Réforme territoriale : Hollande brusque la droite… et le PS

AFP/Patrick Kovarik

AFP/Patrick Kovarik

Manoeuvres. Malgré les critiques dans son propre camp, le chef de l’Etat veut accélérer le calendrier de la réforme territoriale, ce qui implique de reporter les élections cantonales et régionales prévues en 2015.

La prédiction émane d’un vieux copain du président : « Ça ne va pas être facile pour Valls de vivre avec Hollande, qui lui dit : à toi la rigueur, à moi la redistribution ! » De fait, alors que le Premier ministre doit faire passer les 50 milliards d’économies, le président entend porter en personne la réforme, populaire dans les sondages, du mille-feuille territorial : elle prévoit de ramener à 11 ou 12 le nombre de régions et de supprimer les conseils généraux d’ici à mars 2016.

Sauf surprise, c’est François Hollande, et lui seul, qui recevra dès le 14 mai à l’Elysée les chefs de parti pour les consulter sur le projet, et le report d’un an qu’il implique des élections régionales et cantonales prévues en mars 2015.

« Il a choisi de mener ça, lui-même », confirme un ami. Car Hollande, qui n’a plus guère de marge de manoeuvre sur la baisse du chômage ou le « retournement » économique, pense tenir là la grande réforme — « un marqueur », dit l’Elysée — de la fin de son mandat. Conscient que le temps presse s’il veut inverser la courbe des sondages, il assume avancer à la hussarde en se donnant vingt-deux mois pour tout dynamiter. Le 8 avril, Manuel Valls avait annoncé la division par deux du nombre de régions d’ici à 2017, mais n’avait parlé que de 2021 pour la fin des conseils généraux. Le président a choisi d’accélérer, pied au plancher.

Hollande le sait, il y a là de quoi braquer les baronnies du PS, qui dirigent la majorité des exécutifs locaux, après leur avoir déjà fait avaler la fin du cumul des mandats.Parti à la reconquête des Français, il n’a cure des critiques de son camp : il joue l’opinion contre l’establishement. « Il dit qu’il n’a rien à perdre. Y compris ses propres amis », constate Claudy Lebreton, président PS de l’Assemblée des départements, qui s’inquiète d’un « vrai coup d’arrêt à la décentralisation ».

Il joue sur les mots

Le bal de consultations prévues à l’Elysée n’est pas non plus dénué d’arrière-pensées politiques avant les européennes. En consultant les partis dès la semaine prochaine, le président veut mettre l’UMP face à ses contradictions. « Jean-François Copé a dit trois fois qu’il fallait supprimer les départements ! » relève le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll. « On verra qui sont les réformateurs et les conservateurs », a défié Hollande mardi. « Soyez courageux », a appuyé Manuel Valls hier à l’Assemblée, en se tournant vers les bancs de la droite.

Autre objectif non avoué du pouvoir : enfoncer un coin entre l’UMP, dont le chef dénonce une « magouille électorale », et les centristes, dont certains sont tentés de dire oui. « On réclame tous cette réforme depuis vingt ans », a ainsi fait valoir Marielle de Sarnez, proche de François Bayrou.

Reste que l’exécutif joue un peu sur les mots. Car les départements ne seront pas supprimés. Ils figureront toujours par exemple sur les plaques d’immatriculation. Ce sont les conseils généraux qui disparaîtront, d’abord dans les zones urbaines. « Il y aura toujours un échelon départemental », confirme une source gouvernementale.

La nuance est de taille. Supprimer les départements, qui figurent dans la Constitution, supposerait une réforme constitutionnelle, donc les trois cinquièmes des voix du Parlement réuni en Congrès. Périlleux, voire impossible. Pas question non plus, pour un Hollande impopulaire, de risquer un référendum, comme l’exigent l’UMP, Bayrou ou Pierrre Laurent (PCF). L’Elysée évacue : « Ce n’est pas du tout à l’ordre du jour. »

Nathalie Schuck avec Rosalie Lucas

Source Le Parisien : 08.05.2014

Voir aussi : Rubrique Actualité France, rubrique Politique, La décentralisation, nouveau chantier de Hollande ? Politique économique, Réduire le nombre de régions pour rembourser les banques, Politique locale, rubrique Géographie,

Européennes. UDI Modem Une famille recomposée en quête d’Europe unie

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Image du bon sens et sourires sécuriseront-ils les électeurs ? Photo Rédouane Anfoussi

Elections européennes du 25 mai. Le député européen Robert Rochefort était hier à Montpellier pour le lancement officiel de la campagne UDI MoDem.

« Nous avons l’Europe joyeuse, volontaire et optimisme » a lancé  le député européen (MoDem) Robert Rochefort de passage à Montpellier pour présenter la liste UDI MoDem aux élections européennes de la circonscription Sud Ouest dont dépend Montpellier.

Entourée de ses colistiers Muriel Boulmier, maire adjoint d’Agen, Jean Iglesis avocat et conseiller du Comité européen d’Airbus à Toulouse, Christine Espert, conseillère municipale à Pia, Fabien Robert adjoint au maire de Bordeaux et Anne Brissaud présidente de « Montpellier au centre », le député européen, membre de la commission du marché intérieur  a plaidé pour l’union.

 » Les Etats ne donnent pas les moyens à l’Europe de fonctionner. Ce n’est pas l’Europe, ce sont les pays qui posent problème. Il faut mettre fin à cette règle d’inefficacité qui suppose d’obtenir l’accord des 28 Etats pour engager un projet. » En clair le centre droit qui se prononce pour mettre un terme à l’élargissement, serait favorable à une union à plusieurs vitesses.

Autre argument de campagne mis en avant par Robert Rochefort : « Nos premiers adversaires sont ceux qui ont un point de vue populiste. » Dans le collimateurs les « extrémistes » de tous bords qui prêchent pour une sortie de l’Euro, « sans expliquer les désastreuses conséquences que cela occasionnerait » et les eurosceptiques qui freinent toutes les avancées possibles de L’UE. Bref, c’est un peu comme si l’UDI et le MoDem entendaient se battre contre le pire sans parvenir à trouver du meilleur face au désarrois des populations qui continuent de payer l’addition des dérives bancaires…

Epineux problème identitaire

Le troisième argument est intimement lié à l’épineux problème identitaire de la force centriste alors même qu’il est déjà difficile de distinguer une différence substantielle entre les positions de L’UMP et du PS sur les sujets de l’UE. Pour mémoire on a même vu le ministre des Finances Moscovici prendre position avec les banques contre la réforme bancaire du commissaire européen UMP, Michel Barnier. Se gardant d’entrer dans le débat de fond, Robert Rochefort souligne :  » On trouve à l’UMP, comme au PS des pro et des anti européens « , mais comme l’alliance centriste penche nettement vers le centre droit, il ne résiste pas à sortir le Figaro de la veille qui titre L’UMP n’en finit pas de se diviser. Au cas où il viendrait à l’idée des déçus de rejoindre la sécurisante voie du centre unie et dénuée d’ambition personnelle concurrente…

Mis devant la réalité de la situation financière de l’UE et de la dévaluation de l’Euro qui nous pend au nez, Robert Rochefort concède : « L’Euro est trop fort, il faudrait dévaluer de 15% à 20% par rapport au dollar », mais il se réfugie derrière la complexité du sujet pour étriller Guéno qui veut mettre la BCE sous contrôle. « Mario Draghi (pdt de la BCE) nous a sauvé en mettant des liquidités sur le marché. » On le canonise ?

JMDH

Source : La Marseillaise 27/04/2014

Voir aussi : Rubrique UE, Le Parlement doit voter un rapport accablant sur l’activité de la troïka rubrique FinanceLes Européens en pleines négociations sur l’union bancaire, rubrique Politique Fin de l’indétermination démocratique, Elections européennes, Politique économique, Une dépréciation de l’euro ne profiterait pas à tous,

 

Des infos sur le Mécanisme européen de stabilité

Le PS observe l’Europe avec abstention

Alors que la zone euro a accordé une nouvelle aide à la Grèce, la gauche française s’est divisée, hier, lors du vote sur le Mécanisme européen de stabilité à l’Assemblée. Une «capitulation», selon Mélenchon.

