En France, le PS gêné par la victoire de Syriza

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Au Parti socialiste, l’embarras se traduit souvent par une économie de mots. Pour résumer la position de son parti sur l’élection législative du dimanche 25 janvier en Grèce, le premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, donne dans la formule : « Nous sommes inconditionnellement pour la victoire de la gauche rassemblée. » La probable victoire de Syriza place les socialistes face à un dilemme de taille. D’un côté, la difficulté de soutenir Alexis Tsipras, le chef de file de cette gauche radicale décomplexée, qui veut mettre fin à l’austérité et renégocier la dette, en contradiction complète avec les positions de François Hollande sur la scène européenne et intérieure. De l’autre, l’impossibilité de se ranger aux côtés d’Antonis Samaras, le premier ministre conservateur sortant, symbole d’une droite « austéritaire » que le PS combat en Europe.

La gauche française pâtit de l’effondrement de son allié traditionnel, le Parti socialiste panhellénique (Pasok), miné par les affaires de corruption et coupable aux yeux des électeurs d’avoir participé à la coalition avec les conservateurs. Georges Papandréou, l’ancien premier ministre et actuel président de l’Internationale socialiste, s’en est allé de son côté fonder un nouveau parti social-démocrate.

« Tsipras a levé un espoir dans son pays »

Selon les derniers sondages, les socialistes pourraient tout simplement être balayés du Parlement. Un scénario noir pour le PS, qui espère qu’en dernier lieu Syriza aura besoin d’une alliance avec les socialistes pour former une coalition majoritaire. Dans les dernières projections de l’institut Alco, le parti de la gauche radicale, en bénéficiant de la prime de 50 députés accordée à la formation arrivée en tête, pourrait obtenir 147 sièges sur 300. Un accord pourrait être envisagé avec le Dimar, petit parti de gauche qui devrait gagner quelques sièges. « Nous pensons qu’il faut qu’il y ait une alliance entre les partis de gauche, car Syriza ne sera pas majoritaire seule, veut croire M. Cambadélis. Un gouvernement minoritaire, ce serait déraisonnable. »

L’hypothèse d’un parti de la gauche radicale qui parvient seul au pouvoir en Europe n’enchante pas les responsables socialistes. Lundi 19 janvier, le Front de gauche, une partie des écologistes et quelques élus de l’aile gauche du PS ont tenu meeting commun à Paris en soutien à Syriza. L’ébauche pour certains d’une alliance alternative au sein de cette gauche, où la politique économique menée par François Hollande ne fait pas l’unanimité. Jean-Luc Mélenchon, proche d’Alexis Tsipras, pousse dans ce sens.

Nombreux sont également les socialistes qui, à la gauche du parti, se réjouissent de la percée de Syriza. « Tsipras a levé un espoir dans son pays et dans toute la gauche européenne, estime Emmanuel Maurel, député européen et chef de file de l’aile gauche du PS. C’est révélateur de la faillite des partis traditionnels, englués dans les politiques d’austérité, sans imagination ni capacité de résistance. Syriza porte un discours socialiste traditionnel qui s’assume, et pas du tout radical. »

Minimiser la contagion

Pas question pour autant parmi les dirigeants du PS de faire des parallèles avec la situation française. « C’est à nous d’inventer notre propre modèle », tempère M. Maurel. « Si Syriza existe en Grèce, c’est parce qu’il y a eu un effondrement du Pasok, ce n’est pas le cas en France, rappelle Carlos Da Silva, porte-parole du PS et proche de Manuel Valls. Le PS a vocation à organiser durablement le débat à gauche, dans le respect de ses partenaires. »

Pour minimiser le risque de contagion, les responsables socialistes mettent volontiers en avant la mue que Syriza aurait effectuée avant de prétendre diriger le pays. Malgré son hostilité aux traités européens actuels, le parti ne prévoit notamment pas de sortie de l’euro dans son programme. « Il n’a échappé à personne que le discours de Syriza a totalement changé », assure Carlos Da Silva. A la direction du PS, on veut même croire à un effet positif sur le rapport de forces en Europe, à l’heure où la France plaide pour une politique de l’investissement. « Cela renforcera ceux qui sont pour la relance en Europe et pour la croissance, explique M. Cambadélis, qui assure que « le programme de Syriza est plus proche de celui du Pasok que de celui du Front de gauche ».

