Italie : quelle stratégie pour les antisystèmes au pouvoir ?

Matteo Salvini (à gauche), leader de la Lega, et Luigi di Maio (à droite), M5S. TIZIANA FABIALBERTO PIZZOLI/AFP

Matteo Salvini (à gauche), leader de la Lega, et Luigi di Maio (à droite), M5S. TIZIANA FABIALBERTO PIZZOLI/AFP

En Italie, la Ligue et le Mouvement 5 étoiles (M5S) se sont accordés sur un gouvernement commun, pour diriger le pays après une longue période d’incertitude politique. Lenny Benbara* analyse dans le détail cette convergence entre le nationalisme et le populisme italiens.

FIGAROVOX.- En Italie, que signifie l’alliance inédite entre le M5S et la Ligue ? S’agit-il de l’alliance de la carpe et du lapin ? Des extrêmes qui se rejoignent ? Quels sont les points communs et les différences entre ces deux formations politiques dont l’une est souvent classée à la gauche de la gauche et l’autre à la droite de la droite ?

Lenny BENBARA.- Classer le M5S à la «gauche de la gauche» est d’emblée une erreur. Ce mouvement est inclassable et coalise des aspirations très différentes. Luigi Di Maio est une sorte de démocrate-chrétien centriste, qui incarne un projet de régénération morale des élites politiques et des institutions. Il forme un tandem avec Davide Casaleggio, une figure de l’ombre mais centrale dans le mouvement. Il est d’ailleurs beaucoup plus proche d’un Emmanuel Macron que d’un Jean-Luc Mélenchon. À ce sujet, on sait que des discussions officieuses existent entre les macronistes et le M5S, comme l’a avancé Il Foglio. Shahin Vallée, ex-conseiller d’Emmanuel Macron, est une des personnalités qui promeut un contact informel avec le M5S. Néanmoins, comme les cinquestelle ont décidé de s’allier avec la Lega, ce rapprochement a été ajourné et est pour le moment officiellement désavoué par En Marche. Reste que l’intention était là, notamment du côté du M5S. Il est donc idiot, comme le font les médias français, d’expliquer que la situation italienne correspond à l’hypothèse d’une alliance entre le Front national et la France insoumise… Le Mouvement Cinq Étoiles, qui a longtemps baigné dans l’euroscepticisme, a conduit pendant sa dernière campagne une opération de crédibilisation et d’institutionnalisation. Et ce, quitte à mettre au placard son projet de référendum sur la sortie de l’euro. Dans le même temps, une aile plus «dure» est néanmoins restée très présente. Elle est plus en phase avec l’esprit originel du M5S, et est aujourd’hui incarnée par Alessandro Di Battista. Ce dernier est beaucoup plus proche de Beppe Grillo et de Roberto Fico, le président actuel de la Chambre. Ce trio est notoirement plus «antisystème», associé à la «gauche» du parti, et se détache par son orientation plus hétérodoxe sur les questions économiques. En apparence, le mouvement affiche cependant sa cohésion et son absence de divisions. Il garde en commun son avant-gardisme sur les nouvelles technologies, l’écologie, la lutte contre les conflits d’intérêts et la démocratie directe.

Le M5S a rassemblé tous les perdants de la mondialisation, d’où qu’ils viennent.

 

La pluralité interne du M5S est importante pour comprendre ce qui s’est passé ces dernières semaines. Car son électorat est tout aussi hétérogène. Ils ont réussi à réaliser des scores très importants au Nord comme au Sud du pays, mais en s’appuyant avant tout sur «ceux d’en bas». Le M5S a réalisé 44 % des voix chez les 18-34 ans, qui ont énormément souffert de la crise ; 50 % chez les chômeurs ; ou encore 42 % chez les Italiens les plus pessimistes pour leur avenir et celui du pays. Grâce à la proposition du revenu de citoyenneté, ils ont réussi à réaliser une percée dans le Sud qui souffre énormément de la mondialisation, aidés par la figure de Luigi Di Maio qui est originaire de Naples. Mais dans le même temps, ils font de très bons scores chez les classes moyennes urbaines qui ont peur du déclassement. Le M5S a donc rassemblé tous les perdants de la mondialisation, d’où qu’ils viennent. Cependant, les leaders du mouvement n’ont rien de révolutionnaires, et évoluent dans une relation compliquée avec la base sociale du mouvement dont ils sont en partie captifs. Un tiers de leur électorat voulait s’allier avec le Parti Démocrate, un autre tiers avec la Lega, et un dernier tiers avec personne…

À partir du moment où Matteo Renzi a tué dans l’œuf toute possibilité d’accord avec le M5S, il ne restait plus que deux options: retourner aux urnes ou laisser la Lega s’allier avec le M5S. Alors que la première option se dessinait sérieusement au début du mois de mai, contre toute attente, et sous la pression de nouvelles élections, Silvio Berlusconi a fait un pas de côté et a laissé Matteo Salvini former un gouvernement avec Luigi Di Maio. En effet, il ne faut pas oublier que Salvini était auparavant intégré à une alliance de «centre-droit» – en réalité très à droite – avec Berlusconi et Meloni. Du côté des cinquestelle, l’option d’une alliance avec la Lega avait paradoxalement la préférence de l’aile la plus associée à la «gauche» du mouvement. Celle-ci y a vu une occasion de renverser la table, tandis que Luigi Di Maio voyait dans une coalition avec le Parti Démocrate la possibilité d’achever le processus de crédibilisation de son parti. En effet, le Parti Démocrate est perçu comme étant le cœur de «l’establishment» italien.

La Lega, en revanche, est tout de même bien un parti de droite…

La Lega, de son côté, est un ex-parti régionaliste qui a réalisé une mue nationaliste d’inspiration lepéniste lorsque Matteo Salvini est arrivé à la tête du parti en 2013. Longtemps confiné à des bastions au Nord, le parti ne réalisait plus que 4 % des voix en 2013. Salvini a enclenché un processus de profonde transformation qui s’est articulé autour de deux axes: un premier très identitaire, violemment anti-migrants, et un second qui est celui de l’euroscepticisme. Le slogan «Prima gli italiani» («Les Italiens d’abord») synthétise la ligne Salvini, lequel a conduit le parti à réaliser 17,3 % des voix le 4 mars dernier. Le trublion italien est allé jusqu’à qualifier la zone euro de crime contre l’humanité… Dans un pays qui n’a pas connu de croissance depuis son entrée dans la zone euro, c’est un discours qui résonne malgré les outrances. L’acuité de la crise migratoire a quant à elle permis à la Lega de développer son discours et de surfer tranquillement sur l’angoisse identitaire des Italiens, qui sont soumis à un fort sentiment de déclin. En effet, le taux de fécondité est maintenant depuis deux décennies aux alentours de 1,4 enfant par femme. La population vieillit sensiblement et le pays se vide de ses forces vives qui émigrent à l’étranger à cause du niveau très élevé du chômage des jeunes. Sans le solde migratoire, il y a longtemps que la population italienne diminuerait. Le nombre de jeunes Italiens qui s’en sont allés en France, en Allemagne et au Royaume-Uni est de l’ordre de plusieurs millions depuis la crise de 2008. L’idée que le peuple italien «est en train de disparaître» est désormais ancrée dans les esprits.