Sacrée Europe. A chaque fois qu’elle déboule dans le débat politique français, la voilà qui menace la gauche de divisions : du traité de Maastricht à celui de Lisbonne, en passant par le traité constitutionnel européen (TCE) rejeté en 2005 par référendum et dont le PS garde quelques stigmates. Hier, c’est par la porte parlementaire que s’est représentée la question européenne. Au lendemain de l’accord entre les pays de la zone euro sur un plan d’aide géant de la Grèce (lire page 4), les députés ont adopté, hier soir, le projet de loi autorisant la mise en place du Mécanisme européen de stabilité (MES) par 256 voix contre 44 et 131 abstentions. Plus richement doté – 500 milliards d’euros – que l’actuel Fonds européen de stabilité financière qu’il doit remplacer en 2013, le MES permettra d’offrir rapidement du cash à des pays de la zone euro empêtrés dans la crise. Mais s’il est juridiquement distinct du pacte de discipline budgétaire – conclu entre 25 Etats de l’UE – qui doit être signé le 1er mars, les pays voulant bénéficier du MES devront s’y conformer. Ils auront notamment l’obligation d’inscrire la «règle d’or» de l’équilibre budgétaire dans leur Constitution. Ce que refusent les partis de gauche.

«Message». Assez pour voir cette fois-ci la gauche unie dans un vote contre ? Non. A l’Assemblée nationale, les députés socialistes ont choisi hier l’abstention (une vingtaine, dont Henri Emmanuelli, ont voté contre). D’abord pour ne pas laisser penser qu’ils refusent la solidarité européenne, mais surtout parce que François Hollande a promis, en cas de victoire à la présidentielle, de renégocier le pacte de stabilité budgétaire voulu par la chancelière allemande, Angela Merkel. «Si ce qui va être signé le 1er mars, ce n’est que de l’austérité, alors l’Europe ne pourra pas s’en sortir. C’est le message que nous voulons adresser», a expliqué Jean-Marc Ayrault, chef des députés PS. François Fillon a lui dénoncé une «faute historique» des socialistes. «C’est une abstention constructive», a défendu Claude Bartolone, partisan du non en 2005.

La gauche du parti aurait préféré le vote contre, mais elle n’a pas voulu faire de vagues en pleine campagne. Razzy Hammadi, proche de Benoît Hamon justifie : «Notre position, c’était soit le non, soit l’abstention. S’abstenir, c’est une manière de ne pas cautionner le traité et, en même temps, cela permet que l’argent soit versé à la Grèce.»

De quoi hérisser leur ex-camarade Jean-Luc Mélenchon, pour qui le MES impose un «modèle austéritaire» à toute l’Europe et donnerait à tous «le médicament qui va tuer la Grèce». Le candidat du Front de gauche, militant du non en 2005, a «adjuré» hier les socialistes de voter contre : «Tout élu du peuple doit exprimer un avis. Il est impossible de se cacher aux toilettes ou ailleurs» sur une question qui engage «l’avenir du pays». S’abstenir ? «C’est préparer le terrain à une capitulation, selon l’eurodéputé. Surtout quand on prétend vouloir gouverner le pays.» Puisque Hollande dit vouloir renégocier le traité «pour préparer le rapport de forces, il faut résister tout de suite», relève-t-il. D’autant plus que la gauche est majoritaire au Sénat où le texte doit être débattu le 28 février : «S’abstenir au Sénat, c’est dire à la droite qu’elle peut faire ce qu’elle veut à propos de l’Europe», s’est insurgé Mélenchon, annonçant un recours devant le Conseil constitutionnel.

Quant aux écologistes, ils ont voté contre la création du MES lors d’un premier vote, puis se sont abstenus sur les détails du mécanisme. «A chaque fois qu’il y a des débats européens, on voit ressortir des divergences entre ceux qui assument une part de rigueur et ceux qui sont dans la dénégation de la dette. On a trouvé ce compromis», explique le député François de Rugy.

«Hypocrite». Abstention, vote contre, refus de participer au scrutin… «La gauche française est hypocrite», avait dénoncé Daniel Cohn-Bendit lundi dans Libération. «Dany, c’est Dany, il voit ça depuis l’Allemagne», lui a répondu l’écologiste Noël Mamère. Surtout, à deux mois du premier tour présidentiel, ni le PS ni les écologistes ne veulent revivre 2005 et ses déchirements. Au contraire du Front de gauche, qui rêve d’un nouveau grand soir européen. Depuis plusieurs mois, il veut transformer cette présidentielle en référendum sur les nouvelles règles de l’UE. «Je veux amener ce débat sur le nouveau traité, confiait récemment Mélenchon. S’il arrive dans l’élection, tout le monde va être mis au pied du mur.» Il mise sur les électeurs de gauche qui avaient voté non en 2005 : «Si les socialistes ne veulent pas voter contre le MES, il y a un autre bulletin de vote, le mien.» L’Europe n’a pas fini de gêner la gauche.

Lilian Alemagna et Matthieu Écoiffier (Libération 22/02/12)

Les députés se penchent sur le MES

L’Assemblée a ratifié ce dispositif destiné à devenir le pare-feu de la zone euro contre les crises de la dette souveraine, et qui fait l’objet de vifs débats à gauche.

L’Assemblée nationale doit ratifier le 21 février, la création du Mécanisme européen de stabilité (MES), destiné à devenir le pare-feu permanent de la zone euro contre les crises de la dette souveraine, et qui fait l’objet de vifs débats au sein de la gauche.

Le MES, qui doit entrer en activité début juillet en vertu d’un traité signé le 30 janvier, est destiné à prendre à terme le relais de l’actuel Fonds européen de stabilité financière (FESF), avec qui il cohabitera jusqu’à l’été 2013.

Se condamner à «l’austérité»

Il disposera d’une capacité de prêt de 500 milliards d’euros pour les pays en difficulté. Il est distinct du pacte de stabilité budgétaire conclu entre 25 pays de l’UE, également le 30 janvier, et que le candidat socialiste François Hollande veut renégocier s’il est élu, lui reprochant de ne pas comporter de volet sur la croissance.

Le pacte ne fera l’objet que le 1er mars d’un traité en bonne et due forme, et ne pourra donc être débattu que par la nouvelle Assemblée nationale élue en juin.

Si l’UMP et le Nouveau Centre devraient voter ce mardi sans état d’âme la création du MES, il n’en est pas de même dans l’opposition. Pour le Front de gauche, qui votera contre, et son candidat Jean-Luc Mélenchon, «ceux qui voteront pour le mécanisme européen de stabilité enchaîneront notre pays au traité suivant», ce qui revient à se condamner à «l’austérité». L’eurodéputé a interpellé, mardi, les socialistes Laurent Fabius et Henri Emmanuelli sur leur vote, se demandant s’ils avaient «changé d’avis» après leur non au traité constitutionnel européen de 2005.

Les socialistes vont s’abstenir

Les députés PS on décidé de leur position lors de leur réunion de groupe ce mardi matin, ils  s’abstiendront. L ‘abstention semblant avant le débat de ce matin  une solution envisagée par beaucoup. «La solidarité est nécessaire au sein de la zone euro, nous l’avons toujours dit, mais ce mécanisme arrive trop tard et est insuffisamment doté», a-t-on expliqué de source proche du groupe. «En outre, se pose le problème juridique du lien avec le pacte de stabilité», a-t-on ajouté.

Chez les Verts, la candidate Eva Joly a estimé que le MES «tel qu’il est proposé au vote de nos assemblées ne répond pas à la crise». A l’inverse, l’eurodéputé Daniel Cohn-Bendit a déploré l’«hypocrisie de la gauche française, Verts compris» à l’égard du MES, y voyant «une des rares choses positives» arrachées aux dirigeants de l’UE, «et surtout à l’Allemagne».

Formellement, l’Assemblée se prononce ce mardi sur deux textes distincts : le traité créant le MES d’une part, et la modification du traité de l’UE qu’il implique d’autre part. Et, par ailleurs, le budget rectificatif 2012, qui sera également voté mardi, prévoit l’abondement de la France au mécanisme, soit 6,5 milliards d’euros en 2012 (16,3 milliards en tout à terme).

avec AFP (21 02 12)

Non à ce coup contre la démocratie, non à ces nouveaux traités !

Par Jean-Luc Mélenchon Député européen

Sommes-nous condamnés au sarkozysme à perpétuité, même si nous chassons Nicolas Sarkozy de l’Elysée ? Sommes-nous condamnés à l’austérité même si nous votons contre ? C’est ce qui se joue ces jours-ci. Deux traités européens, embrouillés à souhait, vont arriver en catimini devant le Parlement. Dès le 21 février à l’Assemblée nationale et le 28 février au Sénat, les élus sont appelés à se prononcer sur un premier traité : le «Mécanisme européen de stabilité». Ce «Mécanisme» étend à tous les Etats qui auraient besoin d’aide, la méthode d’assistance cruelle qui a été imposée à la Grèce ! Les citoyens n’ont reçu aucune information sur ce texte de 48 articles et de 62 pages. Pourtant, c’est non seulement un modèle économique asphyxiant qu’il s’agit d’imposer à tous mais une répudiation de la démocratie qui commence. Le sort de la Grèce qui en est le laboratoire nous enjoint un devoir absolu de résistance. Pour l’amour de l’Europe, il faut rejeter les traités Merkozy qui veulent la soumettre aux seuls intérêts cupides des banquiers.