Mais face à la volonté de M. Tsipras de renégocier la dette et d’en effacer une partie, les dirigeants socialistes bottent en touche. François Hollande lui-même, qui a défendu le plan d’austérité en Grèce aux côtés de la chancelière allemande, Angela Merkel, n’a pas voulu s’exprimer sur le résultat de l’élection. Tout juste a-t-il glissé : « Les gouvernants auront à respecter les engagements pris. » Si les sondages se révèlent exacts, M. Hollande pourra en discuter de vive voix avec Alexis Tsipras dans les semaines à venir.

Nicolas Chapuis

Source Le Monde 24/01/2015

Voir aussi : Rubrique Politique, rubrique UE Grèce, Espagne La leçon de communication politique de Pablo Iglesias, On line ; Grèce : victoire historique de la gauche radicale,

«Vive la gauche» cherche une issue à la fronde

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REPORTAGE

Devant plusieurs centaines de militants PS, le collectif issu des députés «frondeurs» a accueilli samedi à Paris deux nouveaux animateurs: les ex-ministres Hamon et Filippetti.

Une étape. En réunissant ce samedi plusieurs centaines de militants socialistes dans un gymnase du XIVe arrondissement de Paris, le collectif «Vive la gauche» a rappelé qu’au sein du PS, le feu couve toujours contre la politique de François Hollande et Manuel Valls. Certes, les projets de lois de finances sont passés sans trop de frayeurs pour le gouvernement. Certes, les parlementaires dits «frondeurs» n’ont pas «réorienté» la politique du président de la République. Personne n’a voulu aller jusqu’à faire tomber Manuel Valls par peur de la dissolution. Mais toute cette frange du PS allant des plus à gauche à quelques proches de Martine Aubry et ex-strausskahniens «chemine», «avance», «se renifle»

Pour aller où? «That’s the point!» sourit Jérôme Guedj, président du conseil général de l’Essonne. La logique voudrait que tout ce petit monde – qui ne se connaît que trop bien – se retrouve au prochain congrès du PS, début juillet. Beaucoup imaginent déjà une grande motion obligeant François Hollande à une réorientation de sa politique. Mais compte tenu du rythme d’enfer de ce quinquennat, personne n’est capable de savoir à quoi ressemblera la majorité dans sept mois. D’autant plus qu’entre-temps, la débâcle annoncée des départementales et le score du Front national auront peut-être changé la donne à Matignon… Du coup, «on accumule des forces, insiste le député de Paris, Pascal Cherki, chez qui se déroulait ce rassemblement. On a réussi à créer un émetteur au Parlement, maintenant, il faut travailler dans le PS et dans la société».

Hamon et Filippetti attendus

En août, dans un amphithéâtre surchauffé de la fac de lettres de La Rochelle, ces militants PS déçus de l’action du gouvernement avaient acclamé la ministre de la Justice Christiane Taubira, venue pour une visite surprise. Les trois virés du gouvernement une semaine plus tôt, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Aurélie Filippetti, avaient préféré rester à l’écart. Ce samedi, Montebourg se tient toujours à distance. Pas les deux autres. Très dure à l’égard du gouvernement ces derniers jours, l’ex-ministre de la Culture a rappelé qu’elle était «dans la majorité de François Hollande» à condition de rester «sur une base de gauche» et assuré qu’il n’y avait ni «fatalité» ni «malédiction» à ce que la gauche «trahisse» ou «renie» ses engagements.