C’est ce terreau économique, social et culturel qui est commun aux deux partis. Les votes pour ces deux forces expriment chacun à leur façon la crise existentielle dans laquelle l’Italie est plongée. La Lega est évidemment beaucoup plus nationaliste, tandis que le M5S représente avant tout un projet de destitution des vieilles élites qui ont failli, de reconstitution des droits économiques et sociaux, et de renouvellement démocratique. Matteo Salvini et Luigi Di Maio incarnent une forme de dégagisme puissant, et se sont donc mis d’accord pour dépecer la vieille classe politique. Cette alliance reste néanmoins fragile et contextuelle, car le projet de Salvini est d’abord d’hégémoniser l’espace qui s’offre à lui au centre-droit, tandis que le M5S veut dépouiller le Parti Démocrate du reste de ses électeurs. On peut notamment s’attendre à la rédaction d’une nouvelle loi électorale, qui devrait être beaucoup plus favorable à la coalition qui est en train de se former. Reste que l’alliance avec la Lega a malgré tout ravivé l’euroscepticisme du M5S et sa volonté de rompre avec l’austérité. À côté du dégagisme, cet aspect représente à la fois un point commun et un point de tension entre les deux formations comme à l’intérieur de celles-ci. Dans des termes français, qui n’aident pas franchement à la compréhension de la situation italienne et de ses particularités: le M5S est un mouvement antisystème attrape-tout qui était engagé dans un processus de remplacement du Parti Démocrate et de transformation en parti de centre-gauche, tandis que la Lega est clairement d’extrême droite. L’alliance rebat cependant les cartes…

Ces derniers jours, Di Maio et Salvini ont conclu et fait valider par plus de 90 % de leurs troupes un programme commun. Que contient-il exactement ?

Le contrat de gouvernement est plus ou moins précis en fonction des sujets, et ne permet pas totalement de savoir ce qui sera effectivement appliqué par le gouvernement gialloverde (jaune et vert, ainsi appelé en référence aux couleurs de la Lega et du M5S). Il y a bien sûr l’affirmation d’une politique très restrictive sur l’immigration qui se traduit par la volonté de renégocier les accords de Dublin, sans pour autant donner de chiffre en termes d’expulsions, ce qui peut être interprété comme un recul de Matteo Salvini. Il y a aussi la flax tax, tant voulue par la Lega. Celle-ci est composée de deux seuils d’imposition, à 15 % et à 20 %. Elle est corrigée par l’existence d’abattements fiscaux pour les plus modestes afin de maintenir la progressivité de l’impôt sur le revenu, principe qui est inscrit dans la constitution italienne. Cela devrait coûter 20 milliards la première année, et 15 milliards les années suivantes selon les projections du gouvernement. Autre mesure hautement critiquable, l’interdiction des francs-maçons dans le gouvernement. Même s’il ne faut pas oublier que la franc-maçonnerie a une image catastrophique en Italie. C’est le cas depuis le scandale de la loge Propaganda Due et des diverses affaires de corruption mises en lumière au moment de l’opération Mani Pulite, bien que cette loge ait été radiée de la maçonnerie. L’anti-maçonnisme est très répandu en Italie… Mais c’est sur le plan économique que le contrat de gouvernement est le plus hétérodoxe, et c’est avant tout sur ce point et sur l’abandon des sanctions contre la Russie qu’il a été critiqué par les autres gouvernements de la zone euro et la presse financière.

Cette politique est largement décriée par les élites européennes, qui savent qu’elle n’est pas compatible avec les règles de la zone euro.

 

Les mesures annoncées dans ce contrat sont radicalement incompatibles avec le pacte budgétaire et avec l’équilibre de la zone euro. Elles sont cependant considérées comme nécessaires par les deux partis pour relancer l’économie italienne. On y trouve l’instauration d’un SMIC ; une possible nationalisation des régies d’alimentation en eau ; la suppression de la loi Fornero sur les retraites, très décriée en Italie, et qui devrait coûter environ 20 milliards par an en cas de suppression sèche ; ou encore la mise en place du revenu de citoyenneté. Ce dernier, dont le coût avoisinerait les 17 milliards par an, serait d’une durée de deux ans, sous condition de recherche d’emploi, et se traduirait par le versement d’un montant de 780 euros par mois aux personnes éligibles. À cela s’ajoute une politique de fléchage des investissements par la mise en place d’une banque publique d’investissement, le financement d’infrastructures – mais l’abandon probable du projet de TGV Lyon-Turin -, et une politique active de transition vers l’agriculture biologique et le développement des circuits courts. Le financement de toutes ces mesures est relativement flou. La coalition assume donc une logique keynésienne de relance de l’économie afin de réduire ultérieurement la dette par la croissance. Ainsi, le gouvernement prévoit une croissance de 2,5 % en 2019, 2,8 % en 2020 et de 3 % en 2021 grâce à sa politique. C’est toute cette politique qui est largement décriée par les élites européennes, qui savent qu’elle n’est pas compatible avec les règles de la zone euro.

Que va-t-il se passer maintenant? Quel est le profil de Giuseppe Conte, pressenti pour devenir Premier ministre?

Giuseppe Conte est un universitaire et un juriste, dont le CV a d’ailleurs fait polémique, puisqu’il est accusé de l’avoir gonflé. Il a un profil technique et assez peu politique. En réalité, son rôle sera mineur. Le contrat de gouvernement prévoit la mise en place d’une structure parallèle de gouvernement entre les deux forces de la coalition pour régler les ajustements liés à l’application du programme. Ce cabinet de l’ombre disposera, selon l’accord, du pouvoir de donner des ordres aux membres du gouvernement. Le vrai pouvoir sera donc entre les mains de l’équipe de Salvini et de celle de Luigi Di Maio. À ce propos, Matteo Salvini devrait être nommé au ministère de l’intérieur tandis que Di Maio devrait prendre la tête d’un super ministère du développement économique et du travail.

Il est difficile de prévoir ce qui va se passer. Le président de la République italienne, Sergio Mattarella, dispose d’un pouvoir de veto sur la composition du gouvernement. Il est par ailleurs gardien du respect des traités. C’est pourquoi il mène une politique de blocage sur certains noms. La coalition cherche par exemple à nommer Paolo Savona au ministère de l’économie et des finances, sauf que celui-ci a tenu des propos critiques à l’égard du fonctionnement de l’Union européenne et de l’euro. Il a par ailleurs plaidé pour la mise en place de mécanismes qui permettent à un pays de sortir de la monnaie unique. Sergio Mattarella appuie fortement pour l’écarter et menace d’utiliser son véto. En retour, Matteo Salvini a menacé hier soir de retourner aux urnes. Les sondages placent désormais la Lega entre 22 % et 26 %, tandis que le Parti Démocrate et Forza Italia de Silvio Berlusconi reculeraient encore de plusieurs points. Le leader leghiste a donc le rapport de force en sa faveur, d’autant plus que les scrutins régionaux intermédiaires confirment actuellement la dynamique de son parti. Ce jeu peut continuer encore quelques jours, et il est difficile de dire qui cédera en premier, mais ce que la coalition appelle «l’establishment» ne peut se permettre de nouvelles élections.