Dans le «Mécanisme européen de stabilité», la France s’engage à injecter, «de manière irrévocable et inconditionnelle», une contribution immédiate de 16,3 milliards d’euros. Le traité dit que la France devra donner jusqu’à 142,7 milliards d’euros en cas de besoin. Une telle somme représenterait près de la moitié du budget de l’Etat. Cette hypothèse n’a rien de théorique : il suffirait que le «Mécanisme» ait à secourir l’Espagne et l’Italie pour que ses capacités maximales de prêts soient atteintes.

Le mécanisme d’assistance consiste à imposer aux Etats en difficultés «une stricte conditionnalité […] sous la forme notamment de programmes d’ajustement macroéconomiques». Ces termes, déjà employés pour saigner la Grèce, indiquent que toute aide financière sera assortie de plans de rigueur impératifs.

Je conjure ceux qui envisagent de voter pour l’application de tels plans de bien examiner leur résultat en Grèce depuis deux ans et demi. Après huit plans d’austérité successifs imposés en vertu de la méthode qu’il est proposé de généraliser, la dette grecque a grimpé de 25%. L’activité s’est violemment contractée et le chômage a doublé pour atteindre plus de 20% des actifs. La démonstration concrète est donc faite que l’austérité, en comprimant la demande, fait reculer l’activité. Cela réduit les rentrées fiscales et creuse plus vite encore les déficits. Pourquoi vouloir étendre à d’autres Etats ce qui a si lamentablement échoué en Grèce ?

Les Etats concernés seront placés sous la tutelle de la cruelle troïka, Commission européenne, Banque centrale européenne (BCE), Fonds monétaire international (FMI). Oui, le FMI basé a Washington ! Il trône dorénavant en «coopération très étroite» à toutes les étapes du «Mécanisme». On lui demande une «participation active», aussi bien pour évaluer l’attribution des aides que pour infliger des plans de rigueur et contrôler leur application. Les procédures prévues pour l’intervention de cette odieuse troïka sont aussi opaques qu’autoritaires.

De plus, en contradiction avec toutes les règles de fonctionnement de l’Union européenne, le traité donne à deux Etats seulement, l’Allemagne et la France, un droit de veto pour l’octroi des aides. Ce traité entérine donc un directoire autoritaire de la zone euro. Il impose aussi le secret sur les mécanismes de décision et le fonctionnement du «Mécanisme». La France s’expose donc financièrement jusqu’à 142,7 milliards d’euros dans un fonds auquel aucun compte ne pourra être demandé par son gouvernement ou son Parlement. Quel parlementaire est prêt à ce renoncement ?

Le cocktail «austéritaire» de ce «Mécanisme» est enfin renforcé par une clause qui lie étroitement son application au second traité européen en cours d’adoption : l’imprononçable «Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire». C’est dans ce second traité que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel prévoient d’imposer la «règle d’or» de l’interdiction des déficits et des sanctions automatiques contre les Etats contrevenants.

C’est ce second traité que François Hollande dit vouloir renégocier. Mais il se trompe lourdement quand il indique que «les deux textes sont déconnectés l’un de l’autre». Ils sont au contraire étroitement liés. Le traité sur le «Mécanisme européen de stabilité» indique qu’«il est convenu que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du Mécanisme européen de stabilité sera conditionné […] par la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance».

Ceux qui voteront pour le «Mécanisme européen de stabilité» enchaîneront notre pays au traité suivant. Dès lors, qui prétend vouloir renégocier demain ce second traité, doit commencer par s’y opposer aujourd’hui et donc par rejeter son préalable, «le Mécanisme européen de stabilité».

Avec le Front de gauche, je lance un appel solennel à tous les parlementaires : n’acceptez pas ce coup de force contre notre démocratie ! A gauche surtout ! Car aucune politique de gauche n’est possible dans le cadre de ces traités. Les parlementaires socialistes, écologistes, radicaux et chevènementistes doivent donc voter avec ceux du Front de gauche contre ces textes.

Puisque la France est engagée par la signature du président sortant, alors une voix plus forte et sans appel doit s’exprimer sur le sujet. Celle du peuple ! Il nous faut un référendum sur les nouveaux traités.

Allez, monsieur Sarkozy, voilà un référendum qui ne vous déshonorerait pas comme le feraient ceux que vous proposez contre les chômeurs et les immigrés !

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Libération  20/02/12

 

Règle d’or budgétaire : Merkel met la pression sur la France

Créé le 31-01-2012

La chancelière allemande estime impensable que la France ne fasse pas ratifier la règle d’or budgétaire au Parlement, alors que Nicolas Sarkozy a confirmé que le vote n’aura pas lieu avant l’élection présidentielle.

La chancelière allemande Angela Merkel a jugé lundi 30 janvier impensable que la France n’applique pas la nouvelle règle d’or budgétaire européenne, quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle, alors qu’elle a été critiquée par le favori des sondages, le socialiste François Hollande. « Je ne peux pas m’imaginer que la France n’applique pas correctement la règle d’or », a souligné Angela Merkel devant la presse à l’issue d’un sommet de l’UE Bruxelles au cours duquel 25 pays ont approuvé un traité qui impose partout des règles d’or sur l’équilibre budgétaire.

Recours juridique contre la France ?

La chancelière était interrogée sur le risque pour elle de devoir le cas échéant porter plainte contre la France devant la Cour européenne de justice au cas où le candidat socialiste François Hollande l’emporterait en mai et refuserait de mettre en oeuvre le traité signé par le président Nicolas Sarkozy.

« C’est pourquoi je ne peux pas m’imaginer la plainte (devant la CEJ), parce que cela n’aura pas lieu », a-t-elle ajouté.

Le traité prévoit que chaque pays signataire inscrive dans sa constitution ou sa législation la nouvelle règle d’or l’obligeant à tendre vers l’équilibre des comptes publics. S’il ne le fait pas correctement il pourra être poursuivi devant la Cour par un autre Etat.

Pas de vote du parlement avant l’élection

Nicolas Sarkozy a indiqué lundi que le nouveau traité renforçant la discipline budgétaire au sein de l’UE ne pourrait pas être adopté par le parlement français avant l’élection présidentielle, mais qu’il ne doutait pas qu’il soit ensuite approuvé.

A l’issue de l’accord conclu lundi par les dirigeants européens, le traité devrait être formellement adopté au prochain sommet européen, prévu « début mars », a expliqué Nicolas Sarkozy devant la presse.

Mais, ensuite, « le Parlement ne sera pas en mesure de se réunir durant la campagne électorale » pour la présidentielle dont le premier tour est fixé au 22 avril. « Ca me semble pas raisonnable » d’envisager une adoption avant cette date, a-t-il ajouté.

Incertitudes sur les intentions du candidat Hollande

Le candidat socialiste François Hollande fait planer l’incertitude sur ses intentions à l’égard du traité européen et de la règle d’or budgétaire. Il a promis la semaine dernière de « renégocier » le texte pour faire en sorte qu’on parle davantage de croissance.

Tous les pays de l’UE, à l’exception de la Grande-Bretagne et de la République tchèque, ont approuvé le texte. Le Royaume-Uni refuse de le signer car il serait « économiquement désavantageux » pour le pays, estime un responsable britannique, sous couvert de l’anonymat. Les pays européens qui en veulent « vont signer un traité qui rend le keynésianisme illégal », estime-t-il.

Ce pacte répond à une exigence de la chancelière allemande Angela Merkel qui l’a posé comme condition en échange de la solidarité financière de son pays avec les Etats en difficulté de la zone euro.

AFP 31/01/12

 

L’Europe accouche d’un pacte de discipline budgétaire sur fond de désaccords

le 31-01-2012

Le traité confirme l’ascendant de Berlin dans la gestion de la crise de la dette. La France s’est elle vivement opposée à une mise sous tutelle de la Grèce soutenue par l’Allemagne.

