L’Insee prévoit une baisse du PIB pour les six mois à venir. Avec augmentation du chômage.
La France devrait connaître une brève récession au quatrième trimestre 2011 et au premier trimestre 2012 et il sera « difficile » d’atteindre l’an prochain la prévision de 1% de croissance sur laquelle le gouvernement a basé son deuxième plan de rigueur, a estimé jeudi l’Insee.
L’activité économique redémarrera faiblement au deuxième trimestre mais l’acquis de croissance pour 2012 sera alors fin juin de 0%.
Pour atteindre 1% de croissance, il faudrait que le produit intérieur brut (PIB) croisse de 1,3% sur chacun des deux derniers trimestres, ont indiqué les experts de l’Institut national de la conjoncture et des études économiques au cours d’une conférence de presse jeudi.
« Il est clair que cela est difficile, au vu de notre scénario » qui prévoit un lent redémarrage de l’activité en France, a déclaré Sandrine Duchêne, chef du département de la conjoncture de l’Insee.
« Pour la France, les enquêtes de conjoncture montrent actuellement un fort ralentissement de l’activité », a-t-elle fait remarquer, prévoyant un recul du PIB de 0,2% au quatrième trimestre par rapport aux trois mois précédents, suivi d’une contraction de 0,1% au premier trimestre 2012.
Il s’agirait donc d’une brève récession, dont la définition technique est un recul du PIB pendant deux trimestres consécutifs au moins. La France était sortie au printemps 2009 d’une année de récession.
Une timide reprise de 0,1% est attendue sur avril-juin.
Hausse forte du chômage
« Notre scénario prévoit beaucoup d’inertie », a résumé Sandrine Duchêne. « Pourquoi cette inertie ? Parce que les moteurs de la reprise française pendant deux ans, l’investissement et l’emploi, calent ».
« Et quand un tel phénomène se produit, redémarrer la machine économique prend beaucoup de temps », a-t-elle expliqué.
Pour 2011, l’Insee a revu en baisse sa prévision d’expansion de l’activité économique, à 1,6% contre une prévision de 1,7% dans sa précédente note de conjoncture en octobre. Le gouvernement table sur 1,75%.
Sur le front de l’emploi, la situation continuerait de se détériorer. Le chômage, qui était de 9,3% en France métropolitaine au troisième trimestre atteindra 9,6% en juin, selon l’Insee. Pour la France entière, il devrait être alors de 10%.
Et de ce fait, les ménages maintiennent un bas de laine de précaution et leur taux d’épargne, de 17,1% au deuxième trimestre 2011 (un record depuis 1983), restera élevé à 16,8% en moyenne en 2011.
Pour la première fois depuis le premier trimestre 2010, l’investissement des entreprises non financières a baissé (-0,3%) au troisième trimestre et devrait continuer de chuter jusqu’à l’horizon de la prévision, soit fin juin.
Autre élément de la demande interne, les dépenses de consommation des ménages en produits manufacturés ont reculé au 2e et 3e trimestres.
« L’élan de la demande interne semble donc s’être grippé », estime l’Insee.
Réagissant au Sénat aux chiffres de l’Insee, la ministre du Budget, Valérie Pécresse, a affirmé qu' »il ne s’agit que de prévisions, des enquêtes réalisées auprès des chefs d’entreprise ». « Il ne s’agit pas de données réelles, mais de prévisions qui font état d’une croissance qui est stoppée à cause des inquiétudes liées aux turbulences que traverse la zone euro », a-t-elle précisé.
Elle a confirmé au Sénat la tenue d’un collectif budgétaire « au premier semestre 2012 » pour mettre en place l’accord européen de stabilité et « faire le point sur notre trajectoire ». Et elle a déclaré que « l’accord européen qui vient d’être scellé est de nature à ramener la confiance dans la zone euro » et « nous tiendrons nos engagements budgétaires et nous ne dévierons pas de notre trajectoire ».
Mais pour Michel Sapin, chargé du projet présidentiel de François Hollande, « la France est en récession. Ce que l’on pouvait craindre, ce que nous pensions comme inévitable, est aujourd’hui la réalité. La crise n’est donc pas derrière nous. La France est dans la crise et la crise est encore largement devant nous ».
« Il n’y a aucune marge de relance de la croissance par le budget », a déploré Robert Rochefort, vice-président du MoDem, « le moteur principal de la consommation est tombé en panne, d’où la récession. Les deux plans du gouvernement ont été injustes et ils s’avèrent insuffisants ».
Quant à Marine Le Pen, présidente du FN, « c’est l’effondrement du mythe du président qui protège ! C’est une très grave remise en cause des choix politiques et économiques de Nicolas Sarkozy, qui démontre qu’il est dans l’incapacité de proposer un chemin de sortie de la crise à la France », a-t-elle réagi.
Sur la chaussée, on peut encore voir les multiples traces de freinage. Ce sont les seules signes du drame de la nuit précédente. Trois jeunes Anglo-Pakistanais d’une trentaine d’années, dont deux frères, Shazad et Munir Hussein, sont morts renversés par une voiture conduite par des personnes d’origine africano-carribéenne.
Il était environ une heure trente, ils sortaient de la mosquée toute proche et retournaient dans la rue pour protéger leurs commerces contre les adolescents pillards. Dudley Road, au nord-est du centre de Birmingham, est la rue principale du quartier pakistanais. La deuxième ville d’Angleterre accueille l’une des plus importantes communautés asiatiques du pays.
Ce mardi, elle est sous le choc. La police a établi un large périmètre de sécurité autour du lieu du drame. Des jeunes se regroupent non loin, la plupart du temps silencieux. Raj Rattum, travailleur social depuis dix ans dans le quartier, s’inquiète: «Aujourd’hui la communauté est très triste et blessée. Tout le monde se connaît ici. Elle risque de réagir.»
Les tensions sociales entre les deux communautés ne sont pas nouvelles selon lui: «En 2005, il y a déjà eu un mort. Ce soir, ce n’est pas sûr, mais il peut y avoir des affrontements. Les anciens appellent au calme mais les jeunes vont vouloir se venger».
«La police ne fait rien»
Devant la petite mosquée de Dudley, une simple maison anglaise typique, une trentaine de personnes sont présentes, dans l’attente. M. Raschid, la soixantaine, le président de l’association cultuelle qui gère la mosquée, appelle au calme: «Les gens sont frustrés. Ils ont prévenus la police depuis plusieurs jours mais elle n’a rien fait.»