Ce matin, Salvini a répondu sèchement à Bruno Le Maire qui expliquait que «les engagements qui ont été pris par l’Italie valent, quel que soit le gouvernement». Le nouveau gouvernement peut-il et a-t-il vraiment l’intention de tourner le dos aux engagements européens pris par les précédents gouvernements italiens ?

Les propos tenus par les responsables français et allemands ont été très mal accueillis en Italie, et accréditent l’idée que la démocratie serait limitée depuis l’étranger. La Lega et le M5S incarnent non seulement la volonté des Italiens de rompre avec l’austérité, mais aussi leur volonté de rapatrier le pouvoir politique à l’intérieur du cadre national. L’UE est donc perçue comme un cadre qu’il faut réformer ou rompre. Pour autant, les marges de manœuvre du futur gouvernement sont limitées et le scénario d’une rupture avec les engagements européens reste incertain pour une série de raisons. D’abord, la situation économique de l’Italie reste objectivement très fragile. Même si le pays dégage un excédent primaire de 1,2 % du PIB par an – ce qui veut dire qu’avant paiement des intérêts, l’État italien dépense moins que ce qu’il gagne contrairement aux idées reçues -, sa dette avoisine le montant très élevé de 130 % du PIB. Cette dette doit être refinancée en permanence, ce qui expose le pays à la réaction des marchés. Fitch a menacé lundi de dégrader la note de la dette italienne, tandis que le spread, l’écart de taux d’intérêt avec l’Allemagne, a sensiblement augmenté pour atteindre 180 points de base. Par ailleurs, les banques italiennes restent gorgées de créances pourries, pour un montant de plus de 300 milliards d’euros. Ce qui plombe l’actif des banques italiennes, menace leur stabilité, et leur capacité à se refinancer et à prêter.

La Lega et le M5S incarnent la volonté de rapatrier le pouvoir politique à l’intérieur du cadre national.

 

Ensuite, parce qu’il existe plusieurs obstacles internes à un tel projet. D’une part, la majorité au Sénat est incertaine, et des sénateurs pourraient faire défection en cas de durcissement du rapport de force avec les autres pays de l’Union européenne. Cela n’est pas rare en Italie. De son côté, le président Sergio Mattarella veille au grain quant au respect du cadre européen. Enfin, il n’y a pas forcément de consensus à l’intérieur de la coalition. Les deux partis sont avant tout opportunistes. Il faut savoir que Matteo Salvini comme Luigi Di Maio ont un rapport à l’euro qui est complètement démystifié. En sortir n’est ni une obsession, ni un tabou. Cependant, leur position sur le sujet dépendra essentiellement de l’intérêt qu’ils y trouvent, et rien ne dit que celui-ci sera le même pour les deux partis à un instant T. Leur volonté est avant tout de renégocier, et le compromis qui sera jugé acceptable par le M5S ne le sera pas forcément par la Lega. Il risque donc d’y avoir des frictions à l’intérieur de la coalition.

Malgré tout, la coalition actuelle a présenté un contrat de gouvernement qui est incompatible avec la zone euro. Pour l’instant, en dépit des injonctions et les coups de mentons de la presse financière comme des responsables européens, les deux partis tiennent bon. Ils semblent prêts à jouer la carte du rapport de force avec l’Allemagne, et dans une moindre mesure avec la France. On peut donc s’attendre à tout, comme toujours avec l’Italie.

Cette coalition rappelle celle de Syriza en Grèce. Peut-on assister au même scénario ?

Comme je l’ai expliqué, la coalition actuelle n’est pas vraiment comparable avec celle qui gouverne en Grèce, mais on peut effectuer quelques parallèles, et notamment le fait qu’on a deux forces très différentes qui s’allient et s’apprêtent à faire face au cadre européen. Les différences sont nombreuses, et rendent un scénario à la Syriza incertain. D’abord, l’Italie n’est pas la Grèce. C’est la troisième économie de la zone euro, et la seconde industrie de cette même zone. Briser les reins de l’Italie n’a pas les mêmes conséquences que mettre à genoux les Grecs. Le secteur bancaire français et le secteur bancaire allemand sont très largement exposés vis-à-vis de l’économie italienne, et ne peuvent pas se permettre de voir pointer la menace d’une faillite en série des banques italiennes. La BCE ne pourrait donc pas contraindre l’approvisionnement en liquidités du secteur bancaire italien sans jouer avec le feu. Alors qu’elle avait pu le faire avec la Grèce. C’est toute la logique perverse des excédents commerciaux délirants de l’Allemagne. Ceux-ci se recyclent dans les économies du Sud de l’Europe, ce qui expose les banques allemandes à l’affaiblissement des économies de ses partenaires. Le manque de solidarité de l’Allemagne peut donc se retourner contre elle.

Par ailleurs, les responsables du M5S et de la Lega ont bien vu ce qui était arrivé à Alexis Tsipras et à la Grèce. Ils se souviennent que l’absence de plan de sortie de l’euro dans la stratégie du gouvernement grec a miné la capacité de celui-ci à négocier avec ses créanciers, et a rendu toutes ses menaces peu crédibles. Alexis Tsipras était un européiste convaincu. Il associait, comme beaucoup de Grecs, le fait d’être dans l’euro au fait d’être arrimé au bloc occidental, à la démocratie et à la modernité. Les Italiens n’ont pas ce type de pudeurs. On sait d’ores et déjà qu’une partie substantielle du patronat italien, rassemblé derrière la Confindustria, émet de sérieuses critiques sur le fonctionnement de la zone euro et n’écarte pas le scénario d’une sortie. D’une façon générale, les élites italiennes, hormis le Parti Démocrate, n’ont pas d’attachement de type religieux à la monnaie unique. Matteo Salvini et Luigi Di Maio sont donc plus disposés à remettre en cause l’Union économique et monétaire.

Les Italiens ont l’espoir que leur réalisme et leur position dure conduira à la négociation d’un compromis honorable avec l’Europe.

 

Ils ont d’ores et déjà envoyé un certain nombre de signaux à leurs partenaires européens. D’abord, la mention d’un mécanisme de sortie potentielle de l’euro dans le contrat de gouvernement qui a fuité la semaine dernière. Même si ce mécanisme a été retiré, l’idée s’est installée. Ensuite, l’absence de recul sur le programme et le fait d’assumer l’incompatibilité avec les règles budgétaires de l’union monétaire. Le nom de Paolo Savona n’est pas non plus anodin, c’est un des grands critiques de l’euro et un avocat de la mise en place de mécanismes parallèles pour en sortir progressivement. Enfin, la coalition prévoit l’émission de mini bons du trésor pour payer les arriérés de dettes de l’État envers les entreprises et donner de la respiration à ces dernières. Ces mini bons pourront aussi servir à régler des impôts, ce qui leur donne donc le caractère d’une monnaie parallèle à l’euro.