Les dirigeants européens ont adopté lundi soir un nouveau pacte de discipline budgétaire fortement inspiré par l'Allemagne et demandé un accord très rapide pour sauver la Grèce de la faillite, dans le cadre de leurs efforts pour tourner la page de la crise de la dette. (c) Afp

Les dirigeants européens ont adopté dans la soirée du lundi 30 janvier un nouveau pacte de discipline budgétaire fortement inspiré par l’Allemagne et demandé un accord très rapide pour sauver la Grèce de la faillite, dans le cadre de leurs efforts pour tourner la page de la crise de la dette. Leur sommet à Bruxelles a toutefois été assombri par une controverse autour d’une proposition allemande visant à placer Athènes sous une stricte tutelle budgétaire européenne. Elle a été sèchement rejetée par plusieurs pays, dont la France.

Au final, vingt-cinq des vingt-sept pays de l’Union européenne ont accepté un nouveau traité de discipline budgétaire. La République tchèque est venue au dernier moment rejoindre la Grande-Bretagne dans le front du refus, en invoquant des problèmes « constitutionnels ». En clair des difficultés à faire ratifier le texte du fait du risque de devoir convoquer un référendum.

Les autres Etats ont accepté d’inscrire dans leurs législations une règle d’or sur le retour à l’équilibre budgétaire et des sanctions quasi-automatiques en cas de dérapages des déficits publics, comme le voulait à tout prix l’Allemagne en échange d’une poursuite de sa solidarité financière avec les pays en difficulté.

Le traité, qui confirme l’ascendant pris par Berlin dans la gestion de la crise de la dette, doit désormais être signé lors d’un prochain sommet en mars avant les longues phases de ratification.

Mésententes à cause de l’euro

Ce pacte budgétaire a buté jusqu’au dernier moment sur une question annexe, le format des sommets de la zone euro.

La France et la Pologne se sont livrées à un bras de fer avant de trouver un compromis: Paris tenait à ce que les dix-sept pays utilisant la monnaie commune puissent se retrouver seuls entre eux sur certains sujets. Varsovie estimait que tous les pays appelés à rejoindre l’euro devaient être invités.

Au final, les sommets de la zone euro seront limités aux pays de l’Union monétaire, sauf sur certains sujets où les autres Etats n’en faisant pas partie pourront aussi être conviés.

Nouveaux espoirs sur la BCE

Nombre de pays européens espèrent que ce traité encouragera la Banque centrale européenne à faire davantage à l’avenir pour aider la zone euro face à la crise de la dette.

Il pourrait aussi convaincre la chancelière allemande Angela Merkel de renforcer les moyens du Fonds de secours permanent de la zone euro pour les pays fragiles, le MES, qui a été officiellement mis sur les rails lundi soir et commencera à fonctionner en juillet.

« Nous sentons une évolution dans la position de l’Allemagne et je suis optimiste », a déclaré le chef du gouvernement italien Mario Monti, car « il est important que la dotation de ce Fonds soit adaptée ». Berlin est sous pression pour accepter une hausse des moyens du mécanisme de 500 à 750 milliards d’euros. La question sera tranchée en mars.

Au sujet de la Grèce, Berlin a jeté un pavé dans la mare en proposant de placer Athènes sous stricte tutelle: un commissaire européen disposerait d’un droit de veto sur les décisions budgétaires du gouvernement.

Cette idée a été rejetée catégoriquement par la France. Le président Nicolas Sarkozy a jugé que ce ne serait « pas raisonnable, pas démocratique et pas efficace ».

Athenes ne veut pas en entendre parler. « Soit nous avançons sur la voie démocratique où chaque pays est responsable de sa propre politique, soit nous sapons la démocratie dans l’Europe entière », a réagi Georges Papandreou, le chef de file des socialistes grecs et ex-Premier ministre.

Face à cette fronde, la chancelière allemande Angela Merkel a tenté de calmer le jeu, sans pour autant se désavouer.

Berlin ne cèdera pas sur la Grèce

La question d’une surveillance accrue des décisions du gouvernement grec « se pose » car les réformes promises ne sont pas toutes mises en oeuvre, a-t-elle dit. « Le débat doit porter sur « comment l’Europe peut aider à ce qu’en Grèce les tâches qui ont été données soient effectuées », a-t-elle estimé.

L’enjeu n’est pas mince: il s’agit du déblocage du second plan d’aide au pays d’un montant de 130 milliards d’euros, promis par les Européens en octobre dernier. Cette aide est vitale pour la Grèce qui doit rembourser 14,5 milliards d’euros de prêts le 20 mars, faute de quoi elle sera en cessation de paiements.

Mais le pays doit en parallèle boucler des négociations avec ses créanciers privés pour réduire sa dette de 100 milliards d’euros, condition sine qua non au déblocage de l’aide européenne. Sur ce point, cela avance « dans la bonne direction », a indiqué le président français, qui a lancé un appel du pied à la BCE pour qu’elle accepte aussi une réduction de ses propres créances.

Le Premier ministre grec, Lucas Papademos, a dit tabler sur un accord global d’ici la fin de la semaine, tant avec les banques qu’avec les créanciers publics du pays. Et il se refuse dans l’immédiat à envisager de demander plus que ce qui a été promis à Athènes, malgré la dégradation économique continue de son pays.

Challenges.fr et AFP

MES et Règle d’Or : la tentation totalitaire

 

Le 21 Février prochain , nos députés vont voter un invraisemblable projet du nom de Mécanisme Européen de Stabilité : dont voici quelques détails… Ce texte est d’une dangerosité sans précédent .. car il enfreint les principaux fondements démocratiques qui sont la séparation des pouvoirs . Cette séparation des pouvoirs permet d’éviter la corruption et la dictature par l’indépendance du judiciaire, du législatif et de l’éxécutif .. Le texte sur lequel les députés vont être amenés à voter supprime ces séparations puisque  il restreint considérablement le pouvoir du législatif : le vote du budget , puisque si il apparaît que ce MES a besoin de capitaux , ils peuvent être appelés , et doivent être versés à première demande , sans qu’il ne soit nécessaire d’en justifier le motif et encore moins de faire passer le versement devant l’assemblée ..

Il soumet les octrois à l’accord du FMI !!!!

(8) Le MES coopérera très étroitement avec le Fonds monétaire international (« FMI ») dans le cadre de l’octroi d’un soutien à la stabilité. Une participation active du FMI sera recherchée, sur le plan tant technique que financier. Il est attendu d’un État membre de la zone euro demandant l’assistance financière du MES qu’il adresse, lorsque cela est possible, une demande similaire au FMI.

C’est désormais la liquidité des marchés qui devient primordiale

Le FMI est privilégié par rapport au MES !!!!

– il exonère tous ceux qui contribuent à son fonctionnement de quelque responsabilité juridique que ce soit .. (immunité judiciaire totale)

CHAPITRE 6 : articles 8 et 9

– 8. Dans la mesure nécessaire à l’exercice des activités prévues par le présent traité, tous les biens, financements et avoirs du MES sont exempts de restrictions, réglementations, contrôles et moratoires de toute nature.

– 9. Le MES est exempté de toute obligation d’obtenir une autorisation ou un agrément, en tant qu’établissement de crédit, prestataire de services d’investissement ou entité autorisée, agréée ou réglementée, imposée par la législation de chacun de ses membres.

Les agents du MES sont exonérés des obligations fiscales nationales

Article 36

5. Les agents du MES sont soumis à un impôt interne perçu au profit du MES sur les salaires et émoluments payés par le MES conformément aux règles adoptées par le conseil des gouverneurs. À partir de la date à laquelle cet impôt est appliqué, ces traitements et émoluments sont exonérés de tout impôt national sur le revenu.

– il restreint considérablement le pouvoir du législatif : le vote du budget , puisque si il apparaît que ce MES a besoin de capitaux , ils peuvent être appelés , et doivent être versés à première demande , sans qu’il ne soit nécessaire d’en justifier le motif et encore moins de faire passer le versement devant l’assemblée ..

Le texte actuel Chapitre 4 : Opérations – article 15 .. expose de manière parfaitement claire l’objectif de ce mécanisme : mutualiser les pertes privés pour les transférer sur le public :

Assistance financière pour la recapitalisation d’institutions financières d’un membre du MES

1. Le conseil des gouverneurs peut décider d’octroyer une assistance financière sous forme de prêts à un membre du MES, dans le but spécifique de recapitaliser des institutions financières?de ce membre.

Il concentre donc tous les pouvoirs dans les mains d’une junte non élue en privilégiant les intérêts financiers privés au détriment de l’intérêt général.

La Règle d’or s’inspire de la même démarche, mais en faisant inscrire cette notion dans la constitution , elle dépossède le législatif de tous ses pouvoirs en matière budgétaire et fiscale .. pour les confier également comme ce qui se passe en Grèce à un exécutif non élu que l’on nomme désormais pudiquement : les commissaires Européens .

