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Le premier succès du sommet réunissant l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE) est déjà de s’être ouvert, mercredi 29 novembre, en Côte d’Ivoire. Car la querelle autour de l’invitation faite à la République arabe sahraouie démocratique (RASD), reconnue par l’UA mais honnie par le Maroc, a failli faire échouer cette rencontre. Finalement, Rabat a mis sa colère en sourdine et le roi du Maroc, Mohammed VI, a fait le déplacement d’Abidjan, une métropole où il a ses habitudes, la capitale d’un pays où son pays investit massivement.
Avec une Afrique retrouvant donc une unité de façade, le sommet était placé sous le thème « Investir dans la jeunesse pour un avenir durable ». Il n’a toutefois pas pu se soustraire à l’actualité. D’autant que celle-ci recoupait en partie le sujet de départ : depuis la diffusion par la chaîne américaine CNN d’un reportage montrant des migrants subsahariens vendus comme esclaves en Libye, les dirigeants du continent africain s’indignent, en appellent à une Cour pénale internationale que beaucoup abhorrent en temps normal pour qu’elle se saisisse de ce drame.
La question migratoire a donc bel et bien été le fil conducteur de la rencontre entre près de 80 chefs d’Etat et de gouvernement, qui devait s’achever, jeudi, par une déclaration longuement soupesée, ménageant les deux parties tout en les plaçant chacune devant ses responsabilités : obligation d’assurer un avenir à sa jeunesse pour l’Afrique, de mettre ses pratiques en concordance avec ses discours généreux pour l’UE. Vraie promesse ou faux semblant ?
« Avoir foi en l’avenir »
« Nous devons tout mettre en œuvre pour votre épanouissement sur notre continent ! Je vous invite à avoir foi dans l’avenir et ne pas vous lancer à l’aventure au péril de vos vies », a, en tout cas, déclaré l’hôte du sommet, le président ivoirien Alassane Ouattara.
Si de jeunes Africains sont jetés sur les routes et tentent de gagner l’Europe en risquant leur vie c’est en raison de « la pauvreté, de la mauvaise gouvernance, du changement climatique », expliquait pour sa part Moussa Faki, le président de la Commission de l’UA. En clair, « des défis communs », « des responsabilités partagées ».
« Ces récentes images atroces nous rappellent l’urgence d’agir. Tous les pays ont le devoir de protéger leurs frontières mais ils doivent le faire dans le respect des droits humains », insistait le Portugais Antonio Gutteres, secrétaire général des Nations unies (ONU). Qui, appuyé par la chancelière allemande Angela Merkel, plaidait pour des canaux de migration « régulière et ordonnée ».
La situation en Libye n’a pas suscité que des commentaires. Elle a été au cœur de plusieurs réunions en marge du sommet. A l’issue de l’une d’elles, où étaient notamment réunis UE, UA, ONU, il a été décidé de mettre en place un groupe d’action censé mieux lutter contre les trafiquants, accélérer les retours de migrants dits économiques vers leur pays d’origine et la réinstallation des réfugiés. Un travail mené en coordination avec les autorités de Tripoli. Le texte évoque aussi l’obligation d’assurer « des opportunités de développement et de stabilité » aux pays d’origine.
« Sur les routes de la nécessité »
En conférence de presse, Emmanuel Macron a expliqué que des migrants seront évacués « en urgence » de Libye et qu’il avait encouragé les états européens à suivre le modèle instauré par la France de sélection des réfugiés, en amont, dans les pays du Sahel avant qu’ils ne s’aventurent « sur les routes de la nécessité ».
Du côté des institutions européennes, on semblait partagé entre le soulagement et une certaine frustration. « L’esclavagisme en Libye existait avant que CNN le découvre, relevait une source à haut niveau, mais tant mieux si l’emballement soudain sur une situation que nous évoquons depuis de nombreux mois permet d’agir. »
Se confiant à quelques journalistes mardi soir, avant l’ouverture du sommet, Federica Mogherini, la Haute Représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, se réjouissait aussi que le monde s’agite mais relevait que des témoignages recueillis auprès de femmes, à Lampedusa (Italie), avaient révélé depuis longtemps des situations comparables à celles révélées par la chaîne américaine. Et ils n’avaient pas suscité beaucoup d’émoi.
Faire davantage
Quoi qu’il en soit, « la Libye a besoin de notre aide à tous les deux, pas d’accusations », indiquait Donald Tusk, coprésident de ce sommet. Plus généralement, le président du Conseil se disait prêt à « faire davantage » pour tenter de résoudre cette question de la migration qui, soulignait-il, « va déterminer une part importante de notre relation dans les
années à venir ».
« Faire », mais aussi payer davantage ? Un Fonds fiduciaire pour l’Afrique est actuellement alimenté à hauteur de quelque 3 milliards d’euros par la Commission mais attend encore 66 des 260 millions promis par les pays membres, clairement sous pression pour aller au-delà de cet engagement puisqu’ils se disent désireux d’agir. Un plan d’investissement – semblable dans son principe au « Plan Juncker » pour l’UE – a quant à lui été approuvé en septembre par le Parlement de Strasbourg. La Commission y consacre 4,1 milliards d’euros et lance un appel au secteur privé pour qu’il atteigne un montant jusqu’à dix fois supérieur.
Le drame de l’esclavagisme en Libye a réveillé les consciences et donné soudain un visage à cette « jeunesse africaine » auquel les dirigeants entendent assurer un avenir. Reste une question : jusqu’où ira leur réel investissement ?
Cyril Bensimon ) et Jean-Pierre Stroobants
Source : Le Monde.fr avec AFP 29.11.2017
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