Bref, les Italiens envoient un message très clair: «nous ne finirons pas comme les Grecs». Ils ont l’espoir que leur réalisme et leur position dure conduira à la négociation d’un compromis honorable. Mais ils sous-estiment probablement la disposition de certains pays du Nord de l’Europe à voir l’Italie sortir de l’euro. Les responsables économiques de la CDU et de la CSU allemandes ont déclaré hier matin que la position italienne relevait du chantage et qu’elle signait le début de la fin de l’euro. Une manière de dire qu’ils sont prêts à prendre le risque d’une sortie, et que les Allemands ne comptent pas accepter les demandes italiennes de déroger au pacte fiscal. Pour l’instant, on peut avant tout s’attendre à une montée prochaine d’un rapport de force. Celui-ci pourrait très bien déraper et conduire à une sortie de l’euro, comme aboutir à la capitulation de l’Italie face à la raideur allemande.

Du Brexit aux élections italiennes en passant par les victoires à répétition de Viktor Orban, à chaque élection en Europe, les mouvements «eurosceptiques» réussissent de nouvelles percées. S’agit-il de victoires conjoncturelles où est-ce le signe d’une recomposition plus profonde ?

Il s’agit bien évidemment d’une recomposition profonde du champ politique européen, et celle-ci devrait s’accélérer à l’occasion des élections européennes de 2019. On a beaucoup glosé sur la défaite de l’euroscepticisme à la suite de la victoire d’Emmanuel Macron, qui intervenait après une vague de victoires de mouvement critiques à l’égard de la construction européenne. Il semblerait que cette victoire pour les pro-européens n’ait été qu’une parenthèse bien courte. Ciudadanos, en Espagne, est en pleine dynamique et représente un partenaire potentiel de poids pour Emmanuel Macron sur la scène européenne, mais à part ça ? Il y a bien le M5S, mais celui-ci est pris dans l’engrenage de sa coalition avec la Lega, et n’a pas encore arrêté son identité sur la question européenne. Il y a aussi les autres partis libéraux qui existent ici et là, mais qui ont des intérêts nationaux difficilement compatibles avec ceux de la France, contrairement à l’Espagne et à l’Italie. La réalité est qu’Emmanuel Macron est isolé, et que son projet a peu de chances d’aboutir. L’Allemagne ne veut pas en entendre parler. Hier encore, plus de 150 économistes allemands ont publié dans le Frankfurter allgemeine sonntagszeitung une tribune pour critiquer radicalement toutes les propositions de réformes de la construction européenne faites par la France. Le gouvernement allemand n’est pas plus tendre, et a renvoyé dans les cordes à la fois l’idée d’un budget de la zone euro et la proposition de renforcement du budget européen faite par la Commission européenne. Le message est clair: les Allemands ne veulent pas payer. Ils accepteront éventuellement l’idée d’un ministre des finances de la zone euro, mais en échange d’un durcissement sévère de la surveillance budgétaire. Ajoutons à cela que la position allemande va encore se raidir avec la crise italienne et les demandes de la coalition gialloverde. Bref, devant cette impasse de la réforme de l’Union européenne, les forces eurosceptiques ont un boulevard et devraient progressivement reprendre la main de l’agenda.

En 2019, deux pôles extrêmement différents devraient être renforcés. D’une part, d’ex-partis de gauche radicale travaillent actuellement à la construction d’un pôle qui est celui du populisme démocratique. Ce pôle s’organise autour de la France insoumise, de Podemos et du Bloco de Esquerda portugais, et devrait augmenter sensiblement son nombre d’élus. Il exige une réforme radicale de l’Union européenne pour sortir de la logique de la compétition entre les peuples. D’autre part, les mouvements nationalistes identitaires ont le vent en poupe un peu partout en Europe et devraient gagner de nombreux sièges. Les forces pro-européennes sont donc prises en tenaille, et cette tendance est structurelle. Tant que l’Union européenne sera incapable de répondre à la crise sociale et à la crise migratoire, il n’y a pas de raisons que la dynamique actuelle s’arrête.

Il n’y aura cependant pas de grand soir contre la construction européennne. Son effondrement viendra d’un délitement progressif, par l’accumulation de grains de sable dans la périphérie comme au cœur de l’Union. L’Italie est le dernier de ces enfants terribles apparus de façon tonitruante sur la scène européenne, mais le pourrissement peut encore durer un certain temps. La question qui se pose désormais est: quel sera le prochain pays à basculer ?

Par  Alexandre Devecchio

Source Le FigaroVOX 23/05/2018

Lenny Benbara est diplômé de l’ENS de Lyon où il a suivi un cursus en Sciences économiques et sociales, il est par ailleurs directeur de la publication et cofondateur du média en ligne Le Vent Se Lève.

 

La situation à France Télévisions : en attendant l’apocalypse (entretien avec F. Malverde)

Julien MUGUET

 » L’objectif tient en un mot : réduire. Réduire le périmètre de nos missions, réduire le maillage territorial, réduire la quantité de programmes et d’émissions produites ; tous les secteurs de l’audiovisuel seront concernés. »

L’audiovisuel public est dans le collimateur du gouvernement. Fuites du ministère de la culture, annonce de bouleversements internes par la direction de France Télévisions qui subit en retour une motion de défiance, « petite phrase » provocatrice d’Emmanuel Macron [1], tout est fait pour préparer l’opinion – et les personnels de l’audiovisuel public – à une purge supplémentaire, après des années de rigueur budgétaire.

Plutôt que de nous fier à ce qui filtre dans la presse de ces petites et grandes manœuvres, nous avons préféré faire le point sur la situation avec un acteur et un témoin direct de ce qui se trame à l’intérieur du groupe public en nous entretenant avec Fernando Malverde, journaliste à France 3, syndiqué au SNJ-CGT, élu CGT au CCE de France Télévisions, et last but not least, adhérent d’Acrimed. Il ne s’exprime pas ici dans le cadre de son mandat et l’analyse qu’il livre reflète son point de vue et ses opinions personnelles, lesquelles n’engagent aucune des deux formations syndicales sus nommées.

Rumeurs et démentis courent depuis plusieurs semaines à propos de licenciements à venir à France Télévisions. Est-ce que vous avez des informations supplémentaires en interne sur les exigences du gouvernement ou sur les intentions de la direction, et est-ce que vous anticipez et/ou craignez que certains services soient plus touchés que d’autres ?

Il est clair que la crise que l’on vient de traverser avec la motion de défiance [2], c’est un peu l’arbre qui cache la forêt. Nous – les gens les plus informés, les syndicats, et la CGT en particulier –, on sait que ce qui se prépare est beaucoup plus grave. Ce qui se prépare, c’est ce que M. Macron a formulé en partie en « off » mais aussi dans son programme – il suffisait de le lire : restructurer tout l’audiovisuel public et diminuer le nombre de salariés de façon considérable. La crise est donc actuelle, mais plus encore à venir.