La différence entre une dictature et une démocratie ? C’est exactement la séparation des pouvoirs puisque la Dictature n’est rien d’autre que la concentration des pouvoirs au sein d’une même main. Nous allons donc assister le 21 Février prochain à l’enterrement en grande pompe de ce qui a fait notre force depuis deux siècles : la séparation des pouvoirs , ce qui entraine de facto la mort de notre démocratie ….

Il est urgent de bloquer ce vote. Un mediapartien propose un texte de lettre à envoyer de toute urgence à son député et j’ajouterais quelque soit la tendance politique du député !!!!! .. Cela n’a aucune importance , mais que pour une fois , ils prennent conscience qu’ils vont voter la condamnation à mort du système qui les a fait élire.

Effectivement , derrière , les députés ne seront plus d’aucune utilité puisque le budgétaire ne les concernera plus . On pourra toujours , pendant quelques mois encore , leur faire voter des lois concernant la circulation routière , puis progressivement , s’en débarrasser car les économies nécessaires au paiement des intérêts des financiers doivent se trouver partout et le fonctionnement de l’assemblée est indéniablement un poste conséquent .

Quand à la constitutionnalité de ce texte dément , elle reste également à prouver , mais ce n’est pas avec la formidable publicité faite à ce projet essentiel par les médias, que les juristes ont vraiment eu l’occasion d’en débattre .

Bienvenue dans la nouvelle dictature européenne …

Celle de l’esclavage par la dette … les esclavagistes étant les banquiers et ceux qui les représentent : les gouverneurs ou les commissaires de Bruxelles . D’ailleurs ce qui se passe en Grèce nous montre très clairement que c’est ce vers quoi nous nous orientons puisque un service régalien , essentiel , vient d’être concédé aux banques privées : la levée de l’impôt … Donc servage plus le rétablissement des fermiers généraux .. la révolution française semble n’avoir jamais eu lieu ….

Médiapart 14 02 12

Le fonds d’aide européen, «un mécanisme de chantage»

Le gouvernement a adopté ce mercredi le Mécanisme européen de stabilité, qui doit prendre le relais du FESF pour aider sous conditions les pays européens en difficulté. Un instrument antidémocratique, estime le secrétaire à l’économie du Parti de gauche, Jacques Généreux.

Que reprochez-vous au Mécanisme européen de stabilité ?

D’abord, de bien mal porter son nom. La seule chose qui stabiliserait l’euro serait de s’attaquer aux causes de la crise des dettes. D’une part, la libéralisation de la finance, qui fait que les capitaux circulent librement et que tous les produits toxiques de spéculation sont autorisés. De sommet en sommet, il n’a jamais été question de s’attaquer à ces instruments. D’autre part, les gouvernements européens ont choisi de dépendre du marché mondial des capitaux en s’interdisant d’emprunter auprès des banques centales. Pour s’abriter de la spéculation et se financer, il faut permettre à celles-ci de souscrire la dette publique à taux zéro, ou très faible. Le système ne conduira pas forcément à un laxisme financier de la part des Etats, on peut imaginer des règles pour assurer une certaine prudence.

Quelle différence avec le FESF ?

Quasiment aucune, l’un remplace l’autre. Le FESF était un bricolage d’urgence entre Etats, le MES sera inscrit dans le mécanisme institutionnel européen, sous forme permanente. Il s’agit en fait de créer un FMI européen pratiquant la même politique de conditionnalité stricte, c’est-à-dire imposant des politiques libérales de rigueur en échange du soutien financier.

Pour ses promoteurs, la rigueur est la contrepartie naturelle de la solidarité…

C’est un mécanisme de pression et de chantage que l’on veut institutionnaliser. Comme le faisait le FMI pour contraindre les pays pauvres à la libéralisation. En pure perte, d’ailleurs, car les 500 milliards du MES sont une somme ridicule par rapport au poids d’un grand pays comme l’Italie, par exemple. Les gouvernements se refusent à prendre des mesures à la hauteur des enjeux, et se replient sur la doctrine archaïque de la rigueur.

Quelle alternative proposez-vous ?

Le bon sens enseigne que la seule solution est la restructuration, voire l’annulation pure et simple d’une partie de la dette. Et le recours à la banque centrale comme prêteur de dernier ressort pour racheter celle-ci. Ensuite, sur le moyen et long terme, on peut bien sûr négocier des réformes, choisies démocratiquement par le pays concerné. Sur un temps long, on peut viser l’équilibre financier et une dette raisonnable. Mais il est absurde de le faire dans l’urgence de la crise.

Dans l’état actuel des rapports de force européen, une telle solution n’est-elle pas irréaliste ?

Pour l’atteindre, il est nécessaire que, dans un pays au moins, une gauche progressiste soit majoritaire et démontre que l’on peut faire autrement. C’est cela qui peut changer le rapport de forces, en provoquant un effet d’entraînement dans les autres pays. C’est possible sans quitter l’euro ni l’Union européenne, simplement en désobéissant à quelques dispositions des traités qui empêchent de contrôler les mouvements de capitaux.

Pourquoi Jean-Luc Mélenchon dénonce-t-il une ratification «en catimini» ?

La procédure retenue permet à ce mécanisme d’échapper au débat public. Le peuple n’est pas consulté alors que l’on s’apprête à constitutionnaliser – puisque les traités sont supérieurs au droit national – un traité qui oblige à pratiquer un type particulier de politique comme condition à la solidarité financière.

Recueilli par Dominique Albertini Libération 08/02/12

 

Main basse sur la BCE ?

Joseph E. Stiglitz

2012-02-06

NEW-YORK – Rien n’illustre mieux les divergences politiques, la présence d’intérêts particuliers et les considérations économiques à court terme à l’œuvre en Europe que le débat sur la restructuration de la dette souveraine de la Grèce. L’Allemagne veut une restructuration en profondeur – une réduction d’au moins 50% de la dette pour les détenteurs d’obligations – alors que la Banque centrale européenne demande à ce que la restructuration se fasse sur la base du volontariat. Dans le temps (je pense à la crise de la dette latino-américaine des années 1980), on pouvait obtenir facilement un crédit, en général d’une grande banque, souvent avec le soutien ou grâce à la pression exercée par l’Etat et les régulateurs qui voulaient le moins d’accrocs possible. Mais avec la titrisation des dettes, il y a de plus en plus de prêteurs – en particulier des fonds spéculatifs et d’autres investisseurs qui échappent pour l’essentiel à l’influence de l’Etat et des régulateurs.

Par ailleurs, « l’innovation » dans les marchés financiers a permis aux détenteurs de titres de s’assurer, autrement dit de participer, mais sans prendre de risque. Ils ont des intérêts à défendre : ils veulent faire jouer leur assurance, et il faut pour cela que la restructuration soit considérée comme un incident de crédit équivalent à un défaut de paiement. Or la position de la BCE en faveur d’une restructuration « volontaire » – autrement dit qui ne soit pas assimilable à un incident de crédit – est contraire à leur intérêt. Il est paradoxal que les régulateurs aient autorisé la création d’un système aussi dysfonctionnel.

La position de la BCE est curieuse. On aurait pu supposer que face au risque de défaut sur leurs obligations, les banques achètent une assurance. Dans ce cas, un régulateur qui prend en compte la stabilité systémique veille en principe à ce que l’assureur paye en cas de perte. Pourtant la BCE veut que les banques perdent plus de 50% sur les obligations qu’elles détiennent, sans être dédommagées.

On peut avancer trois explications à la position de la BCE, mais aucune n’est en faveur de cette institution ou de sa politique de régulation et de supervision. La première est que les banques ne se sont pas assurées et que certaines ont adopté des positions spéculatives. La seconde est que la BCE sait que le système financier manque de transparence et que les investisseurs ne peuvent évaluer les conséquences d’un défaut involontaire – ce qui pourrait entraîner un gel des marchés du crédit, ainsi que cela s’est passé après l’effondrement de Lehman Brothers en septembre 2008. Enfin, la BCE essaye peut-être de protéger les quelques banques qui ont émis les contrats d’assurance.

Aucune de ces explications ne justifie son opposition à une restructuration en profondeur qui soit imposée à la dette de la Grèce. Elle aurait pu exiger plus de transparence – l’une des grandes leçons de 2008. Les régulateurs n’auraient pas dû laisser les banques spéculer et exiger au minimum qu’elles achètent une assurance et par la suite imposer une restructuration qui leurs aurait permis de toucher les indemnités liées à l’assurance.