Avant elle, Benoît Hamon avait imposé le silence dans l’assistance. «Nous avons l’impression d’un grand dérèglement politique, a-t-il d’abord lancé. Et ce grand dérèglement appelle de la clarté.» L’éphémère ministre de l’Education nationale rappelle «l’aspiration à l’égalité» et au «progrès social» qui doit guider la gauche avant de demander à François Hollande de «prendre des risques». Hamon plaide ainsi pour un «référendum sur les questions institutionnelles» mais aussi «qu’on puisse associer ce quinquennat de la gauche à une conquête sociale». Il assure que lui et ses amis «feron(t) des propositions» bientôt. Puis l’ancien porte-parole du parti se mue en aspirant Premier secrétaire: «Le congrès du PS ne peut être que le point de départ d’un nouveau cycle politique à gauche.» 2017 ne serait qu’«une étape» dans le «dépassement de toutes les formations politiques».

Guerre des égos ?

Le courant dont fait partie Hamon – et nombre de parlementaires «frondeurs» – avait déjà hébergé une réunion de Vive la gauche lors de leur université de rentrée, fin septembre dans les Landes. Les amis de l’ex-ministre verraient bien ce collectif servir de socle à une grande motion au congrès.

Mais à la gauche de Hamon aussi on se méfie du camarade «Benoît». Au précédent congrès, il avait fait le choix de rallier la grande motion majoritaire. On n’oublie pas non plus, qu’avec Montebourg, c’est lui qui a poussé Valls à Matignon. Avec ses 30% récoltés à l’élection du premier secrétaire la fois précédente, Emmanuel Maurel a rappelé à ses camarades qu’il faudra plus que de simples effets de tribunes : «Le rassemblement de la gauche est nécessaire… mais sur un contenu.» Maurel rappelle indirectement à ses camarades députés qu’ils peuvent toujours porter «l’interdiction des licenciements boursiers» ou qu’ils n’ont pas rétabli la retraite à 60 ans. «On sait où on habite», souligne-t-il comme pour rappeler qu’ils n’ont jamais tenu d’autre discours depuis le début du quinquennat… Contrairement à d’autres.

Une nouvelle guerre des égos à venir? «Je ne pense pas, répond le conseiller de Paris Frédéric Hocquard. Tout dépend de notre dynamique et de l’état dans lequel le parti va sortir des départementales.» Ces socialistes vont courir cette étape sur un faux rythme jusqu’aux prochaines élections. Et attendre de constater l’ampleur de la défaite pour attaquer la prochaine: celle de la prise du parti. Du moins sa tentative.

Lilian ALEMAGNA

Source Libération 30/11/2014
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L’Assemblée nationale a adopté la nouvelle carte à 13 régions

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Au terme d’une nuit de débat, la carte proposée par le PS mardi a été votée tôt vendredi matin.

L’Assemblée nationale a adopté tôt vendredi matin, après une nuit de débats, la nouvelle carte à 13 régions proposée par les socialistes, qui comprend notamment la fusion des régions Poitou-Charentes, Limousin et Aquitaine, ainsi que celle litigieuse du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie.

Cette carte, qui découle d’amendements identiques du rapporteur (PS) Carlos Da Silva et du groupe socialiste au projet de loi de réforme territoriale, prévoit également que la Champagne-Ardenne soit rattachée à l’Alsace et la Lorraine.

Cet article 1er sur la carte réduit ainsi le nombre de régions en métropole de 22 à 13 (Corse comprise), et non 14 comme le prévoyait le projet initial du gouvernement. Dans un hémicycle plutôt fourni après une nuit blanche, et en présence d’orateurs toujours aussi passionnés, ila été adopté par 52 voix, dont certaines à droite, contre 23.