Quels sont ses objectifs ? Appliquer à l’audiovisuel public ce qui est appliqué à l’ensemble des services publics, soit ce qui est inscrit dans le « Plan d’Action Publique » qui prévoit la réduction de la dépense publique de trois points de PIB d’ici à 2022 (i.e. 60 milliards d’euros). C’est un projet ultra-libéral qui touchera évidemment notre secteur.

Cette réduction contient un double danger : d’abord, une réduction du périmètre de l’audiovisuel public dans son ensemble c’est à dire toutes les sociétés qui le composent (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde [France 24 / RFI], INA, Arte). Il y a une volonté de réduire le nombre de chaînes et le nombre d’emplois qui dépendent du service public : là est leur seule obsession…

Pour se faire une idée du projet, il suffit de regarder qui pilote : l’un des principaux conseillers de M. Macron, est l’inspecteur des finances Marc Schwartz. Il a écrit la partie audiovisuelle du programme du candidat Macron et est l’actuel directeur de cabinet de Françoise Nyssen, ministre de la Culture, tutelle de France Télévisions. C’est un ancien directeur financier de France Télévisions et surtout, l’auteur d’un rapport sur l’avenir de l’audiovisuel public [3]. C’est un peu la feuille de route de l’État, feuille de route dont la mise en œuvre a déjà commencé depuis des années sous la présidence Hollande et qui se poursuit sous celle de M. Macron. Ses grands axes de questionnement sont les suivants : Que faut-il garder du service public ? Jusqu’à quel niveau le réduire ? Ce questionnement a des conséquences concrètes en termes de dépense publique et de diminution d’emplois, dans l’audiovisuel comme dans les autres secteurs. Le traitement qui nous est réservé n’a, en cela, rien de particulier.

Faire des économies est l’unique obsession en ce qu’elle répond également aux injonctions européennes ciblant la dépense publique et le périmètre de l’action publique. M. Macron suit cette feuille de route, dont l’objectif principal est de faire plaisir à Mme Merkel et à l’Eurogroupe, c’est à dire aux libéraux qui commandent aujourd’hui la marche de l’Europe. Avec ses 18 000 emplois, l’audiovisuel public français est en ce sens une cible de choix. Cette stratégie met en péril nos missions.

Tu parlais d’un deuxième danger, quel est-il ?

Il est lié à l’exercice « bonapartiste » du pouvoir par M. Macron : il ne désire rien de moins qu’une véritable reprise en main de l’audiovisuel. Il n’a pas supporté de constater que certains de nos patrons, Delphine Ernotte en particulier, se soient battus pour défendre le budget de leur entreprise. Il veut des patrons le doigt sur la couture du pantalon, terrorisés et obéissants. Il ne supporte pas toutes les formes de résistance qui se sont fait jour pour défendre le périmètre de l’entreprise et les missions du service public.

À ce titre, je pense que Delphine Ernotte, paie – et paiera – la première prise de position publique qu’elle a exprimée quand elle est arrivée à la tête de cette entreprise [4] sur Twitter : « Je veux fromage et dessert ». C’est à dire : « Je veux à la fois la publicité et une revalorisation de la redevance ». Des revendications totalement insupportables aux yeux de quelqu’un d’assez autoritaire comme M. Macron, désirant des patrons d’entreprises publiques aux ordres.

Les deux aspects des mesures à venir sont donc : une réduction du périmètre, des missions et du nombre d’emplois du service public audiovisuel mais également une reprise en main par le pouvoir politique. Le tout sera bien entendu accompagné de discours lénifiants du type « Recentrer l’audiovisuel public sur ses missions uniquement culturelles », comme indiqué dans le document préparatoire émanant du Ministère de la Culture et transmis au CAP 2022, document qui a fait l’objet d’une « fuite », notamment auprès du Monde.

Aujourd’hui, M. Macron et son entourage proche fonctionnent sur un mode extrêmement cloisonné, dans le plus grand secret et même sans contact réel avec les directions des entreprises. Après l’annonce des 50 millions d’euros d’économies (en fait 80 pour l’ensemble de l’audiovisuel public), le gouvernement exige des directions qu’elles déterminent elles-mêmes les pistes d’économies à réaliser alors que quoi qu’il en soit, il sera question de restructurer les entreprises concernées afin d’amputer davantage leurs missions et leurs budgets !

Tu penses donc que les restructurations à venir iront encore plus loin que celles annoncées dans le document de travail du ministère ?

Absolument. À l’heure actuelle, après l’adoption du projet de loi de finance pour 2018, les directions, quelque peu tétanisées, ont été obligées de réagir et de préciser où les économies seraient réalisées, secteur après secteur. Mais ça, c’est juste pour avoir un budget 2018 à l’équilibre ! Il restera encore à encaisser les restructurations que prévoira M. Macron.

Les 50 millions d’économies qu’exige aujourd’hui M. Macron doivent se faire en plus de celles évoquées précédemment ! Il s’agit en fait de 70 millions, une fois inclus les 20 millions d’euros liés au glissement mécanique de la masse salariale et à l’inflation. Se pose alors la question de suppressions d’emplois en sus de celles déjà prévues. Mme Ernotte a déclaré qu’elle s’en tiendrait à ce que prévoyait son Contrat d’Objectifs et de Moyens [Soit 180 ETP supprimés en 2018, 500 à l’horizon 2020, fin de de son mandat, NdlR] via le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux et qu’elle ferait donc porter les économies sur d’autres leviers : renégociation des contrats avec les producteurs, droits sportifs [5], augmentation des rediffusions, etc. En somme, ponctionner sur la grille de programmes mais également sur les moyens techniques. Il est cependant évident que si un budget du même acabit (contenant de nouvelles coupes) lui est imposé pour 2019, elle sera forcée de passer par un plan social. Le seul problème, c’est que l’entreprise n’a même pas les moyens de le payer et qu’il reviendrait à l’État de le financer !

Selon moi, et on devrait le voir assez vite en début d’année prochaine, le gouvernement prévoit une réorganisation de l’audiovisuel avec des « mariages », des rapprochements forcés entre France Bleu et France 3, des suppressions de chaînes (France Ô, passage de France 4 en diffusion exclusivement numérique [et de Mouv’, ainsi que la suppression d’un des deux orchestres de Radio France… NdlR]), des suppressions d’édition (celle du week-end du Soir 3), des fusions de rédactions locales, et des regroupements régionaux, probablement selon la nouvelle carte administrative. Par exemple, le passage de 22 éditions de journaux télévisés de France 3 à une quinzaine. Clairement, l’objectif tient en un mot : réduire. Réduire le périmètre de nos missions, réduire le maillage territorial, réduire la quantité de programmes et d’émissions produites ; tous les secteurs de l’audiovisuel seront concernés.