Il n‘est pas vraiment surpris des attaques contre la communauté anglo-pakistanaise: «Le centre de Birmingham était trop protégé et les Africains ont toujours été jaloux des Asiatiques. Nous, nous réussissons socialement et professionnellement. Mais j’espère qu’il n’y aura pas d’affrontements ce soir. Nous devons plutôt coopérer avec la police».
Justement, il est 14h30 et il doit se rendre a la réunion avec les autorités locales dans le gymnase d’une école primaire à quelques centaines de mètres de là. On prend son taxi – son vrai métier. On passe devant le commissariat de quartier. Il critique en souriant, désabusé: «C’est le poste de police sans policiers. Le soir, il ferme à 5 heures et après nous sommes seuls».
Le gymnase est comble, deux cents personnes, en très grande majorité des hommes pakistanais. Au premier rang, les anciens, longues barbes et souvent tout de blanc vêtu. Au fond, debout, les jeunes, en jeans et sweat, portant casquettes ou chachias.
Meurtre
Face à eux, quelques policiers et la député locale, Shabana Mahmood. Elle prend la parole, elle dit que justice sera faite, qu’il faut avoir confiance. L’officier en chef Sean Russel, en uniforme, poursuit: «Trois personnes sont mortes hier. Nous n’aurions jamais voulu que cela arrive a notre communauté». Il tente de justifier l’inefficacité de la police: «Nous avions mal évalué la menace. Il y a eu 20 fois plus de troubles que lors d’une nuit normale, c’était un vrai challenge pour nos effectifs». Il semble sincère et ému. La foule se tait, à l’écoute. «Je peux déjà vous assurer que nous considérons que c’est un meurtre et des suspects ont été arrêtés.»
Applaudissements nourris. La communauté pakistanaise avait peur que cela soit classé comme un accident de la route. L’inspecteur Richard Russel continue: «Les coupables vont connaître le pouvoir de la loi. Ils ne resteront pas impunis.» Applaudissements à nouveau.
Et puis, petit a petit, l’atmosphère change lorsque débutent les questions. La colère remonte, la tension, palpable, explose. Un homme se lève, virulent: «Ou étiez-vous? Pourquoi n’êtes vous pas intervenus?» Un autre: «Nous appelons toujours la police, vous ne venez jamais!» L’officier en chef se défend: «Vous êtes traités comme les autres communautés, je vous l’assure.» Il n’est pas écouté. Un troisième: «Nous avons perdu trois frères cette nuit. Vous ne faites pas votre travail. Quand il y a des émeutes, vos hommes ont peurs de prendre des risques!»
«Qu’allez-vous faire contre les noirs ?»
Les hommes demandent encore et encore s’il y aura vraiment des poursuites, ce que fera la police, pourquoi elle n’a pas agi hier soir. La rumeur dit que l’ambulance a mis du temps à venir car elle a été retardée par les policiers. Les policiers se défendent comme ils peuvent, répétant toujours les mêmes phrases: «60 policiers sont mobilisés, c’est un triple meurtre».
Les gens s’indignent qu’il n’y ait pas déjà d’arrestations. «Ce ne serait pas pareil s’il y avait eu trois morts a Londres», crie l’un. Tonnerre d’applaudissements. Ils sont persuadés que les policiers de la ville sont envoyés ailleurs — pour protéger la capitale ou Manchester. Sean Russel assure le contraire: «Je suis fier de faire partie de la police de Birmingham, nous avons toujours fait notre travail!»
«Que devons-nous faire ce soir?», demandent-ils tous. «Vous devez soutenir la police». «Mais comment?» «Vous devez nous soutenir, nous faire confiance». «Qu’allez vous faire contre les noirs?» insiste un jeune homme, un sikh.
La réunion n’est plus qu’un vaste brouhaha, plus personne ne s’écoute. Des jeunes montrent du doigt les policiers qui demandent le calme. Une représentante de la communauté noire, Sybil Spence, la soixantaine, arrivée au bout d’une heure, tente de prendre la parole. Plusieurs hommes quittent la salle. Son discours est inaudible. Elle cite David Cameron. «Qu’a-t-il fait pour que cela n’arrive pas?», demande la foule.
«Escalade»
L’officier en chef, Sean Russel, optimiste et ferme au départ, plisse le front, visiblement très ennuyé. Un jeune hurle: «C’est la communauté qui a protégé la mosquée hier et qui le fera encore ce soir alors que c’est votre job! Si vous ne faites rien, vous allez voir les musulmans et les sikhs aller dans la rue et finir le travail que vous devriez faire!»
La réunion dure depuis un peu plus de deux heures. Les hommes quittent le gymnase mais restent en nombre dans la petite cour de l’école. Giz Kahn, 28 ans, remonte Dudley Road – ou s’enchaînent les magasins de tapis, les bureaux Western Union et les vendeurs de kebabs – vers le lieu du drame. Il n’est pas très optimiste: «Hier les gens voulaient juste protéger leurs maisons et leurs magasins. Maintenant, l’ambiance est complètement différente. Dans les deux ou trois jours, il peut y avoir des affrontements. Je pense que ca va être l’escalade».
Quelques dizaines de mètres plus loin, le supermarché jamaïcain est toujours ouvert. Cinq ou six personnes d’origine carribéenne se tiennent devant, silencieuses. La nuit tombe, les bobbies sont de plus en plus nombreux. Un homme de la police scientifique frotte le bitume avec un balai pour effacer toute trace du drame.
Quentin Girard Libération
Londres : l’insondable péril jeune
Les jeunes sont-ils au cœur des émeutes ? Sans doute, puisque la police londonienne a arrêté un gamin de 11 ans. Mais le premier à plaider coupable, hier, était un homme de 31 ans travaillant comme assistant dans une école primaire. Poursuivi pour s’être trouvé dans un magasin pillé, sans rien voler, il a été relâché en attendant son procès.
