuis la chute en 2011 du régime de Mouammar Kadhafi, la Libye est la plaque tournante du transit des migrants d’Afrique subsaharienne cherchant à gagner l’Europe.

Soucieuse de contrôler ce flux migratoire, l’UE peine à trouver des solutions pour ces candidats à l’exil, à la merci des passeurs et trafiquants, un calvaire dont beaucoup ont témoigné dans les médias.

« En Libye, les noirs n’ont aucun droit », avait confié en septembre à l’AFP Karamo Keita, un jeune Gambien de 27 ans, rapatrié dans son pays. « Nous avons été emmenés dans plusieurs fermes où notre geôlier libyen nous vendait comme esclaves ».

‘Tortures et extorsions’

De leur côté, les organisations d’aide aux migrants n’ont cessé d’alerter sur la dégradation de la situation.

Dès le mois d’avril, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) rapportait l’existence de « marchés aux esclaves » en Libye. « Ils y deviennent des marchandises à acheter, vendre et jeter lorsqu’elles ne valent plus rien », avait souligné Leonard Doyle, porte-parole de l’OIM à Genève.

La présidente de Médecins sans frontières, Joanne Liu, avait à son tour dénoncé en septembre, dans une lettre ouverte aux gouvernements européens, « une entreprise prospère d’enlèvement, de torture et d’extorsion » en Libye.

« Dans leurs efforts pour endiguer le flux (migratoire), les gouvernements européens seront-ils prêts à assumer le prix du viol, de la torture, et de l’esclavage ? », avait-elle interpellé. Avant de conclure: « Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ».

La semaine dernière, le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a jugé « inhumaine » la politique de l’UE « consistant à aider les gardes-côtes libyens à intercepter et renvoyer les migrants ».

Une accusation rejetée par Bruxelles, qui souligne ses efforts pour « sauver des vies » en mer et « faciliter l’accès de l’OIM et du Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) aux centres de détention en Libye pour qu’ils puissent augmenter le niveau d’assistance et organiser des retours volontaires ».

En se posant en « forteresse qui veut coûte que coûte arrêter » les migrants, l’Europe « a une responsabilité fondamentale » dans le désastre actuel, mais elle n’est pas la seule, estime quant à lui Alioune Tine.

‘Racisme systématique’

« Les pays africains ne font rien pour retenir les jeunes, pour leur donner du travail. Ils n’ont pas de politique d’immigration, ils ne font que subir », regrette-t-il.

« Ça ne peut plus durer. Devant un crime contre l’humanité, on ne s’indigne pas, on réagit », juge Hamidou Anne, en critiquant la passivité des dirigeants africains et le « racisme systématique dans les pays du Maghreb ».

« Il faut aller chercher ces jeunes qui sont dans des camps d’internement ou vendus comme esclaves », réclame-t-il, alors que le Rwanda a proposé jeudi d’accueillir 30.000 de ces migrants.

Pour Alioune Tine, la question de l’éradication de l’esclavage doit être inscrite au menu du sommet UE/UA des 29 et 30 novembre à Abidjan, comme l’a suggéré le président nigérien Mahamadou Issoufou.

« Il faut une commission d’enquête impartiale pour voir comment s’organisent ces trafics, qui en sont les responsables. Et que tout le monde prenne ses responsabilités », conclut-il.

Source AFP. 24/11/2017

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Macron et les hotspots en LibyeLa fabrique des indésirables,

Après le gel de la démission d’Hariri, que nous réserve désormais le Liban?

Le Premier ministre libanais Saad Hariri, en compagnie de l'ambassadeur iranien à Beyrouth, Mohammad Fathali, mercredi 22 novembre 2017. Reuters/Aziz Taher

Le Premier ministre libanais a une nouvelle fois créé l’événement en annonçant, mercredi 22 novembre 2017, la suspension de sa démission formulée le 4 novembre dernier depuis Riyad. Saad Hariri a lancé un vibrant appel au dialogue et à la modération dans son pays, tiraillé par l’affrontement régional entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Le rôle décisif du président de la République Michel Aoun et des interventions étrangères dans ce « déminage » politique est souligné par la presse.