Sans oublier la reprise en main politique. Une information a par exemple un peu échappé à la presse : André Gattolin, [Sénateur des Hauts-de-Seine, NdlR] ex-EELV passé à En Marche ! – a fait voter l’an dernier la suppression de la publicité dans les émissions destinées à la jeunesse en l’appliquant uniquement… à la télévision publique ! Une mesure relativement grotesque qui n’est rien d’autre qu’un moyen de priver France Télévisions de 20 millions d’euros de ressources supplémentaires dès le 1er janvier 2018. Il propose maintenant de modifier le mode de désignation des P.-D.G. de l’audiovisuel public dans le but probable de se débarrasser de Mme Ernotte afin de la remplacer par une personne totalement aux ordres. Je ne doute pas un instant du fait que cette idée ne soit pas venue toute seule au sénateur Gattolin : un « téléguidage » de l’Élysée est assez probable. Sa proposition de loi pourrait être votée dès le printemps et s’appliquer immédiatement.

Est-ce que, selon toi, cette politique d’économies à tous les étages, ne risque pas de dégrader plus avant la qualité du service public ?

Bien évidemment. Cela va dégrader la qualité de l’antenne, celle des contenus et notre capacité à concevoir et à réaliser des programmes attractifs, ce qui comporte un risque net de perte d’audience. Perte d’audience qui pourra nous être reprochée par la suite et justifier de nouveaux plans d’économies.

En sais-tu un peu plus sur les échéances et l’agenda de cette asphyxie programmée ?

Ils vont très certainement commencer par modifier la gouvernance et amorcer une réorganisation générale de tous les secteurs par une loi au printemps ou aux alentours de juin, puis réviser le financement de la télévision publique par une seconde loi à l’automne. À ce moment-là, on saura ce qu’il en est véritablement de la redevance. M. Macron a déjà déclaré qu’il n’y aurait pas de révision à la hausse de la redevance pour 2018 ni les années suivantes. La période qui s’ouvre, au moins pour les deux années à venir (2018-2019), va être une période dévastatrice pour l’audiovisuel public. Là comme ailleurs, M. Macron désire imprimer sa marque, ce qui implique de revoir de fond en comble l’organisation et le financement.

Peux-tu nous expliquer comment s’est passé le vote de la motion de défiance envers la présidente de France Télévisions ? Et pourquoi les déclarations de M. Macron et les exigences budgétaires du gouvernement (issues du « Comité action publique 2022 ») n’ont pas été ciblées dans cette motion ?

Il y a eu beaucoup de désinformation autour de cette motion des journalistes. Tout d’abord il faut remettre les choses à leur niveau. On a pu lire que la motion de défiance avait recueilli 84 % des voix alors qu’il n’y a eu que 860 votants sur 2680 journalistes et plus de 9800 salariés dans l’entreprise. Au final ce sont moins de 6 % des salariés qui ont voté la défiance ! Il y a eu un effet « loupe » du fait de la visibilité des rédactions nationales et de la capacité qu’elles ont eue à mettre en œuvre un lobbying efficace (appel à des « vedettes », réseaux sociaux). Cela y compris au prix de petits arrangements avec la réalité… Par exemple, dire qu’il s’agissait pour la direction de censurer des émissions emblématiques comme « Cash Investigation » est absolument faux : la ligne éditoriale de cette émission, qui fait honneur au service public, est soutenue et n’est pas remise en question par l’actuelle direction. Par contre, il y a clairement une volonté d’économiser des effectifs et de la dépense : pour ce faire, le principal levier de la direction est l’externalisation de la production (déjà fort avancée au sein de France Télévisions) puisque les emplois externalisés ne sont plus comptés comme publics. C’est quasiment l’unique cheval de bataille du Ministère des Finances.

En réalité, les économies étaient déjà prévues par le Contrat d’objectifs et de moyens signé par Delphine Ernotte au moment de son arrivée à France Télévisions (en 2015, sous la présidence de François Hollande). La trajectoire prévoyait d’ores et déjà la suppression de 180 équivalents temps plein (ETP) en 2018. Ces suppressions sont bien évidemment maintenues. Ce qui a fait réagir les SDJ des rédactions nationales et les magazines, c’est le fait qu’elles commencent à les impacter directement alors que jusqu’à présent, les économies touchaient principalement le réseau décentralisé (les rédactions régionales et locales de France 3, la rédaction de France Ô et les Outre-Mer Premières). Les rédactions régionales étant déjà « à l’os », les économies commencent à se faire sentir au niveau des réactions nationales et à toucher les mieux lotis : c’est ce que j’appelle le « ruissellement à l’envers »…

La réaction de la SDJ, y compris la motion de défiance, est donc en partie une réaction purement égoïste sur le mode : « Des économies d’accord, mais pas chez nous ! » ou plus démagogique encore : « Les économies sont un prétexte, le vrai problème c’est Delphine Ernotte ». Car il faut bien comprendre que certains membres de la SDJ ont un agenda politique : certains ont un intérêt – qui les fait conséquemment agir en sous-main – à favoriser le départ de la P.-D.G. parce que beaucoup de ces journalistes ne cachent pas leurs affinités vis-à-vis du pouvoir en place. Le libéralisme revendiqué par M. Macron ne leur pose ainsi aucun problème.

En 2017, la séquence électorale a permis de faire illusion, notamment avec un relâchement du contrôle des autorisations de dépassement de budget (embauche de CDD) dans les rédactions nationales. La fin de cette séquence marque le retour à des conditions de fonctionnement plus « normales » et la direction fait ainsi peser des économies dans tous les secteurs, y compris dans les rédactions nationales.

Comment fonctionne la SDJ ? Quelles relations entretient-elle avec les syndicats de journalistes ? À quoi ressemble le paysage syndical à FTV aujourd’hui ? Quel rôle jouent les vedettes de la rédaction (Léa Salamé, François Lenglet, Nathalie Saint-Cricq, etc.) dans cette « crise » ?

Je ne connais pas le fonctionnement détaillé de la SDJ, un bureau, plus ou moins actif, des échanges de mails, mais l’instance n’a pas de caractère vraiment permanent ou même délibératif, les assemblées générales (AG) sont rares. Elle fonctionne au cas par cas. Dans le cas d’espèce, les AG qui ont eu lieu et qui ont débouché sur cette motion de défiance avaient un caractère tout à fait exceptionnel. À l’inverse, pendant les grèves contre les coupes budgétaires, les AG des SDJ (de France 2, de France 3 national et de France Info) avaient soigneusement évité de se mélanger à celles des syndicats ! Il est intéressant de noter que la majorité de ceux qui ont signé cette motion de défiance n’ont pas fait grève.

Un exemple illustre assez bien son fonctionnement cependant ; lorsque M. Macron a attaqué l’audiovisuel public, la SDJ n’a pas fait de communiqué. Par contre, suite aux attaques de M. Mélenchon à l’encontre de Léa Salamé, François Lenglet et Nathalie Saint-Cricq, la réponse fut immédiate ! Des chefs de service, Mme Saint-Cricq et d’autres éditorialistes de bon ton et bon teint, assistent bien évidement aux AG de la SDJ, illusion d’une opinion partagée entre les aristocrates et les soutiers de l’information !