Les autres fusions programmées sont: Auvergne et Rhône-Alpes, Bourgogne et Franche-Comté,  Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, Haute-Normandie et Basse-Normandie. Six régions demeurent inchangées: Bretagne, Corse, Ile-de-France, Centre, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Pour le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, «il n’existe pas de carte idéale» mais «nous avons eu l’audace de faire (une carte) tout en étant ouverts à ce qu’on la modifie» – ce sur quoi s’étaient mis d’accord mardi matin les députés PS en réunion de groupe.

D’après Carlos Da Silva, proche du Premier ministre Manuel Valls, «cette carte est un point d’équilibre» et elle sera «peut-être amenée à évoluer», du fait notamment du droit d’option qui devrait être ouvert pour les départements afin de changer de région à partir de 2016.

L’Assemblée reprendra dans l’après-midi ses travaux sur ce projet de loi, dont l’examen doit s’achever dans la soirée, avant son vote solennel global en première lecture mercredi prochain.

«Déni de démocratie»

Les parlementaires doivent encore discuter de l’autre mesure phare du texte, le report des élections régionales et départementales de mars à décembre 2015.

Ils n’étaient entrés dans le vif des débats sur les articles que jeudi soir, après une douzaine d’heures de propos liminaires depuis mercredi, où chacun avait souvent évoqué sa propre région.

Mais l’examen de l’article 1er avait été longuement entrecoupé de rappels au règlement et suspensions de séance à la demande de différents groupes politiques, en raison de divergences sur la manière de débattre et voter la carte.

L’opposition avait demandé qu’il y ait bien des votes sur tous les amendements, criant au «déni de démocratie» sans cela (Laurent Wauquiez, UMP) ou aux «droits élémentaires du Parlement bafoués» (Philippe Vigier, UDI). Le centriste Maurice Leroy s’était demandé si le gouvernement ne cherchait pas à «régler les problèmes du groupe socialiste», où certains souhaiteraient modifier la carte proposée.

A l’issue de plusieurs heures de présentation des amendements, les élus sont finalement passés à leurs votes peu avant 6 heures, rejetant notamment l’un porté par 17 députés PS ou apparentés, dont 8 du département du Nord, qui visait à empêcher le rapprochement du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie, qualifié d’«aberration économique et sociale», dans la lignée de l’appel lancé mardi avec la maire de Lille Martine Aubry et des hauts responsables socialistes du Nord. 

La position de ces nordistes a fait bondir la coprésidente du groupe écolo, Barbara Pompili, élue de la Somme, y voyant une «insulte» et «un manque total d’esprit de solidarité entre les territoires». François Lamy, ex-ministre de la Ville et proche de Martine Aubry, a au contraire rejeté l’idée d’un mariage qui ne serait pas «réussi».  

Ont été repoussées également des propositions du breton Marc Le Fur (UMP) et de l’élu écologiste de la Loire-Atlantique François de Rugy, prévoyant que ce dernier département se fonde dans la région Bretagne.

«On voit bien que l’Elysée a eu du mal à trancher, le gouvernement a du mal à trancher, c’est le rôle du Parlement de le faire» sur cette question d’une «unification» de la Bretagne, avait aussi lancé Jean-Patrick Gille (PS), élu d’Indre-et-Loire, partisan en parallèle de la création d’une région Val de Loire avec le Centre, option qui n’a pas été retenue non plus.

Un amendement de députés alsaciens UMP et UDI, réclamant le maintien de la région Alsace telle quelle, n’a pas eu davantage de succès.

Parmi les autres amendements retoqués, pour la plupart révisant le puzzle régional, figure celui de Jean-Christophe Fromantin (UDI) qui souhaitait construire les régions autour des métropoles.

Peu avant le terme de «la nuit la plus longue de la réforme territoriale», selon le mot de Denis Baupin (EELV), certains élus tweetaient «Libérez les députés», en comptant plus de vingt heures de travail depuis jeudi matin.