Le Highbury Corner Magistrates Court juge ainsi à la chaîne depuis mardi soir, nuit comprise, les centaines de personnes arrêtées lors des trois jours d’émeutes dans la capitale. Deux chambres correctionnelles sont mobilisées ; procureurs, juges et avocats y assurant une sorte de trois-huit. Suivait un étudiant de 19 ans coupable d’avoir piqué deux tee-shirts. Souvent, le dossier de l’accusation tient à peu de choses. Pour le trentenaire jugé hier vers midi, le procureur résume : «On l’a vu sortir d’un magasin qui était l’objet de pillages. Il n’avait pas d’article volé sur lui.» Un second rôle, mais suffisant pour être poursuivi. Cet homme a été relâché en attendant son procès au fond, le 19 septembre, devant une Crown Court, un tribunal qui peut délivrer des peines plus sévères. Et sa liberté a une condition : un couvre-feu. «Vous ne pouvez pas sortir de chez vous entre 19 heures et 7 heures du matin. Vous porterez un bracelet électronique. L’alarme sonnera si vous sortez et vous serez emprisonné», explique le juge.
Portrait-robot. Qu’est-ce qui motive les émeutiers anglais, ceux qui, contrairement à ces prévenus, ont été vraiment actifs ? Comme souvent, un mélange de colère et d’ennui, de provocation et d’opportunisme, une sorte de doigt majeur tendu à toutes les autorités, à commencer par la police, et un hommage à la société de consommation, via les pillages. Au-delà de la jeunesse, majoritaire, il est difficile de dresser un portrait-robot. Hier, le quotidien The Guardian résumait : «Qui fait cela ? Des jeunes venant de quartiers pauvres, mais pas seulement.» D’autant que ce petit monde compte nombre d’opportunistes qui profitent de l’ouverture d’un magasin pour s’offrir un cadeau. «Hé ! Les banquiers piochent bien dans l’argent public quand ils sont en difficulté. Pourquoi nous, on ne pourrait pas se servir ?» rigole un habitant du quartier populaire de Hackney.
Mehmet, 21 ans, qui tient avec son père un «Social Club» à Kingsland Road, a croisé une bande de «60 à 80» émeutiers qui assaillaient lundi soir son quartier de Dalston, après avoir tenté de brûler un bus. «Des jeunes de 15 à 16 ans, parfois moins, dit-il. Ce n’étaient que des gosses ! Ils nous disaient : « Ne vous inquiétez pas, on n’a rien contre vous les Turcs, c’est contre le gouvernement ! »» Ce qui a laissé Mehmet sceptique. D’après lui, il n’y avait pas de grand message politique : «Ils voulaient juste s’amuser, profiter de l’occasion !»
Sur Kingsland Street, ils ont trouvé à qui parler : les commerçants turcs qui s’étaient organisés. «Ils avaient des armes, nous aussi», raconte Mehmet, en tâtant sa barre de fer disposée sous le comptoir. Devant la résistance, la bande s’est vite divisée en petits groupes, puis a disparu : elle ne cherchait pas l’affrontement, ou alors à distance, seulement, en balançant des projectiles sur les flics. Car beaucoup ont surtout envie de se payer la police. De l’humilier comme ils estiment qu’elle les humilie, surtout quand ils sont noirs. Un quadragénaire de Hackney a une explication : «Ces jeunes, les policiers les arrêtent constamment, les fouillent en les traitant de « nègres » et de « salopes ». Ils veulent donc se venger de ce harcèlement.» Et pour eux, se retrouver en position de force constitue un moment jouissif : narguer des forces de l’ordre contraintes à l’impuissance, puis se régaler devant les images de commerces et de voitures en feu qui passent en boucle sur les télés et terrorisent les Londoniens. Une revanche de laissés-pour-compte, maîtres du jeu urbain pour quelques heures.
Contradictions. La presse conservatrice réclame à leur encontre la plus grande sévérité, estimant qu’il n’y a aucune justification à leurs actes. Pour le Times, les émeutes constituent «une honte pour la nation» et la police doit retrouver son «monopole» sur l’usage de la force.
Est-ce la bonne méthode ? Même sans slogans explicites autres que quelques tags «Fuck the pigs» («nique les porcs», la police), les émeutiers expriment une lutte contre le système établi. Jay Kast, 24 ans, travailleur social, a expliqué au Guardian que ce qui les unit, c’est le sentiment d’être «piégés par le système. Ils ne se sentent pas collectivement impliqués dans la société, ils s’en foutent». Parmi eux, Kast a vu des jeunes Noirs, mais aussi «des gamins turcs ou asiatiques, et des adultes blancs». Comment s’adresser à eux ? Un autre travailleur social, de Hackney, ne sait plus : «On nous dit qu’il faut les amener autour d’une table, discuter. Mais ça ne veut rien dire, pour eux, discuter autour d’une table…» Paradoxe : pour un père, «tout ce qu’ils demandent, c’est que quelqu’un les écoute. Pas qu’on leur dise « fais ceci, fais cela ». Ce rôle, les parents doivent le tenir».
Face à ces contradictions, personne ne semble avoir de solution. «Ce n’est pas seulement qu’ils veulent piller, il y a autre chose derrière», assure un animateur. Mais quoi ? Toute la difficulté est de le comprendre. «Le gouvernement doit concentrer ses efforts là-dessus», ajoute-t-il. Mais hier, la priorité de David Cameron, le Premier ministre, était ailleurs : l’urgence d’un retour à l’ordre (lire ci-dessus). Pour traiter les causes profondes, il faudra attendre.
Après une nuit calme, Cameron étend les pouvoirs de la police
Le Premier ministre britannique David Cameron a dévoilé jeudi de nouvelles mesures anti-émeutes, n’excluant pas le recours à l’armée à l’avenir, alors que le pays a connu sa première nuit calme après quatre jours consécutifs de violences.
Devant le Parlement réuni en session extraordinaire, M. Cameron a annoncé des pouvoirs supplémentaires pour les policiers, leur donnant le pouvoir d’enlever foulards, masques et autres cagoules dissimulant le visage des personnes soupçonnées d’activité criminelles. Nombre de pillards, qui ont semé la terreur ces derniers jours dans plusieurs villes d’Angleterre, avaient le visage caché, compliquant leur identification sur les images des caméras de vidéo-surveillance.
Face à ces émeutes, qui ont fait quatre morts, les autorités réfléchissent aussi aux conditions de mise en place d’un couvre-feu, a ajouté le Premier ministre conservateur, qui n’a pas exclu le recours à l’armée à l’avenir. «Ma responsabilité est de veiller à ce qu’on considère toute éventualité, y compris si il y a des tâches que l’armée peut assurer et qui laisserait les mains libres à la police sur la ligne de front», a déclaré M. Cameron qui avait déjà annoncé en début de semaine d’importants renforts de police et le recours possible aux canons à eau.