Il n’y a guère d’éléments qui laissent à penser qu’une restructuration en profondeur soit plus traumatique si elle est imposée. En voulant à tout prix qu’elle soit volontaire, la BCE essaye peut-être de limiter la part de la dette qui va être restructurée ; mais dans ce cas elle fait passer les intérêts des banques avant ceux de la Grèce pour laquelle une restructuration en profondeur est nécessaire pour sortir de la crise. En réalité la BCE fait probablement passer l’intérêt des quelques banques qui ont émis des CDS (assurance contre le risque de défaillance d’un crédit) avant celui de la Grèce, des contribuables européens et des prêteurs qui ont agi prudemment en s’assurant.

Enfin, dernière étrangeté, l’opposition de la BCE à une gouvernance démocratique. C’est un comité secret de l’Association internationale des swaps et dérivés, une organisation professionnelle, qui décide si un incident de crédit a bien eu lieu. Or les membres de cette association ont un intérêt personnel dans ce type de décision. Selon la presse, certains d’entre eux utiliseraient leur position pour défendre une attitude plus accommodante au cours des négociations. Il paraît inconcevable que la BCE délègue à un comité secret d’acteurs du marché en situation de conflit d’intérêts le droit de décider ce qu’est une restructuration acceptable.

Seul un argument parait – au moins à première vue – privilégier l’intérêt général : une restructuration imposée pourrait aboutir à une contagion financière, avec comme conséquence une hausse importante et peut-être prohibitive du coût du crédit pour les grandes économies de la zone euro comme l’Italie, l’Espagne et même la France. Cela conduit à la question suivante : si elles sont réalisées dans les mêmes proportions, pourquoi une restructuration imposée produirait-elle une contagion pire que si elle était volontaire ? Si le système bancaire était bien régulé, les banques détentrices de dettes souveraines étant assurées, une restructuration imposée serait moins perturbatrice pour les marchés financiers.

On pourrait dire que si la Grèce s’en tire avec une restructuration imposée, d’autres pourraient être tentés de suivre son exemple. Mais craignant cela, les marchés financiers augmenteraient instantanément les taux d’intérêt sur les autres pays – petits et grands – de la zone euro.

Les pays à risque n’ayant déjà plus accès aux marchés financiers, une réaction de panique aurait des conséquences limitées. Il est vrai que d’autres pourraient imiter la Grèce si cette dernière s’en tirait mieux avec une restructuration que sans, mais c’est quelque chose dont tout le monde a conscience.

Le comportement de la BCE n’est pas surprenant. Ainsi qu’on le voit ailleurs, les institutions qui n’ont pas à rendre des comptes de manière démocratique peuvent être la proie d’intérêts particuliers. C’était vrai avant 2008. Malheureusement pour l’Europe et pour l’économie mondiale, le problème n’a pas été résolu depuis.


Joseph Stiglitz : Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

Joseph Stiglitz est prix Nobel d’économie et professeur à l’université de Colombia à New-York. Il a écrit Le triomphe de la cupidité.

Voir aussi :  Rubrique Finance,Entretien avec Frédéric Lordon, Extension du domaine de la régression, La règle d’or ou les rois de l’esbroufe, Reprendre le pouvoir à la finance, Contes publics : La crise des ânes, La crise de la zone euro, mode d’emploi, Les dirigeants de gauche valets des conservateurs, Rubrique UE sous pression, L’europe répond au marché, crise de la zone euro mode d’emploi , Dialogue de sourd entre l’Europe et l’Amérique, rubrique Portugal, Crise de la dette démission de Josè Socrate, rubrique Grèce Plan d’austérité inefficace et dangereux, USA les plus pauvres vont faire les frais de la dette, Italie, Dégradation de la note Italienne,

Sénatoriales : « Un véritable avertissement pour Nicolas Sarkozy »

Paul : Le président est-il vraiment touché ou est-ce juste une partie de perdue et une autre sera gagnée ensuite ?

Gérard Courtois : C’est évidemment pour Nicolas Sarkozy une claque électorale et un avertissement politique à sept mois de la présidentielle. La claque électorale d’abord. En quatre ans, la majorité a perdu 50 sièges au Sénat, 25 en 2008 et 25 hier. Plus significative encore pour le chef de l’Etat, l’UMP était à elle seule majoritaire en 2004 et elle ne détient plus que 124 sièges sur 348.

Cette victoire de la gauche, comme chacun sait maintenant, est une première depuis 1958, voire plus loin encore. Elle solde dix années de progression des socialistes et de leurs alliés dans les scrutins locaux et, en particulier, aux municipales de 2008. Et la claque est d’autant plus cinglante que la droite ne s’y attendait pas vraiment. Elle pensait perdre une quinzaine de sièges, elle ne pensait pas perdre le Sénat.

Gasquet : La candidature de Nicolas Sarkozy en 2012 pourrait-elle être remise en question ?

Je n’y crois pas une seconde. Il est trop tard pour que la droite imagine un scénario alternatif à une nouvelle candidature du président. Cela la mettrait dans une position de faiblesse impensable. En outre, Nicolas Sarkozy, c’est dans sa nature, est persuadé qu’en combat singulier, il battra n’importe lequel des candidats socialistes.

Il reste que ce scrutin sénatorial constitue un véritable avertissement pour lui. Ces résultats témoignent d’une perte d’autorité du chef de l’Etat sur sa majorité. On peut en prendre deux symboles : la défaite dans son ex-fief des Hauts-de-Seine de son « amie » Isabelle Balkany et, au contraire, l’élection de Pierre Charron, son ancien conseiller qui s’est imposé à Paris en dépit de toutes les mises en garde de l’Elysée.

Ce scrutin témoigne également que les talents supposés de magicien électoral de Nicolas Sarkozy ne sont pas toujours aussi convaincants. Depuis les élections de 2007, la majorité a perdu, souvent lourdement, tous les scrutins intermédiaires aux municipales, aux cantonales et aux régionales.

Enfin, il est manifeste que bon nombre de grands électeurs sénatoriaux ont exprimé leur grogne contre la réforme des collectivités locales imposée à la hussarde en 2010 par le gouvernement et mise en œuvre sans ménagement depuis par les préfets.

Bloozmarch : L’ UMP va-t-elle survivre à ce « séisme », comme le dit le président du Sénat Gérard Larcher ? Le peut-elle ?

D’abord, il ne s’agit pas d’un séisme. Le Sénat n’est que la deuxième chambre du Parlement, il peut freiner ou entraver l’action législative du gouvernement, il ne peut pas la bloquer sauf s’il s’agit de réformes constitutionnelles et il peut encore moins exprimer sa défiance à l’égard du gouvernement, au contraire de l’Assemblée nationale.

Il reste que l’UMP enregistre un nouveau revers électoral. Elle ne disposait déjà plus depuis 2008 que d’une majorité relative au Palais du Luxembourg et était obligée de négocier l’appui des sénateurs centristes. Elle est désormais minoritaire.

Mais l’essentiel du rapport de forces politique national se dessine lors de l’élection présidentielle et des législatives qui suivent. C’est donc en 2012 qu’interviendra pour l’UMP le moment de vérité.

Marina : Existe-t-il un risque que la présidence du Sénat ne soit pas remportée par la gauche ? Quel poids a le président du Sénat sur la vie politique française ?

Il existe effectivement un risque ou une éventualité que Gérard Larcher conserve son fauteuil de président. Il bénéficie d’une surface politique qui dépasse un peu les limites de son propre camp. Il peut trouver dans le secret de l’isoloir quelques soutiens au centre gauche, mais, si cela se produisait, et ça n’est pas exclu, le président Larcher ne rendrait pas service à l’institution qui apparaîtrait aux yeux des Français comme le théâtre de manœuvres, voire de magouilles.

Par ailleurs, selon toute vraisemblance, le candidat socialiste à la présidence, Jean-Pierre Bel, actuel président du groupe socialiste au Sénat, va devoir, pour l’emporter, mener avec succès une double négociation.

D’une part, avec les autres composantes de la majorité de gauche, c’est-à-dire les 21 communistes et apparentés, les 10 Verts, les 10 Radicaux de gauche et les 13 Divers gauche ; chacun voudra sa part de poste de responsabilité dans l’organisation à venir du Sénat.

D’autre part, une négociation avec la droite, car sa courte victoire ne permet pas au Parti socialiste de revendiquer pour lui seul et la gauche une gouvernance exclusive. Il va donc y avoir une discussion avec la droite sur la répartition des présidences de commissions.

Rien ne dit que cette double négociation délicate aboutira. Quant au poids, dans la vie politique, du président du Sénat, il est évidemment de premier plan en cas de décès ou de démission du président puisqu’il assure alors l’intérim, comme ce fut le cas, en 1969 et en 1974.