Source AFP

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La chute du socialisme municipal

Photo AFP/Georges  Gobet

Photo AFP/Georges Gobet

Par une cruelle ironie de l’histoire, François Hollande est devenu le fossoyeur de ce qu’il avait construit. S’il n’a pas inventé le socialisme municipal qui est intrinsèquement lié à l’histoire du PS français, les onze années qu’il a passées à la tête de son ancien parti ont fortement contribué à ancrer le phénomène : entre 1997 et 2008, alors qu’il était premier secrétaire, les socialistes ont collectionné les gains aux élections cantonales et régionales ; ils ont arraché Paris et Lyon à la droite lors des municipales de 2001 et conquis, sept ans plus tard, 44 villes de plus de 20 00 habitants. Peu à peu, ils sont devenus les maîtres du territoire au point d’arracher la présidence du Sénat à la droite en 2011.

C’est ce patrimoine opiniâtrement constitué scrutin après scrutin que le même François Hollande, devenu président de la République, a brusquement amputé. Dimanche, sous l’effet d’un vote qui ressemble fort à de la colère, le Parti socialiste n’a pas seulement perdu 155 villes de plus de 9 000 habitants, dont 68 de plus de 30 000 habitants. Il a aussi amputé sa capacité d’action dans les métropoles : si Paris, Lille, Strasbourg et Lyon ont résisté à la vague bleue, les communautés urbaines de Lille, Lyon, Bordeaux, Nantes, Marseille semblent bel et bien perdues.

Lire la synthèse du second tour : Municipales : le PS défait par la « vague bleue » de l’UMP et la poussée du FN

HÉMORRAGIE D’ÉLUS ET DE FONCTIONNAIRES

Pour les socialistes, c’est un véritable séisme car la consolidation, élection après élection, d’un puissant réseau d’élus locaux qui avaient démontré leur capacité à gérer les territoires, était un gage de stabilité. Elle permettait de rebondir après les défaites présidentielles (2002 et 2007) , d’entretenir une armada d’affidés dans les exécutifs locaux et d’expérimenter sur le terrain un socialisme marqué du sceau de l’ouverture.

C’est tout cela qui brusquement s’écroule. Du jour au lendemain, le Parti socialiste va connaître une hémorragie d’élus et de fonctionnaires que ces élus faisaient vivre. Surtout, il va douter de son avenir avec, au sommet, un président de la République au plus bas dans les sondages et, à la base, de sérieuses pertes en ligne.

L’IMPOPULARITÉ NATIONALE A ÉTÉ TROP FORTE

Le procès en responsabilité risque d’être sans merci. Dès le début de la campagne municipale, les élus socialistes avaient tenté de se protéger du mauvais vent parisien. Tous avaient mené une campagne strictement locale et beaucoup avaient omis d’afficher sur leurs affiches la rose et le poing. Cette étanchéité cependant n’a pas suffi. L’impopularité nationale a été trop forte. A moins que le socialisme municipal ne soit devenu trop faible pour résister à cette impopularité.

C’est une hypothèse à envisager car la crise des finances publiques commence à toucher les collectivités locales. L’impôt local est de moins en moins bien supporté, les grands projets sont en berne, la problématique sécuritaire est en hausse. Le Front national qui a fait campagne contre  les impôts et « la gabegie » a marqué des points comme jamais. Tout cela traduit un changement de climat qui sonne comme une sérieuse alerte pour le PS : la responsabilité n’est peut être pas que nationale.

Françoise Fressoz

Source Le Monde 31/03/2014

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La délicate question des fusions d’entre deux tours

Photo : THIERRY Zoccolan AFP

Photo : Thierry Zoccolan  AFP

Après le premier tour s’ouvrent 48 heures de négociations pour les fusions de liste, dont dépend pour beaucoup le résultat du deuxième tour. Un exercice démocratique décrié à tort.