«Criminalité pure et simple»
Dans un discours ferme, le chef de gouvernement, rentré d’urgence de vacances mardi, a condamné «la criminalité pure et simple» des émeutiers. Il ne s’agit «pas de politique, ni de manifestation, mais de vol», a-t-il estimé. La mort d’un homme, tué par la police la semaine dernière à Londres, a été «utilisée comme excuse par des voyous opportunistes», a-t-il affirmé.
Les émeutiers ont vandalisé de samedi à mercredi de nombreux commerces et incendié des bâtiments dans plusieurs villes d’Angleterre, dont Londres, qui doit accueillir les jeux Olympiques de 2012. «A un an des Jeux, nous devons montrer que la Grande-Bretagne n’est pas un pays qui détruit, mais un pays qui bâtit, qui ne baisse pas les bras, un pays qui fait face, qui ne regarde pas en arrière mais toujours en avant», a estimé M. Cameron.
La facture des violences urbaines dépassera largement le seuil des 225 millions d’euros (321 millions de dollars), selon des chiffres encore provisoires jeudi des assureurs et de groupements professionnels. Le gouvernement a annoncé de son côté la création d’un fonds de 22 millions d’euros (32 millions de dollars) pour venir en aide aux commerçants dont les magasins ont été dévalisés.
Birmingham appelée au calme
Et l’émotion était grande à Birmingham (centre), où trois jeunes hommes qui tentaient de protéger leur quartier des pillards ont été écrasés dans la nuit de mardi à mercredi par une voiture.
En soirée, des centaines de personnes se sont rassemblées dans le calme, bougies à la main, pour une cérémonie d’hommage. Tariq Jahan, dont le fils Haroon, 21 ans, figure parmi les victimes, a appelé à «respecter la mémoire de nos fils» en mettant fin aux violences.
La police a ouvert une enquête pour meurtre. Elle a arrêté un suspect, un homme de 32 ans.
Un homme de 68 ans, agressé par des jeunes lundi soir en essayant d’éteindre un incendie à Ealing, dans l’ouest de Londres, restait dans un état grave.
Dans les villes touchées par les troubles, les tribunaux continuaient toute la nuit à juger des centaines de personnes interpellées pour violences et pillages.
Plus d’un millier de personnes au total ont été arrêtées dans le pays depuis samedi. A Londres seule, 820 personnes ont été arrêtées et 279 inculpées, a annoncé Scotland Yard.
Pour faire face à l’afflux de personnes à juger, des tribunaux sont restés ouverts pendant la nuit. A la barre se sont notamment succédé un garçon de 11 ans qui a reconnu le vol d’une poubelle d’une valeur de 57 euros (81 dollars) et un aide-maternelle, également accusée de vol, qui a plaidé coupable.
Vingt-quatre heures après une première mise en garde aux fauteurs de troubles, David Cameron est revenu à la charge mercredi, promettant qu’il ne laisserait pas une «culture de la peur s’instaurer dans les rues».
Les policiers seront autorisés à utiliser «toute tactique qu’ils jugent nécessaire», a averti le chef du gouvernement, notamment des canons à eau jusqu’à présent réservés aux troubles en Irlande du Nord.
«Il fallait une riposte et la riposte est en cours», a poursuivi sur un ton très offensif le Premier ministre conservateur, faisant fi des inquiétudes «bidons concernant les droits de l’Homme» après la publication par la police de photos de pilleurs présumés.
Sillonnée par 16.000 policiers, Londres était restée calme mardi soir malgré la tension toujours perceptible.
La nuit de mardi à mercredi avait en revanche été le théâtre de violences et de pillages dans plusieurs autres villes, atteignant pour la première fois Manchester (nord-ouest), la troisième ville du pays, ainsi que Nottingham, Birmingham (centre) et sa banlieue, Liverpool, Salford (nord-ouest), Bristol et Gloucester (sud-ouest).
Compliquant encore la situation, des groupes d’autodéfense se sont constitués à Londres.
Crise difficile pour Cameron
Ces émeutes, les plus graves dans le pays depuis plus de vingt ans, constituent sans doute la pire crise à laquelle doit faire face David Cameron en quinze mois de pouvoir.
Déjà en position très délicate au début de l’été à cause du scandale des écoutes et de ses liens avec le groupe de presse de Rupert Murdoch, il a été vivement critiqué pour n’avoir écourté que mardi ses vacances alors que les émeutes faisaient rage depuis trois jours.
Et dans les villes saccagées, des habitants se plaignent que le gouvernement ne parvienne pas à reprendre la situation en main.
L’opposition se garde pour l’instant de jeter de l’huile sur le feu et condamne sans ambiguïtés les violences. Certains travaillistes commencent toutefois à dire que le plan de rigueur du gouvernement, incluant des baisses d’effectifs dans la police, a contribué à faire monter la tension sociale.
Mais selon un sondage diffusé jeudi, seuls 8% des Britanniques pensent que c’est la politique d’austérité qui a entraîné les émeutes. La majorité accuse la criminalité (42%) et la culture des gangs (26%). 5% désignent le chômage, et la même proportion les tensions raciales. Ils sont aussi nombreux à critiquer le gouvernement, accusé d’avoir mal géré la crise (57%).
C’est le choc des images : celles de Londres en proie aux pires émeutes de mémoire de Londonien, et celles de la Bourse et de ces visages atterrés de traders sous le choc. Qu’est-ce que ces deux scènes sans rapport apparent nous disent sur notre monde ?
La crise financière et la violence urbaine : le rapprochement est hasardeux, et pourtant, inévitable, ne serait-ce que parce que ces deux sujets se disputent la une des journaux sans qu’il soit aisé de les analyser à chaud.
Le rapprochement, pourtant, s’impose, car réduire les émeutes de Londres, comme le font de nombreux politiciens et journalistes britanniques, à de simples actes criminels, sans prendre en considération le contexte économique et social dans lequel elles se produisent, relève de l’aveuglement. Même si les scènes de pillage, la dégradation gratuite, et la violence sans but évident brouillent le sens et facilitent les analyses réductrices, comme en France en 2005, lors de l’explosion des banlieues.