Le jour du 74e anniversaire de l’indépendance libanaise, mercredi, Saad Hariri s’est offert un bain de foule devant chez lui à Beyrouth, dans le sillage de l’annonce de la suspension de sa démission à la télévision.

Le Premier ministre est allé saluer des milliers de ses partisans venus le féliciter pour son retour dans la capitale libanaise, après 18 jours passés en Arabie saoudite dans des circonstances floues.

Le dernier acte d’une journée marathon pour le fils de Rafiq Hariri. Quelques heures plus tôt, Saad Hariri, de confession sunnite, était apparu aux côtés du président chrétien Michel Aoun, et du chef du Parlement, le chiite Nabih Berry.

Tous trois ont participé ensemble au défilé militaire organisé pour la fête nationale. Puis le Premier ministre s’en est allé discuter au palais présidentiel avec le chef de l’Etat, qui l’a donc convaincu de suspendre sa démission.

Les manœuvres qui ont permis ce revirement

A Beyrouth, après ce revirement inattendu du chef du gouvernement, promesse d’un possible dénouement, le rôle décisif du président est clairement souligné par tous les médias.

Michel Aoun a convaincu son Premier ministre, en arguant de la nécessité de procéder à de vastes concertations nationales pour discuter des arguments avancés par ce dernier au moment de rendre le tablier, le 4 novembre.

On parle aussi de « démarches intensives entreprises par Emmanuel Macron, avec Michel Aoun et les dirigeants américains, saoudiens, israéliens et égyptiens », souligne le site du quotidien francophone L’Orient-Le Jour.

Le rôle central de Paris est détaillé par le quotidien Al-Akhbar, qui a annonçait dès mercredi une initiative franco-égyptienne. La France et l’Egypte auraient manœuvré pour le maintien de Saad Hariri à la tête du gouvernement libanais.

Distancier le Liban des conflits régionaux

Le journal, proche du Hezbollah, croit savoir que les présidents Emmanuel Macron et Abdel Fattah al-Sissi se sont secrètement rencontrés pour accorder leurs violons sur la question libanaise.

Le quotidien Annahar abonde dans le même sens. Le gel par Saad Hariri de sa démission exprimerait une volonté régionale et internationale de calmer le jeu au Liban, selon ce journal proche de l’Arabie saoudite.

Alors, le Liban a-t-il définitivement surmonté la crise provoquée par la démission surprise de Saad Hariri ? La tension a sensiblement baissé mais le règlement définitif dépend du résultat des concertations à venir.

Michel Aoun, dans les prochains jours, doit s’entretenir avec les principaux dirigeants du pays. Objectif de ces assises : distancier le Liban des conflits régionaux. Plus facile à dire qu’à faire, vu le fossé qui sépare Riyad et Téhéran.


? « C’est déjà pas mal, pour une grande partie des Libanais »

Si Saad Hariri a décidé de geler sa démission, c’est pour éviter une crise institutionnelle et politique à son pays. A quoi faut-il s’attendre désormais ? Eléments de réponse avec Ziad Majed, professeur des études du Moyen-Orient à l’université américaine de Paris, interrogé par Toufik Benaïchouche de RFI.

« Il va y avoir un dialogue avec le Hezbollah. Le président de la République est un allié du Hezbollah. Donc, il va essayer de trouver un compromis, même pour la forme. Pour dire que le Hezbollah accepte de préserver le Liban loin du feu de la région, loin des conflits et de l’affrontement entre l’Arabie saoudite et l’Iran.

Mais des déclarations pareilles, sans mesures concrètes – c’est-à-dire sans le retour de 8 à 10 000 combattants du Hezbollah, qui sont aujourd’hui en Syrie ; sans le retour de conseillers militaires du Hezbollah, qui sont en Irak ; sans des positions moins agressives politiquement, du côté du Hezbollah envers l’Arabie saoudite -, tout cela reste des promesses.

Ou du moins, c’est une volonté de limiter les dégâts, de gagner du temps, en attendant de voir comment les choses vont évoluer et se développer dans la région. Et c’est déjà pas mal, pour une grande partie des Libanais, de pouvoir échapper maintenant à une crise institutionnelle grave ! »

correspondant à Beyrouth,  Paul Khalifeh

Source : RFI 23/11/2017

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