Fusion ou pas ? Si au moins 7139 des 9751 communes de plus de 1 000 habitants auront un maire ce soir, dans la plupart des communes où un second tour est nécessaire s’ouvre 48 heures de tractations intenses. En effet, si à l’issue du premier tour aucune liste n’a obtenu 50 % des voix, ce qui est le cas dans la majorité des grandes villes, toutes les listes ayant obtenu plus de 10 % des suffrages exprimées peuvent se maintenir. On peut ainsi compter jusqu’à six listes en situation de se maintenir.
Pour éviter au second tour une dispersion identique au premier, le code électoral autorise les listes en capacité de se maintenir à fusionner avec d’autres listes ayant eu au moins 5 % des voix. Mais, elles n’ont que peu de temps pour cela, le dépôt de liste en préfecture étant clos mardi à 18h. Outre la difficulté de parvenir à un accord dans un laps de temps réduit, les fusions de listes ont mauvaise presse : interprétées à tort par la majorité des commentateurs comme un ralliement (ce qu’elles ne sont pas nécessairement), et raillées de ce fait comme s’il s’agissait de magouilles politiciennes, elles ne sont que la conséquence du mode de scrutin.

Fusion programmatique et fusion démocratique

Le mode de scrutin municipal, qui a été étendu cet année aux communes de 1 000 à 3 500 habitants, a été conçu, sous le gouvernement de Pierre Mauroy, pour assurer la représentation de l’opposition au sein du conseil municipal. Jusqu’en 1983, année de sa première application, la liste qui remportait l’élection raflait l’intégralité des sièges. L’introduction d’une dose de proportionnelle permet à l’opposition d’obtenir quelques sièges au sein de l’assemblée municipale selon une règle simple : la liste arrivée en tête (avec plus 50 % au premier tour, moins en cas de triangulaire au second tour) emporte la moitié des sièges, les sièges restants sont répartis à la proportionnelle à la plus forte moyenne entre toutes les listes ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés.

Concrètement dans le cas d’une ville ayant 49 sièges à pourvoir et où deux listes en compétition finissent au coude à coude avec 50,1 % (liste A) et 40,9 % (liste B), la liste A obtiendra 37 sièges (25 par prime majoritaire et 12 à la proportionnelle) et la liste B 12 sièges (voir une explication du mode de calcul). Imaginons qu’à la place de la liste A, deux listes A1 (37,7%) et A2 (12,4%) se soient maintenus : la liste B (49,9%) l’emporte avec 37 sièges, les miettes allant à A1 (9 sièges) et A2 (2 sièges). A travers cet exemple, on voit que le premier intérêt d’une fusion de listes est d’abord arithmétique.

Deux types de fusion sont possibles : la fusion programmatique et la fusion technique (ou démocratique).

Dans le premier cas, les listes A1 et A2 vont jeter les bases d’une majorité de gestion de la ville dont le point cardinal sera l’obligation de voter le budget chaque année. Elles se retrouvent donc après le scrutin pour s’entendre sur un programme commun qui conservera la trame et les grandes orientations du programme de la liste A1 mais intégrera des propositions de la liste A2 que celle-ci juge particulièrement importantes. Elles négocient également le nombre de sièges éligibles qui reviendra à chacune des listes et une répartition des postes d’adjoint au maire.

Dans le second cas, la liste A2, tout en maintenant ses critiques sur le programme de la liste A1, offre à cette dernière la possibilité de gagner l’élection en échange d’une représentation de ses électeurs au sein de l’assemblée municipale, à proportion du score qu’elle a obtenu au premier tour. Comme son nombre de voix représente 24,7 % du total des voix A1+A2, elle demandera 24,7 % des 37 sièges promis en cas de victoire, soit 9 élus.

L’influence délétère de la Ve République

Les fusions d’entre deux tours, bien que prévues dans le code électorale, sont de moins en moins pratiquées. En 2008, alors que le FN était peu présent au second tour, des désaccords sur les conditions d’une fusion avaient abouti à 55 triangulaires et 13 quadrangulaires dans les 110 villes ou arrondissements de plus de 30 000 habitants où plus de deux listes étaient en mesure de se maintenir.