Autrement, il a un rôle moins éminent mais tout de même important, puisqu’il préside la deuxième chambre du Parlement et est donc en mesure de faciliter ou au contraire de compliquer l’action du gouvernement.

Pierre : Si la gauche remporte la présidence du sénat, ne pourra-t-elle pas mener des commissions d’enquêtes (sur l’affaire de Karachi et autres) très nuisibles pour le candidat Sarkozy ?

Le Parlement, qu’il s’agisse de l’Assemblée ou du Sénat, ne peut créer de commission d’enquête sur une affaire qui est traitée par la justice.

Dès lors que l’affaire dite de Karachi fait actuellement l’objet d’une instruction menée par les juges Renaud Van Ruymbeke d’une part et Marc Trévidic de l’autre, le Parlement ne peut pas intervenir.

Blitzkrieg : Est-ce que ces résultats représentent vraiment la fin de la « règle d’or » ? Quel impact auront-ils sur la crédibilité de Sarkozy sur la scène européenne ?

A mon sens, la règle d’or était déjà enterrée par le chef de l’Etat. Il avait tout simplement fait ses comptes et, avant même le renouvellement sénatorial d’hier, n’avait aucune chance de réunir derrière lui les 3/5 des parlementaires, sénateurs et députés réunis.

Quant à l’effet de ce revers électoral sur l’image et la crédibilité de Nicolas Sarkozy, il est clair que celui-ci ne les renforcera pas. Mais, aux yeux des marchés financiers comme des responsables politiques, européens ou mondiaux, ce scrutin sénatorial est anecdotique. L’essentiel, comme on l’a bien vu ces derniers jours à Washington lors du G20 des ministres des finances, est la crédibilité de l’action engagée par la France pour maîtriser sa dette et réduire ses déficits.

C’est évidemment sur ce terrain et non pas sur celui de la politique sénatoriale que la France est jugée.

Raoof : Pourquoi, alors que les Français ont voté diverses alternances et cohabitations depuis le début de la Ve République, le Sénat vient-il seulement, pour la première fois en cinquante ans d’existence, de changer de majorité ?

Pour deux raisons. La première est que son renouvellement partiel, par tiers tous les trois ans jusqu’en 2003, et par moitié tous les trois ans désormais, amortit fortement les évolutions politiques nationales.

La seconde, beaucoup plus importante, résulte du mode de scrutin des sénateurs. L’essentiel de leurs électeurs (près de 9 sur 10) provient des conseils municipaux, soit directement des conseillers municipaux, soit dans les villes plus grandes, les délégués de ces conseils.

Or, la répartition de ces grands électeurs sureprésente de manière considérable les villages, les bourgs et les petites villes de moins de 9 000 habitants qui sont traditionnellement plus conservateurs ou modérés. Pour donner un ordre de grandeur, l’ensemble des communes de moins de 9 000 habitants représente la moitié de la population nationale, mais bénéficie de 70 % des électeurs sénatoriaux.

Ce déséquilibre est dénoncé depuis longtemps par la gauche. Mais pas seulement. Le « comité Balladur », qui avait été chargé à l’automne 2007 de faire des propositions pour moderniser les institutions, avait recommandé de tenir compte de la démographie locale dans la répartition des grands électeurs sénatoriaux.

Lorsque ce texte était arrivé en discussion au Sénat, la droite sénatoriale s’était vigoureusement opposée à une telle réforme. Si, par hypothèse, la gauche l’emporte en 2012, elle serait bien avisée d’engager cette réforme pour assurer une représentation plus équitable des sénateurs.

Fred : Concernant la réforme territoriale menée « à la hussarde », au lieu de fusionner départements et régions avec les conseillers territoriaux, n’aurait-il pas mieux valu regrouper les communes et supprimer les intercommunalités ?

Cette réforme des collectivités territoriales, annoncée depuis une vingtaine d’années voire davantage, est un véritable casse-tête compte tenu du nombre de collectivités existant. Entre les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, il est clair que la confusion des responsabilités est souvent contre-productive. La volonté initiale de Nicolas Sarkozy de simplifier ce dispositif était louable. Le problème, c’est qu’en créant une nouvelle catégorie d’élus locaux hybride – mi-départementaux, mi-régionaux –, il complique encore un peu plus les choses au lieu de les clarifier.

Au-delà de ce Rubik’s Cube institutionnel, le scrutin d’hier fait apparaître un changement significatif dans la sociologie électorale française. Quelques-uns des succès les plus inattendus de la gauche sont dus au basculement de circonscriptions rurales ou rurbaines traditionnellement considérées comme conservatrices. C’est, par exemple, le cas pour les trois sièges du Morbihan qui ont tous été conquis par la gauche. Cette mutation de la « France profonde » n’est pas l’enseignement le plus rassurant pour Nicolas Sarkozy et son camp.

Le Monde

Voir aussi : Rubrique Politique France, Un train de réforme peut en cacher un autre,

 

Afghanistan : «L’outil militaire ne peut résoudre des crises»

Sarkozy en Afghanistan "Il faut savoir finir une guerre" ...En visite éclair en Afghanistan, Nicolas Sarkozy a déclaré « il faut savoir finir une guerre ». Cinq soldats français sont morts mercredi en Afghanistan dans un attentat perpétré par un kamikaze. La France est présente depuis 10 ans en Afghanistan. Quel est le sens de l’engagement français dans des opérations extérieures à durée, par nature, indéterminée ? Comment interpréter le quasi-unanimisme des hommes politiques sur les opérations conduites en Lybie et en Afghanistan ?

Pierre Conesa: Il y a, effectivement, une communauté de vues entre les experts militaires du PS et de l’UMP sur le fait que la France doit assumer des responsabilités en matière de sécurité internationale. La plupart de ces experts justifient les engagements extérieurs français par un discours qui se résume en une expression-slogan « la France membre-permanent-du-conseil-de-sécurité-puisssance-nucléaire ». Cette espèce de consensus qui unit les penseurs stratégiques de l’UMP et ceux du PS relève de la même matrice intellectuelle, celui du statut international de la France souvent sans rapport avec la crise elle-même.

C’est ce qui explique l’engagement des politiques dans des opérations que la France -et plus globalement l’occident- n’a pas toujours les moyens militaires d’assumer. Il y a à la fois une fascination sur le fait que l’outil militaire va résoudre les crises et une incapacité à penser la guerre. Nous sommes allés en Afghanistan faire une sorte de guerre par induction, par solidarité avec les Américains. Nous ne devions faire qu’une bouchée des talibans. Cela fait 10 ans que nous y sommes, soit autant que les Russes! Et nous n’avons pas beaucoup de certitudes – c’est le moins que l’on puisse dire – sur l’état de stabilité dans lequel nous laissons le pays au moment de partir parce que nous n’avons aucune idée des formes de contestations que cela suscite.

Afghanistan, Côte d’Ivoire, Libye, Nicolas Sarkozy a multiplié les engagements alors que le Livre blanc préconisait d’être plus sélectif.  Vous pensez qu’il faut revoir radicalement la politique d’intervention extérieure de la France, qu’elle n’a plus les moyens de ses ambitions politiques ?

Depuis des dizaines d’années, la France est engagée militairement dans des crises où son statut international n’est en rien menacé ! Le Tchad, Djibouti, la Côte d’ivoire, la Centrafrique c’est une mobilisation permanente. Avec 20 ans de recul, nous nous rendons compte combien c’était futile. La réflexion stratégique qui consiste à penser que la disposition d’une armée pour résoudre des crises comme celles-là n’a pas vraiment été convaincante. Mais derrière, il y a tout un appareil administratif, qui  explique que nous ne sommes pas à bout de souffle et des politiques qui vivent dans l’illusion d’une France puissance militaire d’envergure internationale, qui s’interdisent tout débat sur le rôle de la France dans le monde.

Si demain un Rafale est abattu en Libye, la question se posera : cela valait-il la peine de risquer la vie d’un pilote en Libye alors qu’aucun pays arabe ne s’y est engagé – à part les qataries et les Emirats Arabes Unis ?

Pendant ce temps-là les Saoudiens  envoient des troupes contre les Bahreïnis parce qu’ils ne supportent pas que les chiites se révoltent contre les sunnites. En Syrie, la répression continue pendant les travaux. Et la ligue arabe ne dit rien. C’est le monde à l’envers. Il est assez truculent d’entendre la Ligue arabe, qui est composée à moitié de monarques, à moitié de dictateurs –pour la plupart pro occidentaux- venir nous expliquer qu’il ne faut pas tuer des civils. Pourquoi la France se sent-elle concernée par ce conflit alors que la Ligue arabe est incapable de faire le moindre geste. Pour moi, c’est une des questions clés de ce conflit : que fait la Ligue arabe ?