« Observez et pleurez pour notre avenir »
C’est dans le Daily Telegraph, le vieux quotidien conservateur, pourtant, qu’à côté des éditoriaux « law and order », on trouve cette analyse de Mary Riddell, chroniqueuse du journal :
« Ce n’est pas une coïncidence si les pires violences que Londres a connues en plusieurs décennies se déroulent dans un contexte d’économie mondiale en train de s’effondrer.
Bien que l’épicentre de l’actuelle crise soit dans la zone euro, les gouvernements britanniques successifs se sont employés à cultiver la pauvreté, les inégalités, et l’inhumanité qui sont aujourd’hui exacerbées avec la crise financière.
L’absence de croissance de la Grande-Bretagne n’est pas un sujet de discussion ni même un argument pour accabler George Osborne [le chancelier de l’échiquier ou ministre de l’Economie et des Finances britannique, ndlr], pas plus que notre force de non-travail sans formation, démotivée et sous-éduquée, n’est une variable d’ajustement de notre bilan national.
Observez les équipes de casseurs à l’action dans les rues de nos villes, et pleurez pour notre avenir. La génération perdue s’entraîne pour la guerre. »
Excessif ? Réaction trop émotionnelle sous le coup des images des bâtiments en flamme et de l’« anarchie » qui monte, comme le titrent plusieurs quotidiens ? Toujours plus d’austérité ?
La crise sociale a bon dos pour justifier des pillages insensés, répondent les apôtres de la répression et du « Kärcher » pour régler les problèmes. Mais la répression suffirait-elle pour résoudre la question du chômage massif (en Grande-Bretagne comme dans les quartiers défavorisés de France, comme en Espagne ou en Grèce), l’absence de perspective, des budgets sociaux décroissants, de l’insécurité ?
C’est là que la crise financière et la panique actuelle entrent en jeu. La crise financière, centrée sur la question de la dette et des équilibres budgétaires, pousse tous les gouvernements européens à plus d’austérité, à des réductions de dépenses publiques, à rogner et à diluer le modèle de société bâti dans l’après-guerre.
Comme l’ont joliment exprimé les « indignados » de Madrid, « nous ne sommes pas contre le système, c’est le système qui est anti-nous »…
Ces politiques, présentées comme inévitables pour « rassurer les marchés » et mettre fin à l’« esclavage » de la dette et du déficit, sont perçues par une part croissante de la population, en Europe, comme le prix payé par les pauvres pour un système qui est devenu fou, celui de la finance-reine.
En 2008-2009, les citoyens ont assisté au sauvetage des banques qui avaient participé au système et avaient manqué d’y laisser leur peau ; en 2011, c’est à eux qu’on présente l’addition.
Les émeutes de Londres ne sont pas directement liées aux derniers épisodes de la crise financière, qu’il s’agisse des soubresauts de la zone euro ou de la dégradation de la note de la dette américaine… Mais elles font assurément partie du paysage social d’une Europe ultra-libéralisée et paupérisée (c’est en particulier vrai en Grande-Bretagne après les périodes choc de Thatcher et Blair), en train de subir des électrochocs (Irlande, Portugal, Grèce…) peut-être insupportables.
Les dirigeants politiques européens actuels, concentrés sur l’objectif prioritaire de sauver ce qui peut l’être du système monétaire et de leur crédit, comme ceux qui aspirent à diriger leurs pays demain, auraient tort de négliger les signaux qui sont envoyés par les populations. Sous la forme éminemment sympathique des « indignados » de Madrid, ou sous celle, sinistre, des émeutiers de Londres.
Confrontés à la dure réalité des salaires impayés, des entreprises en faillite et du chômage de masse, les Grecs ont de plus en plus recours à la désobéissance civile. Va-t-on vers une reconfiguration du paysage politique grec ? se demande The Guardian.
A Thessalonique, parmi les bars élégants qui s’alignent sur le front de mer historique, un restaurant attire les regards. « Rendez-nous notre argent ! », clame une banderole accrochée à la devanture de cette franchise d’Applebee’s [chaîne américaine de restaurants-grills]. A l’intérieur, 12 salariés ont changé les serrures. Ils servent des canettes de bière de supermarché et dorment à tour de rôle sur le sol du restaurant pour protester contre des retards de salaires qui durent depuis plusieurs mois et la fermeture soudaine du restaurant. On a là un nouveau symbole de la crise financière grecque : une grève de serveurs avec occupation des locaux.
Margarita Koutalaki, une serveuse de 37 ans à la voix douce, divorcée et mère d’une fille de 11 ans, a travaillé ici à temps partiel pendant huit ans. Elle gagnait environ 6,50 euros de l’heure. Aujourd’hui, elle a installé son matelas gonflable dans une pièce à l’étage, occupant les locaux tandis que ses parents gardent sa fille.
« On me doit environ 3 000 euros de salaires impayés », explique-t-elle, rappelant qu’elle partage le sort d’une multitude de salariés dans toute la Grèce, qui ont plusieurs mois de salaire en retard, leurs entreprises étant en difficulté.
« On nous a d’abord dit qu’on nous paierait le mois suivant, puis la paie s’est arrêtée complètement et on nous a appris par téléphone que le restaurant fermait. Nous travaillons toujours, nous faisons tourner l’entreprise, nous fournissons de la nourriture et des boissons à ceux qui nous soutiennent. Nous avons davantage de clients qu’autrefois. C’est la seule action que nous puissions faire, cela s’est imposé comme une évidence. »
Les serveurs proposent des boissons bon marché et des dîners à prix réduits à ces « indignés », dont le mouvement est apparu il y a quatre mois. Auparavant, cette nouvelle clientèle, souvent gauchiste, n’aurait jamais mis les pieds dans ce bastion de l’impérialisme. Une banderole en anglais appâte les touristes en proposant des souvlakis et des boulettes de viande bon marché « pour soutenir les travailleurs ».
Voilà un mois que la Grèce est paralysée par une grève générale anti-austérité. Ainsi, la place Syntagma, à Athènes, a été le théâtre d’importantes mobilisations, avec des batailles rangées entre la police et les manifestants.
Le mouvement n’a pas faibli pendant les vacances d’été
Les Grecs se méfient plus que jamais de la classe politique et doutent de sa capacité à les sortir de cette crise financière sans précédent. Les sondages font apparaître un mépris grandissant envers tous les partis, ainsi qu’un discrédit du système politique. Le chômage touche 16 % de la population active, atteignant des sommets parmi les jeunes. Ceux qui ont la chance d’avoir encore un emploi ont subi de fortes baisses de salaire, ce à quoi vient s’ajouter l’augmentation des impôts.