A gauche, c’est le plus souvent le PS, en position dominante, qui avait refusé de fusionner, comme à Montpellier où, faute d’une entente avec la maire PS, Hélène Mandroux, les Verts (11,12 %) avaient fusionné avec une liste soutenue par les Comités unitaires antilibéraux et la Ligue communiste révolutionnaire (5,46 %) ; ou encore à Clermont-Ferrand. Dans la préfecture du Puy-de-Dôme, le maire PS, Serge Godard avait refusé la fusion technique que lui proposait Alain Laffont (LCR), qui menait une liste alternative, après l’avoir accepté en 2001.

Qu’en sera-t-il cette année ? A Lyon, Gérard Collomb a déjà fait savoir qu’il n’entendait pas modifier l’équilibre de ses listes. A Paris, rien ne s’opposait la semaine dernière à une fusion entre les listes PS-PCF-PRG d’Anne Hidalgo et les listes EELV de Christophe Najdovski ; mais la candidate socialiste étaient plus que réticente à un accord avec les listes Front de gauche de Danielle Simonnet (PG) : « Il faut des majorités cohérentes, vouloir gérer ensemble, accepter de voter le budget, acte majeur d’une municipalité, a-t-elle déclaré le 14 mars au « Talk Orange-Le Figaro ». Je n’entends pas de propos qui vont dans ce sens-là chez Mme Simonnet. » Ce soir, elle n’a pas montré plus d’ouverture dans sa déclaration faite à 22h>45.


En clair, côté socialiste, on est pas contre les fusions, mais… à condition que les colistiers acceptent d’être bien sages. Ce discours traduit une dérive, typiquement influencé par le présidentialisme de la cinquième république, de la pratique du pouvoir dans les institutions communales. Le conseil municipal n’est plus considéré comme une instance délibérative représentative de population, mais comme un exécutif obéissant au maire dont il est redevable.

A la gauche du PS, les fusions sont parfois contestées. Certes, aucune des formations du Front de gauche ne les rejette. Si le PCF, dont on a vu nombre de sections se ranger derrière le PS dès le 1er tour, opte plutôt pour des fusions programmatiques, le PG et Ensemble, qui défendaient l’autonomie des listes du Front de gauche au 1er tour, se sont prononcés nationalement pour des fusions démocratiques – rejetées par le NPA et LO, bien que le parti de Nathalie Arthaud avait accepté en 2008 de figurer dès le 1er tour sur des listes conduites par le PCF mais aussi le PS.

Mais, localement, un nombre croissant de militants refuse toute fusion. Parfois pour de raisons locales bien compréhensibles (élu corrompu ou maire autocrate gouvernant avec des élus de droite). Parfois, malheureusement, par simple mimétisme avec le FN, qui depuis 1989 se maintient systématiquement, selon une stratégie qui ne lui a jamais permis de parvenir au pouvoir que dans sept villes jusqu’ici (Hénin-Beaumont, inclus puisque Steeve Briois l’a emporté ce soir dans cette commune). Le plus souvent par rejet radical du PS avec des arguments de deux ordres mais assez semblables : « Nos électeur ne comprendraient pas qu’on appelle à voter pour le PS. » « Nous n’avons rien à gagner à servir de roue de secours au PS. »

Ce faisant, ils se montrent incapables d’aller contre le discours des médias mainstream qui interprètent toute fusion comme un ralliement. Incapables aussi d’imaginer sortir de la logique de la Ve République et du présidentialisme qui a contaminé les gestions municipales, alors que la VIe République qu’ils sont censés promouvoir réclament au contraire d’en revenir à des conseils municipaux qui soient réellement des instances délibératives où les conseillers municipaux doivent rendre des comptes à leurs électeurs plutôt qu’au maire.

Michel Soudais

Source Politis : 23/03/2014

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