Avec toutes ces opérations, l’armée est-elle en surchauffe ?

Le fait d’être sollicité perpétuellement par des politiques qui envoient des militaires partout a évidemment des conséquences. Ces interventions émargent sur les budgets d’équipements, ce qui retarde tous les programmes d’équipements. Il faut organiser des rotations, « civilianiser » beaucoup de fonctions occupées par des militaires, les formations sont retardées, le renouvellement des matériels ne se fait pas, la maintenance n’est pas assurée ou retardée. En cas de besoin, il serait encore possible d’envoyer des hommes au sol en Libye, si le mandat de l’ONU le permettait, ce qui n’est pas le cas.

Mais pour continuer à mener un tel rythme, il faudrait repenser toute l’organisation du Ministère qui est un peu à bout de souffle. Il s’agit moins d’un problème de surchauffe au moment où nous intervenons que de la capacité à préparer le coup d’après. Nous n’avons plus les moyens d’une politique de cette nature. Quand nous sommes partis en Afghanistan, en 2002, je me souviens d’un militaire français qui me disait « j’espère que nous ne serons pas sollicités parce que nos Véhicules Avant Blindés ne peuvent pas résister à un RPG 7 (NDLR : lance-roquettes de conception soviétique) ». C’était une question de vie ou de mort pour ses hommes. La décision politique ne tenait absolument pas compte de ce genre de choses.

Un débat critique sur le thème des interventions extérieures françaises n’a jamais eu lieu en France?

Il n’y a pas de débat. Nous faisons comme s’il était évident qu’il était de notre responsabilité d’aller sauver des gens.

Cette crise est complètement caricaturale dans son déroulement. Nous votons une résolution humanitaire avant d’essayer d’inventer toutes les solutions possibles pour la contourner : parachutage d’armes, envoi d’hélicoptères. Nous sommes bloqués par notre propre prétention, sans jamais se demander pourquoi nous faisons ça sinon l’émoi médiatique suscité par les massacres de Kadhafi.

Au moment du vote sur la prolongation de l’intervention en Libye, dans une tribune au Monde, Louis Gautier, ancien conseiller de Lionel Jospin en matière de défense, appelait les socialistes à la prudence pour ne pas tomber dans ce qui pourrait se révéler un traquenard pour la représentation nationale ?

Effectivement, Louis Gautier appelle les socialistes à ne pas signer un blanc seing. Il appelle l’opposition socialiste à un peu plus de prudence. Mais, il ne demande finalement que des précisions sur le calendrier de l’engagement français. Au pouvoir, le PS aurait eu la même démarche que l’UMP. Je ne vois pas au PS de réflexion stratégique alternative sur la question de l’engagement français.

Dans une interview au Journal Du Dimanche, le Général Vincent Desportes explique que les guerres sont de plus en plus déclenchées sans analyse stratégique préalable et qu’elles échappent presque toujours à ceux qui les ont décidées ?

L’appréciation politique de la décision qui doit se prendre au moment où se perpétue un massacre est quelque chose de très compliqué.

Mais il y a un consensus sur le fait qu’il y a des bonnes crises et des mauvaises crises. La Libye, c’était le bon ennemi, parfait pour faire un coup médiatique et militaire. Mais quand nous regardons de plus près  la composition du CNT, les difficultés à appréhender l’aspect tribal de la société libyenne, nous ne sommes pas du tout sûrs que le CNT représente une opposition politique crédible et encore moins une alternative démocratique. Il faut quand même se rappeler qu’il est composé d’anciens ministres de Kadhafi, notamment l’ancien ministre de la justice qui avait fait condamner les infirmières bulgares et le Ministre de l’intérieur qui les a fait torturer. Et nous y allons, parce que BHL, « l’allié médiatique », a appelé Sarkozy pour l’assurer que les insurgés étaient prêts au combat que c’était la crise sur laquelle on ne pouvait pas ne pas réagir.

Je préfère en rire parce qu’il n’y a pas si longtemps Kadhafi, c’était le type qui nous faisait  le coup de la tente à Paris et devait nous acheter des Rafale –heureusement que nous ne lui avons rien vendu, au passage. Les historiens feront leur travail là-dessus, mais le sentiment qui domine, c’est que c’était un coup de cœur des Français et des Anglais qui trouvaient là un bon moyen de régler son compte à Kadhafi qui nous avait suffisamment ridiculisés.

Partagez-vous son pessimisme quand il estime que la stratégie d’attente de Kadhafi pourrait être payante ?

Personnellement, je pense qu’il a raison de dire que les politiques et l’Etat major font des erreurs en Libye. De là à affirmer que c’est Kadhafi qui a la main, cela me semble exagéré. Le Général Desportes est un des rares militaires qui se donnent la peine de réfléchir sur l’évolution des conflits tout en ayant une expérience opérationnelle. Et quand il a émis quelques réserves sur l’opération en Afghanistan, on l’a convoqué pour l’engueuler. Il y a quand même quelque chose qui ne va pas dans le système.

Dire pour autant que l’opération en Libye est un échec militaire me semble prématuré. Sur quatre mois, les opérations ont été assez peu nombreuses : 5000 sorties aériennes pour la Libye qui est trois fois grande que la France contre 50.000 pour le Kosovo qui fait la taille de deux départements français. La situation a quand même évolué depuis le début. Il y a trois fronts ouverts contre Kadhafi : la tripolitaine, la Cyrénaïque et un troisième, dans le Djebel Nefoussa, plus au Sud où des tribus se sont rebellés contre Kadhafi. Mais c’est une guerre tribale,  le souci des chefs tribaux sera toujours de protéger leur tribu et pas l’intérêt de la nation. Ils peuvent très bien se ranger derrière Kadhafi s’ils pensent qu’il reprend la main ou le lâcher  quand il perdra trop de terrain. Un chef de guerre afghan disait « on ne peut pas acheter un chef de tribu, mais on peut le louer », c’est la logique de la guerre tribale. L’allié d’un jour peut devenir l’adversaire du lendemain. Avec toutes les incertitudes que cela engendre.

Aujourd’hui, une issue politique vous paraît inéluctable ?

Je crois. On ne sait pas quel est le point de rupture du système Kadhafi. Le fait qu’il appelle les Africains pour ses milices est significatif. Il n’est pas sûr que ses soutiens se battront jusqu’au bout. Il n’a pas de relations solides sinon celles basées sur l’argent mais comme il est privé de ses concessions pétrolières, il puise dans ses réserves. L’issue politique dépendra du fait que ses alliés se retourneront contre lui parce qu’il ne pourra plus les payer. Mais ce qui risque de se passer après peut être beaucoup plus compliqué à gérer.

Dans quelle mesure ?

Il faudra installer une nouvelle constitution. Nous avons vu le succès de ces démarches dans des sociétés tribales comme en Afghanistan et en Irak. Ce sont des pays où il n’y a pas de sentiment national. Ils ne négocieront pas sur le thème : « la Libye doit redevenir une puissance régionale ». C’était le rêve de Kadhafi. Les chefs tribaux auront bien plus en tête la distribution des ressources, le pouvoir des tribus etc.. Il n’y a pas de front uni contre Kadhafi et on peut même penser qu’il y aura beaucoup plus de difficultés à gérer après le départ de Kadhafi. Il tenait le pétrole, donc il distribuait la manne. Dès que les tribus ne reçoivent plus leurs subsides habituels, elles changent d’alliances.

Malgré tous ses défauts, Kadhafi assurait une certaine sécurité. Les Libyens étaient des sujets. En démocratie, ils deviennent des citoyens et ils ont des droits. Notamment le droit de décréter pour des raisons X ou Y que leur tribu est supérieure à une autre. De fait, le risque de guerre civile est important. C’est ce qu’il se passe en Afghanistan. Stabiliser la Libye sera une opération d’une autre ampleur que l’intervention elle-même compte tenu des stocks d’armes qui circuleront.

Propos recueillis par Régis Soubrouillard Mariane 2

*La fabrication de l’ennemi ou comment tuer en ayant sa conscience pour soi. Pierre Conesa.  A paraître en septembre aux éditions Robert Laffont.

Voir aussi : Rubrique Méditerranée, rubrique Lybie, intensification des frappes signe de faiblesse politique, rubrique Afghanistan, rubrique Côte d’Ivoire, On Line, http://www.inversalis-productions.eu/blog/2011/04/libye-un-conseil-de-transition-neoliberal/,