Récemment, les médecins et les infirmières se sont mis en grève pour protester contre les coupes budgétaires dans les hôpitaux. Ces deux dernières semaines, les chauffeurs de taxi en grève ont perturbé la circulation dans toute la Grèce, protestant contre l’ouverture de leur secteur à davantage de concurrence. Ils ont notamment bloqué les accès aux ports et occupé le bureau de délivrance des billets pour l’Acropole, laissant passer les touristes gratuitement.
Fait essentiel, le mouvement de désobéissance civile n’a pas faibli pendant les vacances d’été : des citoyens lambda refusent toujours de payer les péages, les tickets, les hausses des honoraires médicaux, etc. Le mouvement « Nous ne paierons pas » se veut l’expression par excellence du « pouvoir du peuple ». Ses organisateurs annoncent que l’offensive pourrait reprendre de plus belle en septembre, lorsque le gouvernement va lancer une nouvelle série de mesures d’austérité.
Sur la route principale Athènes-Thessalonique, tandis que les automobilistes regagnent Thessalonique après un dimanche à la plage, une foule de manifestants en gilets de sécurité orange montent la garde au poste de péage principal menant à la deuxième ville de Grèce. Leurs gilets sont frappés du slogan : « Désobéissance totale ». Ils soulèvent les barrières rouges et blanches et invitent les conducteurs à passer sans payer les 2,80 euros de péage. Sur leurs banderoles, on peut lire : « Nous ne paierons pas », ou encore : « Nous ne donnerons pas notre argent aux banquiers étrangers ». Les automobilistes passent, reconnaissants, certains adressant un signe d’encouragement aux manifestants.
Les partis de gauche ont adhéré
« Nous allons assister à un résurgence de la désobéissance civile à l’automne », nous déclare Nikos Noulas, un ingénieur civil de Thessalonique, dans un café du centre, tout en déroulant une série d’affiches appelant au refus de payer.
Dès le début de l’année, le mouvement battait son plein : les voyageurs étaient invités à resquiller dans le métro à Athènes, les manifestants ayant recouvert les distributeurs de tickets sous des sacs plastiques, et à Thessalonique, les usagers ont pendant longtemps refusé de payer le bus après la hausse du ticket imposée par des sociétés privées subventionnées par l’Etat. D’autres refusent de payer leur redevance de télévision.
Les partis de gauche ont adhéré au mouvement, lui donnant une plus grande visibilité. En mars, plus de la moitié de la population était favorable au principe du refus de payer. Le gouvernement a pourfendu ce qu’il qualifiait de « parasitisme » irresponsable, affirmant que les resquilleurs nuisaient à la réputation du pays et privaient l’Etat de sources de revenus indispensables. De nouvelles lois contre le resquillage ont été adoptées et la police a sévi.
« C’est le début d’un divorce entre les Grecs et leurs responsables politiques, affirme l’écrivain Nikos Dimou. Dans tous ces mouvements, on retrouve un même ras-le-bol de la classe politique ». A Thessalonique, les esprits sont particulièrement échauffés. Fin juillet, les « indignés » ont dû replier les tentes qu’ils avaient déployées sur la place Syntagma, mais la Tour blanche de Thessalonique, située sur le front de mer, est toujours entourée de tentes et tendue de banderoles affichant « A vendre » et « Pas à vendre ».
« La Grèce vit un tournant de son histoire politique »
Il faut dire que le nord de la Grèce a été particulièrement frappé par la crise. Des entreprises ont commencé à mettre la clé sous la porte avant même le début de la débâcle financière. Résultat, l’activité économique est au point mort, et la mairie de Thessalonique a même pu afficher une nette amélioration de la qualité de l’air dans cette ville jusqu’alors congestionnée. Le 10 septembre, quand le Premier ministre grec Georges Papandréou se rendra à la célèbre foire internationale de Thessalonique pour présenter ses nouvelles mesures économiques, il sera accueilli par des manifestations.
Les indignés de Thessalonique pratiquent le flash-mobbing (mobilisations éclair), notamment devant des banques ou des bâtiments publics. Leur dernière cible a été le consulat d’Allemagne, devant lequel des dizaines de manifestants ont scandé des slogans et peint les trottoirs à la bombe, exigeant de l’Union européenne un plus gros effort, tandis que des policiers en civils se contentaient de regarder.
Antonis Gazakis, professeur de langue et d’histoire, affirme qu’il est frappé de voir qu’aujourd’hui le mouvement fait de nouvelles recrues, issues de toutes les tendances politiques, certains manifestants [de la Tour blanche] n’étant liés à aucun parti et ne s’étant jamais mobilisés auparavant. Ils veulent tous participer pleinement à ce débat sur les moyens de renouveler un système politique et parlementaire qu’ils jugent corrompu. « La Grèce vit un tournant de son histoire politique, assure Gazakis. C’est pourquoi je compte bien rester ici cet été. La dernière fois que le peuple est descendu dans la rue pour exiger un changement de constitution d’un telle importance, c’était en 1909. C’est une occasion idéale, un changement de modèle. La Grèce s’est réveillée. »
La participation des créanciers privés confirmée en France, en débat dans le reste en Europe
Alors que Nicolas Sarkozy a annoncé que des créanciers privés prendraient part à un nouveau plan de soutien français en faveur de la Grèce, banquiers et responsables gouvernementaux européens se sont réunis sur le sujet, sans pour autant décider.
C’est au moment où l’on apprenait que l’Institut de la finance internationale (IIF), principal lobby des banques, devait se réunir lundi matin à Rome avec les responsables gouvernementaux européens, que Nicolas Sarkozy a confirmé la proposition d’un nouveau plan français en faveur de la Grèce, auquel prendraient part des créanciers privés.
Banquiers, responsables gouvernementaux européens, et représentants du secteur public et du secteur privé, dont Vittorio Grilli, le président du Comité Economique et Financier européen et Charles Dallara, directeur général de l’IIF, ont participé à cette réunion. La nouvelle proposition élaborée par le Trésor français et des banques françaises a été étudiée.
Le plan mis au point ce week-end prévoit que les banques et assurances françaises créancières de la Grèce réinvestissent, sur la base du volontariat, 70% des sommes qu’elles perçoivent lorsque Athènes leur rembourse des obligations arrivées à échéance. Sur ces 70%, 50% doivent allouées à des nouveaux emprunts publics grecs à 30 ans, et 20% doivent être placés sur une sorte de garantie qui sécurise cette nouvelle dette grecque.