En fin de compte, je pense que les SDJ sont des sortes de « feuilles de vigne », de cache-sexe destinés à couvrir le manque de courage de certains, habituellement peu enclins à combattre les orientations imposées par la direction à la demande du pouvoir politique. On en profite, sous couvert de « consensus professionnel », pour se donner de faux airs de courage. La réaction des SDJ doit être prise pour ce qu’elle est : une réaction corporatiste dont les responsables n’ont, pour la plupart, aucune conscience des problématiques affectant l’ensemble de l’entreprise. Ses responsables ne font d’ailleurs jamais preuve de la moindre solidarité envers le reste des personnels. J’irais même jusqu’à dire que les SDJ sont plus corporatistes que les syndicats corporatistes.

Lesquels ?

Le SNJ Autonome, qui lui reste conscient des problématiques de l’entreprise, voire du secteur. Pour poursuivre mon propos sur les réactions entendues au sein de la SDJ (« des économies oui, mais pas chez nous ! », « le seul problème c’est Delphine Ernotte »), je persiste à penser que le courage aurait consisté à soumettre une question plus pertinente aux journalistes : « Pensez-vous qu’Emmanuel Macron veut défendre l’audiovisuel public ? » Là est la vraie question. C’est pour cela que j’ai toujours affirmé que les SDJ, de par leur fonctionnement, leur apolitisme revendiqué, leur recherche du consensus à tout prix – tout à fait pipeau ! – n’étaient pas les instances les plus qualifiées pour comprendre les enjeux stratégiques de l’entreprise. Dans le cas de celle de France Télévisions, c’est presque caricatural.

Sans oublier les menées de certains syndicats (la CGC en particulier, très droitière au sein de l’entreprise) qui utilisent la SDJ pour camoufler leur propre agenda politique, qui jouent leur propre carte pour mettre en œuvre leur stratégie. Un théoricien célèbre, dont vous retrouverez le nom, a parlé d’« idiots utiles » dans le cas présent. M. Macron a dû particulièrement savourer la motion de défiance.

Par ailleurs, je tiens à le dire ici, le prochain P.-D.G. de France Télévisions en finira très certainement avec « Cash Investigation ». Une émission qui a autant de moyens pour mener des investigations longues et approfondies sur les multinationales et les milliardaires n’est clairement pas la « tasse de thé » de M. Macron. Au bout du compte, les économies se feront aussi aux dépends de l’investigation et de l’indépendance du média.

Plus largement, quel est le rapport de forces entre les catégories de journalistes ? Entre les précaires et autres intermittents et les titulaires ? Entre les personnels de France 3 (particulièrement ciblés dans les documents ayant fuité) et ceux de France 2 ? Entre les syndicats ? Entre les plus mobilisés et ceux qui sont plus circonspects ?

Les CDD ont été les premières victimes du recul de l’emploi et des restrictions et beaucoup d’entre eux ont été obligés de recourir aux tribunaux pour faire valoir leurs droits légitimes. Nombre d’entre eux (souvent aidés par la CGT) ont ainsi obtenu leur intégration et également des dommages et intérêts. Un phénomène tellement massif que la direction provisionne même des sommes considérables en raison de ces litiges. Ces dernières années, le taux de précarité au sein des rédactions a fortement reculé, en particulier au sein du réseau des rédactions décentralisées. En effet, les CDD, qui permettaient auparavant de remplacer un salarié malade ou en formation, représentent aujourd’hui de l’ordre de 10 % des effectifs. Ce serrage de vis sur les effectifs crée des tensions et une usure des personnels qui devient dramatique. Dans les rédactions nationales, le chiffre tourne encore autour de 20 %. La gestion est donc encore relativement plus souple dans les rédactions nationales mais les mesures d’économies ont pour objectif, entre autres, de réduire le recours au CDD au maximum. France Télévisions n’est cependant pas une exception, elle suit, en cela, le même modèle que TF1.

Plus spécifiquement, y a-t-il une opposition entre les précaires et les titulaires au sein des rédactions ?

Non, mais il existe une forme de défiance entre les salariés des rédactions locales et ceux des rédactions nationales ; les premiers voient les seconds comme des privilégiés, puisque, jusqu’à présent, ils étaient soumis moins durement aux mesures d’économies. Après, il ne s’agit pas pour moi de diviser les gens, je pense que notre véritable adversaire et le véritable responsable, c’est le pouvoir politique.

Et une nouvelle fois, cette politique n’est pas nouvelle puisqu’elle a cours depuis au moins 10 ans. Trois chocs ont marqué l’histoire récente de France Télévisions et ont gravement déstabilisé la structure de l’entreprise : la fin de la publicité annoncée par Nicolas Sarkozy [en 2008, NdlR] qui a totalement fait vaciller le modèle de financement, lequel n’a jamais été réellement remis à flot, l’annonce d’économies correspondant à la suppressions de 650 ETP sous la présidence Hollande, pilotée à l’origine par Aurélie Filippetti puis par Fleur Pellerin et, enfin, avec l’arrivée de Mme Ernotte, un Contrat d’objectifs et de moyens qui prévoit la suppression de 500 ETP supplémentaires [d’ici à 2020, NdlR]. Dernière étape : l’agression contre France Télévisions, avec l’arrivée de M. Macron. Tout cela n’ayant qu’un but : préparer un véritable démantèlement du secteur public.

Un gouvernement qui se donnerait des objectifs plus constructifs et serait à l’inverse attaché à garantir l’existence d’un service public de l’information et de la culture enfin digne de ses missions aurait de nombreuses questions à dénouer. Par exemple, que fait-on de l’audiovisuel public à l’heure de la concurrence avec les plateformes américaines [Netflix, Amazon, NdlR] qui n’ont pas besoin de diffuseurs nationaux ?

Quid de la « délinéarisation » des contenus ?

C’est un enjeu majeur. Aujourd’hui, on ne regarde plus la télévision en allumant son poste, on la regarde quand on en a envie et on va chercher des contenus [6].

Ici, l’État doit clarifier la mission de la télévision de service public. Est-on en mesure de produire des programmes au niveau national voire européen qui seraient des programmes de qualité, exportables, visibles par les jeunes, etc. Aujourd’hui, les jeunes ne regardent plus la télévision mais ils accèdent à des contenus produits par la télévision sur Internet. La question des contenus est donc fondamentale.

Un corolaire important de cette question est celle de la restitution des droits de diffusion aux entités du service public. Est-ce que la télévision qui finance des productions peut les réexploiter ? Aujourd’hui, ce n’est pas le cas : les décrets Tasca obligent la télévision publique à n’être qu’une simple banque de financement des producteurs privés, qui disposent ensuite à leur guise des droits des programmes produits.