A l’issue de la réunion, aucune décision n’a cependant été prise à l’échelle européenne. « Cette réunion était un échange de vues à un niveau technique entre le monde financier et les responsables européens », a indiqué une source gouvernementale à l’AFP à l’issue de cette réunion.
Des négociations entamées avec les assureurs depuis mercredi
Les autorités des pays de la zone euro avaient entamé dès mercredi des négociations avec les créanciers privés de la Grèce, principalement des banques et des assureurs, pour obtenir d’eux une participation volontaire au nouveau plan de soutien à l’Etat grec. Selon un porte-parole de l’IIF, M. Dallara a rencontré ces derniers jours des « responsables publics et des créanciers privés afin de fournir un soutien informel à la poursuite du programme grec ».
L’enjeu de ce consensus consiste à éviter que la formule adoptée ne soit interprétée comme un défaut de paiement par les agences de notation, ce qui pourrait déclencher une réaction en chaîne et menacer le système financier tout entier. Malheureusement, cette réunion qui aura lieu au siège du Trésor italien à huis clos ne sera pas suivie d’une conférence de presse.
New Assurance Pro avec AFP
« Nous voilà endettés pour trente ans ! »
Le quotidien de gauche Eleftherotypia ne partage le soulagement du reste de la presse grecque après l’adoption du second plan européen pour le sauvetage du pays.
Le plan accordé hier à la Grèce nous plonge dans un tunnel d’emprunt de trente ans. Le futur est incertain quant à la sortie du pays de la tutelle économique internationale, d’autant que la dette grecque sera désormais qualifiée de « défaut sélectif » par les agences de notation. Tout les dirigeants européens ont mis de l’eau dans leur vin et ont reculé sur les objectifs ; surtout le gouvernement grec. D’ailleurs, peut-on vraiment parler de plan de sauvetage ? Devant nous, une seule issue se dessine : « Un nouveau plan de sauvetage pour le pays, avec le FMI et une participation volontaire des banques » comme l’indique le texte rédigé par les Vingt-sept.
La participation du secteur privé n’a pas été précisée avec exactitude et la possibilité d’une mise en faillite n’a pas été écartée ; l’éventualité d’une contagion aux autres pays en difficulté non plus. Cela signifie que ce programme pourrait s’accompagner d’un taux d’intérêt supérieur à ceux pratiqués habituellement (2,8 % pour l’Allemagne, 3,5 % pour le reste de l’Europe en moyenne). D’autres détails sont tout aussi inquiétants.
La participation volontaire de 50 milliards serait, si on en croit les données de l’Institute of International Finance, un simple programme de « roll-over », c’est à dire un simple roulement sans résoudre le problème de la dette. Ce roulement réduit la marge de manœuvre des banques. Et les agences de notation pourront toujours taper sur le défaut sélectif de la Grèce.
L’apport de liquidités aux banques grecques est inutile. Il s’agit de de 35 milliards pour couvrir leurs besoins en cas de difficulté. Au total, les banques greques ont reçu quelque 100 milliards. Mais l’UE veut que ce financement assure le développement, c’est à dire fournir des liquidités aux marchés pour encourager les entreprises. C’est l’essence du nouveau « plan Marshall ». Or pour l’instant elles ne le font pas.
On ne sait toujours pas quelles mesures d’austérité accompagneront ce nouveau plan.
Est-ce que le sauvetage des banques comprend aussi les caisses d’assurances ? Elle aussi possèdent, pourtant, des obligations… Que de questions en suspens sur des mesures qui seront au final, peut-être, testées sur la Grèce pour mieux être appliquées ailleurs… La seule chose de sûre est que les technocrates américains et européens se préparent à s’installer en Grèce pour au moins 30 ans afin d’exercer un contrôle international sur les comptes du pays.
Eleni Kostarelou (Eleftherotypia)
La Grèce, esclave de l’Europe
Privés du contrôle de la dette de leur pays, les Grecs sont châtiés et pressurés par la BCE et le FMI. Le point de vue d’un économiste américain.
Imaginez que, au cours de l’année la plus noire de notre récente récession, le gouvernement des Etats-Unis ait décidé de réduire le déficit budgétaire de plus de 800 milliards de dollars en taillant dans les dépenses publiques et en augmentant les impôts. Imaginez que, conséquence de ces mesures, la situation économique se soit détériorée, que le chômage ait crevé le plafond, pour dépasser 16 %. Imaginez maintenant que le président promette de récupérer 400 milliards de dollars de plus cette année, en économies et en hausses d’impôt supplémentaires. Comment croyez-vous que réagirait l’opinion publique ?
Probablement comme elle le fait en Grèce aujourd’hui, manifestations de masse et émeutes comprises. Car c’est exactement ce qu’a fait le gouvernement grec. Les chiffres ci-dessus sont simplement proportionnels aux dimensions respectives des deux économies. Certes, le gouvernement américain ne se risquerait jamais à ce qu’a entrepris son homologue hellène : n’oubliez pas que la bataille du budget d’avril dernier, qui a vu les républicains de la Chambre menacer de faire tomber le gouvernement, a abouti à des coupes budgétaires de 38 milliards de dollars seulement.
Les Grecs sont d’autant plus en colère que le châtiment collectif dont ils sont victimes leur est infligé par des puissances étrangères – la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI). Cela met en lumière ce qui est peut-être le problème le plus aigu, celui qu’incarnent des institutions supranationales, orientées à droite et échappant à tout contrôle. La Grèce n’en serait pas là si elle n’était pas membre d’une union monétaire. Si ses propres dirigeants étaient assez idiots pour, de leur propre chef, pratiquer des coupes claires dans les dépenses publiques et augmenter les impôts en pleine récession, ils seraient remplacés. Puis un nouveau gouvernement ferait ce que la grande majorité des gouvernements de la planète a fait lors de la récession de 2009 : exactement le contraire. Ils mettraient en œuvre un plan de relance, ou ce que les économistes définissent comme une politique contracyclique.
Et si cela devait passer par une renégociation de la dette publique, alors c’est ce que ferait le pays. De toute façon, c’est ce qui se produira, même sous la férule des autorités européennes, mais au préalable celles-ci soumettent la Grèce à des années de souffrances inutiles. Et elles profitent de la situation pour privatiser des actifs publics pour une bouchée de pain et restructurer l’économie et l’Etat grecs à leur convenance.