Propos recueillis par Bruno Dastillung

***

Annexe : Les données de l’équation…

- Motion de défiance
– « Faites-vous confiance à Delphine Ernotte pour préserver la qualité et les moyens de l’information à France Télévisions ? »
– Journalistes : 709  ; Votants : 607 (69%)
– Non : 83,77 % ; Oui : 8,95 % ; NSPP : 7,28 %

Delphine Ernotte, P.-D. G. FranceTV : « Je prends au sérieux la mise au vote d’une motion de défiance. Elle témoigne d’une inquiétude réelle et d’une demande d’équité dans la répartition des efforts. Nous y serons vigilants et attentifs. »

Clément Le Goff, président de la SDJ de France 2 : « Nous ne sommes pas contre le fait de faire des économies. On veut continuer à délivrer une information de service public de qualité. Informer, plutôt que distraire, devrait rester une priorité du service public. »

Plan d’économies 2018
– 50M€ pour 2018 (sur 2,57 Mds)
-180 ETP via non-remplacements et départs à la retraite (30 dans l’information)

Objectifs CAP 2022
– Gel dotation (@ 3,8 Mds €)
– « Rapprochement » entre France Télévisions et Radio France
– Fusion de France 3/France Bleu,
– Suppression de France Ô
– Passage de France 4 et Mouv’ à une diffusion 100 % numérique

Déclarations d’Emmanuel Macron (Télérama.fr)
– « L’audiovisuel public, c’est une honte pour nos concitoyens, c’est une honte en termes de gouvernance, c’est une honte en ce que j’ai pu voir ces dernières semaines de l’attitude des dirigeants. »
– « Parce que c’est très cher, pour une absence de réforme complète depuis que l’entreprise unique [à France Télévisions, ndlr] existe ; pour une synergie quasi-inexistante entre les différents piliers des entreprises publiques ; pour une production de contenus de qualité variable. »
– « Je n’accepterai jamais qu’une entreprise publique, quand on lui demande un effort (…) considère que la seule réponse serait d’augmenter la redevance, ou d’aller faire du lobbying en commission. »

par Bruno Dastillung, Fernando Malverde

Source Acrimed 26/12/2017

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L’Etat au régime Macron

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Source Le Canard Enchaîné 22/11/2017

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Castaner de la guerre

IMG_4428Source Le Canard Enchaîné 22/11/2017

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Paris, Le Caire, ventes d’armes et droits de l’homme

afp.com - ANGELA WEISS

La visite en France du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, dénoncé pour son bilan « catastrophique » en matière de droits de l’homme, est considérée par les ONG comme un test crucial pour Emmanuel Macron, sommé de mettre fin à la « scandaleuse tolérance » de Paris envers le Caire.

M. Sissi effectue à partir de lundi une visite officielle de trois jours et rencontrera pour la première fois mardi à l’Elysée M. Macron depuis qu’il a été élu président.

La France, qui entretient d’excellentes relations commerciales et sécuritaires avec l’Egypte, vue comme un « rempart » contre le terrorisme dans une région en constante ébullition, a promis que la situation en matière de droits de l’homme serait abordée dans cet entretien.

Mais plusieurs ONG, dont Human Rights Watch, Amnesty International, la FIDH et Reporters sans frontières, ont souligné que l’Egypte connaît « la pire crise des droits humains depuis des décennies » et réclamé à la France des signes concrets pour mettre fin à son « silence », voire sa « tolérance ».

« Ce sera pour nous un test diplomatique crucial. M. Macron fait des déclarations publiques fortes, des discours vibrants. Maintenant, il est urgent qu’il mette concrètement en actions ses discours », a déclaré la directrice France de HRW, Bénédicte Jeannerod, au cours d’une conférence de presse à Paris lundi. Elle a notamment demandé que le soutien de Paris au gouvernement égyptien soit lié à des améliorations tangibles dans le domaine des droits de l’homme.

« Nous comptons sur vous pour rappeler que la France ne cautionne pas les pratiques répressives de l’Egypte et estime que des réformes significatives en faveur des droits humains, de la démocratie et de la société civile doivent être engagées », ont souligné de leur côté dans une lettre conjointe à Emmanuel Macron les ONG EuroMed Droits, Coordination Sud, FIDH, l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme et RSF.

– ONG ‘criminalisées’ –

Elles appellent M. Macron à demander au président égyptien « de mettre un terme à la campagne de criminalisation des défenseurs (des droits humains) ».

Depuis 2015, l’Egypte a conclu des contrats d’armement avec la France pour plus de six milliards d’euros, comprenant notamment 24 avions de combat Rafale, une frégate, deux porte-hélicoptères Mistral et des missiles.

M. Sissi doit rencontrer des entrepreneurs à l’occasion de sa visite. Il verra aussi des ministres, dont son « ami » Jean-Yves Le Drian, l’actuel chef de la diplomatie, qui a piloté ces ventes d’armes majeures avec le Caire lorsqu’il était ministre de la Défense sous l’ex-président François Hollande.

Dans une interview accordée lundi soir à la chaîne France-24, M. Sissi a affirmé qu' »il n y a pas de détenus politiques en Egypte », assurant que tous les détenus sont interrogés et déférés devant les tribunaux selon les procédures judiciaires normales.

Il a également confirmé qu’une « coordination existait » avec la France pour favoriser une solution politique en Libye, pays vers lequel les jihadistes vaincus en Syrie et en Irak « vont bouger », selon lui, de même que vers l’Égypte, le Sinaï et l’Afrique de l’ouest.

– ‘Difficile équation’ –

« L’Égypte souhaite atteindre l’équilibre nécessaire entre les droits et les devoirs des citoyens d’une part, et les défis sécuritaires de la lutte contre le terrorisme d’autre part », a encore déclaré le président égyptien dans une interview au quotidien Le Figaro, reconnaissant que « c’est une équation parfois difficile lorsque votre responsabilité est de sécuriser cent millions de citoyens. »

A propos de l’islam, M. Sissi entend « corriger les interprétations erronées des préceptes religieux érigés en prétextes idéologiques pour justifier la violence et le terrorisme ».

Pour la France, l’Égypte est « l’élément central de la stabilité régionale » et Paris travaille avec « dans un esprit de confiance et d’efficacité », selon un responsable gouvernemental, qui se défend de mettre la question des droits de l’homme sous le boisseau.

La rencontre entre MM. Macron et Sissi « permettra d’évoquer les sujets d’intérêt commun comme les crises régionales et la lutte contre le terrorisme, mais également la situation des droits de l’homme », indiquait la semaine dernière l’Elysée.

– Paris ‘têtu mais discret’ –

Toutefois, Paris revendique aussi la discrétion en la matière: « Si on arrive en leur disant ce n’est pas bien ce que vous faites, ce n’est pas efficace. Ce qui peut marcher, c’est d’évoquer des cas précis. Il faut être têtu mais discret », selon une source diplomatique.

« Il faut en parler publiquement », réplique Hussein Baoumi, responsable de campagne sur l’Egypte pour Amnesty International, pour qui « le silence des gouvernements étrangers » encourage la répression.

Mais pour Mohamed Zarea, vice-président de la FIDH, « la question n’est pas de critiquer, d’émettre des réserves, mais d’agir ».

Abdel Fatah al-Sissi est arrivé au pouvoir en 2013, après avoir destitué le président islamiste démocratiquement élu Mohamed Morsi. La répression s’est abattue en priorité sur les Frères musulmans, mais a touché peu à peu toute l’opposition, les médias, les ONG et la société civile.

« Il n’y a plus aucun espace pour la contestation, de quelque ordre qu’elle soit, en Egypte. Une seule opinion est permise, c’est l’opinion d’Etat », a dénoncé Hussein Baoumi.

Cécile Feuillatre

Source AFP 24/10/2017

 

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