Châtiment collectif
Un gouvernement grec démocratiquement responsable adopterait une ligne beaucoup plus dure face aux autorités européennes. Par exemple, il pourrait commencer par un moratoire sur le paiement des intérêts, qui se montent actuellement à 6,6 % du PIB. (C’est un fardeau terrible, et selon les prévisions du FMI il devrait représenter 8,6 % du PIB d’ici à 2014. En comparaison, en dépit de tout le tintamarre qui se fait à propos de la dette américaine, le taux d’intérêt net sur la dette publique étasunienne représente aujourd’hui 1,4 % de son PIB.) Cela dégagerait assez de fonds pour un programme sérieux de relance, tandis que le gouvernement négocierait une inévitable révision de la dette à la baisse. Bien sûr, cela exaspérerait les autorités européennes – qui considèrent la situation du point de vue de leurs grandes banques et des créanciers –, mais le gouvernement grec se trouverait au moins dans une position raisonnable avant d’ouvrir les négociations.
A en juger par la toute dernière révision de l’accord entre le FMI et Athènes, il semblerait que l’euro soit encore surévalué de 20 à 34 % pour l’économie grecque. Ce qui écarte encore un peu plus la possibilité d’une reprise engendrée par une “dévaluation interne” – qui consiste à rendre l’économie plus compétitive en maintenant le chômage à un niveau extrêmement élevé pour faire baisser les salaires. Mais le plus gros problème, c’est que la politique budgétaire du pays ne va pas dans le bon sens. Et, évidemment, Athènes ne peut pas faire jouer la politique monétaire, puisqu’elle est sous le contrôle de la BCE.
Les autorités européennes disposent de tout l’argent nécessaire pour financer un programme de relance en Grèce, tout en renflouant leurs banques si elles ne veulent pas les voir essuyer les pertes inévitables liées à leurs prêts. Rien ne justifie que l’on continue ainsi à infliger un châtiment sans fin au peuple grec.
Mark Weisbrot (The Guardian)
Note : * Economiste et codirecteur du Center for Economy and Policy Research, un centre de recherche de Washington, il publie régulièrement des chroniques pour The Guardian.
C’est un été d’état de crise humanitaire. Hier, les travailleurs sociaux d’une trentaine de départements se sont déclarés en grève pour dénoncer un dispositif d’hébergement d’urgence en inadéquation avec les besoins actuels. Ces personnels en charge de l’urgence sociale se disent confrontés à des situations humaines intolérables : des familles à la rue avec des enfants en bas âge se présentent notamment à eux, mais ils sont dans l’incapacité de leur trouver une solution d’hébergement, toutes les places disponibles ayant déjà été attribuées. Hier après-midi, des travailleurs sociaux se sont rassemblés à Paris, square Boucicaut, où Droit au logement a installé un campement de familles sans abri. Une délégation a également été reçue au secrétariat d’Etat au Logement.
Qu’en est-il des capacités d’hébergement d’urgence ?
Depuis quatre ans, les prises en charge hôtelières de personnes sans abri sont en constante augmentation, preuve de la précarité qui gagne du terrain : 7 507 nuitées quotidiennes en moyenne en juin 2007 en Ile-de-France, 9 207 en 2009 puis 12 443 en 2010 et 12 259 en 2011. La même tendance est observée pour tous les autres mois de l’année. Outre les chambres d’hôtels, qui servent de variables d’ajustement, s’ajoutent évidemment les centres d’hébergement. Au niveau national, le dispositif d’urgence est passé de 90 000 places en 2007 à 115 000 en 2011, selon le secrétariat d’Etat au Logement. Des chiffres que ne conteste pas Matthieu Angotti, directeur général de la Fédération nationale des associations de réinsertion sociale (Fnars). Mais les demandes d’hébergement continuent à augmenter «du fait d’un développement des situations de précarité liées à la crise économique», explique-t-il. Pour lui, les effets de la crise économique se font sentir maintenant, avec un temps de retard donc. «Beaucoup de chômeurs arrivent en fin de droits. Les impayés de loyers augmentent et on a plus d’expulsions locatives.» Outre la montée de la précarité, le dispositif d’hébergement est mis sous tension par l’afflux de demandeurs ou de déboutés du droit d’asile, plus nombreux du fait des désordres planétaires.
Pourquoi la crise surgit-elle cet été ?
Le changement de braquet du gouvernement est à l’origine de la crise. Depuis 2007, les associations disposaient d’une marge de manœuvre pour ajuster l’offre d’hébergement aux besoins. En cas de nécessité, elles augmentaient leurs recours à des nuitées d’hôtel et l’Etat donnait des rallonges pour couvrir la dépense. En 2010, les moyens dédiés aux sans-abri se sont ainsi élevés à 1,246 milliard d’euros. En 2011, le gouvernement a serré la vis, ramenant l’enveloppe à 1,206 milliard, en baisse de 40 millions (-3,3%), au prétexte que les crédits avaient beaucoup augmenté depuis 2007 (1,02 milliard à l’époque). L’Etat a aussi décrété la fin des rallonges. Ce qui a créé un blocage chaotique, faute de possibilités d’ajustement du dispositif à coups de nuitées d’hôtel.
Le gouvernement va-t-il rester droit dans ses bottes ?
Lundi, après le Conseil des ministres, début des vacances gouvernementales, le secrétaire d’Etat au Logement, Benoist Apparu, a filé sur le terrain. Il s’est rendu à Vanves (Hauts-de-Seine) dans un hôtel qui sert pour le Samu social de sas d’orientation pour les personnes sans abri. Puis il a rendu visite à une famille relogée au Bourget (Seine-Saint-Denis) dans le cadre d’un dispositif appelé «Solibail» (lire page 4), qui consiste à privilégier le placement dans des logements ordinaires plutôt qu’à l’hôtel. Une solution plus vivable pour les familles, et moins chère pour l’Etat. A ce jour, 1 679 ménages ont bénéficié de ce dispositif. Mais, compte tenu du nombre de familles ou de personnes isolées sollicitant chaque jour le 115, il reste insuffisant. Il n’est pas exclu que le gouvernement finisse par lâcher une petite rallonge, histoire de fluidifier un peu un dispositif trop rigidifié.